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Rapport N° 36571–ML MALI Des diagnostics sectoriels vers une stratégie intégrée de croissance: Mémorandum économique (en deux volumes) Volume II : Diagnostics sectoriels Traduction de la version de 29 septembre 2006 PREM 4 Région Afrique Document de la Banque mondiale

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Rapport N° 36571–ML

MALI Des diagnostics sectoriels vers une stratégie intégrée de croissance:

Mémorandum économique (en deux volumes) Volume II : Diagnostics sectoriels Traduction de la version de 29 septembre 2006 PREM 4 Région Afrique

Document de la Banque mondiale

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EQUIVALENTS MONETAIRES Unité monétaire = Franc CFA (FCFA)

1 USD = 543 FCFA Exercice : du 1er janvier au 31 décembre

ACRONYMES ET ABREVIATIONS

ACI Agence de cessions immobilières ACP-UE (accord) Afrique-Caraïbes-Pacifique––Union européenne AfSS Afrique subsaharienne AGEROUTE Agence chargée de l’entretien des routes AGETIER Agence d’exécution des travaux d’infrastructures et d’équipement ruraux AGOA Africa Growth Opportunity Act (loi américaine) APROFA Agence pour la promotion des filières agricoles AT Assistance technique AVD Analyse de la viabilité de la dette AZI-SA Agence pour l’aménagement et la gestion des zones industrielles BCEAO Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest BCNJ Bureaux de contrôle nationaux juxtaposés BCS Banque Commerciale du Sahel BDA Banque de données actives (Banque mondiale) BDM Banque de développement du Mali BHM Banque de l’Habitat du Mali BIC (Impôt sur les) bénéfices industriels et commerciaux BICIM Banque International pour le Commerce et l’Industrie du Mali BIM Banque Internationale du Mali BM Banque mondiale BMS Banque Malienne de Solidarité BNDA Banque Nationale de Développement Agricole BOA Bank of Africa BOAD Banque Ouest Africaine de Développement BRS Banque Régionale de Solidarité BSIC Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement et le Commerce CA Chiffre d’affaires (annuel d’une entreprise) CANEF Centre d’appui nutritionnel et économique aux femmes CAS Crédit d’ajustement structurel CAS-SFD Cellule d’appui et de suivi des systèmes financiers décentralisés CBAO Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale CCS-SFD Cellule de contrôle et de suivi des systèmes financiers décentralisés CDF Code domanial et foncier CEDEAO Communauté des États d’Afrique de l’Ouest CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale CEN- SAD Communauté des États sahéliens-sahariens CFA Communauté financière d’Afrique CGSE (techniques et pratiques de) conservation et gestion du sol et de l’eau CI Créances improductives CIMA Conférence interafricaine des marchés d’assurance CIMC Coefficient d’intensité marginale du capital CIPI Croissance de l’indice des prix des importations CISA Crédit Initiative SA CMDT Compagnie malienne pour le développement des textiles CNRA Centre Nationale de Recherche Agricole CNUCED Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement COMATEX Compagnie Malienne des Textiles CPA- SFD Cellule de promotion et d’appui des systèmes financiers décentralisés CPCC Code des procédures civile et commerciale

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CPS Contribution pour prestation de service CREPMF Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers CVECA Caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées DAB Distributeurs automatiques de billets DD Droits de douane DNCC Direction nationale de la concurrence et du commerce DNR Direction nationale des routes DNSI Direction nationale de la statistique et de l’information DNTT Direction nationale des transports terrestres DSF Développement du secteur financier DSRP Document de Stratégie de réduction de la pauvreté DTDR Direction Technique du Développement Rural de la CMDT EDIC Étude Diagnostic de l’Intégration Commerciale (Banque mondiale) DTR Droits de traversée routière ECI Enquête sur le climat de l’investissement (Banque mondiale) ECOFIL Programme Économie des filières de d’Institut d’Économie rurale (IER) EDM Énergie du Mali EIB Épargne intérieur brute EMA Entrepôts du Mali EMF Établissements de microfinance FCFA Franc CFA FCRMD Fédération des Caisses Rurales Mutualistes du Delta FMI Fond monétaire international FOB Free on Board (franco à bord) GBM Groupe Banque mondiale GDCM Grand Distributeur Céréalier du Mali GdM Gouvernement du Mali GIE Groupement d’intérêt économique GMM Grands Moulins du Mali GW Gigawatt ha hectare HRV Haussman, Rodrik et Velasco HUICOMA Huilerie Cotonnière du Mali IADM Initiative d’allègement de la dette multilatérale IAS Impôt sur les Affaires et Services IBC Cabinet d’études IDA Association pour le Développement international (GBM) IDE Investissement direct étranger IDM Indicateurs de développement dans le monde (Banque mondiale) IER Institut d’Économie rurale IIB Investissement intérieur brut IPR/IFRA Institut polytechnique rural / Institut de Formation et de recherche appliquée IRPP Impôt sur le revenu des personnes physiques ITC Centre de commerce international (de la CNUCED) ITEMA Industrie Textile du Mali KFW Kreditanstalt fuer Wiederaufbau (Banque de développement allemande) kWh kilowattheure M2 Masse monétaire large MCS Matrice de la comptabilité sociale MET Ministère de l’équipement et des transports MPME Micro, petites et moyenne entreprises MSU/INSAH Université du Michigan /Institut du Sahel MW Mégawatt NPK Engrais Azote-Phosphore-Potassium OCDE Organisation de coopération et de développement économique ODM Objectifs de développement pour le millénaire OHADA Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique

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OHVN Office de la haute vallée du Niger OMA Observatoire des marchés agricoles OMATHO Office malien du tourisme et de l’hôtellerie OMC Organisation mondiale du Commerce OMH Office Malien de l’Habitat OMVS Office pour la mise en valeur du fleuve Sénégal OMVS Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal ON Office du Niger ONG Organisation non gouvernementale ONMOE Office de la Main d’œuvre et de l’Emploi ONUDI Organisation des Nations unies pour le développement industriel PARMEC Projet d’appui à la réglementation sur les mutuelles d’épargne et de crédit - id - Loi réglementant les mutuelles d’épargne et de crédit PASAOP Programme d’appui aux services agricoles et aux organisations paysannes PC Prélèvement communautaire (CEDEAO) PCISP Part du crédit intérieur au secteur privé dans l’ensemble du crédit PCS Prélèvement communautaire de solidarité (UEMOA) PDSF Programme de développement du secteur financier PGF Productivité globale des facteurs PIB Produit intérieur brut PISE Programme investissement dans le secteur de l’éducation PKF Cabinet d’étude malien PME Petites et moyennes entreprises PMI Petites et moyenne industries PPP Partenariat public-privé PPTE (Initiative en faveur des) Pays pauvres très endettés PRMC Programme de Restructuration des Marchés Céréaliers PWT Penn World Tables RMBIP Rentabilité marginale brute de l’investissement privé RMNIP Rentabilité marginale nette de l’investissement privé RS Redevance statistique SADA-SA Société industrielle malienne SAP Programme d’ajustement structurel SATCOMA Une société malienne SDE Services pour le développement des entreprises SDR Service des données routières SFD Système financiers décentralisés SIG Système information gestion SOMAFI Société Malienne de Financement SOMIEX Société Malienne d’import-export SYDONIA Système Douanier Automatisé t/ha tonnes à l’hectare TAMALI Société des tanneries du Mali TCER Taux de change effectif réel TCI Taxe conjoncturelle sur les importations TCN Titres de créances négociables TE Termes de l’échange TEC Tarif extérieur commun (de l’UEMOA) TIC Technologies de l’information et de la communication TIPP Taxe intérieure sur les produits pétroliers TRIE Transit routier inter États de marchandises (convention de Lomé) TTR Taxe sur les transports routiers TVA Taxe sur la valeur ajoutée UE Union européenne UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UMPP Usines maliennes de produits pharmaceutiques

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UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture USD dollar des États-Unis VA Valeur ajoutée VAM Valeur ajoutée des produits manufacturés WAAP Programme ouest-africain pour la productivité de l’agriculture y c. y compris

Vice-président : Gobind T. Nankani Directeur pays : James P. Bond

Directeur sectoriel : Sudhir Shetty Chef sectoriel : Robert Blake

Chef d’équipes de l’étude : Christina A. Wood

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TABLE DE MATIÈRES

TABLE DE MATIÈRES..................................................................................................................... VI 1. LES RESULTATS AGRICOLES DU MALI ...........................................................................1

A. L’AGRICULTURE : GRANDES CARACTERISTIQUES ÉCONOMIQUES ..............................................1 C. UNE STRUCTURE D’INCITATION DU SECTEUR AGRICOLE FAVORABLE A LA CROISSANCE ...............13 D. PLUSIEURS CONTRAINTES NON MONETAIRES FREINENT LA CROISSANCE DE LA PERFORMANCE ET DE LA PRODUCTIVITE AGRICOLES ............................................................................................................18 E. LA NECESSITE D’UNE DEMARCHE STRATEGIQUE POUR SAISIR LES OPPORTUNITES ....................35 F. ON PEUT RENDRE LA CROISSANCE AGRICOLE PLUS FAVORABLE AUX PAUVRES ........................40

2. ENCOURAGER LA COMPÉTITIVITÉ ET LA TRANSFORMATION DU SECTEUR INDUSTRIEL ...........................................................................................................................42

A. CARACTERISTIQUES ET PERFORMANCES DE L’INDUSTRIE .........................................................43 B. LE CADRE D’INCITATION ACTUEL DE L’INDUSTRIE....................................................................47 C. CONTRAINTES PESANT SUR LES INDUSTRIES SOURCES DE CROISSANCE.....................................57 D. PERSPECTIVES DE LA CROISSANCE INDUSTRIELLE.....................................................................70 E. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ....................................................................................80

3. L’ACCES AUX SERVICES FINANCIERS............................................................................82 A. LES EFFETS SUR LE SECTEUR FINANCIER DES REFORMES ACCOMPLIES ......................................82 B. LES BANQUES ET ETABLISSEMENTS DE CREDIT .........................................................................83 C. LA FRAGILITE DU SECTEUR .......................................................................................................86 D. FAIBLE CAPACITE DU SECTEUR A CONTRIBUER A LA CROISSANCE ECONOMIQUE ......................95 E. MANQUE D’ACCES AUX SERVICES FINANCIERS D’UNE LARGE FRACTION DE LA POPULATION, NOTAMMENT DES PAUVRES ..............................................................................................................102 F. POSITIONNER LE SECTEUR POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF D’UNE CROISSANCE FAVORABLE AUX PAUVRES DU MALI............................................................................................................................110

4. L’ENERGIE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE........................................................113 A. LE SECTEUR ELECTRIQUE DEVRAIT REPONDRE A UNE DEMANDE CROISSANTE AVEC UNE OFFRE LIMITEE ............................................................................................................................................114 B. DES DIFFICULTES DANS LES REFORMES ONT REDUIT LA COMPETITIVITE ET LA CROISSANCE...119 C. IL FAUDRAIT D’URGENCE UNE STRATEGIE ET UN NOUVEAU PROGRAMME D’INVESTISSEMENT POUR LE SECTEUR DE L’ENERGIE................................................................................................................123 D. LES PROBLEMES D’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PETROLIERS ......................................128 E. RECOMMANDATIONS POUR LE SECTEUR DE L’ENERGIE...........................................................131

5. TRANSPORT ET FACILITATION DU TRANSIT ............................................................133 A. LES PROBLEMES DU MALI DANS LE SECTEUR DU TRANSPORT ET DU TRANSIT .........................133 B. RECENTES AMELIORATIONS DANS LES POLITIQUES DE TRANSPORT.........................................137 C. GRANDES CONTRAINTES ET INEFFICIENCES MAJEURES DU TRANSPORT ET DU TRANSIT ..........139 D. OBSTACLES SPECIFIQUES AU TRANSIT ET NECESSITE D’AMELIORER LA FACILITATION.............141 E. CONTRAINTES SPECIFIQUES VENANT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ET BESOINS D’AMELIORATION .............................................................................................................................144 F. FORCES ET FAIBLESSES DES TRANSPORTEURS ROUTIERS.........................................................149 G. CONTRAINTES LOGISTIQUES GENANT LES EXPORTATIONS DU MALI .......................................151 H. STRATEGIE POUR RENFORCER LE TRANSPORT ET FACILITER LE TRANSIT.................................160

CARTES Carte 1.1 : Zones agro-écologiques et niveau moyen des précipitations ................................................ 4

GRAPHIQUES

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Graphique 1.1 : Parts de la valeur ajoutée et de l’emploi agricoles, 1980–2002 .................................... 1 Graphique 1.2 : Taux de croissance annuels du PIB et de la VA agricole, 1980–2002 (en %) .............. 1 Graphique 1.3 : Parts dans la valeur ajoutée des diverses productions agricoles, 1990–2004 (en %) .... 2 Graphique 1.4 : Valeur ajoutée des sous-secteurs agricoles, 1982–2002 (en millions de FCFA) ............ 5 Graphique 1.5 : Évolution nationale et régionale de la production céréalière par habitant (en kg) ............... 7 Graphique 1.6 : Taux de pauvreté, par région, 1989–98............................................................................. 8 Graphique 1.7 : Envois de fonds en pourcentage du revenu des ménages, par région.................................. 9 Graphique 1.8 : Production céréalière, 1986–2001............................................................................... 10 Graphique 1.9 : Part des diverses céréales dans la production céréalière totale, 1986–2001................ 10 Graphique 1.10 : Évolution des récoltes céréalières 1986–2001 .......................................................... 11 Graphique 1.11 : CMDT rendements du coton et précipitations, 1984–2004....................................... 11 Graphique 1.12 : Évolution du rendement du riz irrigué dans l’Office du Niger.................................. 21 Graphique 1.13 : Éxpansion de la zone cotonnière et évolution tendancielle....................................... 23 Graphique 1.14 : Effet des nouvelles variétés de coton sur les rendements et l’égrenage.................... 23 Graphique 3.1 : Masse monétaire large sur PIB (M2/PIB), 1980–2004 ............................................... 83 Graphique 3.2 : Crédit intérieur au secteur privé sur PIB, 1980-2004.................................................. 83 Graphique 3.3 : Encours des prêts du secteur de la microfinance, 1999-2003 ..................................... 85 Graphique 3.4 : Crédit bancaire malien en pourcentage du PIB, 1998-2004........................................ 92 Graphique 3.5 : Échéances du crédit bancaire et volume des prêts improductifs au Mali, 2004 .......... 96 Graphique 3.6 : Échéances des prêts des banques et quasi-banques dans quelques pays de l’UEMOA,

2003......................................................................................................................................... 96 Graphique 5.1 : Ratio coûts de transport sur valeur des importations, Mali et autres pays (2002)..... 141 TABLEAUX Tableau 1.1 : Parts dans la valeur ajoutée des diverses productions agricoles........................................ 2 Tableau 1.2 : Systèmes de production par zone bioclimatique, par région administrative et liens avec

les filières agricoles ................................................................................................................... 3 Tableau 1.3 : Taux de croissance des sous-secteurs agricoles ................................................................ 5 Tableau 1.4 : Rendements des principales céréales : évolution et croissance....................................... 11 Tableau 1.5 : Choix de productions maraichères : production et rendements....................................... 12 Tableau 1.6 : Tarif extérieur commun sur les biens venant des pays de l’UEMOA, 2004, en % ......... 14 Tableau 1.7 : Budgets de campagne des riziculteurs de l’ON avant et après la dévaluation et après . 16 Tableau 1.8: Budget de campagne indicatif, par type d’exploitation et saison (riz, oignon), 2002 ...... 17 Tableau 1.9 : Marges brutes de la production du riz à l’Office du Niger, par taille d’exploitation ...... 22 Tableau 1.10 : Rendements avant/après l’adoption de l’aménagement en courbes de niveau ............. 24 Tableau 1.11 : Pratiques anti-érosion et d’utilisation du fumier, par type d’exploitation..................... 25 Tableau 1.12 : Utilisation d’engrais pour les céréales dans la zone CMDT, 1996/97–2002/03 ........... 26 Tableau 1.13 : Obstacles à la commercialisation identifiés par les négociants de mangues ................. 28 Tableau 1.14 : Synthèse des facteurs de performance des sous-secteurs agricoles et des obstacles à la

performance future .................................................................................................................. 31 Tableau 2.1 : Part du secteur secondaire dans le PIB (en %)................................................................ 43 Tableau 2.2 : Croissance moyenne du secteur secondaire, 1985-2002 ................................................. 43 Tableau 2.3 : Emploi 2002 dans le secteur officiel des industries de transformation ........................... 44 Tableau 2.4 : Principales incitations du Code de l’investissement ....................................................... 49 Tableau 2.5 : Estimation des coûts comparés des services d’infrastructures (2002/03) ....................... 60 Tableau 2.6 : Accès comparé aux TIC –– Mali et 6 pays d’Afrique de l’Ouest ................................... 61 Tableau 2.7 : Indicateurs comparatifs de Doing Business (2003)......................................................... 65 Tableau 2.8 : Les obstacles perçus à l’activité et à la croissance des industries (par type)................... 67 Tableau 2.9 : Les obstacles perçus à l’activité et à la croissance des industries (par taille).................. 68 Tableau 2.10 : Corruption problème “majeur” /“très grave” pour les entreprises dans 8 pays*........... 68 Tableau 3.1 : Avoirs, dépôts et crédits des banques, par pays, 2003 (en % des pays de l’UEMOA) ... 84 Tableau 3.2 : Types d’établissements de microfinance au Mali (au 31 décembre 2004)...................... 84 Tableau 3.3 : Pourcentage des prêts improductifs au Mali et dans d’autres pays, 2001-04.................. 88 Tableau 3.4 : Actionnariat des banques au Mali (à la fin décembre 2005) ........................................... 90 Tableau 3.5 : Avoirs bancaires au Mali, par établissement, 2004......................................................... 91 Tableau 3.6 : Propriété des quasi-banques au Mali............................................................................... 91

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Tableau 3.7 : EMF maliens ayant plus de 300 millions de dépôts de fcfa (au 31 décembre 2004) ...... 94 Tableau 3.8 : Prêts bancaires au Mali, par secteur, 1998–2004 (en % du total des prêts) .................... 97 Tableau 3.9 : Prêts de la BNDA par type d’emprunteur, en 2003 ...................................................... 100 Tableau 3.10 : Distribution des agences bancaires au Mali, par région .............................................. 103 Tableau 3.11 : Agences et comptes bancaires au Mali et dans d’autres pays (2003).......................... 103 Tableau 3.12 : Répartition régionale des caisses locales des EMF.................................................... 104 Tableau 4.1 : L’exploitation du secteur électrique par EDM, 1985–2004 .......................................... 115 Tableau 4.2 : Croissance des ventes d’EDM par niveau de tension, 2000–04.................................... 116 Tableau 4.3 : Résumé des options d’investissement du secteur électrique, 2006–10 ......................... 119 Tableau 4.4 : Tarifs électriques moyenne tension en fcfa/kWh (hors TVA) ...................................... 122 Tableau 4.5 : Part du coût de l’électricité dans les coût de production du fil de coton....................... 122 Tableau 4.6 : Prévisions de demande d’électricité, 2005-2010........................................................... 125 Tableau 4.7 : Importations pétrolières maliennes, par source, 2001–04 (en milliers de tonnes) ........ 129 Tableau 5.1 : Les itinéraires d’accès au Mali à partir des grands ports maritimes.............................. 134 Tableau 5.2 : Répartition entre les ports de transit du Mali avant et après la crise ivoirienne............ 135 Tableau 5.3 : Trafic international du Mali par produits et par modes – 2003 et 2004 ........................ 136 Tableau 5.4 : Sélection d’indicateurs de performance ferroviaire Bamako-Dakar ............................ 138 Tableau 5.5 : Temps de rotation estimés des camions, des wagons et des conteneurs, 2004 ............. 139 Tableau 5.6 : Coût du transport routier d’un conteneur de 20’ de Dakar à Bamako........................... 140 Tableau 5.7 : Étendue et état d’entretien du réseau routier malien, en km ......................................... 145 Tableau 5.8 : Entretien des routes par l’autorité routière : besoins financiers estimés ....................... 148 Tableau 5.9 : Économie sur le coût de transport du coton en passant de la route au rail ................... 152 Tableau 5.10 : Comparaison des coûts de transport des mangues par air et par mer, 2004 ................ 154 Tableau 5.11 : Coûts du transport conteneurisé des mangues par rail, Bamako-Dakar, 2005 ............ 154 Tableau 5.12 : Structure du prix FOB des mangues du verger à Dakar (au kilo en fcfa) ................... 155 Tableau 5.13 : Structure du prix FOB des mangues de Dakar au prix / marchés européens .............. 156 Tableau 5.14 : Coût de transport de la production du Mali de 840.000 t de riz (sur 500 Km) ........... 158 Tableau 5.15 : Coût de transport et de transit de bestiaux par camion – de Ségou à Abidjan ............ 160

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1. LES RESULTATS AGRICOLES DU MALI 1

Le secteur agricole malien dispose d’un fort potentiel d’accélération de la croissance économique du pays grâce à l’avantage comparatif dont il jouit par rapport aux autres secteurs économiques. Son potentiel réside dans la production et la commercialisation de ses produits sur les marchés tant intérieurs qu’extérieurs - voisins ou lointains. Il dispose également d’un fort potentiel de réduction de la pauvreté car une grande partie des pauvres du pays y travaillent. Mais il est confronté à d’importants obstacles empêchant l’amélioration de la performance et freinant les gains de productivité dans des sous-secteurs essentiels. Ces difficultés, étudiées dans ce chapitre, devraient être traitées par filière et d’une façon intégrée et orientée vers le marché, afin de permettre à l’agriculture de jouer son rôle catalyseur de facteur de croissance et de facteur de réduction de la pauvreté.

A. L’AGRICULTURE : GRANDES CARACTERISTIQUES ÉCONOMIQUES 1.1. L’agriculture reste, au Mali, le plus important secteur en termes de valeur ajoutée (VA), bien que sa part dans le PIB ait un peu diminué ces derniers temps. Les activités agricoles (comprenant aussi le maraîchage, l’élevage, la sylviculture, la chasse et la pêche) représentent environ 40 % de la VA de l’économie, part qui a légèrement baissé entre 1980 et 2004 et surtout depuis le milieu des années 90 (Graphique 1.1) lorsque la VA du secteur secondaire a commencé à croître (à cause de l’or). L’économie malienne reste largement dominée par le secteur agricole. La croissance du PIB est très corrélée avec la croissance de la VA agricole, qui a été de 80 % entre 1980 et 2004 (Graphique 1.2), bien que cette corrélation se soit un peu réduite ces dernières années à cause de l’expansion des secteurs de l’or et des services.

Graphique 1.1 : Parts de la valeur ajoutée et de l’emploi agricoles, 1980–2002

Graphique 1.2 : Taux de croissance annuels du PIB et de la VA agricole, 1980–2002 (en %)

35

50

65

80

95

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Agr. Value added/GDPAgr. employment/Labor force

-25-20-15-10

-505

101520

198019821984198619881990199219941996199820002002

GDP Agr. Value-added

Sources: FAO et IDM. Sources: FAO et IDM.

1.2. Le secteur agricole malien est divers en termes d’activités (ou sous-secteurs), de zones géographiques, de conditions climatiques et de types de production. Il est orienté principalement vers le marché intérieur. Les principales productions agricoles (en parts moyennes sur la période 2000-04) sont les céréales (45 %) dont le riz (12 %), l’élevage (29 %), la sylviculture2 et la pêche (15 %), le coton (8 %) et les autres cultures (arachide, blé, maraîchage et autres 3 %)3 (voir Graphique 1.1 et Tableau 1.1). Les parts 1 Basé sur des documents de contexte de Valérie Kelly et John Staatz, et Gérard Gagnon. 2 Les produits de la sylviculture sont des produits non totalement domestiqués (généralement d’arbres) dont la production est recueillie, notamment la noix de karité, la gomme arabique et le miel. 3 Le Mali produits un e large gamme de produits agricoles : canne à sucre, sésame, hibiscus, pois mange-tout, mangues, okra, tomates, haricots verts, échalote, oignon et pommes de terre.

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respectives des diverses activités agricoles sont restées largement inchangées pendant les années 80 et 90, sauf celle du riz qui a fortement augmenté et celle du coton qui a légèrement progressé. Les principales exportations agricoles étaient, en 2004, la fibre de coton (30 %), qui est exportée vers l’Europe et les produits de l’élevage (4 %), qui sont exportés vers l’Afrique de l’Ouest, notamment la Côte d’Ivoire. Les cuirs et peaux (venant du secteur agricole mais classés dans l’industrie depuis 2004) ont représenté un peu moins de 1 % de la valeur des exportations en 2004, tandis que les autres exportations agricoles (notamment l’arachide, le poisson, le fil de coton et les matériaux en coton, l’huile de coton, les mangues, etc.) ont représenté chacun au plus 0,5 %.4

1.3. Le Tableau 1.2 montre la diversité des conditions climatiques et des activités agricoles selon les zones géographiques et la carte 1.1 présente les zones agro-climatiques du pays.

Graphique 1.3 : Parts dans la valeur ajoutée des diverses productions agricoles, 1990–2004 (en %)

0.0%

10.0%

20.0%

30.0%

40.0%

50.0%

60.0%

1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

Cereals otherthan riceRice

Cotton

Other

Livestock

Fisheries

Source : Calculs des services sur les données rapportées par Gagnon (2005)

Tableau 1.1 : Parts dans la valeur ajoutée des diverses productions agricoles

Source: Calculs des services basés sur des données DNSI citées par Gagnon (2005).

4 Les exportations de l’élevage vers la Côte d’Ivoire ont diminué de moitié en termes absolus (de 44 milliards de FCFA à 22 milliards) et en termes relatifs (de 9 % des exportations à 4 %) depuis 2001 du fait des luttes civiles en Côte d’Ivoire, comme les exportations de cuirs et peaux, tombées de 8,8 milliards de FCFA en 2001 à 3,5 milliards en 2004.

Céréales Autres Sous-total Total autres que le riz Riz Coton cultures Cultures Élevage Pêche Sylviculture Agriculture -Parts des ss/secteurs dans l’agriculture (%) 1980- 86 36 4 5 3 47 35 5 13 100 1987- 93 39 7 7 3 56 29 3 12 100 1994- 2004 34 11 8 3 56 29 3 12 100 1994- 1999 35 10 9 3 57 28 3 1 2 100 2000- 04 33 12 8 3 56 29 3 12 100 1980- 2004 36 8 7 3 54 31 4 12 100

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Tableau 1.2 : Systèmes de production par zone bioclimatique, par région administrative et liens avec les filières agricoles Pastoral

Agro-pastoral

Cultures irriguées

Système de Production

Zone Bio-climatic

Nomade Pur

Transhumant cultures/

Maraichage Phoenicicul.

Transhu- mant/cultu-

res de décrue

Cultures de décrue/Cultures pluviales

Cultures pluviales

Coton/ cultures pluviales

Submersion libre

submersion contrôlée

Maîtrise totale (ON, PPIV)

Systèmes périurbains spécialisés

Systèmes de Pêche

Saharienne (P < 150 mm)

Sahélienne (150 mm<P<600 mm)

Soudanienne (600 mm<P<1200 mm)

Soudano-guinéenne (1200 mm<P<1400

mm)

Delta Intérier du Niger

(250 mm<P<800 mm)

Regions

Administratives

Kidal

Timbuktu, Gao

Timbuktu

Gao, Mopti, Ségou, Kayes

Timbuktu

Gao, Mopti, Kayes

Timbuktu Gao,

Kayes, Koulikoro,

Mopti, Ségou, Sikasso

Kayes, Koulikoro,

Ségou, Sikasso

Ségou, Mopti

Timbuktu Gao

Ségou Mopti

Timbuktu

Sikasso

Ségou, Koulikoro Mopti

Bamako, Sikasso, Ségou,

Mopti, Kayes

Ségou Mopti

Timbuktu Sélingué/

Manantali

Filière

principale

Bétail, cuirs et peaux

Bétail

Cuirs et peaux

Bétail

Cuirs et peaux

Sorgho, riz,

Blé

Mil, maïs,

sorgho, niébé

Coton, maïs, mil,

sorgho, niébé, riz bas-fonds

Riz

Riz

Riz Maraîchage

Lait, viande Oeufs, poulets,

Maraîchage Arboriculture

fruitière

Pêche

Autres filières/

Activités

Artisanat/ Vannerie

Blé,

Maraîchage phoénici-culture

Artisanat

Produits de cueillette

Sorgho/

Riz Lait

Bourgou Artisanat

Produits de cueillette

Niébé

Viande/lait Artisanat/

Poterie Bourgou

Produits de cueillette

Arachide,

bétail/viande lait

Produits de cueillette

Maraîchage Arboriculture fruitière riz pluvial, arachide,

viande, lait Produits de cueillette

Mil/sorgho Bétail/lait

Produits de cueillette

Mil/sorgho Bétail/lait

Maraîchage Produits de cueillette

Mil/sorgho

bétail/lait

Produits de cueillette

Mil/Sorgho

Maïs

Riz

Maraîchage Commerce

Source: Mali, Ministère du Développement rural (2001). Schéma Directeur du Secteur du Développement Rural. Notes : Systèmes pastoraux: axés sur l'élevage en tant qu'activité principale - Systèmes agro-pastoraux: caractérisés par une prédominance des cultures agricoles pluviales et/ou irriguées - Systèmes périurbains spécialisés semi-intensifs à intensifs: autour des grands centres urbains.

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4

Carte 1.1: Zones agro-écologiques et niveau moyen des précipitations

Source: Ministère du Développement rural (2001). Schéma Directeur du Secteur du Développement Rural

Isohyetal in mm

S o u d a n o -G u in é e n n eS o u d a n iè n n e N o rd

D e l ta

S a h e lie n n eS a h a r ie n n e

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Mali: Agriculture Activities Value Added(cfaf million)

0

20,000

40,000

60,000

80,000

100,000

120,000

140,000

160,000

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

Cereals otherthan riceRice

Cotton

Other

Livestock

Fisheries

Silviculture

B. PERFORMANCE AGRICOLE GLOBALEMENT BONNE, MAIS EVOLUTIONS INQUIETANTES

Progression de la production

1.4. La croissance du secteur agricole du Mali a été bonne, dans l’ensemble, et même notable dans certains sous-secteurs comme le riz et le coton. La croissance moyenne réelle de la valeur ajoutée agricole a été positive et soutenue au cours des 25 dernières années (1980–2004) ainsi que pendant la période qui a suivi la dévaluation du franc CFA (1994-2004). La croissance de la valeur ajoutée agricole a été en moyenne de 3,2 % entre 1981 et 2004, grâce à une reprise qui a suivi une période de décroissance (– 0,6% en moyenne pendant la première moitié des années 80) (Tableau 1.3). La productivité du travail dans l’agriculture semble avoir progressé – en moyenne de 5 % par an – l’essentiel de cette progression s’étant produit au début des années 80. La VA de la plupart des activités agricoles a progressé ces derniers 25 ans, notamment celle du riz (9,3 %) cultivé surtout pour la consommation intérieure comme substitut au riz importé, et celle du coton (6,3 %) destiné à l’export (Graphique 1.4). Le rendement du riz a fortement progressé grâce à l’exécution réussie d’une combinaison de réformes et d’autres mesures à la fin des années 80 et au début des années 90 (Encadré 1.1 dans la section D de ce chapitre).

Graphique 1.4 : Valeur ajoutée des sous-secteurs agricoles, 1982–2002 (en millions de FCFA)

Note: « Autres » couvre toutes les cultures autres les céréales, le riz et le coton, y compris l’arachide, le blé, l’horticulture et autres. Source: Calculs des services basés sur des données DNSI citées par Gagnon (2005).

Tableau 1.3 : Taux de croissance des sous-secteurs agricoles

Source: Calculs des services basés sur des données DNSI citées par Gagnon (2005).

Céréales Autres

Ss/total

Total

Autres que le riz

Riz Coton

cultures

toutes cultures

Élevage

Pêche

Sylviculture

agriculture

Taux de croissance de la période%) 1981 - 86

8,4

8,7 11,4

-5,8

7,8

-10,7

-6,9

1,6

- 0,6 1987 - 93

2,0

10,0 3,0

4,5

3,3

4,2

-0,7

2,9

3,3 1994 - 2004

1,6

7,0 5,4

1,3

3,1

2,9

1,8

3,0

3,0

1994 - 1999 1,9

10,4

12,3

-0,1

4,6

2,2

2,3

3,3 3,7

2000 - 04 0,9

2,1

10,1

0,6

2,3

3,1

1,4

2,8 2,6

1981 - 2004

3,0

9,3 6,3

2,9

4,3

2,2

0,2

2,9

3,

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1.5. L’augmentation de la production agricole au cours des vingt dernières années a fortement amélioré la sécurité alimentaire du Mali et réduit la pauvreté rurale, mais les résultats sont divers. L’augmentation de la production s’est produite non seulement pour les cultures commerciales (riz et coton) mais aussi pour les cultures de subsistance (notamment les céréales autres que le riz, Graphique 1.4). La libéralisation de la commercialisation des céréales à la fin des années 80, qui a supprimé les restrictions à leur transport entre régions, a amélioré l’approvisionnement alimentaire dans tout le pays. L’adoption d’un système d’information sur les prix des céréales (qui est considéré comme un modèle en Afrique de l’Ouest) a facilité une distribution des céréales fondée sur la demande du marché à partir des zones excédentaires vers les zones déficitaires du pays. Pour ce qui est de la pauvreté, les données montrent sa progression entre la fin des années 80 et 1994 (année de la dévaluation) aux niveaux rural, urbain et national. À partir de 1994, les réformes du secteur agricole et d’autres mesures institutionnelles et d’investissement ont réduit la pauvreté notamment dans les zones de culture irriguée du riz (Ségou). Ailleurs, comme l’a noté le rapport d’évaluation de la pauvreté de la Banque mondiale (BM 2004), la pauvreté a à peine changé, même dans la zone cotonnière (voir para. 1.8.)

1.6. La production de céréales (riz inclus) par habitant a augmenté dans presque toutes les régions du Mali entre la période antérieure à la dévaluation et celle qui l’a suivie5 (Graphique 1.5). La croissance de la production s’est produite même dans les régions extérieures à la zone rizicole (zone d’irrigation de l’Office du Niger, près de Ségou) et à la zone cotonnière (dans les zones de culture traditionnelles de la région de Sikasso au sud-est de Bamako ainsi que la dans la zone de l’Office de la Haute Vallée du Niger dans la région de Koulikoro au nord et au sud de Bamako). Les causes de la croissance de la production dans les diverses régions devraient encore être élucidées,6 mais les données pointent vers plusieurs facteurs probables.

1.7. D’abord, il y a eu la hausse du volume moyen des précipitations pendant la période postérieure à la dévaluation par rapport la période antérieure, fait important puisque l’essentiel de la production agricole du Mali est obtenu en culture sèche (non irriguée). L’analyse montre que cette évolution explique les changements dans la performance agricole ces 25 dernières années. Une étude récente a montré que la corrélation entre l’agriculture et les pluies est assez élevée (54 %) et que jusqu’à 29 % de la variation de la VA agricole sont dus aux variations de la pluviométrie (BM, 2004).7 Ensuite, les réformes

5 Période antérieure à la dévaluation” : 1987-1993, période postérieure : 1994-2004. 6 L’idée initiale pour cette analyse était d’utiliser les données DNSI (un échantillon nationalement représentatif de producteurs) pour étudier les différences de gains de productivité dans la culture, les déterminants des différences et les relations entre les différences et le taux de pauvreté selon les régions administratives. Cette analyse, apparue problématique dans deux régions essentielles, Kayes et Mopti, disposait de peu d’observations au niveau des exploitations agricoles manquant souvent de données pour des variables clé (les intrants, par exemple). Les données sur l’investissement dans les infrastructures, l’éducation et les soins à un niveau fin n’étaient pas facilement accessibles. En conséquence, diverses comparaisons entre les deux périodes sont utilisées pour explorer les différences régionales dans l’évolution de la production et de la productivité et offrir des hypothèses quant aux facteurs responsables de différences entre régions. 7 L’écart de valeur ajoutée agricole (VA agr.) est l’écart entre les valeurs effectives de la VA agr. et la tendance ajustée à long terme résultant d’une analyse de régression. L’écart de PIB est défini de la même façon. L’analyse du récent rapport sur la pauvreté (BM, 2004) a montré que les chocs pluviométriques ont été la cause d’une grande partie des écarts du PIB effectif et de la VA agr. effective par rapport à leurs tendances respectives à long terme sur 25 ans (tirée de l’équation de régression). La corrélation entre pluies et PIB est plus faible qu’entre pluies et agriculture (du fait de l’existence de secteurs économiques indépendants des pluies), mais est quad même importante (39 %), et 16 % de la variation de l’écart du PIB est dû aux pluies. La récente étude de la Variabilité macro-climatique (Hart, 2004) a souligné la caractéristique malienne de sécheresses persistantes, la dernière s’étant produite pendant les années 70 et 80, et la reprise des pluies s’étant

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du système d’irrigation de l’Office du Niger ont augmenté la production de riz, tandis que des investissements à petite échelle dans des projets de maîtrise de l’eau à Gao et Tombouctou ont démontré les possibilités de développement agricole dans ces zones arides. Troisièmement il y a eu des programmes visant à pousser la production et la productivité agricoles dans certaines régions. Ainsi, la production a-t-elle augmenté dans la région de Kayes peut-être par l’effet indirect de l’expansion de la production du coton suscitée par la société cotonnière, la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT). L’accès accru des exploitants aux intrants (engrais) et à l’équipement agricole a profité, dans une certaine mesure, aux céréales et à d’autres cultures (telles que l’arachide).8 Mais, dans la région de Sikasso où la production de céréales n’a pas augmenté, les arbitrages des agriculteurs entre culture du coton et culture de céréales peut expliquer le léger déclin de la production des céréales. Les agriculteurs peuvent aussi s’être orientés davantage vers l’horticulture, dont la rentabilité s’est fortement accrue à la suite de la dévaluation, mais cette hypothèse est difficile à tester en raison d’un manque de données sur la production maraîchère.

Graphique 1.5 : Évolution nationale et régionale de la production céréalière par habitant (en kg)

Pre- and Post-devaluation Regional Cereal Production per Capita

0100200300400500

Kayes

Koulik

oro

Sikass

o

Segou

Mopti

Tombo

uctou

Gao Mali

kilo

gram

s/ca

pita

Pre-devaluationPost-devaluation

Note: La période antérieure à la dévaluation va de 1984 à 1993, celle qui a suivi de 1994 à 2002. Source: Kelly et Staatz (2006), calculé par les auteurs à partir des données de la DNSI.

Conséquences sur la pauvreté

1.8. La pauvreté a légèrement baissé au Mali pendant les années 90, en raison partiellement de la performance agricole. Le taux de pauvreté dans les années 90 a évolué de façon inégale et a différé selon les régions (Graphique 1.6). Il a tendu à augmenter immédiatement après la dévaluation (1994–96)—sauf à Ségou (où se situe l’essentiel de la production de riz irriguée du Mali), où la pauvreté a décru, et à Sikasso (centre le zone cotonnière au sud-est de Bamako), où la pauvreté est restée pratiquement inchangée—puis a décru (1996–98). Les plus forts taux de diminution ont été à Gao et Tombouctou.

faite dans les années 90. Comme cette dernière coïncide avec l’épisode favorable de croissance, la question se pose de la pérennité de la forte croissance actuelle en cas de nouvelle sécheresse. Cela montre l’importance de l’irrigation et des autres actions pour résister et gérer la sécheresse et des autres facteurs extérieurs. 8 Les données sur l’expansion du coton à Kayes montrent le potentiel des investissements agricoles pour stimuler la croissance économique dans les régions qui n’ont jusqu’ici pas beaucoup bénéficié de soutien agricole. L’expérience de Kayes est un exemple d’exploitants agricoles se mettant au coton tout en conservant les cultures traditionnelles (telles que l’arachide) qui fournissent des sources complémentaires de nourriture et de revenu pour les hommes et les femmes — modèle qu’il serait intéressant d’introduire dans la vieille zone cotonnière où les femmes ont peu de possibilités de revenus.

Avant et après la dévaluation Production de céréales par habitant

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8

Graphique 1.6 : Taux de pauvreté, par région, 1989–98

Note: Le Gouvernement du Mali mesure le taux de pauvreté en utilisant un indice basé sur l’accès aux infrastructures et aux services sociaux (GdM 2002). Source: Kébé et autres (2003), tel que rapporté par Kelly et Staatz (2006).

1.9. L’évaluation de la pauvreté par Kébé et autres (2005), réalisée dans la zone de l’Office du Niger (ON) confirme les résultats économiques positifs de cette zone, où 63 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté (144.022 FCFA, au moment de l’étude) contre 71 % dans les zones rurales de la grande région de Ségou et 77 % dans les zones rurales de l’ensemble du pays. Cette étude a également examiné une gamme d’indicateurs des conditions de vie et a conclu que la zone de l’ON se classait à un meilleur rang que la région de Ségou en général et que le pays dans son ensemble pour la plupart des indicateurs. Par exemple : la mortalité des enfants de moins de 5 ans est de 18 % à Ségou contre 22 % au niveau national ; 15 % des ménages dans la zone de l’ON ont l’électricité contre 4,7 % à Ségou ; 17 % des ménages ont la télévision à Ségou contre 8 % des ménages ruraux au niveau national et 78 % des ménages ont un vélo, 49 % une mobylette et 2,5 % une automobile à Ségou contre 56 %, 18 % et 2,2 % dans l’ensemble des zones rurales du Mali.

1.10. La performance de Ségou est très probablement due à la rapide croissance de la productivité de la culture du riz (et à la croissance des cultures maraîchères destinées au marché) dans la zone de l’ON, à l’expansion des activités hors des exploitations liées à l’expansion de l’ON et à une certaine expansion de la production de coton.9 L’accroissement de la pauvreté à Mopti n’est pas surprenante étant donné la dépendance, dans cette zone, de cultures de subsistance (mil et sorgo) à faible productivité et les modestes investissements publics dans les services de vulgarisation agricole et les programmes de développement (Tefft et Kelly 2004; Tefft, Kelly et Staatz 2003). De façon surprenante, le taux de pauvreté est plus bas dans les régions ayant moins d’activités agricoles (Gao, Kayes et Tombouctou), ce qui peut s’expliquer par la part importante du revenu des ménages dans ces régions provenant des envois d’argent venant d’autres régions du pays ou de l’étranger (Graphique 1.7). À Gao, par exemple, 25 % du revenu des ménages vient des envois d’argent, alors qu’à Kayes ceux-ci représentent moins de 20 %, dont 12 % venant de l’étranger.

9 Une étude récente de Kébé et al (2005) confirme les bons résultats économiques de la zone de l’ON. Néanmoins, comme une partie importante de la population de la région de Ségou vit en dehors des zones rizicole et cotonnière, il faudrait une étude plus fine de l’évolution de la pauvreté (Kelly et Staatz, 2006).

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9

Graphique 1.7 : Envois de fonds en pourcentage du revenu des ménages, par région

Source: Kébé et autres (2003), rapporté dans Kelly et Staatz (2006).

Des tendance inquiétantes

1.11. Malgré les récents progrès du secteur agricole, trois tendances inquiétantes posent question pour les perspectives de croissance du secteur, sauf nouvelles réformes : • Plus faible croissance agricole depuis la dévaluation et, en conséquence, plus faible

contribution du secteur agricole à la croissance du PIB. • Faible croissance de la productivité (c’est-à dire des rendements) de la terre. • Niveaux de pauvreté qui restent élevés dans la zone cotonnière.

1.12. Le taux de croissance moyen annuel de la valeur ajoutée agricole est passé de 3,3 % entre 1987 et 1993 à 3,0 % entre 1994 et 2004 et la contribution de l’agriculture à la croissance du PIB réel est tombée de 53 % à 20 %, bien que la part de l’agriculture dans le PIB soit restée la même (40 %) (voir Chapitre 1 du Volume 1).10 En outre, la performance agricole semble s’être ralentie encore ces dernières années (2,6 % entre 1999 et 2004 contre 3,7 % entre 1994 et 98). L’émergence d’autres secteurs contribuant à la croissance (notamment l’or) peut être vue de façon positive, comme le signe d’une diversification et, donc, d’une diminution de la vulnérabilité aux chocs subis par l’agriculture (chocs climatiques et, à un moindre degré, chocs des cours des matières premières). Mais, comme plus de 80 % de la population du Mali dépend de l’agriculture et que l’avantage comparatif du pays se trouve dans l’agriculture et les activités annexes, l’absence de progression de la productivité agricole est préoccupante.

1.13. Seconde tendance inquiétante : le rendement des terres n’a progressé que pour une seule grande culture, le riz, alors que pour les autres céréales et le coton il n’a pas changé, voire a baissé, par rapport à un niveau déjà bas.11 La productivité du sol n’a 10 Il faut noter que le choix des dates affecte un peu le taux de croissance moyen. Mais les dates des périodes ont été choisies en fonction de l’évolution du PIB par habitant. Elles permettent aussi de bien voir l’évolution dans le temps de la valeur ajoutée agricole. Notons aussi que, ces dernières années (2000-2004), la croissance de la VA agricole s’est ralentie par rapport à 1994-1999, passant de 4,8 à 1,5 %. 11 « Grande » est ici défini en termes de volume de VA d’une culture par rapport aux autres. Cette section porte sur les grandes cultures (céréales et coton) en raison de la pauvreté ou de l’absence des données sur les autres cultures (par ex. l’horticulture) ou les autres sous-secteurs (comme l’élevage et la pêche). Si l’on a des données montrant que l’horticulture a eu de bons résultats (voir Paragraphe 1.14), d’autres montrent de moins bons résultats, notamment pour l’élevage.

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augmenté que de 1 % par an en moyenne entre 1980 et 2003 et a en fait diminué de 5 % entre 1987 et 1993.12 En outre, elle reste à des niveaux bas pour la plupart des cultures. Les chiffres globaux de productivité du sol masquent d’importantes différences entre cultures, le rendement ayant baissé pour la plupart des cultures (sauf le riz) et pour le coton. Une différence essentielle entre riz et coton (le deux activités agricoles ayant les plus forts taux de croissance de leur VA) est que les augmentations de la production de riz viennent de hausses du rendement (en moyenne de 3 % par an entre 1994 et 2003 à la suite d’une moyenne de 6 % par an entre 1987 et 93) (Tableau 1.4), alors que les hausses de la production de coton n’ont été obtenues que par un accroissement des superficies, le rendement n’ayant pratiquement pas changé13 pendant la période 1994-2004 (Graphiques 1.8 et 1.11). Les rendements moyens pour le maïs n’ont augmenté que de 0,5 % entre 1994 et 2003 à la suite d’une baisse de rendements (– 6 %) entre 1987 et 1993 ; les rendements ont été au plus haut au milieu des années 90, puis ont baissé pendant la fin des années 90 (Graphique 1.10).14 Mais comme pour le coton, la valeur ajoutée réelle des récoltes de céréales sèches (comme le mil et le sorgo), qui représentent environ 70 % de la production des cultures vivrières, a augmenté surtout grâce à l’expansion des surfaces cultivées depuis la dévaluation de 1994 – la légère croissance du rendement du mil entre 1994 et 2003 (0,9 %), qui a suivi une période de baisse des rendements (de – 8,4 % entre 1987 et 1993), a été insuffisante pour retrouver les niveaux moyens de rendement atteints pendant la période 1987–93 et, si le rendement du blé a augmenté spectaculairement, sa part était minuscule (0,3 %) dans la production céréalière totale (Graphiques 1.8 et 1.10 et Tableau 1.4).

Graphique 1.8 : Production céréalière, 1986–2001 Graphique 1.9 : Part des diverses céréales dans la production céréalière totale, 1986–2001

Note: L’année de culture au Mali correspond à l’année civile. Source: Estimations des services basées sur des chiffres citées par Gagnon (2005).

Source: Estimations des services basées sur des chiffres citées par Gagnon (2005).

12 Bienque l’analyse économique indique que la croissance de la productivité moyenne du sol entre 1994 et 2004 a été de 7 %, cela n’a pas été statistiquement important (i.e., pas très différent de 0 %) et la tendance n’explique que 1 % de la variabilité des données. 13 L’évolution du rendement du coton a été de –1,5 %. 14 Le maïs a été promu par le CMDT (par la fourniture de crédits aux intrants et de conseils de vulgarisation) dans la zone cotonnière pendant la période de prix garantis (jusqu’en 1987) et bénéficié de conditions initiales favorables venant de la croissance de la production de coton. La disponibilité d’outillages agricoles permise par les profits sur le coton et les prêts pour le coton a rendu plus facile la culture du maïs, qui nécessite des équipements. Les rendements ont baissé lorsque le soutien de la CMDT a été supprimé en 1987 et ont repris après la dévaluation de 94. En l’absence de facteurs pour soutenir la rentabilité du maïs, les rendements ont à nouveau baissé à la fin des années 90.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1986/87 1988/89 1990/91 1992/93 1994/95 1996/97 1998/99 2000/01

Blé/orge

Fonio

Maïs

Riz

Sorgo

Mil

Volume des récoltes de céréales(moyennes mobiles sur 5 ans)

0 100000

200000300000

400000500000600000

700000800000

9000001000000

1986/87 1988/89 1990/91 1992/931994/95 1996/97 1998/99 2000/01

Tons Mil

Sorghum

Paddy Rice

Maize

Fonio

Wheat/Barley

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11

Graphique 1.10 : évolution des récoltes céréalières 1986–

2001 (moyenne mobile sur 5 ans ; en kg/ha) Graphique 1.11 : CMDT rendements du coton et

précipitations, 1984–2004

Source: Estimations des services BM basées sur des chiffres citées par Gagnon (2005).

Note: L’équation en bas à droite est la tendance linéaire du rendement du coton ; les données sur les pluies ne sont pas inclues dans l’estimation de la tendance. Source. Rendement : CMDT et données / pluie : DNSI.

Tableau 1.4 : Rendements des principales céréales : évolution et croissance

Mil Sorgo Riz Maïs Fonio Blé/Orge Rendements moyens (en kg/ha sauf indication contraire) 1987-1993 716 875 1545 1279 631 1741 1994-2001 706 864 1968 1387 611 2153 Évolution -1% -1% 27% 8% 3% 24% Taux de croissance annuel moyen des rendements (%) 1987-1993 -8,4% -6,2% 5,5% -6,2% 1,3% 13,8% 1994-2003 0,9% -0,3% 3% 0,5% 0,9% 1,9% 1987-2003 -1,1% -1,2% 4,3% 0,1% -0,1% 3,8% Source: Calculs des services BM basées sur des chiffres citées par Gagnon (2005).

1.14. Certaines productions maraichères et d’autres activités de diversification15 peuvent constituer une exception à l’évolution inquiétante de la productivité. Certaines productions maraichères ont fortement progressé. Cela a résulté de l’accroissement des surfaces cultivées, mais les rendements ont parfois aussi augmenté. Les données indiquent que, entre 1999 et 2004, la production d’échalote a triplé et celle de la tomate a plus que doublé. Mais ces cultures ne représentent qu’une fraction, croissante certes, mais très petite, de la valeur ajoutée agricole. Pour certaines productions maraichères, les rendements ont progressé entre 1999 et 2004, notamment pour les échalotes, dont le rendement est passé de 24 à 28 tonnes à l’hectare (t/ha) (Tableau 1.5). Pour les autres productions, on ne dispose pas de données fiables qui permettraient de savoir la part relative de l’augmentation du rendement et de l’augmentation des superficies.

15 Productions horticoles : oignons, échalotes, tomates, pommes de terre, mangues, haricots verts, pois sucrés et oseille de Guinée (hibiscus); autres productions de diversification : gomme arabique, élevage, viande, alimentation animale, produits laitiers (lait, beurre), miel, pêche et blé.

Évolution du rendement des céréales(moyennes mobiles sur 5 ans)

0 500

1000 1500 2000 2500 3000

1986/87 1988/89 1990/91 1992/93 1994/95 1996/97 1998/99 2000/01

Kg/ha Paddy Rice

Wheat/Barley

Maize

Mil

Sorghum

Fonio

y = -15.684x + 1344.9R2 = 0.6219

900

1000

1100

1200

1300

1400

1984198519861987198819891990199119921993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 200220032004

Rendements (kg/ha)

600

800

1000

1200

1400

1600

Pluies (mm/an)

Coton (kg/ha)Pluies (mm à Sikasso) Linéaire (Coton (kg/ha))

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Tableau 1.5 : Choix de productions maraichères : production et rendements Tomate Échalote Oignon Manioc Patate d. Pomme de terre TotalProduction (en tonnes)1999-2000 23.737 69.931 25.690 19.236 ND 10.056 30.7772000-01 36.495 79.992 20.291 14.787 47.073 65.734 25.9052001-02 42.189 168.580 31.254 14.602 69.148 148.201 149.5472002-03 40.162 135.624 20.511 26.013 74.423 ND 157.3662003-04 51.967 232.039 24.945 45.759 104.187 28.552 604.344Surface cultivée (en hectares) 1999-2000 1.319 2.956 1.404 1.264 ND 738 1.9902000-01 2.399 3.347 1.015 1.276 4.745 2.779 2.3802001-02 2.627 5.768 1.444 1.378 5.894 4.864 23.3552002-03 2.220 4.741 1.075 1.772 5.777 ND 29.6052003-04 2.956 8.298 1.306 2.611 7.362 1.575 25.742Rendement (tonnes à l’hectare) 1999-2000 18,0 23,7 18,3 15,2 ND 13,6 15,52000-01 15,2 23,9 20,0 11,6 9,9 23,7 10,92001-02 16,1 29,2 21,6 10,6 11,7 30,5 6,42002-03 18,1 28,6 19,1 14,7 12,9 ND 5,32003-04 17,6 28,0 19,1 17,5 14,2 18,1 23,5

Notes : ND = Non disponible. Pour certaines cultures on note que la production, la surface cultivée et le rendement varient fortement d’une année sur l’autre, ce qui montre que les données ne sont peut-être pas fiables. Source: Calculs des services basés sur des chiffres citées par Gagnon (2005). 1.15. Troisième tendance inquiétante : le taux élevé et stable de la pauvreté dans la zone cotonnière, où un tiers de la population du Mali gagne sa vie. La stabilité du taux de pauvreté dans la région de Sikasso (principale zone cotonnière du Mali) mentionnée au paragraphe 1.8 a contribué à limiter l’effet de la lutte nationale pour la réduction de la pauvreté pendant les années 90 (voir Graphique 1.6). En comparant l’évolution de la croissance agricole, la création d’emplois et les liens aux autres secteurs de l’économie pour le riz et le coton, on observe que le riz a obtenu les meilleurs résultats à ce jour : distribution plus équitable du revenu entre les ménages et au sein des ménages, davantage d’offres d’emploi en dehors des exploitations agricoles et davantage d’investissement privé en amont dans la fourniture d’intrants et en aval dans les entreprises de commercialisation et de transformation du produit. Les différences socioculturelles entre les zones cotonnière et rizicole, ainsi que les différences structurelles des systèmes de production, semblent expliquer les différences dans les types de liens observés. Ces observations se basent sur des analyses plus qualitatives que quantitatives. Le Mali avançant, il serait utile que la planification du développement dispose de meilleures données quantitatives sur les liens entre la croissance favorable aux pauvres et les différents types d’investissements agricoles.

1.16. Si l’on ne modifie pas les tendances statiques de la productivité des activités agricoles, on ne pourra pas continuer à réduire la pauvreté, du fait notamment que les secteurs récents à forte croissance (comme l’or) ont peu d’effets de réduction de la pauvreté. Des recherches montrent que la progression de la productivité agricole est une condition préalable forte au développement économique général, à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté (voir Thirtle et autres, 2001).16 Des analyses transversales de données tirées des Indicateurs du développement 16 Les relations sont bien décrites dans Hazell et Haddad (2000, p. 13): « Une rapide croissance agricole contribue à la transformation économique de plusieurs façons importantes. Elle fournit les denrées alimentaires, matières premières de l’agro-industrie et des exportations et apporte des devises pour l’importation de biens industriels et d’investissement stratégiques. Elle libère de la main d’œuvre et des capitaux (sous forme d’épargne et d’impôts ruraux) pour le secteur non agricole. Elle génère du pouvoir d’achat dans la population rurale pour les biens et services non alimentaires et ainsi soutient la croissance des services et du commerce et fournit un marché naissant pour un secteur industriel émergeant. Elle réduit la pauvreté en augmentant la productivité du travail et l’emploi et en abaissant les prix pour tous. »

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dans le monde (par Thirtle et autres, 2001) ont montré qu’une augmentation de 10 % des rendements des cultures conduisent à une réduction de 6 à 12 % de la pauvreté (définie comme le pourcentage de la population vivant avec moins de 1 dollar par jour). Pour l’Afrique, l’effet de réduction a été estimé à 9,4 %. La difficulté est d’obtenir un fort taux de croissance de la productivité agricole tout en suscitant un environnement socioéconomique et politique de nature à renforcer les liens entre l’agriculture et les autres secteurs de l’économie.

1.17. L’analyse conduite en utilisant une matrice de la comptabilité sociale (MCS) pour comprendre les liens entre les secteurs de l’économie malienne montre que l’on pourrait maintenir une croissance favorable aux pauvres si plusieurs secteurs décisifs obtenaient de bons résultats : cultures vivrières; élevage et chasse ; élevage et industrie alimentaire ; autres industries alimentaires ; services personnels et collectifs et cultures pour l’exportation (Banque mondiale 2006). Ces secteurs (pratiquement tous agricoles ou liés à l’agriculture) se caractérisent par de forts liens en amont et aval17 et trois d’entre eux (cultures vivrières, élevage et chasse et cultures destinées à l’exportation) représentent ensemble 37 % de la valeur ajoutée du PIB. La MCS montre également que la croissance de la production agricole aurait le plus fort effet sur les ménages ruraux, qui ont tendance à être parmi les plus pauvres.

C. UNE STRUCTURE D’INCITATION DU SECTEUR AGRICOLE FAVORABLE A LA CROISSANCE

1.18. Par rapport à la situation du début des années 80, la structure d’incitation économique de l’agriculture, favorise globalement la croissance. Avant que les prix agricoles ne soient libéralisés dans la seconde partie des années 80, le secteur agricole était défavorisé, puisque les taux nominaux et effectifs de protection étaient négatifs (BM, Étude économique particulière, 1981). Les prix à la production régulés par le gouvernement étaient inférieurs aux cours mondiaux et pas totalement compensés par des subventions aux intrants agricoles. Par ailleurs l’État contrôlait la commercialisation des biens, régulant ainsi les prix à la consommation. À défaut de calculs plus récents des taux de protection nominaux et effectifs, nous nous fondons sur de nombreuses études qui ont évalué l’avantage comparatif de divers produits.18 Témé et Kébé (2003) notent que la protection effective dont jouit le secteur agricole malien est globalement positive ou neutre et Gergely (2002) conclut que le Mali a un avantage comparatif dans certaines productions maraichères, qui semblent être très profitables pour les exploitants agricoles et les grossistes.

1.19. L’évaluation de la structure des tarifs douaniers des principaux produits marchands permet de dire que la structure d’incitation est favorable. Du fait de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les importations (pour les équipements et intrants agricoles exclus) et des taxes additionnelles s’ajoutant aux taux modérés des droits sur les importations, la production locale de riz jouit d’une préférence de plus de 32 % en plus de la protection nationale—résultant surtout de la situation continentale du Mali, où les coûts de transport tendent à être élevés. (Ce qui permet aussi de préserver la compétitivité du Mali sur le marché local par rapport aux importations asiatiques subventionnées.) Le sucre jouit d’une protection particulière, une taxe additionnelle de 55 % sur les importations ; en pratique, cependant, cette taxe n’est pas appliquée parce que les importateurs profitent d’une politique qui annule la taxe pour trois unités de sucre pour toute unité de sucre local

17 ‘Forts liens’ se définit comme des indices de liaison supérieurs à 1 (moyenne normalisée pour l’ensemble de l’économie). 18 Par exemple les études choisies sont Gergely (…), USAID (…), CARANA (…).

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achetée par l’importateur. La protection conférée à l’agriculture par la structure tarifaire globale est quelque peu équilibrée par le coût des intrants importés (engrais, herbicides, etc.) qui, du fait de leur exemption de la TVA, ne supportent qu’un modeste droit de douane global (Tableau 1.6).

Tableau 1.6 : Tarif extérieur commun sur les biens venant des pays de l’UEMOA, 2004, en %

Taux des droits / importation par type a Biens importés DD RS PCS PC TVA

Taux global d’imposition des importations

Riz 10 1 1 0,5 18 32,48 Engrais minéraux (urée, etc.) 5 1 1 0,5 0 7.50 Équipements agricoles (herses, etc.) 5-10 1 1 0,5 0 7,50-12,50 Machines et engins (batteuses, etc.) 5 1 1 0,5 18 26,58 Véhicules de transport de marchandises 10 1 1 0,5 18 31,79 Sucre

Notes: a. DD : droits de douane ; RS redevance statistique ; PCS : Prélèvement communautaire de solidarité de l’UEMOA ; PC : prélèvement communautaire de la CEDEAO ; TVA : taxe sur la valeur ajoutée. Source: TEC (2004), tel que rapporté par Gagnon (2005).

1.20. Les évaluations de la structure des prix à la production du riz et du coton suggèrent que le système commercial actuel du Mali est favorable aux grands produits agricoles, notamment par rapport à la situation du début des années 80. Une étude des budgets de campagne pour la production de riz montre que la structure d’incitation a été favorable, notamment après la dévaluation : la comparaison des budgets de campagne des riziculteurs du Tableau 1.7 montre que la rentabilité réelle nette a augmenté de 8 à 94 %, selon la taille de l’exploitation et selon qu’elle se trouve dans une zone d’irrigation réhabilitée ou non. Un budget de campagne plus récent (pour 2002) montre que la rentabilité des exploitations rizicoles (mesurée par la part de la marge brute dans la valeur de la production) s’est largement maintenue (Tableau 1.8).19 et que les rendements réels nets se sont améliorés ou au moins n’ont pas baissé.20

1.21. Prix à la production et prix mondiaux : les producteurs de riz recoivent la quasi-totalité des prix mondiaux21 alors que les producteurs de coton, du fait

19 Du fait des différences dans les façons de regrouper les exploitants agricoles, dans les méthodes de recueil des données et des les choix des indicateurs budgétaires, il est difficile de tirer des conclusions fermes sur les tendances des grands indicateurs tels que la rentabilité par hectare, par jour de travail, le coût de production d’un kilo de riz etc. à partir des rapports publiés. Divers budgets ont été élaborés au cours de la dernière décennie par des chercheurs ainsi que par l’administration de l’ON (Kelly et Staatz, 2006, Annexe 2), mais ils sont compilés différemment. Étant donné l’investissement qui a déjà été consenti pour le recueil et la compilation des données budgétaires, il semble sage de regrouper les bases de données pour produire une ensemble cohérent de budgets comparables dans le temps. Les budgets consolidés pourraient alors être utilisés comme modèles pour structurer les futures collectes de données et l’analyse sectorielle (Kelly et Staatz, 2006, Annexe 3, fournit la liste des bases de données qui seraient les plus pertinentes). 20 Cette conclusion se base sur un calcul approximatif des rendements réels nets de la campagne 2002 du Tableau 3.5 comparés aux budgets des campagnes 1995/96–1996/97 du Tableau 3.4, en reconnaissant que la comparaison est très approximative étant donné la différence de taille des exploitations dans les deux tableaux. En l’absence d’un indice des prix de gros, l’indice des prix à la consommation sert de déflateur, appliqué à la valeur des rendements nets dans le Tableau 3.4. Les rendements réels nets 2002/03 sont 1,43 fois plus élevés pour les exploitations de moins de 5 hectares, 1,15 fois plus élevés pour celles de 5 à 10 hectares et 1,04 fois plus élevés pour celles de plus de 10 hectares que ceux de la précédente période. 21 Cela reflète des prix basés sur le marché et une demande croissante de riz au Mali et en Afrique de l’Ouest ainsi que les niveaux de protection conférés par le coût élevé des transports. Le riz n’est pas strictement un bien d’exportation au sens où le coton l’est, car, comme on l’a dit, le riz est produit principalement pour remplacer des importations, même si un peu de riz est exporté vers des pays voisins. Mais, dans la mesure où le riz local est en concurrence avec le riz importé (largement d’Asie), la comparaison entre les prix payés aux producteurs et les cours mondiaux reste pertinente pour des raisons de compétitivité.

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d’inefficiences de coûts de la société cotonnière, n’ont reçu que 35 %22 environ du cours mondial au début des années 80. À partir du milieu des années 80, la prix payé aux producteurs maliens, en pourcentage du cours mondial du coton, a augmenté, passant à 64 % en 1990 puis 71 % en 2000 (Tefft, 2003). Mais cette augmentation s’est produite alors que les cours mondiaux du coton baissaient, à la fin des années 90, ce qui s’est traduit par des difficultés financières pour le secteur du coton et a montré que le prix payé aux producteurs était à un niveau insoutenable. Le récent changement (en 2005) liant le prix payé aux producteurs au cours mondial et garantissant à ceux-ci 60% des revenus bruts du secteur à partir de 2005, va très loin pour renforcer la rentabilité au niveau des producteurs de coton. Néanmoins, les incitations économiques ne sont qu’un des facteurs décisifs de la performance du secteur agricole. Le secteur est confronté à d’autres contraintes qui devront être levées pour compléter et renforcer les améliorations apportées à la structure du prix payé aux producteurs.

1.22. Des indicateurs autres que les budgets de campagne montrent également des incitations économiques favorables pour les riziculteurs de l’Office du Niger. Des études sur les marges commerciales montrent, par exemple, que la part des riziculteurs dans le prix à la consommation s’est accrue après la dévaluation (Mariko, Chohin-Kuper et Kelly 2001a, 2001b). Des études plus récentes (Kébé et autres 2003) montrent que la part dans le prix à la consommation perçue par les riziculteurs varie entre 70 % et 90 %, selon la saison. C’est plus que ce que perçoivent les producteurs de céréales sèches dans la zone cotonnière (67 %) et reflète très probablement la valeur du riz vendu au détail plus forte que celle des céréales sèches. Comme les marges commerciales absolues au kilo sont similaires quels que soient les céréales, les agriculteurs touchent davantage pour celles qui ont la plus forte valeur marchande au détail. La libéralisation et les mesures fiscales qui l’ont accompagnée ont maintenu la compétitivité du riz malien par rapport aux importations asiatiques, notamment depuis la dévaluation de 1994. Certains ont exprimé leur inquiétude d’une baisse de la compétitivité des marchés régionaux en raison de la baisse du taux de change dollar contre franc CFA (Diarra 2004), mais la croissance de la demande intérieure devrait être assez forte pour maintenir les prix à un niveau qui assure la rentabilité des exploitations rizicoles et justifier une importante expansion des zones irriguées (Baris et Zaslavsky 2004).

22 Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme le Zimbabwe et l’Inde où, pendant la même période, les producteurs ont perçu entre 37 et 60 % du cours mondial (Tefft, 2003).

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Tableau 1.7 : Budgets de campagne des riziculteurs de l’ON avant et après la dévaluation et après

Avant le dévaluation 92/93 et 93/94 (en FCFA nominaux)

Après la dévaluation 95/96 et 96/97 (en FCFA nominaux)

Évolution en % de la rentabilité nette (évaluée en termes réels)

Petites expl. <4 ha

Expl. moyennes 4-10 ha

Grandes expl. >10 ha

Petites expl. <4 ha

Expl. moyennes 4-10 ha

Grandes expl. >10 ha

Petites expl. <4 ha

Expl. moyennes 4-10 ha

Grandes expl. >10 ha

Globale

Zones réhabilitées (en milliers de FCFA nominaux par hectare) (évolution réelle en %) Valeur de la production 356,7 287,7 330,6 536,4 660,7 615,3 Coûts variables 200,6 179,5 183,4 282,4 304,2 308,2 Coûts fixes 29,9 22,2 21,5 39,5 36,2 37,2 Rapport net sans compter le travail 175,2 134,8 174,6 273,1 378,7 328.5 8 94 30 34 Rapport en comptant le travail familial 126,3 85,9 125,7 214,5 32,0 269,2 Rapport net par jour de travail familial 1,8 1,4 1,8 3,5 4,8 4,2 Marge brutea 0,44 0,38 0,45 0,47 0,54 0,5 Zones non réhabilitées Valeur de la production 189,2 201,5 225,1 420,2 444,5 473,8 Coûts variables 113,0 110,0 105,2 243,5 223,0 226,9 Coûts fixes 22,6 18,1 16,0 34,2 28,3 28,0 Rapport net sans compter le travail familial 71,2 90,9 121,5 190,1 240,8 266,4 84 83 51 78 Rapport en comptant le travail familial 53,6 73,3 103,9 142,5 193,2 218,8

Rapport net par jour de travail familial 2,0 2,6 3,5 3,0 3,8 4,2 Marge brute* 0,40 0,45 0,53 0,42 0,50 0,52 Source: Adapté de Mariko et autres (2001a). a. Marge brute calculée ainsi : (Valeur de la production – coûts variables)/Valeur de la production, les coûts variables incluant le coût d’opportunité estimé du travail de la famille.

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Tableau 1.8: Budget de campagne indicatif, par type d’exploitation et saison (riz, oignon), 2002

Production de riz en saison humide Production de riz en saison sèche

Production d’oignons

Production Unité Expl. de <5 ha

Exploitation 5-10 ha

Expl. de > 10 ha

Toutes exploitations

Toutes exploitations

Rendement Kg/ha 5000 5000 5000 3500 15000 Valeur brute de la production FCFA/ha 608.450 608.450 608.450 429.100 3.000.000 Coûts Semences FCFA/ha 9.600 9.600 9.600 9.600 378.000 Di-phosphate d’ammonium FCFA/ha 31.250 31.250 31.250 31.250 12.500 Urée FCFA/ha 45.000 45.000 45.000 45.000 22.500 Fumier FCFA/ha 15.000 15.000 15.000 5.000 250.000 Sacs pour le riz FCFA/ha 5.250 5.250 5.250 5.250 25.000 Droits d’usage de l’eau FCFA/ha 63.500 63.500 63.500 6.350 63.500 Frais de battage FCFA/ha 60.000 60.000 60.000 42.000 0 Frais d’écorçage FCFA/ha 22.750 22.750 22.750 24.500 0 Frais financiers (pour intrants) FCFA/ha 9.150 9.150 9.150 9.150 0 Main d’œuvre (journaliers) FCFA/ha 16.600 21.693 24.900 0 102.000 Main d’œuvre (saisonniers) FCFA/ha 3.192 5.659 7.885 0 0 Entretien des animaux FCFA/ha 5.000 5.000 5.000 1.500 0 Entretien de l’équipement FCFA/ha 2.500 2.500 2.500 0 0 Dépréciation de l’équipement FCFA/ha 17.500 8.500 6.500 6.500 6.500 Frais financiers (équipement) FCFA/ha 15.250 8.458 6.581 6.581 6.581 Coût totaux (hors travail de la famille) FCFA/ha 321.543 313.310 314.866 192.681 866.581 Rapport net FCFA/ha 286.907 295.140 293.584 236.419 2.133.419 Marge brute/valeur de la production*

Hors travail de la famille 0,53 0,51 0,50 0,58 0,72 Y compris travail de la famille 0,52 0,50 0,49 0,57 0,71 Valorisation du travail familial et groupes de travail non rémunérés FCFA/j/ha 4801 5.904 6.942 2.848 2.133 Coût de production (y c. travail familial)

FCFA/kg de riz 64,31 62,66 62,97 55,05 57,77

Valeur ajoutée FCFA/ha 306.700 322.492 326.369 236.419 223.5419 Argent nécessaire pour couvrir les coûts de production FCFA/ha 125.892 133.452 138.885 96.100 790.000

Source: GEDUR (2003), tiré des données de Mendez del Villar, Sourisseau et Diakité (2005); Mariko, Chohin-Kuper et Kelly (1999) et Bélières et Bomans (2001).

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D. PLUSIEURS CONTRAINTES NON MONETAIRES FREINENT LA CROISSANCE DE LA PERFORMANCE ET DE LA PRODUCTIVITE AGRICOLES

1.23. Une évaluation des déterminants de l’évolution de la productivité agricole suggère que beaucoup de facteurs non monétaires limitent les gains de productivité de l’agriculture. Une étude plus désagrégée de la productivité des sols (par sous-secteurs) permet d’identifier les variables techniques, économiques et de politique qui influencent l’évolution du rendement.23 Ces variables se situent non seulement au niveau des exploitations agricoles dont les exploitants ont la maîtrise, mais encore au niveau des sous-secteurs où d’autres facteurs entrent en jeu comme la recherche et la vulgarisation, l’offre d’intrants et les mécanismes de crédits de campagne, l’organisation et la structure des marchés, et la volatilité des prix des intrants et des produits agricoles. Les variables s’appliquent même aux secteurs non agricoles liés au secteur agricole (telles que les perspectives des entreprises agro-industrielles, qui pourraient fournir aux activités agricoles l’avantage d’une demande tirant la production ; la capacité du secteur financier à prêter au secteur rural ou aux transformateurs des produits agricoles ainsi que la vulgarisation et la qualité de l’enseignement dans les zones rurales). Le reste de cette section porte sur des filières particulières (riz, coton, céréales sèches, horticulture)24 pour éclairer les contraintes thématiques communes pesant sur ces sous-secteurs et sur l’ensemble du secteur agricole plus généralement. Le Tableau 1.14, à la fin de cette section résume les principaux facteurs qui ont joué sur la performance des filières agricoles jusqu’ici et souligne les facteurs freinant l’amélioration de la performance.

Le riz (Office du Niger)

1.24. L’amélioration de la gestion de l’irrigation et des pratiques et techniques agronomiques du riz, combinée avec les réformes du marché qui ont incité les riziculteurs à adopter de nouvelles méthodes, sont au cœur des gains de productivité dans la zone d’irrigation de l’Office du Niger (ON). L’Encadré 1.1 fournit une description complète des réformes dans la zone de l’ON : amélioration de la maîtrise de l’eau (grâce à la réhabilitation de l’infrastructure d’irrigation, à de meilleures pratiques de gestion de l’eau et à une réforme institutionnelle de l’ON), amélioration des variétés de riz, adoption du repiquage, augmentation des quantités d’engrais utilisés. L’amélioration des techniques et des pratiques a été efficace parce que le contexte économique et institutionnel (renforcement des droits de propriété des exploitants agricoles, renforcement de la gestion du système d’irrigation, libéralisation du décorticage et de la commercialisation) a évolué de façon à fournir une large gamme d’incitations socioéconomiques aux exploitants agricoles ainsi qu’aux prestataires de services25. Les 23 On a tenté d’utiliser une analyse de régression pour identifier les déterminants de la productivité des sols au niveau agrégé en utilisant la valeur ajoutée de la culture comme variable dépendante. La brièveté de la série temporelle et le peu de variables disponibles (parmi les nombreux facteurs pouvant expliquer la variation de la valeur ajoutée de la culture) n’ont pas permis d’obtenir des estimations robustes, d’où l’attention donnée aux contraintes non monétaires dans le développement qui suit. Les variables explicatives utilisées dans le modèle de régression étaient : l’utilisation globale d’engrais, les précipitations moyennes, les prix (représentés par le seul coton, pour des raison de disponibilité), une évolution temporelle et une variable fictive égale à un pour la période postérieure à la dévaluation (toutes les données indiciaires ont été converties en logarithmes naturels). 24 L’évaluation a été faite activité par activité en utilisant diverses méthodes selon la disponibilité et la qualité des données. Comme l’on dispose de bien davantage de données et d’informations pour le riz et le coton (secteurs d’activité « modernes ») que pour les cultures « traditionnelles » (autres céréales), les cultures de diversification (maraîchage et cueillette de produits forestiers comme la noix de karité) et les autres activités agricoles (élevage, lait, miel et autres), le développement porte sur les secteurs modernes de culture. 25 Les prestataires de service incluent l’ON, la recherche et les services de vulgarisation, les banques, les fournisseurs d’intrants, les négociants en riz.

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exploitations de la zone de l’Office du Niger ont connu une croissance des rendements pendant les années 90, même dans les zones d’irrigation non réhabilitées (Graphique 1.12). En effet, dans celles-ci, les riziculteurs ont adopté les pratiques culturales améliorées (telles que le repiquage) qui ont été promues dans les zones réhabilitées. Globalement, les rendements moyens sont passés de 2 tonnes par hectare (t/ha) en 1987/88 à 6 t/ha en 2003/04, de nombreuses exploitations atteignant des rendements de 7 ou 8 t/ha.

1.25. On pourrait obtenir des gains de productivité en réhabilitant les zones qui ne le sont pas et permettre aux petites et moyennes exploitations de rattraper la majorité.26 Les données montrent que les rendements de la riziculture ont eu tendance à se stabiliser depuis 2000, même dans des zones (non réhabilitées ou situées à l’extérieur des structures officielles d’irrigation) qui ont encore des rendements inférieurs à leur potentiel (4 à 5 t/ha contre plus de 6 dans les zones réhabilitées).27 La moitié seulement de la superficie de la zone de l’Office du Niger a bénéficié d’une réhabilitation de l’infrastructure d’irrigation, alors que toutes les surfaces plantées en riz bénéficient de la pratique du repiquage. Les comparaisons des budgets de campagne entre les deux types de zones suggèrent que l’écart entre zones réhabilitées et non-réhabilitées a fortement diminué, notamment pour les grandes exploitations (voir le rapport net par jour du travail familial et la part de la marge brute pour les deux types de parcelles, dans le Tableau 1.7). Mais, après la dévaluation, les exploitations rizicoles petites et moyennes qui constituent la majorité des exploitations, dans les zones d’irrigation réhabilitées ont gagné 16 à 27 % de plus, en moyenne, que les exploitations dans les zones non réhabilitées. Cela montre qu’il y a de la marge pour une poursuite des progrès des rendements moyens par une extension de la réhabilitation aux zones restantes. L’augmentation de rentabilité inciterait les riziculteurs à améliorer leurs pratiques agronomiques. Aussi, l’extension plus rapide de l’irrigation à d’autres zones faciliterait la croissance agricole. La clé de la poursuite de la réussite est d’avoir les ressources humaines et l’environnement institutionnel nécessaire pour une adaptation rapide aux nouvelles situations.

26 La réhabilitation des zones d’irrigation serait probablement avantageuse, mais sa réalisation doit être pondérée par le coût d’opportunité d’autres investissements relatifs à l’irrigation. L’investissement dans l’irrigation avec une maîtrise totale de l’eau domine le système de l’ON – c’est le type d’irrigation le plus cher. Une partie (mais pas la totalité) de l’accroissement des rendements dans la zone ON pendant les années 90 a été lié à la réhabilitation des infrastructures existantes qui a coûté 2.500.000 FCFA/ha. Une expérience plus récente d’extension des canaux d’irrigation dans des zones hors casiers a impliqué le test de méthodes moins onéreuses ; par exemple, l’expansion Retail IV représentait des coûts estimés de 600.000 FCFA/ha. Bien que ces périmètres à coût inférieur aient connu quelques problèmes techniques (mauvais drainage, en particulier, ayant conduit à une salinisation) ainsi que des problèmes socioéconomiques (les nouveaux riziculteurs ont du mal à payer leur contribution), la méthode à coût inférieur offre la possibilité d’ouvrir les zones irriguées à davantage de riziculteurs que la simple réhabilitation des canaux existants (si les problèmes techniques peuvent être surmontés). Avec une bonne gestion, l’expansion des périmètres, l’irrigation pourrait être une politique favorable aux pauvres, mais beaucoup dépendra des règles établies pour l’accès aux terres irriguées et des types de soutien fourni aux riziculteurs pauvres qui pourraient ne pas être à même de verser leur contribution financière au départ. Une question apparaît : la taille minimale de l’exploitation pour la viabilité financière. Les recherches suggèrent que les exploitations de moins de cinq hectares sont trop petites pour supporter la famille paysanne type de dix personnes. 27 Entre 1991 et 2001, l’ON a ajouté ou amélioré 11.000 hectares de terres, soit 1.000 hectares par an, dont 58 % étaient constitués de terrains hors casiers améliorés. Ceux-ci, champs qui bénéficient de canaux d’irrigation non officiels et ne font pas partie des périmètres irrigués officiels, ne sont pas inclus dans cette analyse. Ces terres hors casiers représentent actuellement environ 10 % du total de la zone rizicole de saison humide mais seulement 6 % de la production. Voir Annexe 1 de Kelly et Staatz (2006).

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Encadré 1.1 : Productivité du riz dans l’Office du Niger : une réussite aux multiples composantes

Avant le milieu des années 80, la production de riz dans l’Office du Niger pouvait être dite « extensive », avec une famille moyenne de 3,5 personnes actives cultivant 5 à 6 hectares (environ 1,7 ha chacun) et une seule récolte par an alors que la terre permet deux récoltes. La pratique culturale était l’ensemencement après le début des pluies, en utilisant moins de 25 kilos d’engrais par hectare et avec une maîtrise de l’eau incertaine. En seulement trois ans (1986–89) les riziculteurs soutenus par le projet Retail financé par la France ont réduit la surface cultivée (1 à 1,5 hectares par actif) et gagné plus d’argent (78.000 FCFA par hectare contre 15.000 auparavant). Le riz représente maintenant 12,3 % de la valeur ajoutée agricole, contre seulement 4,3 % dans les années 80.

Cette transformation a résulté de l’amélioration des pratiques (repiquage, meilleure maîtrise de l’eau, davantage d’engrais) et de l’utilisation de 23 % des terres pour une seconde récolte. La grande réforme institutionnelle qui a permis cette transformation a été l’adoption du permis d’occuper, qui a amélioré les droits des exploitants agricoles non seulement sur leurs champs de riz mais encore sur la parcelle où est située leur maison et leur jardin familial. La libéralisation du marché des céréales a, par ailleurs, donné une incitation par le prix à accroître la productivité. Il y a eu également des facteurs techniques : réduction de la taille des parcelles pour faciliter la préparation du sol et la maîtrise de l’eau, identification de variétés de riz à haute performance, adoption du repiquage, utilisation accrue d’engrais (100 kilos à l’hectare) et développement des services de vulgarisation de la recherche à même de répondre aux nouveaux problèmes (tels que la salinisation, les déficiences en nutriments des sols et les virus du riz). Les facteurs socioéconomiques ont été une meilleure gestion des crédits de campagne et des systèmes de commercialisation de la production par des associations d’exploitants, la formation des exploitants à la gestion et la collaboration avec les banques pour rééchelonner les anciennes dettes et améliorer la capacité de tri des demandes de prêts.

On peut résumer de la façon suivante les facteurs de la réussite du riz irrigué de l’Office du Niger : 1 • Responsabilités institutionnelles de l’ON recentrées sur l’infrastructure et la gestion de l’eau. • Plus grande participation des riziculteurs aux décisions. • Plus grande responsabilité des riziculteurs dans l’entretien des infrastructures. • Transfert des fonctions d’achat des intrants et de commercialisation de la production de l’ON

aux riziculteurs. • Investissements pour améliorer la qualité des infrastructures d’irrigation en voie de dégradation. • Amélioration des produits techniques et des pratiques agronomiques, notamment amélioration

des variétés utilisées, repiquage, nivellement des champs et augmentation de l’utilisation de l’engrais.

• Libéralisation de la commercialisation et du décorticage du riz, réalisée par la scission de l’oligopole qui dominait le commerce du riz dans les années 80. Cela a permis aux riziculteurs de recevoir une plus grande part du prix de la vente du riz, ce qui a incité à de nouveaux investissements dans la culture du riz et l’adoption de nouvelles techniques et amélioré la transmission des signaux des prix des consommateurs aux négociants et aux riziculteurs, ce qui a encouragé la différentiation des produits et l’investissement dans les pratiques après récoltes.

• Innovations techniques dans le décorticage à petite échelle permettant une plus grande valeur ajoutée au niveau de l’exploitation rizicole.

• Services de recherche et de vulgarisation capables de répondre aux besoins nouveaux des riziculteurs. • Changements dans les politiques relatives aux droits des sols. • Soutien concerté, de longue durée, coordonné, complémentaire de celui de l’État malien de la

part de grands donateurs qui se sont servis d’actions d’un projet pour tester des solutions techniques et socioéconomiques possibles aux contraintes de productivité avant de les étendre à l’ensemble de la population.

• Calendrier des réformes macroéconomiques favorable (dévaluation en 1994 et politiques relatives aux droits de douane mises en œuvre dans les années 90).

1Voir Bonneval et autres (2002) et Aw et Diener (2004) pour d’excellentes revues des facteurs ayant contribué à l’augmentation des rendements à l’Office du Niger. Voir aussi Diarra et al. (2000) sur l’effet de la libéralisation du riz et du décorticage.

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Graphique 1.12 : Évolution du rendement du riz irrigué dans l’Office du Niger (t/ha)

Source: Kelly et Staatz (2006), adapté des données et du graphe de J.F. Belières, CIRAD/IER.

1.26. Les contraintes actuelles de la zone de l’ON auxquelles il faudrait prêter attention sont les suivants : accès aux intrants, au crédit et à la terre et mauvaise qualité du riz décortiqué. Dans une récente enquête auprès des riziculteurs, les obstacles les plus fréquemment cités dans la zone de l’Office du Niger étaient les suivants : accès aux intrants (90 % des réponses), accès au crédit (87 %), accès à la terre (71 %) et mauvaise qualité du riz décortiqué (Kébé et autres 2005). Pour ce qui est des intrants, malgré les améliorations au cours de la dernière décennie, le système de livraison des intrants de l’Office du Niger souffre encore des problèmes suivants : coût élevé des intrants, pénuries et livraison tardive d’engrais, pénuries occasionnelles des variétés de semences préférées et fort taux de défaillance des débiteurs. De récents entretiens informels avec des fournisseurs d’engrais et des représentants de l’association des riziculteurs de l’Office du Niger ont révélé un problème croissant d’organisation et de financement des importations et de la distribution des d’engrais (Encadré 1.2). Lié à ces questions se pose le problème de l’accès au crédit qui, ces dernières années, semblait être freiné par le peu de possibilités des fournisseurs d’obtenir du crédit acheteur en raison de dettes impayées antérieures des riziculteurs.28 En 2003 de nombreux fournisseurs ont commis l’erreur d’offrir de l’engrais à crédit à des associations d’exploitants non affiliées au système de crédit souscrit par la Banque nationale de développement de l’agriculture. Or, de nombreux bénéficiaires n’étaient pas solvables, ce qui a conduit à de nombreux défauts de paiement qui ont mis les fournisseurs eux-mêmes en défaut sur leurs propres lignes de crédit (offertes par les représentants des fabricants à Abidjan et Dakar). Pour compliquer encore la situation, la nouvelle direction d’une grande société d’engrais à Abidjan (HydroChem devenue Yara) a complètement interrompu l’octroi de crédit fournisseur aux importateurs maliens.

28 Une comparaison de données d’enquêtes de 1999 et de 2003 suggère que l’accès au crédit s’est un peu détérioré. Une plus grande proportion des riziculteurs utilisaient le crédit en 1999 (79 %) qu’en 2003 (66 %). Environ la même proportion de l’ensemble de l’échantillon a dit ne pas avoir besoin de crédit (11%) et moins ont dit avoir des soucis d’accès au crédit en 2003 (5 %) qu’en 1999 (13 %), mais une plus grande fraction de l’échantillon de 2003 (23 % contre 10 % en 1999) a indiqué ne pas pouvoir avoir accès au crédit. Du fait de différences dans les questionnaires, la raison exacte de l’augmentation en 2003 est inconnue (voir Kelly et Staatz 2006, Tableaux 5 et 6).

0

1

2

3

4

5

6

7

87/88

88/89

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91/92

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99/00

00/01

01/02

02/03

03/04

Casiers réaménagés

Casiers non réaménagés

Hors casiers

Ensemble

tonnes par hectare

Riz d'hivernage

Source : Bilan de campagne de l'Office du Niger

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Encadré 1.2: Les problèmes de l’approvisionnement en engrais

Les deux dernières saisons de production ont connu des pénuries dans l’offre d’engrais et une baisse de la capacité des exploitants agricoles à en acheter. En 2003/04 et 2004/05 les sociétés fournissant les organisations d’exploitants ont eu des taux élevés de défaillances, des retards de livraison et un envol des prix sur les marchés locaux. (L’urée s’est vendue de 18.000 à 20.000 FCFA le sac de 50 kg en 2005 contre un prix prévu de 12.000 à 15.000 FCFA.) L’absence de professionnalisme est visible chez tous les acteurs (importateurs, distributeurs et organisations d’exploitants) de la chaîne de l’achat d’engrais. Les appels d’offres sont mal gérés, la capacité des soumissionnaires à réaliser leur offre n’est pas évaluée et le processus juridique de poursuite des défaillants est complexe, lent et souvent occasion de corruption.

Le Centre international de développement des engrais travaillait avec les exploitants agricoles à promouvoir le Projet d’Appui à la commercialisation des céréales au Mali, par lequel les associations d’exploitants engagent un personnel professionnel pour commercialiser le riz et accumuler le capital qui pourrait être utilisé pour acheter directement à des fournisseurs étrangers (en évitant le secteur de l’offre d’intrants de plus en plus dysfonctionnel). Le programme a réussi en 2004/05 à procurer des engrais à des prix généralement bas avec des livraison à temps, mais il faudrait accorder plus d’attention à la viabilité à long terme du système. Les associations devraient par ailleurs mieux communiquer avec leurs adhérents pour assurer la transparence et la confiance dans les transactions et les négociations. Ce n’est pas une tâche facile parce que beaucoup d’adhérents des associations sont illettrés et peu familiers des pratiques d’achat et de vente commerciaux.

1.27. Concernant la terre, les riziculteurs trouvent difficile d’obtenir des parcelles supplémentaires pour sortir des problèmes de trésorerie et de pauvreté liés aux trop petites exploitations. Alors que les marges brutes à l’hectare sont proches quelque soit la taille de l’exploitation (les marges des grandes exploitations ne sont supérieures que de 19 % à celles des petites), les marges par personne des grandes exploitations sont environ 140 % supérieures à celles des petites (Tableau 1.9). Autre préoccupation, la qualité du riz décortiqué local, qui ne répond plus à la demande croissante nationale et régionale pour une meilleure qualité de riz (sans brisures). Le décorticage du riz est dominé par une multitude de petites usines (possédées par des particuliers ou des associations de riziculteurs), qui ne produisent pas du riz de haute qualité mais néanmoins permettent aux riziculteurs de capter de la valeur ajoutée en transformant leur riz. Cette situation se traduit par une offre de riz moins importante (et donc des prix plus élevés) pour les transformateurs qui proposent une plus haute qualité de décorticage et les empêche de faire tourner leur usine à pleine capacité et donc d’être compétitifs par rapport au riz de qualité importé qui est demandé par les consommateurs aisés du Mali ou par les marchés régionaux, comme la Côte d’Ivoire. Il serait souhaitable de disposer d’une technique intermédiaire de décorticage qui pourrait améliorer la qualité du riz et être acquise et exploitée par des associations de riziculteurs, car elle leur permettrait de produire un riz de meilleure qualité et de profiter de plus de la valeur ajoutée du décorticage.

Tableau 1.9 : Marges brutes de la production du riz à l’Office du Niger, par taille d’exploitation

Type d’exploitation Nombre d’exploitation

Surface cultivée moyenne (ha)

Marge brute par exploitation (FCFA)

Marge brute par ha (FCFA)

Marge brute par personne (FCFA)

Petite (0,25 à 3 ha) 254 1,86 482.382 259.345 59.208 Moyenne (3 à 10 ha) 260 5,61 1.587.977 283.062 105.686 Large (> 10 ha) 35 14,72 4.524.759 307.389 141.901 Toutes exploitations 549 4,46 1.263.690 283.338 86.492 Source: Belières et Bomans (2001). Le coton

1.28. À la différence de celle du riz, la productivité du coton a baissé au début des années 90 et est restée stable pendant la fin de cette décennie, pour quatre grandes raisons. D’abord, la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT), société nationale cotonnière, semble avoir mis l’accent sur les volumes de

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production au détriment de la productivité : elle a promu l’expansion de la production de coton dans les zones cotonnières originelles (par un accroissement des superficies des exploitations) et dans de nouvelles zones telles que celle de Kita dans la région de Kayes. Le Graphique 1.13 montre comment l’aire de culture du coton s’est étendue, ce qui a conduit à une baisse du rendement moyen, montrée par le Graphique 1.11).29 La CMDT a par ailleurs introduit de nouvelles variétés de coton en 1994 qui ont accru la production de l’égrenage mais tendu à réduire le rendement des récoltes (Graphique 1.14). Cela a correspondu à peu près avec la dévaluation du franc CFA, qui a accru la rentabilité de la production de coton par rapport aux autres cultures, malgré la hausse du coût des intrants.

1.29. Ensuite, la dynamique socioculturelle des familles a tendu, ces dernières années, à se traduire par la division d’exploitations importantes et bien équipées (dirigées par un patriarche) en plusieurs exploitations (gérées par la génération suivante) disposant de moins d’équipements à traction animale. Les exploitations moins bien équipées obtiennent généralement des rendements inférieurs car des activités culturales cruciales ne sont pas toujours exécutées au bon moment (Giraudy, 1999; Follin et Deat, 1999). Il est intéressant de noter que la structure sociale historiquement multi-générationnelle dans les zones cotonnières s’oppose à la structure famille nucléaire largement répandue dans la zone plus dynamique de l’ON. Si la tendance vers la généralisation des familles nucléaires dans la zone cotonnière peut amener des gains de productivité à long terme, à court terme, par contre, elle apparaît désavantageuse en raison d’insuffisance de la dotation en capital de la nouvelle génération.

Graphique 1.13 : Expansion de la zone cotonnière et évolution tendancielle

Graphique 1.14 : Effet des nouvelles variétés de coton sur les rendements et l’égrenage

Source: Kelly et Staatz (2006), à partir de données CMDT Source: Tefft (2003) rapporté par Kelly et Staatz (2006).

1.30. Troisièmement, l’adoption de pratiques de gestion des sols et de conservation de l’eau a été insuffisante. Du fait de la hausse des prix des engrais, les producteurs de coton ont réduit leur utilisation d’engrais ce qui contribué à la stagnation de la productivité. Mais de nombreux exploitants n’ont pas adopté les pratiques de gestion des sols et de conservation de l’eau, susceptibles de contrecarrer l’affaiblissement du rendement dû à une

29 Cette expansion a fait baisser les rendements moyens (i) en déplaçant la production vers des zones où les précipitations sont moindres et les sols moins favorables et (ii) en contribuant à réduire le taux d’utilisation des engrais à l’hectare (évident notamment pendant les 3 ou 4 dernières années). Une partie de la diminution de l’usage des engrais peut être due au fait que la CMDT a facilité les conditions de crédit et n’a plus exigé que les exploitants achètent la totalité de l’ensemble d’intrants recommandé. Un autre facteur peut être simplement l’évitement du risque par des exploitants ne souhaitant pas prendre la totalité d’une ligne de crédit pour tant d’hectares de coton.

Expansion zone coton CMDT : 1984-2004y = 20883x + 67839

R 2 = 0.7935

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000

1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 20002002 2004

années

Hectares

Tend. Zone cotton CMDT Linéaire (Tendance de la zone coton)

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moindre utilisation d’engrais.30 Les exploitants de la zone cotonnière qui ont adopté les pratiques de gestion et de conservation des sols et de l’eau (GCSE) qui accroissent la matière organique dans le sol et la capacité de rétention de l’humidité ont amélioré à la fois l’efficacité des engrais et les rendements, malgré la diminution des pluies (Tableau 1.10) (CMDT/DPCG/DTDR 2002; Kelly 2003; Berthé 2004a, 2004b; Brannan et autres, à venir). Mais l’adoption des pratiques de GCSE ne s’est pas généralisée notamment parmi les exploitants pauvres (Tableau 1.11), pour plusieurs raisons : manque d’équipements, incertitude foncière, insuffisance de main d’œuvre, nécessité de migrer pendant la saison sèche (lorsque les pratiques de GCSE sont exécutées) et manque de fonds pour investir. Il y a aussi des manques dans la vulgarisation de la GCSE et les ressources locales pour aider les exploitants.31

1.31. Quatrièmement, lenteur de la réponse aux progrès techniques en matière de variétés de semences adoptées dans d’autres pays, ce qui pose un important problème pour la compétitivité future du coton du Mali. En plus des engrais, les insecticides représentent un autre intrant coûteux important pour la production du coton, dont l’utilisation inefficiente contribue à des rendements inférieurs au potentiel. Faute d’un cadre légal, réglementaire et institutionnel incitateur, les derniers progrès techniques dans les variétés de semences (à savoir des plants de coton résistants aux insectes) ne sont pas encore adoptés au Mali bien que les efforts initiaux de recherche soient en cours (Encadré 1.3).

Tableau 1.10 : Rendements avant/après l’adoption de l’aménagement en courbes de niveau a/, b/

Avant l’adoption Après l’adoption Cultures (1999) (2000) (2001) (2002) Sorgo 647 969 1.027 1.018 Mil 678 936 1.044 1.004 Maïs 1.025 1.422 1.467 1.900 Coton 810 1,171 1.191 998 Pluies (en mm à Ségou) 955 624 673 505 Pluies (en mm à Sikasso) 1.123 973 1.022 779 Notes: a/ l’aménagement en courbes de niveau est une pratique de conservation du sol et de l’eau consistant à labourer sur le contour de la parcelle pour créer des élévations du sol à intervalles choisis (par exemple tous les 4 à 8 sillons) afin d’empêcher le ruissellement. Les élévations sont maintenues en place par des haies vives ou d’autres plantations. b/ Ce Tableau présente les résultats de quatre années d’expérience de cultures du coton avec labour en billon par 41 exploitations dans les régions de Ségou, Sikasso et Koulikoro. Malgré la baisse des précipitations après l’adoption du labour en billon, les exploitants ont réussi à accroître les rendements de toutes les cultures. Source: Berthé 2004a.

30 Certains chercheurs ont suggéré que la CMDT peut réduire les coûts des engrais avec peu de perte dans la réponse des engrais en recommandant une formule NPK moins onéreuse pour les exploitants (Diouf et al.1998). D’autres ont vanté l’utilisation de phosphorites à Tilemsi (au nord du Mali), mais l’analyse économique n’a pas montré que c’était une solution économique étant donné les coûts de production et de transport (Henao et Baanante 1999; Crawford et Kelly 2001). Accroître l’efficience de l’utilisation des engrais est une façon potentiellement plus efficace de maintenir voir améliorer la productivité en réduisant les apports d’engrais. 31 Des études de plus en plus nombreuses suggèrent que la suppression des obstacles à une plus large adoption de ces pratiques augmentant productivité et le revenu basées sur une amélioration de la gestion des ressources naturelles pourrait fortement accroître les rendements tout en dopant les revenus et en assurant la viabilité à plus long terme des systèmes de culture (Kelly et autres 2005; Reij et Thiombiano 2003; Tappan et McGahuey 2004; Berthé 2004a, 2004b; Brannan et autres à paraître). Les obstacles sont non seulement l’insuffisance des ressources des exploitants mais encore l’insuffisante capacité des services de vulgarisation à aider les exploitants agricoles à mettre en œuvre ces pratiques (localisation des courbes pour l’emplacement des aménagements anti-érosion, par exemple) et l’insuffisance des ressources locales lorsque la mise en place des aménagements anti-érosion nécessite un effort de la communauté locale (par exemple, pour transporter des rochers ou les plantes pour stabiliser les aménagements anti-érosifs et l’installation des aménagements sur les fermes multiples).

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Tableau 1.11 : Pratiques anti-érosion et d’utilisation du fumier, par type d’exploitation

Type d’exploitation et description % utilisant les aménagements anti-érosion

% utilisant les pratiques améliorées relatives au fumier

A. au moins deux équipes et 6 têtes de bétail 56 98 B. 1 équipe et pas de bétail 45 86 C. équipe partielle avec une expérience de la traction animale 35 63 D. travail manuel seul (pas d’équipement ni d’expérience) 22 35 Note: Les exploitations de Type A obtiennent régulièrement un meilleur rendement que les autres (Dioné 1990; Raymond et Fok 1994; Kébé, Diakite et Diawara 1998, cité par Tefft 2003) et des taux d’adoption de ces pratiques plus élevés font partie des explications de leurs plus hauts rendements. Source: Résultats préliminaires de données de suivi d’évaluation CMDT 2003/04.

Encadré 1.3 : Amélioration des rendements du coton : promesse de la variété résistante aux insectes

La solution pour réduire le coût des insecticides pourrait être technique. Suivant l’exemple du Burkina Faso voisin, l’Institut d’économie rurale du Mali et la CMDT prévoient des tests d’un coton résistant aux insectes (Bt). S’ils sont concluants, la résistance aux insectes sera intégrée à la plante, ce qui réduira fortement le besoin d’épandre des insecticides. Bien que le coton Bt ne soit pas résistant à tous les insectes, il a permis d’importantes hausses de rendement et des réductions d’utilisation d’insecticides dans diverses conditions de production (voir Monsanto 2004 pour les essais initiaux dans les champs au Burkina Faso). Les estimations ex-ante des bénéfices du coton Bt suggèrent un bénéfice de 7 à 67 millions d’USD pour le Mali, selon les taux d’adoption et les gains de rendement (Cabanilla, Abdoulaye et Sanders 2004, cités dans Kelly et autres 2005). Bien que les produits biotechnologiques restent controversés en Afrique, le Mali a décidé d’avancer dans ce domaine pour le coton. Le Mali travaille à cette question et à d’autres semblables, grâce au CNRA (Centre national de recherche agricole) et à son partenariat avec le Programme régional de productivité agricole de l’Afrique de l’Ouest. Kelly et autres (2005) ont identifié plusieurs démarches que le Gouvernement malien devrait entreprendre avant l’adoption à grande échelle du coton Bt :

• Établir un cadre de biosécurité pour les essais dans les champs et adopter une commercialisation adaptée à la situation malienne.

• Réaliser des essais en plein champ pour vérifier l’efficacité du produit dans les conditions locales. • En partenariat avec le secteur privé, produire des variétés locales de coton Bt (peut-être en

collaboration avec les efforts déjà en cours au Burkina Faso). • Évaluer l’effet sur les insectes non visés. • Élaborer un plan de gestion de la résistance aux insectes approprié aux conditions locales. • Évaluer les implications socioéconomiques de cette technique (effets potentiels sur la distribution des

revenus, l’égalité des sexes, la réduction de la pauvreté, etc.). • Élaborer un programme d’information biotechnologique pour informer le public sur les avantages et

inconvénients du coton Bt de façon à prévenir toute désinformation de campagnes anti-biotechnologies conduites par divers groupes locaux et internationaux.

Le grand défi sera de combattre la désinformation qui circule déjà sur les dangers potentiels des produits de la biotechnologie par des ONG antimondialisation toute en maintenant une discussion ouverte sur des effets éventuellement négatifs aux plans social, économique et environnemental.

Source: Kelly et Staatz (2006).

Le secteur des cultures vivrières traditionnelles

1.32. Comme celui du coton, le rendement des céréales sèches a stagné pendant les années 90 en raison de la fin du soutien apporté à la fourniture d’intrants, à l’offre de crédit et aux services de recherche et de vulgarisation pour ces cultures. On le constate même dans la zone cotonnière où la culture des céréales (mil, maïs, sorgo) est très liée à celle du coton, les deux dépendant des intrants achetés qui demandent des systèmes de distribution et des mécanismes d’octroi de crédits de campagne fiables et à faible coût (Encadré 1.4). Les deux types de cultures ont bénéficié d’un soutien à

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l’approvisionnement en intrants, à l’offre de crédit et à la vulgarisation agricole fourni par la CMDT, mais lorsque, à la fin des années 90, cette dernière s’est recentrée sur le coton, elle a cessé d’accorder son soutien à la culture des céréales. Par voie de conséquence, l’utilisation des engrais pour le maïs et les autres céréales a baissé fortement entre 1999 et 2000 (l’année du boycott du coton) (Tableau 1.12). La baisse de la disponibilité d’engrais semble avoir entraîné une diminution de la superficie et du rendement du maïs.

Tableau 1.12 : Utilisation d’engrais pour les céréales dans la zone CMDT, 1996/97–2002/03

(moyenne en kg/ha) 1996/97 1997/98 1998/99 1999/00 2000/01 2001/02 2002/03 Maïs 71 103 104 117 82 105 99 Mil 9 7 14 15 6 4 7 Sorgo 2 5 8 12 4 5 7 Riz 13 31 28 33 17 37 32

Source: CMDT/DPCG/SE 2003

1.33. La stagnation à bas niveau des rendements des cultures vivrières traditionnelles peut être due à la lenteur de l’adoption des produits et des pratiques permettant une hausse de la productivité, en raison de la faiblesse du système de recherche et de vulgarisation.32 Pour les exploitants agricoles se consacrant aux cultures vivrières traditionnelles, il y a beaucoup de produits et de pratiques améliorés, sur lesquels les informations sont promues par les services de vulgarisation mieux structurés des zones de culture de l’ON ou de la CMDT ; notons entre autres : les variétés de céréales améliorées, les pratiques de gestion et de conservation du sol et de l’eau et d’utilisation du fumier (et d’autres pratiques évoquées dans l’Encadré 1.5). Mais en dehors des zones structurées les cultivateurs n’y sont pas suffisamment sensibilisés. La demande des transformateurs de produits agricoles et d’autres activités en aval telles que la fabrication d’aliments pour le bétail (voir Paragraphe 1.39 ci-dessous) est trop faible. Comme les cultures commerciales, les cultures traditionnelles sont confrontées à des problèmes et des défis qui changent rapidement33. Il faudrait que les services de recherche travaillent sur ces questions et communiquent les résultats de leurs travaux aux services de vulgarisation, qui eux-mêmes devraient diffuser les derniers résultats de la recherche aux exploitants agricoles. Mais le Mali en est dépourvu dans le secteur des cultures vivrières traditionnelles (Kelly et autres 2005; Stoop 2002; Teme et Kébé 2003).34 On ne dispose pas de suffisamment de données sur les cultures traditionnelles (par exemple, l’utilisation des intrants ou de la traction animale par champs) pour permettre une analyse quantitative complète sur leur production et de leur rendement. Aussi, la couverture statistique des zones de cultures de plus en plus importantes, comme la région de Kayes où le coton et les cultures associées continuent à s’étendre, est faible.

32 Cette opinion se base sur des évaluations qualitatives et quantitatives, notamment des analyses qualitatives des données de la DNSI, sur les résultats d’évaluations des déterminants de la productivité dans les zones de culture du coton et sur les recherches sur la productivité agricole au Mali. 33 Par exemple : de nouveaux insectes et de nouvelles maladies sont apparues pour lesquels il faut des solutions. 34 Une partie du problème est la forte dépendance de financements erratiques de donateurs destinés au secteur traditionnel. Néanmoins, des efforts visant à fonder davantage les travaux de recherche et les conseils de vulgarisation sur la demande, dans le cadre du Programme national de recherche agricole, sont mis en œuvre dans cinq zones pilote, mais n’ont pas encore prouvé leur efficacité. Des financements disproportionnés ont bénéficié à la mise en place et au fonctionnement de structures administratives multi-niveaux (national, régional, district et communauté) alors que l’ancrage local reste faible. La plupart des exploitants agricoles ignorent les comités d’usagers créés par le programme pour assurer la liaison entre les exploitants d’une part et la recherche et les services de vulgarisation d’autre part (Stoop 2002). La démarche « service contre rémunération » adoptée par le PASAOP risque d’accroître les écarts de productivité et de revenu entre les agriculteurs traditionnels et ceux se consacrant aux cultures commerciales parce que les premiers ont moins de chances d’avoir les moyens de payer les services de vulgarisation.

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Encadré 1.4 : La complémentarité entre coton et céréales

Il existe de formidables complémentarités au plan de la productivité entre coton et maïs. La politique cotonnière du Mali ne peut donc pas être évaluée indépendamment de son effet sur la production de céréales. L’utilisation d’équipements à traction animale acquis grâce à au programme d’aide aux producteurs de coton répond aux besoins de labourage et de sarclage du maïs. La recommandation standard concernant la rotation des cultures entre coton et céréales contribue à la productivité des céréales car celles-ci bénéficient des effets résiduels de la fertilisation du coton. Le réseau routier créé pour le la récolte du coton facilite l’accès des producteurs de maïs aux marchés et réduit leurs coûts de commercialisation. L’argent que les exploitants reçoivent en paiement de leur récolte de coton leur donne généralement les moyens nécessaires de conserver les récoltes de grain pour le vendre plus tard et ainsi bénéficier des hausses de prix saisonnières (Dioné 2000).

Les autres sous-secteurs importants

1.34. L’horticulture et l’élevage sont parmi les plus importants des autres filières ayant un potentiel de diversification. Les études récentes portant sur ces secteurs donnent un aperçu de leurs contraintes et possibilités. Que ce soit pour la consommation intérieure ou l’exportation, les obstacles se situent parfois au niveau du producteur (rendements faibles, mauvaise qualité du produit, insuffisance des moyens de stockage après la récolte), mais souvent sont en aval (transport, commercialisation, stockage, transformation, exportation). L’horticulture 1.35. La progression de la productivité et de la valeur ajoutée des produits maraîchers dépend de deux grands facteurs : la coordination de la chaîne de l’offre, depuis l’exploitation agricole jusqu’au marché, et la recherche-vulgarisation pour améliorer les variétés, les techniques agronomiques et les capacités de commercialisation. Les produits maraîchers maliens (tels que l’échalote, l’oignon, la pomme de terre et la tomate) disposent d’un marché potentiel intérieur ou régional et de possibilités d’exportation vers les marchés internationaux lointains (notamment pour le haricot vert et la mangue). Quelque soit le marché de destination et le produit, le maraîchage se heurte à des obstacles communs, tant au stade de la production qu’à celui de la commercialisation, auxquels s’ajoutent des obstacles techniques spécifiques à chaque culture (voir la synthèse par produit dans le Tableau 1.14). L’absence de programmes de recherche et de vulgarisation pour ces cultures entraîne la perte d’opportunités de développement de la production et d’implantation sur des marchés. La faiblesse de l’organisation de la chaîne de l’offre (entre les producteurs et les transformateurs, entre ceux-ci, les transporteurs et le marché) et les faibles capacités de transformation augmentent le coût de l’atteinte du marché et par là réduisent la compétitivité et le marché potentiel. Ces faiblesses des produits et de leur logistique contribuent à l’affaiblissement de la structure d’incitation au niveau de l’exploitation, ce qui dissuade les agriculteurs d’engager des investissements de productivité.

1.36. Du fait que, pour ces produits généralement périssables, le volume de la production est beaucoup plus important que le volume commercialisé, les préoccupations des acteurs portent surtout sur la rapidité de la mise sur le marché et l’existence de moyens de stockage réfrigéré. Un exemple type est le secteur de la mangue, pour lequel on dispose de résultats de recherche (Tableau 1.13). Une

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préoccupation connexe est la concentration de la récolte sur une saison, qui entraîne une saturation du marché pendant la période de pointe de la récolte, en l’absence de capacités de commercialisation et de transformation suffisantes. La solution—consistant à renforcer la logistique de la chaîne de l’offre des différents produits (voir paragraphe suivant)—ne se concrétise pas en raison d’asymétries d’information et de défaillances du marché qui empêchent la coordination spontanée entre les acteurs du secteur et parce que l’insuffisance de moyens financiers et techniques freine l’expansion des industries agroalimentaires. Parallèlement, le secteur souffre d’une insuffisance voire de l’absence (selon les cultures) de moyens de recherche et de services de vulgarisation (c’est notamment le cas pour les cultures vivrières traditionnelles), ce qui explique en partie la stagnation de la productivité.35

Tableau 1.13 : Obstacles à la commercialisation identifiés par les négociants de mangues Obstacles Koulikoro Kati Siby Baguineda Toutes zones

Conservation du produit 31,5% 37,9% 50,0% 37,5% 37,6% Transport 31,5% 46,6% 43,2% 19,4% 33,5% Espaces de stockage 32,6% 13,8% 6,8% 37,5% 25,6% Production insuffisante 4,3% 1,7% 0 5,6% 3,4% Total des réponses 100 100 100 100 100 Source: enquête ECOFIL 2004, rapportée par Traoré, Dembélé et Cissé 2005. 1.37. La comparaison de l’expérience du secteur de la mangue et de celui du haricot vert donne une idée des obstacles et des solutions possibles pour les cultures commerciales de fruits et légumes. Dans le cas du haricot vert, la mauvaise coordination logistique aboutit souvent au pourrissement des haricots dans les hangars parce que l’exportateur (qui n’est pas le producteur) n’a pas acheté en temps voulu les emballages nécessaires ou n’a pas fait les réservations nécessaires pour l’expédition par voie aérienne. Dans le cas de la mangue, une bonne solution a été trouvée pour réduire le risque commercial dû au pourrissement du produit destiné à l’exportation ou à d’autres facteurs : un programme pilote financé par un donateur, en 2001, a permis l’organisation et la coordination des acteurs de la chaîne de l’offre. Ce programme a permis non seulement une réduction des coûts de collecte, d’emballage et de transport, mais aussi la préservation de la qualité des mangues de l’entrepôt d’emballage jusqu’à l’arrivé à destination (Danielou et al, 2003. Voir d’autres développements sur les économies prouvées de coût de transport, dans le Chapitre 5). L’effet de démonstration du projet pilote mangue a poussé d’autres acteurs privés à coordonner leurs activités, ce qui a permis une rapide augmentation des exportations de ce fruit (on estime que le volume des exportations de 2004 est supérieur de 250% au volume annuel moyen de la précédente décennie).

1.38. Le Mali a encore beaucoup à faire pour développer le secteur du maraîchage. En dépit de cette réussite, les exportations de mangues ne représentent qu’à peine 10% de la production de ce fruit et une partie importante de la production qui pourrait être écoulée sur le marché intérieur pourrit dans les champs faute d’accords structurés de commercialisation ou faute de capacité des industries agroalimentaires (jus, fruits secs). Le secteur a encore beaucoup à faire pour renforcer ses capacités de commercialisation des mangues et de ses produits maraîchers.

35 Dans le cas de la mangue, la recherche et les services de vulgarisation sont insuffisants voire inexistants pour travailler (i) à la découverte de nouvelles variétés ayant des dates de maturation différentes pour étaler la récolte sur une période plus longue et ainsi réduire le problème des saturations du marché et (ii) à la transmission aux producteurs des informations sur les meilleures techniques relatives à la lutte contre les insectes et maladies et à la cueillette.

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L’élevage et les filières associées36

1.39. Le secteur de l’élevage et des filières associées sont confronté à des obstacles similaires à ceux des autres sous-secteurs agricoles. Les progrès du secteur de l’élevage sont freinés par la faiblesse de l’organisation et de la commercialisation qui s’ajoutent aux contraintes spécifiques au secteur et affaiblissent la structure d’incitation des investissements de productivité. Pour l’élevage, les deux principales contraintes spécifiques sont la faible disponibilité et la mauvaise qualité des aliments pour le bétail et l’insuffisante maîtrise des épizooties. En ce qui concerne les aliments pour le bétail, les recherches actuelles et les informations diffusées par les services de vulgarisation aux éleveurs sur les avantages et inconvénients des différents types d’aliments sont insuffisants. La maîtrise des épizooties est handicapée par la faiblesse du réseau des vétérinaires, essentiellement privés, dans le cadre d’un ensemble de services de recherche et de vulgarisation pour l’élevage. Le manque de réfrigérateurs pour conserver les vaccins est également une gêne, mais la recherche locale a trouvé de nouveaux vaccins contre certaines maladies (des volailles, des ovins et des caprins) qui n’ont pas besoins d’être conservés au froid. Il faudrait encore tester localement leur efficacité, avant de les diffuser largement (distribution ou commercialisation) par le canal du réseau national des services vétérinaires publics et privés.

1.40. La disponibilité de l’alimentation animale est d’abord limitée par des facteurs climatiques (pénuries et mauvaise qualité des fourrages, notamment pour les ruminants, dues aux déficits pluviométriques et aux étiages des rivières dans le delta) et bénéficierait d’actions d’aménagement et de gestion des eaux. Elle est également limitée par la faiblesse des capacités agroindustrielles qui produisent trop peu de granulés tant pour les ruminants que pour les autres animaux. Les facteurs susceptibles d’améliorer les perspectives des activités agroindustrielles sont étudiés plus avant dans le chapitre suivant : manque de fiabilité de l’offre de matières premières agricoles (telles que céréales), concurrence des entreprises du secteur officiel par celles du secteur informel37. Une meilleure liaison entre agro-industries et producteurs de leurs matières premières par un renforcement de capacité de gestion de la chaîne de l’offre permettrait de réduire les risques des activités agro-industrielles.

1.41. Les filières associées à la filière de l’élevage sont, on ne peut s’en étonner, affectés par les contraintes que l’on vient de citer. Mais ils ont aussi leurs propres contraintes, comme, pour ce qui est des produits laitiers, la concurrence d’importations subventionnées de lait en poudre et de beurre, venant surtout d’Europe38 et la nécessité de réfrigération, dont le développement est gêné par le coût élevé de l’électricité (étudié dans le Chapitre 4). La plupart des entreprises locales de transformation trouvent plus rentable et plus simple de reconstituer le lait avec la poudre importée que de travailler avec les producteurs locaux à développer la chaîne locale d’offre de lait frais. Comme étudié au Chapitre 2, du fait de ces contraintes de marché et d’autres, l’intervention d’un organisme parapublic ou d’un acteur privé expérimenté (réalisant un investissement direct) peut être nécessaire pour que les industries de transformation des produits agricoles se développent.

36 L’élevage comprend les ruminants (bovins, moutons, chèvres, camélidés et les non-ruminants (volaille). Les filières associées sont le lait, le beurre et les œufs. 37 Le secteur informel semble pouvoir produire à petite échelle des produits apparemment de la même qualité à un prix inférieur. En effet il ne paie pas d’impôts et de taxes. La concurrence vient des imitateurs qui étiquettent leurs produits pour donner l’impression qu’ils sont de la même qualité que ceux qui sont plus chers. 38 Le secteur laitier de l’UE a reçu environ 16 milliards d’euros de subventions en 2001 (environ 2 dollars par vache), dont environ 2,5 milliards étaient des subventions à l’exportation (Oxfam, 2002).

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Encadré 1.5: Pratiques pour accroître la productivité des exploitations agricoles

Plusieurs intrants et pratiques de renforcement de la productivité peuvent être promus dans le secteur traditionnel : • Les engrais et herbicides améliorant les rendements devraient être rendus disponibles et plus abordables pour les

exploitants agricoles en dehors des systèmes organisés de livraisons d’intrants. Les leçons tirées des programmes de négociants agricoles dans l’Est et le Sud de l’Afrique peuvent être intéressantes aussi pour les ONG. À noter en particulier les actions pour commercialiser de très petites quantités de semences et d’engrais à l’intention des exploitants démunis (Annexe 7a de Kelly et Staatz 2006, et Kelly, Adesina et Gordon 2003).

• Il faudrait remédier à la pauvreté des services de vulgarisation et de commercialisation afin de promouvoir la généralisation de l’utilisation des variétés améliorées de céréales et de légumes secs dans le secteur traditionnel (Christiansen 2002 donne une évaluation détaillée du secteur des semences au Mali).

• Les pratiques de conservation du sol et de l’eau promues par les services de vulgarisation du coton devraient être adoptées et promues dans les zones de production des céréales en dehors de la zone cotonnière, éventuellement au moyen des programmes locaux de sécurité alimentaire en cours de développement au niveau du cercle et de la commune avec l’aide du Commissariat à la Sécurité alimentaire.1

• Les programmes de vulgarisation et les incitations économiques devraient inciter les exploitants agricoles ayant des équipements à les utiliser pour améliorer les conservation du sol et de l’eau et les pratiques de gestion des matières organiques au lieu de continuer la pratique de la culture extensive.

1Des données venant du Burkina Faso montrent que les céréaliculteurs qui n’ont pas de cultures commerciales adoptent les pratiques de conservation du sol et de l’eau lorsqu’on leur en donne la formation et les moyens (Reij et Thiombiano 2003). Le Mali devrait être capable d’appliquer cette leçon dans les zones de production plus difficiles dans les régions de Kayes, Koulikoro et Mopti.

1.42. Le Tableau 1.14 résume les principaux facteurs qui ont contribué à la croissance jusqu’ici de certaines filières et les contraintes pesant sur la poursuite de leur croissance.

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Tableau 1.14 : Synthèse des facteurs de performance des sous-secteurs agricoles et des obstacles à la performance future Sous-secteur d’activité

Facteurs contributifs à la croissance de la production

Facteurs contributifs à la croissance de la productivité

Contraintes à la croissance

Sous-secteur de l’agriculture « moderne » Coton Politique de la CMDT ayant

desserré la restriction à 1 hectare pour l’accès aux intrants Politique de la CMDT ayant étendu la culture du coton dans de nouvelles zones (Kita) La dévaluation (qui a accru la rentabilité du coton par rapport aux autres cultures dans les zones de culture du coton)

L’introduction de variétés de coton NTA (en 1994) a tendu à accroître la production de l’égrenage mais à faire baisser les rendements des récoltes.

Refus de transférer aux producteurs de coton les hausses de prix dues à la dévaluation (il a fallu 5 ans pour que les prix payés aux producteurs s’accroissent progressivement), dû en partie à une direction du secteur égrenage sans motivation commerciale (en partie du fait d’une absence de concurrence), ce qui a permis l’apparition et le maintien d’inefficiences de coût.

Expansion de la culture dans des terres de qualité marginale ou recevant moins de pluies

Degré de mécanisation insuffisant (équipements pour la traction animale) de la plupart des producteurs de coton pour obtenir la totalité du rendement potentiel.

Modèles culturaux et utilisation d’engrais sous-optimaux dans les zones cotonnières car les crédits de campagne pour le coton disponibles dans les zones de culture du coton ne sont pas offerts pour les autres cultures, ce qui conduit à un partage des intrants entre la culture du coton et les autres cultures

Riz Mêmes facteurs que ceux ayant contribués à l’augmentation de la productivité

Ensemble intégré de réformes : • Libéralisation des prix du riz, de la

transformation et de la commercialisation (fin du monopole de l’Office du Niger)

• Réforme institutionnelle de l’irrigation ayant introduit la participation des exploitants dans la gestion de l’irrigation

• Investissements dans les infrastructures • Développement technique et adoption de

meilleures pratiques agronomiques

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Sous-secteur d’activité

Facteurs contributifs à la croissance de la production

Facteurs contributifs à la croissance de la productivité

Contraintes à la croissance

Dévaluation (survenue après la réalisation du programme de réforme du secteur), qui a permis la répercussion pratiquement complète et immédiate aux riziculteurs des augmentations de prix (les prix payés aux riziculteurs ont augmenté de 23 % dans les deux semaines qui ont suivi la dévaluation)

Sous-secteur des activités agricoles traditionnelles Céréales (mil, sorgo, maïs)

Absence de mécanismes de crédits de campagne pour ces cultures

Retard à l’adoption des pratiques de conservation du sol et de l’eau et de compostage par les céréaliculteurs.

Faiblesse de l’industrie de fabrication des aliments pour le bétail qui ne tire pas la demande de céréales (notamment maïs)

Autres activités agricoles importantes Maraîchage La dévaluation a accru la

compétitivité sur le marché intérieur et les marchés de la région. Augmentation de la demande pour les fruits et légumes frais.

Obstacles à la commercialisation venant de la conservation des produits, du transport et de la place de stockage au froid

Insuffisance de la demande de l’industrie agroalimentaire pour absorber les excédents de la production aux périodes de pointe.

Marché intérieur et marché de l’Afrique de l’Ouest Oignon et tomate (Ségou)

Changement de politique pour permettre une expansion de l’accès à la terre pour la culture de l’oignon, la tomate et d’autres cultures dans l’Office du Niger (zone irriguée).

Oignon, tomate : besoin de variétés et de pratiques culturales permettant une plus longue saison de culture, pour étendre la récolte et éviter les saturations du marché ; besoin de techniques de transformation pour accroître la durée de vie du produit et la valeur ajoutée et améliorer la qualité du produit.

Tomate : l’obstacle aux gains de productivité est la mauvaise résistance aux virus des variétés actuelles. Facteurs tirant le marché nécessaires : installations de stockage au froid pour allonger la durée de vie du produit, plus courte que celle de l’oignon et industrie de transformation locale fiable pour fournir

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Sous-secteur d’activité

Facteurs contributifs à la croissance de la production

Facteurs contributifs à la croissance de la productivité

Contraintes à la croissance

une demande forte et fiable de tomate fraiche.

La transformation de la tomate peut être gênée par les importations de pâte de tomate subventionnée de l’UE.

Pomme de terre (Sikasso / Kati)

Accroissement de la demande du marché régional ouest-africain Dévaluation qui a accru la compétitivité des produits maliens par rapport aux importations d’Europe.

Coût élevé des semences (en partie du fait du monopole de l’offre et de la dépendance des importations).

La productivité est freinée par l’inefficience des méthodes d’irrigation à forte intensité de travail actuellement utilisées (nécessité d’améliorer les techniques et pratiques d’irrigation à bas coût, y compris pompes, drainage).

Absence de systèmes commerciaux fiables pour la fourniture de pompes et des autres équipements d’irrigation.

Faiblesse des connaissances techniques dans l’enseignement des compétences de gestion de l’eau et dans les instituts de recherche et services de vulgarisation.

Faiblesse de la chaîne logistique, notamment manque d’installations frigorifiques

Absence de business model pour obtenir la rentabilité du secteur économique local et absence d’expérience des affaires

Absence d’un système inspection phytosanitaire et de certification. Exportation vers des marchés extérieurs à l’Afrique de l’Ouest Mangues (Sikasso) (pour l’exportation)

Augmentation importante et régulière des exportations depuis 2002, après avoir surmonté les faiblesses dans la récolte, l’emballage, la commercialisation à l’export et la logistique.

Manque de soutien technique organisé pour faire la liaison entre producteurs d’une part et recherche et vulgarisation spécialisés horticulture d’autre part ; de ce fait les producteurs n’utilisent pas les meilleures techniques pour la lutte contre les insectes et les maladies et pour la récolte.

Insuffisante capacité de transformation pour absorber les excédents de production (estimés à 20 % de la récole annuelle) et réduire le risque prix lors des périodes de saturation du marché.

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Sous-secteur d’activité

Facteurs contributifs à la croissance de la production

Facteurs contributifs à la croissance de la productivité

Contraintes à la croissance

Haricots verts (pour l’exportation)

Les contraintes concernent la cueillette, l’emballage et le manque de fiabilité de la logistique à l’export, qui conduit souvent au pourrissement des haricots dans les entrepôts.

Marché intérieur, marché régional ouest-africain et marchés d’exportation Élevage et des filières associés (viande, lait)

Forte demande de produits de l’élevage des abattoirs de Côte d’Ivoire (avant la crise de 2002)

Stagnation due à la faiblesse de l’offre et de la qualité des aliments pour le bétail et aux mauvaises méthodes phytosanitaires.

Manque de réfrigérateurs pour les vaccins et de frigorifiques pour le lait

Le développement du secteur laitier est gêné par l’importation de produits laitiers subventionnés par l’UE (lait en poudre, beurre).

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E. LA NECESSITE D’UNE DEMARCHE STRATEGIQUE POUR SAISIR LES OPPORTUNITES

1.43. Les obstacles à la performance et à la croissance agricoles du Mali sont bien connus. Des recommandations ont été faites sur cette base et sont mises en œuvre, mais on ne sait pas si elles correspondent à une démarche stratégique, cohérente et intégrée. Le Plan directeur de développement rural du Mali (Encadré 1.6) témoigne d’une conscience des formidables obstacles que le secteur agricole devrait surmonter et du soutien dont il a besoin. Mais ce plan est-il réellement stratégique, compte tenu de la contrainte de ressources omniprésente et de la nécessité (selon cette stratégie) de soutenir de multiples programmes et projets pour assurer le succès d’une activité donnée dans le programme. Par exemple, les banques et établissements de microfinance ont peu de chances d’accorder du crédit aux exploitants agricoles à moins que ceux-ci n’aient un marché sûr pour leur production, élément décisif qui réduit fortement les risques et élève les perspectives de remboursement (voir Chapitre 3). Or les exploitants agricoles ont peu de chances d’adopter les nouvelles techniques ou pratiques sans accès au crédit et à un marché sûr pour leur production supplémentaire. Pourtant, dans la stratégie du secteur rural, la démarche pour traiter par filière ces contraintes associées n’est pas suffisamment claire. Un autre exemple est le programme 7 de la stratégie, qui semble ne pas tenir assez compte du fait qu’une démarche globale pour accroître la productivité de tout sous-secteur créerait de l’emploi à la fois dans les exploitations et à l’extérieur d’elles comme on l’a vu dans le cas de l’Office du Niger. De ce fait, un programme distinct pour l’emploi en général voire pour l’emploi des jeunes peut constituer une utilisation peu judicieuse de ressources. Il faudrait donc étudier soigneusement la stratégie de développement rural du Mali (et le cadrage du soutien de la Banque) du point de vue de son axe, de sa globalité et de ses effets.

1.44. La stratégie rurale manque d’une bonne orientation vers le marché pour traiter toutes les activités agricoles ou se coordonner avec d’autres programmes sectoriels. Le Mali a désormais adopté une orientation secteur privé pour certaines cultures (mettant l’accent sur l’export) qui a plus de chances d’atteindre la viabilité financière que les initiatives dirigistes précédentes. Sa démarche est soutenue par les divers donateurs, notamment la Banque mondiale dans le cadre du projet Diversification et compétitivité de l’agriculture malienne. Mais, l’insuffisante intégration de l’orientation vers le marché et des questions de compétitivité dans la stratégie agricole du Mali relative aux autres cultures (notamment celles destinées au marché intérieur) a conduit à accorder trop d’importance à l’augmentation de la production (démarche « offre ») au détriment de l’attention à accorder aux gains de productivité. Or, seuls ces derniers peuvent améliorer la compétitivité et donc la viabilité des cultures et poser les bases d’un développement des activités de transformation en aval de la production agricole.

1.45. Les actions relatives au secteur rural n’ont pas leur plein effet car la stratégie rurale n’accorde pas l’importance voulue au développement rapide des activités du secteur public (telles que l’électricité, l’eau et l’irrigation) ni à la réduction des coûts de coordination entre les sous-secteurs — deux dimensions qui devraient accompagner l’investissement du secteur privé. L’insuffisance des liens entre la production agricole et les activités de transformation des produits agricoles empêche l’émergence d’un consommateur potentiel de la production agricole — facteur crucial pour l’évolution de l’agriculture.

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Encadré 1.6 : Plan directeur de développement rural du Mali Faisant suite à un diagnostic sur les contraintes du développement agricole et rural, ce plan, récemment mis à jour, comporte huit programmes d’action prioritaires : 1. Développement des sous-secteurs d’activité agricole et forestière. 2. Développement de l’agriculture irriguée. 3. Développement de l’élevage et des filières associées. 4. Développement de la pêche et de ls pisciculture. 5. Promotion de la mécanisation dans les activités agricoles. 6. Préservation de la gestion décentralisée des ressources naturelles et de la nature. 7. Promotion de l’emploi rural et programmes pour lutter contre le chômage des jeunes. 8. Mise en œuvre de mesures de soutien pour : (i) créer un cadre législatif et institutionnel ; (ii) développer l’accès aux services financiers ; (iii) assister les sous-secteurs au moyen de recherches et de prestations de vulgarisation orientés vers la demande des producteurs et vers les besoins du marché et le respect de l’environnement et (iv) renforcer l’accessibilité des grandes zones de production zones et des grands marchés ruraux. Sources : République du Mali (2006), Consultation sectorielle sur le développement rural et l’Agriculture irriguée : Document de synthèse (Diagnostic et stratégies).

1.46. Si les facteurs de réussite varient quelque peu selon les sous-secteurs, ils tendent néanmoins à rentrer dans quatre grandes catégories :

• Maîtrise de l’eau (et donc libération de la dépendance des pluies) et utilisation de meilleures pratiques de gestion de l’eau et des sols, qui contribuent à réduire les risques des cultures et de l’élevage.

• Accès à un marché sûr (intérieur ou extérieur ; demande primaire ou demande des activités de transformation), résultant d’une amélioration de l’information sur les marchés et de l’organisation et de la coordination des producteurs, des transformateurs et des négociants grâce à une gestion de la chaîne de l’offre et à une réduction de la probabilité de pertes de récoltes en raison de saturations temporaires du marché ou de livraisons à contretemps des récoltes aux marchés).

• L’accès à des informations pertinentes sur les techniques les plus récentes (notamment sur les semences de variétés améliorées), sur les systèmes de production agricole (pour les cultures, l’élevage et la pêche) ou sur les pratiques relatives à la transformation des produits et sur les façons de sauvegarder leur qualité. L’accès à l’information dépend de la qualité des services de vulgarisation, des liens entre recherche et vulgarisation et des institutions surveillant le cadre réglementaire de la recherche agricole et de la qualité des produits.

• Un cadre institutionnel et d’incitation à tous les niveaux de la chaîne production-transformation-commercialisation, assez souple pour tirer parti des opportunités de mise en culture, et comportant une amélioration de la sécurité foncière et des droits de propriété, de l’accès au crédit et des mécanismes organisés d’offre d’intrants et de crédits de campagne).

Ces facteurs ne prennent pas en compte la contribution spécifique nécessaire à la croissance de la productivité venant des autres secteurs de l’économie : quantité et qualité de l’offre en matière d’éducation, d’électricité, de transports et de services financiers et diminution du coût du règlement des conflits commerciaux. 1.47. La présence de ces quatre facteurs permet d’expliquer la réussite du secteur du riz, mais un ou plusieurs font défaut dans les autres cultures ou sous-

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secteurs agricoles. Le coton a manqué d’un bon cadre institutionnel et d’incitation parce que la structure des prix payés aux producteur a pénalisé de façon disproportionnée les producteurs de coton par rapport à la société d’égrenage lorsque les prix ont chuté. Son mécanisme des crédits de campagne n’a pas pris en compte le caractère complémentaire de la production de coton et de maïs, ce qui a restreint l’adoption de meilleures pratiques de culture du coton Les céréales sèches souffrent de leur faible maîtrise de l’eau, de l’insuffisance du réseau de vulgarisation et des liens entre recherche et vulgarisation et d’un manque d’accès aux crédits de campagne. La maîtrise de l’eau a été moins problématique pour les cultures maraîchères que pour les céréales sèches. Mais le maraîchage souffre de l’insuffisance des liens recherche-vulgarisation, d’un manque de compétence en matière de marketing et d’une mauvaise organisation et gestion de la chaîne de l’offre. Enfin, l’élevage et les filières associées sont mal placés sur les quatre plans.

1.48. Vu le grand nombre de petits exploitants, pour la plupart indépendants, et le nombre encore faible mais en lente croissance des grandes exploitations agro-industrielles, les solutions pour chaque sous-secteur devront répondre aux problèmes spécifiques de chaque type de production. Les petits exploitants agricoles ont besoin d’actions particulières à leur culture, orientées marché, dans une démarche d’organisation et de gestion de la chaîne de l’offre, s’appuyant sur les mécanismes de soutien existants (ECOFIL, IER, IPR/IFRA, OMA et autres) et les renforçant et assurant que les contraintes sont traitées en temps voulu. Compte tenu de l’importance de l’agro-industrie pour créer une demande capable de tirer l’agriculture et les marchés primaires traditionnels, les liens et la collaboration entre agriculture et services de soutien à l’industrie devraient être renforcés (à peu près comme cela a été fait dans le secteur du coton). Les grandes exploitations modernes agro-industrielles lancées grâce à des partenariats public-privé—comme le domaine sucrier privé et l’usine de sucre prévue pour 2006 ou d’autres grands projets dans le cadre de l’expansion de l’agriculture irriguée dans la zone de l’Office du Niger—résoudront toutes ou la plupart des quatre contraintes mentionnées ci-dessus à l’intérieure de la société, sans avoir à peine besoin de soutien extérieur. Une main d’œuvre de meilleur qualité grâce à l’élévation du niveau des services d’éducation—notamment grâce à l’amélioration des installations de formation de techniciens agricoles et de spécialistes de la gestion de l’irrigation—profiterait aussi à ces grandes exploitations agro-industrielles modernes. Des partenariats public-privé peuvent être nécessaires pour faciliter la création d’autres exploitations agro-industrielles modernes et pour tisser des liens entre eux, les autres secteurs de l’économie et les pauvres ruraux.

1.49. Comme le secteur agricole du Mali est largement privé, il faudrait renforcer la capacité locale sur un certain nombre de plans. Les besoins de développement de capacité pour l’agriculture privée (y compris ses fournisseurs d’intrants et les services de commercialisation de sa production) sont les suivants : soutien à la gestion financière et à la gestion de la chaîne de l’offre pour tous les acteurs concernés du secteur ; soutien à la recherche et à la vulgarisation pour développer la capacité de « conduire une exploitation agricole comme une entreprise » (c’est-à-dire en utilisant la méthode de la chaîne de valeur pour identifier et promouvoir des cultures de diversification) ; soutien aux exploitants agricoles pour améliorer les pratiques de gestion des cultures et les compétences en commercialisation et en finance. L’une des priorités devrait être de travailler avec le service des sous-secteurs économique (ECOFIL) de l’Institut de la recherche agricole du Mali (IER), le service socioéconomique de la faculté d’agriculture (IPR/IFRA) et le système d’information sur les marchés agricoles (OMA) pour développer et étendre ces compétences largement dans le Mali.

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1.50. L’avenir de l’agriculture au Mali devant se fonder de plus en plus sur le savoir, les exploitants agricoles devront de plus en plus maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul pour pouvoir utiliser les services techniques (tels que les conseils des services de vulgarisation, ceux de protection des cultures et ceux de l’entretien de l’irrigation) qui seront probablement fournis contre rémunération. Il faudra des investissements à la fois pour l’éducation de base des exploitants agricoles et pour la formation technique des prestataires de service. Les compétences techniques qui font sérieusement défaut concernent aussi la transformation des produits agricoles et la gestion de l’eau. La création du programme BAC+2 de l’IPR/IFRA a commencé à répondre à ce besoin, mais le programme n’a pas répondu aux attentes et devrait être mieux adapté aux besoins des étudiants et des employeurs potentiels. Il sera essentiel de disposer de davantage de techniciens agricoles formés, du fait de l’importante expansion de la production de sucre prévue dans la zone de Markala (Office du Niger) par Schaffer International et de celle de l’agriculture irriguée dans l’Office du Niger financée par l’American Millennium Challenge Account.

1.51. L’amélioration de la gestion des liens recherche-vulgarisation-exploitants est un autre domaine qui devrait permettre de capitaliser sur les avantages de la productivité. Ces liens ne sont pas très développés en dehors de la zone de l’ON et du secteur du coton et de nombreuses pratiques et techniques ayant largement fait la preuve de leur capacité à améliorer les rendements n’ont pas encore été adoptées par un grand nombre d’exploitants agricoles. Plus de vingt ans d’essais d’application de méthodes de vulgarisation venant d’ailleurs (par exemple, système « formation et visite » et champs école) n’ont pas apporté beaucoup à la majorité des exploitants agricoles maliens. La situation a été aggravée par la forte dépendance des programmes de financements extérieurs (surtout de la Banque mondiale) qui entraîne leur arrêt lorsque le cycle du financement s’achève. Le Mali devrait trouver sa propre démarche de vulgarisation pour la majorité des exploitants agricoles qui sont situés à l’extérieur du périmètre de l’ON et de la zone cotonnière en élaborant des modèles différents pour les divers systèmes de culture (peut-être en liaison avec les efforts actuels de décentralisation administrative et financière). Il devrait tirer les leçons de l’expérience du secteur du coton et de celle de la culture irriguée du riz. La tendance vers des conseils de vulgarisation prodigués contre rémunération, comme c’est le cas dans le programme pilote mené dans le cadre du PASAOP devrait être suivie et étendue si elle se révèle efficace. Toutefois, dans le secteur traditionnel, où la plupart des exploitants agricoles ont peu de revenus tirés de cultures commerciales pour payer des services, cette méthode pourrait accroître le handicap des pauvres. Par ailleurs il n’existe pas de lien structurel entre les prestataires privés de vulgarisation et le système de recherche agricole. En l’absence d’un tel lien, il est très difficile aux conseillers en vulgarisation de traiter les nouveaux problèmes (tels que l’apparition d’un nouvel insecte) et de transmettre les questions qui se posent aux chercheurs pour qu’ils y trouvent des solutions.

1.52. C’est en améliorant la gestion financière et la circulation de l’information que l’on a le plus de chances d’accroître la valeur ajoutée du secteur. La mauvaise gestion par les bénéficiaires des crédits qu’ils reçoivent et l’insuffisance d’information des banques sur la solvabilité des emprunteurs rendent celles-ci réticentes à offrir des prêts agricoles, pourtant indispensables si l’on veut accroître l’apport d’intrants et la production. Dans la zone cotonnière, la liaison entre le marché des intrants et celui du produit aide à surmonter certains problèmes de recouvrement de crédit liés à une asymétrie de l’information. Mais, en dehors du secteur du coton, l’offre d’intrants est sérieusement restreinte par la difficulté d’accès au crédit tant des exploitants que des

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fournisseurs, par la mauvaise gestion financière, et par l’absence d’informations fiables sur les risques associés aux financements des activités agricoles et sur la capacité des fournisseurs d’intrants. L’expérience récente d’appel d’offres pour la fourniture d’intrants lancés par l’ON montre que l’un des gros problèmes réside dans la capacité des organisations de producteurs à évaluer la capacité des soumissionnaires à livrer ce qu’ils promettent. Cette lacune a entraîné des ruptures de contrat et de graves pénuries d’engrais. Le financement fait également défaut pour le stockage (au niveau des exploitations agricoles et des petites entreprises) et au stade de la transformation et, lorsqu’il existe, il est souvent mal géré. Le Gouvernement malien et ses partenaires devraient imaginer de nouveaux mécanismes de financement, travailler à l’amélioration des compétences en gestion du crédit, à la diffusion des informations et à la conception des contrats permettant de palier aux éventuels problèmes de risque moral et de sélection inverse, ainsi qu’à l’offre d’incitations susceptibles de pousser le secteur bancaire à s’intéresser à l’agriculture (au moyen, par exemple, de programmes de garantie de prêts et de formation de personnels bancaires à l’analyse du risque agricole). De nouvelles méthodes pour développer l’offre de financements pour les entrepreneurs de niveau intermédiaire manifestant leur intérêt pour l’agro-industrie permettraient de créer une demande qui inciterait les agriculteurs à accroître leur production de céréales et permettrait d’absorber l’excès de capacité de l’horticulture, où une large part de la production annuelle pourrit avant d’atteindre le marché.

1.53. Les possibilités de développement institutionnel pour stimuler la croissance du secteur agricole sont largement du domaine législatif et réglementaire. Les industriels de taille moyenne du secteur agro-alimentaire susceptibles d’investir ont besoin d’être rassurés sur les règles et les pratiques permettant de se protéger des risques venant de ruptures de contrat, de la corruption du système judiciaire et de la concurrence déloyale résultant de la faiblesse législative en la matière et du non respect des qualités et des normes en vigueur. Une autre question est posée par le risque de concurrence déloyale de la part d’entreprises informelles, qui proposent beaucoup de produits et de services semblables à ceux offerts par les entreprises officielles, mais à des prix inférieurs parce qu’elles ne payent pas d’impôts.

1.54. Autre question institutionnelle : la législation foncière et la façon dont elle influence la répartition entre petites exploitations familiales et grandes exploitations commerciales et leur rentabilité relative. C’est une question cruciale notamment dans l’Office du Niger. Les pratiques en matière d’héritage et la réduction de la taille des exploitations à la suite d’une réhabilitation d’infrastructures ont forcé des familles à se rabattre sur les exploitations de plus en plus petites — parfois si petites qu’elles ne fournissent même plus un revenu supérieur au seuil de pauvreté. Parallèlement, les très grandes exploitations commerciales s’étendant sur des milliers d’hectares sont à l’étude. Ces propositions de très grandes exploitations supposent qu’il y a d’importantes économies d’échelle dans la production agricole au Mali, une hypothèse qui n’appuie guère les données empiriques. Le pays a un urgent besoin d’études sur l’économie des exploitations familiales par rapport aux exploitations commerciales et sur leurs contributions respectives à la croissance et sur leurs liens avec la réduction de la pauvreté.

1.55. Il faudrait également s’intéresser à la politique commerciale. Les subventions de l’Europe à ses exportations de lait en poudre et de pâte de tomate ont été citées comme exemple de politiques réduisant la compétitivité des producteurs et des transformateurs maliens même lorsqu’ils se contentent de fournir le marché intérieur. L’Organisation

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mondiale du commerce (OMC) a déjà jugé que les subventions des États-Unis à leur coton et les politiques d’exportation de sucre de l’UE violent ses accords en vigueur et nuisent aux producteurs africains, mais la nature exacte des solutions devrait encore être négociée et mise en œuvre. Le Mali devrait développer sa capacité en matière de politique commerciale internationale et ses compétences en négociation. Par contre, il serait contreproductif pour le Gouvernement malien de mettre tous ses problèmes de productivité agricoles dans ces secteurs subventionnés sur le compte de ces subventions, car de nombreux facteurs nationaux limitent les gains de productivité et l’investissement agricole.

F. ON PEUT RENDRE LA CROISSANCE AGRICOLE PLUS FAVORABLE AUX PAUVRES

1.56. La première chose à faire pour rendre la croissance agricole plus apte à réduire la pauvreté est de soutenir les possibilités d’accroissement de la productivité susmentionnées, notamment celles qui permettent d’accroître les revenus des exploitants agricoles les plus pauvres (ceux des zones de culture sèche, ceux cultivant moins de 2,5 hectares de terre dans l’ON et ceux dépourvus d’équipements dans la zone cotonnière).

1.57. L’étape suivante serait de fournir des services de soutien permettant aux exploitants agricoles de fonctionner sur les marchés concurrentiels :

• Assistance à la création et à la gestion de groupes d’exploitants capables de réaliser un large éventail des tâches de commercialisation et de développement humain.

• Renforcement de services d’information sur les marchés, avec expansion de la couverture produits dans le système existant et amélioration de la diffusion des informations sur les marchés.

• Cours d’alphabétisation pour adultes et enseignement primaire pour les enfants dans les zones rurales. Ce devrait être une priorité dans le programme d’éducation du gouvernement et dans tous les projets généraux de développement rural39.

1.58. Les investissements dans les infrastructures de transport et de communication dans les zones souffrant d’un mauvais accès aux marchés, aux soins et à l’enseignement peuvent améliorer le contexte économique et stimuler la croissance de la productivité. Voir, par exemple, les investissements en infrastructure de la société cotonnière dans la zone de Kita.

1.59. Il faudrait également améliorer les institutions qui peuvent remédier aux problèmes de gestion du risque, d’asymétrie de l’information et de crédit agricole, problèmes qui empêchent les exploitants agricoles pauvres d’acheter des intrants et d’adopter de meilleures pratiques de conservation du sol et de l’eau. Les éléments pourraient être les suivants :

• Incitations publiques pour stimuler les investissements dans la conservation du sol et de l’eau et l’enrichissement des sols en matières organiques par les exploitants agricoles pauvres. Ce programme pourrait s’inspirer des investissements publics en infrastructures d’irrigation dans la zone de l’ON.

39 Comme le Projet de la Banque mondiale d’Appui aux communautés rurales.

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• Programmes de vulgarisation axés sur l’efficience dans l’utilisation des engrais, visant les exploitants agricoles pauvres dans des contextes de production à haut risque.

• Développement de réseaux de distribution commerciale d’intrants à bas prix utilisant les détaillants locaux pour commercialiser de petits paquets de semences et d’engrais (comme l’ont fait les programmes en faveur des négociants agricoles promus par la Fondation Rockefeller au Kenya, en Zambie, en Ouganda et au Malawi).

• Mise en place d’institutions ou de mécanismes permettant aux exploitants agricoles de retarder la commercialisation de leur production jusqu’à ce que les prix soient plus intéressants pour eux – programme de la tierce détention par exemple40 par lesquels les banques utilisent la production agricole (stockée dans des entrepôts sûrs au niveau local) comme garantie de prêts à court terme.

• Accords pour effectuer le paiement des productions cultivées sous contrat (telles que le coton) aux banques commerciales ou à des associations de crédit et non à la société recevant la production, de façon à ce que les établissements financiers agissent comme agents de recouvrement des crédits. Cela devrait permettre plus de concurrence sur le marché des produits et résoudre les problèmes de recouvrement des crédits qui ont conduit au souhait d’une interrelation entre marché des intrants et marché des produits.

40 Ce point est étudié plus en détail dans le Chapitre 3.

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2. ENCOURAGER LA COMPÉTITIVITÉ ET LA TRANSFORMATION DU SECTEUR INDUSTRIEL 41

2.1. Pour que le Mali puisse réduire sa vulnérabilité et susciter une croissance économique apte à atténuer la pauvreté, il devrait développer des sources de croissance non traditionnelles diversifiées afin de mieux faire face aux risque de chocs climatiques et aux chutes de cours des denrées sur les marchés mondiaux. En outre, il lui faudrait de nouvelles sources de croissance et d’emploi car le coton et l’or, les deux moteurs de sa croissance au cours de la décennie passée, ont peu de chances de croître rapidement dans les années qui viennent.42 Autre aspect essentiel, le Mali devrait élargir sa croissance économique et la faire tirer par le secteur privé, s’il veut atteindre ses objectifs de réduction de la pauvreté dans un délai raisonnable.

2.2. L’augmentation de la production, de la valeur ajoutée et de la compétitivité du secteur industriel malien sera cruciale pour rendre le pays moins dépendant des exportations traditionnelles. Comme on l’a vu plus haut, l’industrie a un rôle important à jouer pour offrir un débouché à la production agricole et permettre au pays d’atteindre ses objectifs de diversification agricole. En assurant un débouché à l’agriculture, l’industrie peut créer l’incitation nécessaire au renforcement de ses investissements de productivité. L’industrie est par ailleurs une importante source de recettes fiscales et peut créer des emplois modernes pour les chômeurs ou les personnes sous-employées et notamment pour le nombre croissant de jeunes diplômés. Enfin, une croissance industrielle compétitive peut lever certaines contraintes liées au coût élevé des biens intermédiaires ou finaux importés.

2.3. À ce jour, pourtant, la part des industries de transformation dans le PIB et dans les exportations du Mali est restreinte. Il faudrait des réformes pour susciter une amélioration de la situation. Ce chapitre examine d’abord les caractéristiques actuelles de l’industrie et sa performance, ensuite le cadre d’incitation de la production et de l’exportation industrielles et enfin les obstacles venant notamment la faiblesse des infrastructures d’accès et des services au commerce, ainsi que de la gestion, du financement et de la productivité de ce secteur et enfin du climat des affaires et de l’investissement où beaucoup de progrès restent à faire. Si la combinaison de ces facteurs a freiné l’industrie malienne et la croissance de la productivité, il y a des entreprises et des secteurs qui ont réussi à surmonter ces obstacles en adoptant une approche sous-sectorielle pour développer une forte filière reliant les fonctions d’approvisionnement, de production et de commercialisation du produit. Une revue des grandes leçons qui ont été tirées de ces réussites donne une idée de la façon dont ces liens peuvent être facilités entre segments de la même chaîne de valeur dans les secteurs non traditionnels à fort potentiel du pays. Ces leçons sont analysées dans les cas particuliers des secteurs du coton, du textile, de l’élevage, des cuirs et peaux et de l’artisanat.

41 Basé sur les documents de référence élaborés par Karen Hendrixson, Pepukaye Bardouille et Kevin Lumbila. 42 Le secteur du coton est caractérisé par une faible productivité (du côté de la production, c’est-à-dire des, semences utilisées), des difficultés financières et une forte concurrence d’autres producteurs jouissant d’une productivité forte (Chine) ou en croissance (Burkina) permise par des améliorations techniques. En outre, les subventions données aux producteurs de coton des pays développés ont peu de chances d’être supprimées dans un proche avenir. L’or étant une ressource non-renouvelable, les opérations actuelles encaissent les bénéfices d’activités d’exploration d’il y a 20 ans, car il n’y a pas eu d’activités exploration au cours des 20 dernières années.

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A. CARACTERISTIQUES ET PERFORMANCES DE L’INDUSTRIE

2.4. Comme on l’a vu au 1er chapitre du Volume 1, la réussite des réformes orientées marché a permis une croissance du secteur industriel. Mais cette croissance a surtout été le fait du secteur des mines d’or, qui est largement une enclave et qui exploite une ressource non-renouvelable. L’investissement direct étranger (IDE) pour extraire l’or a alimenté la croissance économique du secteur minier à un taux moyen annuel de près de 22 % entre 1994 et 2004 (Tableau 1.5 du Volume 1). De ce fait, en 2002, l’activité minière représentait la moitié du PIB du secteur secondaire. Cette croissance a fait passer la part du secteur minier dans le PIB de 2 % en 1996 à 15 % en 2002 (Tableau 2.1). Comme on le voit dans le Graphique 1.3, La valeur ajoutée du sous-secteur industriel a plus que quadruplé entre 1980 et 2001, le secteur minier ayant la plus forte croissance relative. Par contre, le taux de croissance des industries de transformation a chuté d’un taux moyen annuel de 5,4 % entre 1987 et 1993 à seulement 0,5 % entre 1994 et 2004 (Tableau 1.5). Par contre, le secteur du textile a vu progresser ces dernières années son taux de croissance annuel qui est passé de 3,1 % entre 1985 et 93, à 4,7 % sur la période 1994-2002 (Tableau 2.2).

Tableau 2.1 : Part du secteur secondaire dans le PIB (en %) 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002* Secteur secondaire 19,7 23,8 24,4 21,6 23,0 25,7 29,7 Mines 2,0 5,4 6,3 6,8 7,5 12,7 15,1 Industrie, dont 11,4 12,2 12,0 9,0 9,0 6,9 8,3 Agro-industries 2,9 3,0 2,7 2,9 3,3 2,7 2,6 Textile 3,9 4,4 4,4 1,0 1,0 0,9 0,9 Autres industries de transformation, 5,2 5,4 5,5 5,5 5,1 3,6 5,2 Dont égrenage du coton 3,0 3,3 3,4 3,3 3,0 1,4 3,2 Énergie 1,4 1,5 1,6 1,4 1,8 1,7 1,9 Construction et travaux publics 4,9 4,7 4,4 4,4 4,7 4,4 4,5 Note : Ce tableau présente les parts des secteurs en se basant sur la nouvelle comptabilité nationale (voir note en bas de Tableau 1.4 dans le Chapitre 1 du Volume 1). Source: FMI, *Estimation

Tableau 2.2 : Croissance moyenne du secteur secondaire, 1985-2002

Source: Diagnostic de l’intégration commerciale 2.5. Si la croissance de l’activité d’extraction d’or est positive au plan macroéconomique et à celui des recettes fiscales, elle l’est moins du point de vue de la diversification de l’économie et surtout de la croissance de l’emploi. La contribution du secteur des mines d’or à l’emploi est insignifiante (moins de 0,5 % de l’emploi) et bien que sa contribution aux recettes d’exportation et au PIB soit élevée (8,5 % des recettes et 20-25 % du PIB en 2000), ce secteur a peu de liens aval susceptibles d’induire la croissance d’autres secteurs de l’économie du fait de sa forte intensité de capital reposant sur des biens d’équipement importés. En tant que ressource non-renouvelable, l’or n’est pas une source durable de croissance à long terme et bien que les exportations d’or constituent une diversification bienvenue par rapport à la dépendance

Évolution annuelle en % 1985-93 1994-2002 Secteur secondaire 3,6 10,6 Mines 3,8 32,8 Tabac 2,0 1,1 Textile 3,1 4,7 Industries de transformation 3,0 2,7 Eau et électricité 8,2 9,6 Construction et travaux publics 6,3 4,4

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passée du coton et de l’élevage, les exportations d’or sont soumises aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières.43

2.6. En dehors du secteur de l’or, l’investissement industriel est faible. La faiblesse du secteur industriel en dehors de l’or et l’absence de fortes activités de transformation sont montrés par les données sur les autorisations d’investissement. Sur les 683 projets autorisés dans le cadre du Code des investissements entre 1998 et 2002, 338 étaient dans le secteur industriel. Mais seulement 78 (22 %) d’entre eux ont été réalisés et, sur ces 78, plus de la moitié correspondaient à des boulangeries ou pâtisseries. La contribution des industries de transformation aux exportations est restreinte en dehors du traitement de la fibre de coton. En dehors de la transformation des produits agricoles (tels que fibre de coton et huile de graine de coton), les filières associées à la filière de l’élevage (cuirs et peaux) et des exportations d’or, la seule exportation industrielle importante du Mali est le fil de coton et les matériaux en coton, dont le montant moyen annuel des exportations a été 1,27 milliard de FCFA (2,55 millions d’USD) au cours de la période 1996-2002.

2.7. L’emploi du secteur reste faible et les entreprises sont petites. Les secteurs des industries de transformation est le plus important employeur officiel, représentant 62,2 % de l’emploi salarié officiel en 2002, mais il emploie moins de 2 % de la population active totale.44 Au sein des industries de transformation, le secteur agro-industriel est le plus important et la principale source d’emploi (voir Tableau 2.3). La plupart des entreprises de transformation sont petites — plus de 83 % d’entre elles emploient moins de 50 salariés, légèrement moins que les 86,4 % constatés en 199845. Les grandes entreprises (plus de 100 salariés), bien que ne représentant que 9,8 % du nombre total d’entreprises, sont la plus importante source d’emploi, représentant 63,5 % de la population salariée. Bamako accueille 70% des entreprises de transformation. Enfin, environ un tiers de la population active nationale est employé dans le secteur de l’artisanat informel qui représente 10 à 20 % du PIB, emploie entre 100.000 et 500.000 personnes et contribue à la formation d’apprentis (entre 54.000 et 114.000).

Tableau 2.3 : Emploi 2002 dans le secteur officiel des industries de transformation Salariés Entreprises immatriculées Emploi total et nombre d’entreprises 13.359 216 Ventilation en sous-secteurs (parts en pourcentage) Agro-industrie 60,8 50,5 Textiles, cuir et vêtement 11,5 2,3 Papier et imprimerie 7,7 16,8 Source: Évaluation du climat de l’investissement au Mali (2005).

2.8. L’activité industrielle est très concentrée et dominée par les petites et moyennes entreprises (PME). L’agro-industrie est le sous-secteur le plus important. La plupart des activités de transformation impliquent le traitement de matières premières, notamment l’égrenage des graines de coton et le décorticage du riz brut. La principale activité industrielle est l’égrenage du coton, qui est réalisé dans 16 usines de la société CMDT partiellement détenue par l’État. Les autres activités manufacturières sont réalisées par de beaucoup plus petites

43 Le cours de l’or est actuellement très élevé ce qui ne durera probablement pas indéfiniment. Il faut noter que l’évolution des cours a été négative pendant l’essentiel des années 90 et il devrait en être à nouveau ainsi dans un avenir pas trop éloigné. 44 Sur une population active totale estimée à 5,2 millions, 1,2 million est employé dans le secteur informel et 3,9 millions sont employés dans le secteur agricole. 45 C’est la date du dernier recensement industriel disponible. Les données d’un recensement plus récent réalisé en 2004 n’étaient pas encore disponibles au moment où cette évaluation a été faite.

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entreprises. L’industrie agroalimentaire est un autre sous-secteur important (production de sucre, de bière et d’autres boissons, de farine pour les pâtes, de biscuits, de produits laitiers et de confiseries), puis vient le secteur du tabac. Un certain nombre d’entreprises produisent des biens de consommation tels que le carton d’emballage, les chaussures, le savon, les piles et les produits de beauté à base de beurre de karité. Certaines sociétés sont encore détenues par l’État (comme les Usines maliennes de produits pharmaceutiques - UMPP), d’autres ont été récemment privatisées (comme HUICOMA, qui produit du savon et des produits de beauté à base de beurre de karité). D’autres encore sont de petites entreprises de production informelles (boulangeries, ateliers de confection, fabriques de boissons traditionnelles).

2.9. Bien qu’on ait peu de données sur les PME du secteur industriel, il est clair qu’elles jouent un rôle économique majeur, représentant probablement 65 % de l’activité du secteur privé, notamment dans le secteur informel. Bien que 20.000 PME soient immatriculées, seulement 5.164 sont des établissements commerciaux en activité classées comme micro, petites et moyennes entreprises (MPME) par le Tribunal de Commerce de Bamako. La plupart d’entre elles (on les estime à 3.500) sont des entreprises informelles personnelles ou familiales, tandis qu’on estime à 1.500 celles qui sont des entreprises officielles ayant quelque aspect de modernité dans leur fonctionnement. Sur plus de 5.000 entreprises, on estime à 350 celles qui emploient plus de 5 personnes et ont un chiffre d’affaire de plus de 250.000 USD. Comme on l’a déjà noté, Les petites et moyennes industries (PMI) exercent une large gamme d’activités : boulangeries, brasseries, fabriques de vêtements.

2.10. La productivité est difficile à connaître,46 mais elle semble faible et pourrait même en fait être en baisse. Les mesures de la productivité de l’industrie et des ouvriers maliens donnent des résultats contradictoires. L’Étude Diagnostic de l’Intégration Commerciale (EDIC) (BM, 2004) a conclu que la productivité de l’industrie malienne — mesuré par l’importance de la valeur ajoutée des produits manufacturés (VAM) par ouvrier —est très faible même par rapport aux normes de la région et de l’Afrique dans son ensemble, conséquence des faibles niveaux d’investissement dans le capital physique et dans l’éducation au Mali.47 Le niveau global d’industrialisation du pays, mesuré en part de la VAM dans le total du produit économique, était également au-dessous des niveaux de la région et de l’Afrique sub-saharienne (AfSS). Néanmoins, selon cette étude, le Mali, contrairement à la plupart des pays de la région, est l’un des rares à avoir eu un taux d’évolution annuel positif de sa VAM entre 1990 et 1998 (mais en partant d’un niveau très bas, juste au-dessus de celui du Niger).

2.11. Par contre, l’Évaluation du climat de l’investissement au Mali (ECI) (BM, 2005a) – basée sur des enquêtes directes auprès d’entreprises industrielles et non sur des estimations approchées de la VAM par habitant utilisées dans l’EDIC – a conclu que les entreprises maliennes sont peut-être plus compétitives qu’on ne le suppose généralement. L’ECI a trouvé que la productivité des ouvriers maliens (mesurée par la valeur ajoutée par salarié) est supérieure à celle du Kenya, de la Tanzanie et de l’Ouganda, mais inférieure à 46 Les données internationales de productivité du travail doivent toujours être traitées avec prudence dû fait de différences de définitions selon les pays, de problèmes de qualité des données et de différences de taux de change. À l’évidence, de nouvelles recherches sont nécessaires. 47 Mesurée en 2000. Le Diagnostic de l’intégration commerciale a été réalisé dans le contexte du Cadre intégré (CI) pour analyser les contraintes à l’intégration des PMA dans l’économie mondiale. Les participants au CI étaient, le FMI, le GBM, la CNUCED, le PNUD, l’ITC et l’OMC.

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celle du Sénégal, de l’Inde ou de la Chine.48 Cependant, elle indique que, loin de progresser, la productivité malienne a baissé et était en 2000-02 à moins de la moitié de ce qu’elle était en 1980-84, alors que pendant la même période celles de l’Inde et de la Chine ont progressé. Ce résultat est cohérent avec la mesure agrégée de la productivité présentée au 1er chapitre.

2.12. On dispose d’indications également contradictoires sur la productivité des ouvriers au niveau des sous-secteurs industriels. Les estimations de la productivité au niveau des sous-secteurs industriels varient fortement elles aussi. Selon l’EDIC, le sous-secteur ayant la plus forte productivité en 2000 était celui de la tôle de fer (16 millions de FCFA par salarié), alors que l’emballage avait la plus faible productivité (moins d’un million de FCFA par salarié). La qualité, la présentation et la solidité des matériaux d’emballage sont fréquemment un élément important pour l’expansion des exportations non traditionnelles. La faible productivité de ce sous-secteur pourrait donc constituer un frein pour le développement de nouvelles sources de croissance au Mali. Le textile était l’avant-dernier sous-secteur pour la productivité en 2000 (deux millions de FCFA par salarié), ce qui montre les défis que devrait relever ce sous-secteur pour être un élément efficient d’une filière allant du coton aux textiles qui permettrait d’ajouter le maximum de valeur au coton malien (voir plus loin).49 Ici encore, les résultats de L’ECI 2004 diffèrent. Cette enquête indique que le secteur de la construction, puis celui des métaux étaient les plus productifs en termes à la fois de productivité du capital et de valeur ajoutée par salarié.

2.13. La productivité du stock d’investissement au Mali semble favorable. L’ECI a également mesuré la productivité et l’ancienneté du stock d’investissement du Mali et donné des résultats favorables. Alors que l’intensité du capital industriel est plus faible au Mali qu’au Kenya, en Tanzanie et au Sénégal, la productivité du capital y est plus élevée que dans ces trois pays, ainsi qu’en Ouganda. En outre, le stock de capital du Mali est relativement jeune –– 80 % a moins de dix ans50 –– plus jeune qu’en Ouganda (77 %), qu’au Sénégal (66 %) et qu’au Kenya (48 %). Enfin, le taux d’utilisation de la capacité est plus élevé au Mali (73,4 %) que dans les 4 autres pays de la comparaison, y compris le Sénégal (71,1 %) et le Kenya (60,9 %).

2.14. On peut conclure que les importantes réformes accomplies au Mali ont été insuffisantes pour susciter un secteur industriel dynamique en dehors de l’or. Malgré la poursuite régulière de réformes orientées marché, échanges et secteur privé qui ont été favorables à l’investissement, le secteur secondaire du Mali (en dehors de l’or) reste insuffisamment productif et dynamique. La production industrielle est peu diversifiée et les échanges interindustriels sont très restreints (Banque mondiale, 2006). Les secteurs informel et officiel sont dominés par des activités commerciales qui, tout en étant une importante source d’emploi, contribuent peu à la compétitivité industrielle du fait de la fragmentation des systèmes d’offre et de distribution. La productivité des industries de transformation, tout en apparaissant comme supérieure à celle d’un certain nombre de pays d’Afrique de l’Est, semble avoir chuté au cours des deux dernières décennies et il n’y a pratiquement pas d’exportations de biens manufacturés basés sur des produits agricoles (à l’exception de la fibre et du fil de coton). Bien que l’afflux d’IDE au Mali soit passé de 22 millions d’USD au

48 Valeur ajoutée par salarié ajustée en parité de pouvoir d’achat. Le choix des pays de comparaison a été déterminé par la disponibilité des données, en fonction de la réalisation des ECI. 49 L’efficience globale de ce secteur a pu s’améliorer grâce à la création en 2004 d’une nouvelle entreprise de filage orientée vers l’exportation travaillant en 3 équipes par jour, 7 jours sur 7 (voir plus loin). Elle est due à l’IDE d’une société mauricienne cherchant ici sa matière première pour ses activités à Maurice. 50 Il faut noter que ceci est contraire à l’opinion acceptée ainsi qu’aux indications du secteur des transports, par exemple et peut ne correspondre qu’au secteur officiel tandis que le secteur informel serait en plus mauvaise posture.

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début de la décennie 90 à 70 millions d’USD à la fin de cette décennie, peu de cet investissement a bénéficié aux industries de transformation.51 Enfin, alors que le Mali bénéficie de conditions favorables d’accès au marché qui donnent d’excellentes opportunités d’exportation vers les marchés régionaux (grâce aux accords de l’UEMOA et de la CEDEAO) et vers les marchés internationaux (grâce à la loi américaine dite Africa Growth Opportunity Act - AGOA), à l’Initiative de l’UE « Tout sauf des armes » et à l’accord de Partenariat ACP-UE), les entreprises maliennes n’ont pas, jusqu’ici, été capables de profiter de ces possibilités. Les sections suivantes vont examiner le cadre d’incitation de l’investissement et de la production industriels et les contraintes qui affectent les entreprises maliennes, afin de déterminer les mesures nécessaires pour renforcer la performance de ce secteur.

B. LE CADRE D’INCITATION ACTUEL DE L’INDUSTRIE

2.15. Le cadre d’incitation de l’industrie et de promotion activités industrielles comprend, au Mali, le Code de l’investissement, le Code minier, le régime douanier et fiscal appliqué aux importations et d’autre mesures (comme les zones industrielles) conçues pour stimuler l’activité économique.

Un cadre d’incitation généreux pour les activités non minières

2.16. Les industries bénéficient d’un régime douanier simplifié. La libéralisation commerciale régionale a commencé en 1994 avec la suppression progressive des droits de douane dans l’UEMOA et a culminé par la mise en place du Tarif extérieur commun (TEC) de l’UEMOA en 2000. Sous ce régime, les droits sur les importations au Mali ont été réduits à un droit simplifié, qui est, en moyenne de 14,6 %. La structure tarifaire a été réduite à quatre taux : (i) un taux zéro sur les intrants pour l’agriculture, les biens d’équipement, les biens sociaux, culturels et scientifiques et les matériels et logiciels informatiques qui ne sont pas produits localement ; (ii) un droit de 5 % sur les matières premières, le pétrole brut et les produits céréaliers à usage industriel ; (iii) un droit à 10 % sur les biens intermédiaires, le fioul* léger (carburant diesel), le fioul lourd et les autres céréales et (iv) un droit à 20 % sur les biens de consommation. Conformément à la pratique normale, un taux de TVA à 18 % est appliqué à toutes les importations, indépendamment de leur origine (sauf pour les sociétés bénéficiant d’exemptions, telles que celles qui exportent plus de 80 % de leur production, ou pour certains biens comme les produits pharmaceutiques), afin de compenser la perte de recettes douanières qui a résulté l’adoption du TEC. Les droits sur les exportation ont été ont été levés au début des années 90 et les exportations sont exemptées de la TVA, mais une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaire (dite Contribution pour prestation de service-CPS) est appliquée sur les exportations d’or et de coton.

2.17. La libéralisation des échanges a progressivement réduit le niveau de la protection douanière des industries maliennes. Une évaluation de 1998 montre que le secteur manufacturier malien avait globalement peu d’avantage comparatif 51 Ce paradoxe se retrouve dans le classement par la CNUCED des pays de l’UEMOA selon la performance de l’investissement cité dans le EDIC (Banque mondiale, 2004, p. 46). Le Mali est juste au-dessous de la moyenne mondiale sur ce plan, mais à l’avant-avant dernière place pour le potentiel d’investissement. La bonne performance de l’investissement au Mali correspond à l’afflux d’IDE dans le secteur de l’or ; son mauvais classement en termes de potentiel d’investissement correspond au faible flux d’investissement dans le reste de l’économie, au-dessous de ce qui est indiqué par le potentiel du pays, tel que mesuré par les variables explicatives de l’IDE telles que la croissance du PIB, la notation du risque pays et divers indicateurs de développement, entre autres. * NDT : ‘Fioul’ est désormais la graphie officielle française du mot anglais ‘fuel’ quand il est utilisé en français, car elle correspond à la prononciation dans les deux langues.

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vis-à-vis des biens ivoiriens sur le marché malien, mais que les entreprises maliennes aient un avantage comparatif dans les tissus imprimés et la tôle et que le Mali était proche d’avoir un avantage comparatif dans cinq autres activités (huile végétale, farine de froment, confiserie, carton et impression).52 Ce manque général d’avantage comparatif était compensé sur le marché intérieur par les niveaux élevés de protection intérieure accordés à ces industries, mais la compétitivité à l’export de ces industries a ensuite fortement diminué.53 La mise en place du TEC peut avoir eu un effet disproportionné sur les biens manufacturés, car ils avaient généralement bénéficié d’une protection douanière plus élevée avant le TEC et cette protection a baissé avec le TEC. Ainsi, les droits sur les textiles et le cuir étaient-ils de 22,6 % au milieu des années 90, et certains produits comme le savon bénéficiaient-ils d’une protection encore plus élevée (36 %). Cependant, il faudrait une étude plus approfondie de l’effet du TEC, tenant compte de l’effet de l’adoption de la TVA sur les produits importés.

2.18. Le Code de l’investissement offre de généreuses incitations en vue de susciter des investissement en dehors de l’or : Ce Code prévoit trois régimes : le Régime A pour les PME ; le Régime B pour les grandes entreprises et le Régime C pour les entreprises des zones franches, exportant plus de 80 % de leur production. Les incitations accordées aux entreprises par le Code sont importantes, comme le montre le Tableau 2.4. Il y a aussi des incitations spécialisées supplémentaires (par exemple, des exemptions additionnelles sont accordées aux sociétés de promotion immobilière). Le Code est relativement progressif en donnant aux investisseurs étrangers les mêmes garanties qu’aux maliennes, notamment le droit de transférer capitaux et revenus et de régler leurs conflits au moyen des mécanismes internationaux d’arbitrage. Par ailleurs, des mesures ont été adoptées pour adapter le cadre législatif et réglementaire aux exigences du Traité de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). Malgré la générosité des incitations accordées aux entreprises des zones franches, seulement 14 entreprises ont choisi de bénéficier de ce régime et parmi elles seulement trois fonctionnaient début 2004 : la West African Tannery (tannerie de cuir), la Société nouvelle des tanneries du Mali et le Société SADA-SA qui produit du coton brut (ensuite reprise par SATCOMA). Pour élargir l’horizon géographique et l’effet du secteur industriel, le Code offre des incitations supplémentaires pour les entreprises qui s’installent en dehors de la capitale.

52 Le faible avantage compétitif du Mali à ce moment était largement attribuable à une « négligence » des industries à forte intensité de travail davantage conformes à l’avantage compétitif du pays, à une faible utilisation de capacité, au coût de transport des consommations intermédiaires, au coût des consommations intermédiaires marchandes et non marchandes souvent plus élevés pour les concurrents ivoiriens et à la plus faible productivité de la main d’œuvre (Cockburn et al, 1998, page 29). 53 Cette étude a déterminé quelle protection nominale était la principale distorsion des prix pour les ventes locales. Cette protection a élevé la valeur de la production et par là abaissé de 23,1 % le coût unitaire (monétaire) des producteurs maliens retenus (Cockburn, et al. (1998), pp. 16, 29-31).

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Tableau 2.4 : Principales incitations du Code de l’investissement Exemption de taxes sur les

bénéfices industriels et commerciaux et de la taxe professionnelle

Exemption de toutes taxes et droits d’importation

Exemption de la taxe / les nouvelles constructions

Régime A (PME)* 5 ans Pas automatique, peut être négocié 5 ans

Régime B (Grandes entreprises) 8 ans Pas automatique, peut être négocié 10 ans

Régime C (Grands exportateurs) 30 ans 30 ans -- Entreprises investissant en Zone II (régions de Koulikoro, Sikasso et Ségou -incluant les zones du coton et du riz)

2 ans supplémentaires -- --

Entreprises investissant en Zone III (régions de Kayes, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal)

4 ans supplémentaires -- --

*Les PME sont définies comme les entreprises ayant moins de 100 millions de FCFA (soit 194.500 USD en 2004) d’investissement, les grandes entreprises étant celles dont l’investissement est égal ou supérieur à ce chiffre. 2.19. Le Gouvernement a récemment rédigé un projet de loi pour modifier le Code de l’investissement de 1991 afin d’offrir : une exemption de 3 ans de droits de douanes et taxes à l’importation à toutes les nouvelles entreprises sur l’importation de machines, de matériaux de construction et de pièces détachées (lorsque ces articles ne sont pas disponibles localement) et une exemption d’un an aux entreprises existantes. Des incitations supplémentaires sont prévues pour les entreprises achetant au moins 65 % de leurs consommations intermédiaires au Mali (comprenant une exemption de 4 ans de la patente et de l’impôt sur les sociétés) ou développant des techniques innovantes. Les implications budgétaires de toute révision du Code de l’investissement devraient bien sûr être évaluées, mais les incitations pour les entreprises achetant au moins 65 % de leurs consommations intermédiaires au Mali pourrait se révéler intéressante pour le développement du secteur agroindustriel. Globalement, cependant, l’actuel Code de l’investissement malien est très généreux et ne semble pas être l’obstacle qui expliquerait le faible niveau de l’activité industrielle du Mali. On ne sait donc pas si sa révision permettra de déclencher une forte vague de nouveaux investissements tant que d’autres contraintes (étudiées à la section C) continueront à affecter la productivité et la compétitivité des entreprises.

2.20. Le Code minier (adopté en 1991) est lui aussi généreux. Il a contribué à attirer des investissements dans le secteur de l’extraction d’or pendant les années 90. D’autres facteurs ont contribué au boom de l’investissement dans ce secteur : géologie favorable, terrain vierge d’exploration et disponibilité de capital risque sur le marché international des capitaux.54 À certains égards, notamment au plan des exemptions fiscales, le Code de 1991 a été trop généreux, prévoyant, entre autres avantages, l’exemption pendant cinq ans de l’impôt sur le bénéfice de 35 % et l’exemption de la plupart des droits sur les importations. Le FMI a estimé que la perte de recettes du secteur des mines d’or pour l’État du fait de cette générosité équivalait à 2 à 3 % du PIB en 2002. Cependant sous d’autres aspects le Code de 1991 a pénalisé les sociétés pendant la période de cours relativement bas de l’or : le droit de 3 % ad valorem, plus la CPS de 3 %, qui étaient tous deux imposés directement sur la production et donc indépendants de la rentabilité des sociétés.55 Cependant, avec la

54 Ces facteurs, combinés avec l’établissement d’un gouvernement démocratique en 1991 et la dévaluation de 1994, ont produit un afflux d’IDE dans le secteur minier et une augmentation régulière de la production d’or, passée de 20,6 tonnes en 1998 à 64 tonnes en 2002. De ce fait, le Mali est devenu le troisième producteur d’or d’Afrique. En 1992, l’extraction d’or représentait 2,25 % du PIB; en 2002 il en représentait 14 %. 55 Pour parer à cette anomalie fiscale, un nouveau Code minier a été adopté en 1999. Celui-ci a éliminé les exemptions d’impôt sur les bénéfices, adopté le principe d’amortissement accéléré et abaissé la structure de redevance de 6 % à seulement 3 %. Par contre, le Code de 1999 a prévu une participation publique renforcée gratuite qui est considérée comme une taxe déguisée par la

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hausse des cours de l’or après 2001 cette structure fiscale semble avoir été avantageuse pour les entreprises56, leur permettant d’empocher d’énormes bénéfices non imposés, ce qui explique que la plupart des entreprises ont choisi de rester sous le Code de 1991 au lieu d’opter pour le régime du nouveau Code minier (adopté en 1999 pour remédier à l’anomalie fiscale).

Le cadre d’incitation : de la marge pour des améliorations

2.21. Malgré les réformes douanières, il reste des anomalies qui ont un effet négatif sur les échanges commerciaux du Mali, la compétitivité et la croissance de l’industrie. Le secteur des industries de transformation a actuellement un niveau de protection qui est plus élevé que ce qu’indique les taux nominaux. L’un des facteurs contribuant à cette situation est la TVA (au taux de 18 %) appliquée également aux biens importés. En dehors de cela, la plupart des produits manufacturés souffrent d’une cascade de droits. La grande exception est le secteur des machines et équipements, où le taux du droit sur les produits semi-finis est de 20 %, mais le taux sur les produits finis est d’environ 11 %. L’EDIC a noté ceci : « des droits relativement élevés sur les importations de biens intermédiaires gêne le développement industriel (y compris celui de l’agro-industrie et des transports), freinant de ce fait la demande pour les produits du secteur primaire et par là son développement ». Selon l’OMC, la structure tarifaire du Mali protège les produits agricoles (importante matière première pour le secteur industriel malien), dont un grand nombre sont regroupés dans la catégorie des biens de consommation finaux et sont donc soumis à des droits de douane au taux de 20 %. En outre, l’OMC note que bien que 42 % des lignes douanières du Mali soient obligatoires, les droits effectivement appliqués par le Mali sur 54 % de ces lignes sont supérieurs de 20 points de pourcentage au niveau obligatoire, donnant un niveau de protection à de nombreux produits, notamment les fibres synthétiques, les teintures et les pigments, les vêtements, les chaussures et le savon.

2.22. Par ailleurs, le Mali applique des valeurs de référence à certains produits (par exemple, aux tissus de coton, au damas, aux tissus imprimés à la réserve) couvrant au moins 76 lignes tarifaires.57 Cette pratique, qui constitue une forme de protectionnisme, revenait, en 2004, à imposer un droit de 46 % sur les vêtements importés. Son but est de protéger la société textile COMATEX (dont l’État conserve 20 % du capital) des importations de tissus, mais elle a une conséquence néfaste pour les fabricants locaux de vêtements et de tissus teints ou imprimés : elle accroît le coût de leurs fournitures et ainsi réduit leur compétitivité. Le tissu bazin utilisé dans l’activité malienne de teinture est importé (d’Asie) et, comme tel, est soumis à un droit d’importation de 20 %, malgré le fort potentiel d’exportation de ce produit. En outre, le droit d’importation évalué sur la cire utilisée pour teindre le bazin (afin que le tissu teint au Mali ait son lustre distinctif) a été, est-il rapporté, relevé à 25 %, bien que le Mali n’en produise pas. Autres pratiques affectant la compétitivité : la Taxe d’expertise artisanale de 10 % sur les exportations d’articles artisanaux (qui constitue une taxe sur les exportations), conçue pour protéger la tradition

plupart des investisseurs. Néanmoins, le nouveau code minier a largement transformé la taxation des mines en un système basé sur les bénéfices et non sur la production, en cohérence avec la pratique internationale. Les sociétés ont eu le choix de continuer leurs investissements existants sous l’ancien code de 1991 ou d’opter pour le Code de 1999. La plupart des sociétés ont opté pour rester sous le Code 1991 qui, au total, était vu comme plus favorable à leurs activités existantes dans un contexte de hausse du cours mondial de l’or. 56 Mais, bien sûr, désavantageux pour le Trésor de l’État du fait du renoncement à d’importantes recettes. 57 Les valeurs de référence sont utilisées comme base de calcul des droits et taxes. Les États membres de l’UEMOA demandent à la commission de l’UEMOA que ces marchandises figurent sur une liste de marchandises soumises à des valeurs de référence. Seules les marchandises venant de l’extérieur de l’UEMOA sont soumises à ce système. L’UEMOA recherche une solution au problème des valeurs de référence dans le cadre de l’application de l’Accord de l’OMC sur l’évaluation de la base de calcul des droits de douane.

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culturelle malienne, mais qui élève le prix des articles artisanaux exportés. De plus les artisans doivent payer un droit de licence d’exportation annuel de 565.000 FCFA (1.134 USD).58 Enfin, une Taxe conjoncturelle sur les importations (TCI) protège l’industrie sucrière, qui élève le niveau total de protection effective du sucre à 77,5 %.59

2.23. Enfin, bien que le taux maximal des droits soit de 20 %, la combinaison des droits de douane, des taxes et de la TVA basée sur une valeur évaluée sur les biens importés peut atteindre un niveau nettement plus élevé, avec des effets défavorables sur les secteurs ou entreprises qui ne bénéficient pas d’exemptions. Par exemple, le total des taxes qui se monte à 30 – 40 % sur les véhicules importés selon l’EDIC, peut contribuer à la forte ancienneté (et donc à la forte inefficience) du parc de camions du Mali.60 En conséquence, la protection offerte aux industries maliennes au moyen de cette combinaison de droits, taxes et mesures non tarifaires (valeurs de référence, droits et taxes supplémentaires) isole ces entreprises de la concurrence des importations, nécessaire si l’on veut stimuler leur compétitivité, tout en abaissant la compétitivité des produits exportés utilisant des éléments importés.

2.24. Si le cadre d’incitation malien pour l’industrie (en dehors de l’extraction d’or) semble favorable, un certain nombre d’éléments freinent en fait les forces concurrentielles nécessaires pour stimuler les gains de productivité et font supporter un lourd fardeau aux entreprises. Bien que les incitations accordées par le Code de l’investissement soient simples sur le papier, en pratique le régime d’investissement n’est ni transparent ni prévisible. Les entreprises admises aux régimes A, B, ou C peuvent également demander au ministère de l’Industrie et du Commerce, au cas par cas, une exemption ou des réductions de droits de douane et de taxes sur des biens importés pour leurs activités. Les exemptions douanières sont, estime-ton, fréquentes, et sont généralement accordées au cas par cas, de façon opaque. Outre l’effet négatif de l’octroi de telles exemptions sur le montant des recettes fiscales, effet qui est important, il faudrait noter la forte variation d’une année sur l’autre du montant des exemptions, ce qui complique la gestion budgétaire, tandis que leur nature ad hoc crée des opportunités pour des comportements de recherche de rente. Elles peuvent aussi encourager ou masquer des fonctionnements inefficients, distordre les décisions économiques au niveau des entreprises, sans garantir leur compétitivité.

2.25. La complexité du système d’incitation fiscale le rend difficile à gérer et nuit au cadre d’incitation. Malgré la mise en œuvre de profondes réformes fiscales positives depuis le milieu des années 80, notamment l’adoption de la TVA et l’harmonisation des droits de douane avec l’adoption du TEC, un certain nombre de questions fiscales sérieuses demeurent. Le cadre d’incitation se traduit ainsi : part disproportionnée de la

58 Les évaluations de chaîne de valeur réalisées pour la BM ont constaté que la combinaison du droit de licence d’exportation, de la taxe sur l’exportation de produits artisanaux et des charges sociales sur les salaires représentaient au total 33 % du coût administratif de la production d’un bogolan (tissu teint traditionnel) et représente plus de 15 % du coût total (Global Development Solutions, 2004, p. 78). 59 La TCI est un mécanisme de protection de l’UEMOA appliqué par un pays pour protéger ses producteurs de denrées de la concurrence de produits importés. Selon le Gouvernement, le but de la TCI est de se protéger de la concurrence déloyale résultant des subventions accordées par les pays exportateurs de sucre. Malgré cette protection, SUKALA-SA – qui contrôle toute la production et le traitement de la canne à sucre au Mali – trouve difficile de rivaliser avec le sucre importé et la contrebande très répandue. 60 Cette question est traitée plus en profondeur dans le Chapitre 5. Outre les doits de douane et la TVA, les biens venant de l’extérieur de l’UEMOA sont évalués de la façon suivante : Prélèvement communautaire de solidarité, (PCS) pour le financement des Secrétariats de l’UEMOA et de la CEDEAO (1 et 0,5 %, respectivement de la valeur des biens importés ; la Redevance statistique, (RS), au taux de 1 % de la valeur importée. Des droits d’excise sont imposées à un certain nombre de produits (tels que les cigarettes et les huiles végétales) produits localement. En pratique, la TCI sur le sucre n’est pas appliquée car les sociétés importatrices profitent de la mesure permettant l’importation exonérée de TCI d’une unité de sucre pour l’achat de 3 unités de sucre local.

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charge fiscale reposant sur le petit secteur officiel ; faible capacité de gestion budgétaire résultant de l’inégale application des mécanismes de remboursement de la TVA, qui conduit parfois à des retards de ces remboursements et des redondances dans les démarches nécessaires pour la déclaration de la taxe. Comme l’a noté l’EDIC, les exemptions sont une source fréquente de confusion entre les entreprises et les administrations car des règles et des procédures douanières différentes s’appliquent selon le type d’exemption. La complexité du système cause souvent des délais au passage en douane si longs que de nombreux bénéficiaires préfèrent renoncer à leur demande d’exemption. Il faudrait donc que l’on puisse se fonder sur un système transparent et prévisible d’incitations, liés par exemple à la performance, de façon à ce que les incitations ne soient accordées que si les investissements annoncés sont effectivement réalisés.

2.26. En ce qui concerne l’or, la législation minière du Mali est peut-être moins appropriée aux besoins futurs du pays. Il y a eu peu de nouvelles explorations et d’investissements dans de nouvelles exploitations depuis la fin des années 90. Cela est dû à une combinaison de facteurs, notamment à une baisse des cours mondiaux de l’or, à l’assèchement du capital risque sur les marchés internationaux des capitaux et, peut-être, à l’insuffisance des incitations à l’investissement dans le code minier 1999 applicable aux nouvelles opérations minières. De ce fait, le code minier actuel est peut-être moins approprié aux besoins futurs du pays. Les réserves d’or connues actuellement sont estimées à environ 600 à 800 tonnes, soit environ 20 ans de production au taux actuel d’extraction. Les gisements existants sont exploités à ciel ouvert. À mesure que les fouilles s’approfondiront, voire deviendront sous-terraines, les coûts d’exploitation augmenteront. Qui plus est, les mines actuellement exploitées sont des réserves découvertes il y a 10 ou 15 ans et il faudrait de nouvelles explorations pour reconstituer les réserves connues. Mais la confusion actuelle concernant les dispositions fiscales et la déficience de l’État dans la gestion du secteur dissuadent les entreprises d’engager de nouveaux travaux d’exploration et de développement. Le Mali a donc besoin d’une politique plus cohérente pour attirer des investissements miniers privés au moyen de diverses mesures : régime fiscal plus compétitif ; amélioration du code minier pour le rendre simple et transparent ; bonne tenue du registre des titres miniers ; mise à jour permanente de la base de données géo-scientifique, qui devrait être facilement accessible par les sociétés minières et enfin amélioration de la transparence des flux de bénéfices des exploitations minières qui devraient être publiés. La poursuite de la production d’or est importante pour l’économie malienne et pourrait stimuler le lancement d’autres activités économiques, notamment dans les zones rurales où se situe l’activité minière. En outre, elle apporte un important flux de revenus à l’État. Il est donc important que le Mali reste concurrentiel au niveau international étant donné l’existence de gisements d’or dans d’autres pays et la mobilité des capitaux internationaux et des sociétés minières.

2.27. La structure d’incitation pour les activités minières traditionnelles à petite échelle est également insuffisante, bien que leur potentiel de croissance soit élevé. Il s’agit là d’une importante source d’emploi au Mali et une source de production qui n’est pas sans importance, puisqu’elle représente en moyenne environ deux tonnes par an depuis 1990-99 (bien que les estimations ne soient pas fiables du fait de la contrebande).61 Ce secteur a par ailleurs d’importants liens amont et aval et joue un rôle important de réduction de la pauvreté dans les zones rurales (voir Encadré 2.1). Le Mali manque d’un Code pour les mines à petite échelle, alors que l’on estime que 150.000 à 200.000 personnes sont employées sur 250 à 350 61 Les mines à petite échelle sont généralement définies dans la région comme couvrant les opérations minières (traditionnelles, semi-mécanisées et semi-industrielles) qui n’utilisent pas d’équipements lourds, ne nécessitent pas des investissements importants, ou n’utilisent pas des techniques sophistiquées (Keita 2001, p. 6).

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sites au travers du pays. Le Code minier (1991 et 1999) reconnaît les mineurs artisanaux, mais ne leur accorde pas le droit de demander des autorisations d’exploitation minière et ne permet pas de leur attribuer des droits miniers. Les mineurs artisanaux peuvent donc être chassés d’un terrain si celui-ci est accordé à une société minière et cette insécurité les empêche d’adopter de nouvelles technologies et d’investir. Un Code des mines à petite échelle est donc nécessaire pour protéger les titres miniers, les adresses, la taxation et codifier les exigences environnementales.62

Encadré 2.1 : Le secteur minier artisanal

Le Mali a clairement un avantage comparatif dans la production d’or et l’extraction artisanale ou traditionnelle reflète cet avantage. L’artisanat minier est une importante source d’emploi et de revenus à la campagne et l’on pourrait obtenir une plus grande valeur ajoutée dans ce secteur en améliorant la technique minière. L’extraction traditionnelle (c’est-à-dire non mécanisée) représentait près de 5 % de la production nationale en 2002 et elle emploie environ 150.000 ouvriers saisonniers. On estime qu’environ la moitié d’en eux sont des femmes. Il y a plus de 250 sites situés dans le sud et l’ouest du pays. La production artisanale d’or est une importante source de revenu rural. Dans les bonnes périodes, l’extraction minière peut apporter une importante contribution à la réduction de la pauvreté. Comme ce revenu vient essentiellement compléter un revenu agricole et non s’y substituer, l’extraction est considérée comme une activité secondaire par rapport à l’agriculture. Bien qu’on ne dispose pas de données précises, les remises d’argent sont souvent utilisés pour acheter les intrants agricoles (tels que les engrais), des charrues, des charriots, des animaux de trait et des ânes, ainsi que pour payer les frais de scolarité ou d’hospitalisation. Dans les périodes défavorables, lorsque le revenu agricole baisse en raison d’une chute des cours ou de pertes de cultures dues à la sécheresse ou à des insectes, l’extraction d’or traditionnelle peut représenter une importante protection sociale. Contrairement au secteur minier officiel mécanisé, le secteur traditionnel a d’importants liens amont ; seules les pièces détachées et le carburant (utilisé pour les générateurs et les pompes) sont importés, tandis que tous les autres biens intermédiaires et biens de consommation (e.g., les seaux, les outils manuels rudimentaires) sont fournis par le marché intérieur. Dans les communautés locales, le secteur minier à petite échelle soutient diverses activités commerciales largement informelles, notamment boulangers, forgerons, commerçants et bijoutiers. Ainsi il crée tout un éventail d’emplois et ralentit l’exode rural. Les méthodes et outils de production sont rudimentaires et l’utilisation d’équipements mécaniques est très restreinte (à l’exception de pompes pour évacuer l’eau). Les techniques et méthodes minières sous-optimales utilisées dans ce secteur endommagent en général les gisements de façon irréparable, entraînant la perte de plus de la moitié du potentiel des réserves. En dépit des contributions économiques locales apportées par ces mines à petite échelle, elles ont également d’importants effets sociaux et environnementaux négatifs : déforestation, pollution de l’eau, travail des enfants, retrait très tôt des enfants de l’école, dangers sanitaires, insuffisante nutrition, voire malnutrition sur les sites miniers et fort taux de Sida. Étant donné le nombre de personnes employées dans les mines d’or et le rôle important qu’u jouent les femmes, une assistance renforcée pour améliorer les méthodes de production de ce secteur devrait avoir un important effet sur la pauvreté et la croissance rurales. On pourrait remédier à la faible productivité du secteur par de petites améliorations techniques et des systèmes de crédits de petit montant pour permettre l’achat de pompes, d’appareils de lavage et de petits broyeurs, qui permettraient d’accroître les revenus ruraux dans les zones des mines d’or, d’améliorer l’état sanitaire et de réduire l’incitation à l’exode rural. En outre, puisque l’on n’a pas actuellement de rapports de prospection, l’exploitation est souvent hâtive et n’exploite pas totalement le potentiel des veines, ce qui contribue au caractère temporaire de nombreux sites miniers et accroît la probabilité de problèmes de santé et de malnutrition. Ce problème pourrait être résolu par un développement de capacité à la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM) pour permettre plus d’études géologiques et l’identification de gisements à plus fort potentiel, permettant ainsi aux mineurs de s’installer plus longtemps sur les sites, ce qui permettrait de surmonter plus facilement les effets sociaux défavorables de l’artisanat minier. Il faudrait également une plus forte réglementation du secteur pour créer des droits d’exploitation et fixer des normes environnementales, pour mieux intégrer l’exploitation minière traditionnelle dans la stratégie nationale de réduction de la pauvreté et pour améliorer le rendement économique pour les mineurs et pour l’État. La mise en œuvre de ces mesures contribuera par ailleurs à l’exploitation d’autres ressources minières (minerais industriels et matériaux de construction) L’extraction minière à petite échelle est généralement organisée par les communautés villageoises. En conséquence, les efforts pour mieux réglementer le secteur ou faire adopter de nouvelles méthodes devront tenir compte des liens entre l’artisanat minier et son contexte socioéconomique local, si l’on veut obtenir des effets durables sur la pauvreté. Une assistance technique renforcée pour améliorer la productivité du secteur offre par ailleurs la possibilité d’éduquer les mineurs traditionnels sur les questions d’hygiène, de protection de l’environnement et de développement d’activités durables générant des revenus et des emplois.

Les incitations fiscales ne sont pas suffisantes pour stimuler la croissance

2.28. Le large cadre d’incitation fiscal ne semble pas avoir produit les résultats souhaités de stimulation de la croissance industrielle en dehors du secteur minier. On s’est trop fié aux incitations fiscales pour encourager l’investissement, alors que l’utilisation d’autres formes de soutien tels que les régimes économiques particuliers ont été peu ou mal exécutés. Bien que le Mali ait créé, en 1999, une Agence pour l’Aménagement et la gestion des zones industrielles (AZI-SA) afin d’aménager des zones industrielles dans le but 62 Le Projet de la BM ‘Sources de croissance’ vise à aider la révision du Code minier et l’élaboration d’un cadre législatif pour les mines à petite échelle.

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d’attirer des investisseurs, le pays n’a en fait qu’une seule zone industrielle, la Zone industrielle de Sotuba, qui est dans un si piètre état qu’elle ne constitue en rien une incitation pour les investisseurs (voir plus loin). L’AZI-SA, manquant de personnel et de moyens budgétaires, est à peine fonctionnelle. Mais, même si elle l’était, les résultats enregistrés par les zones d’activités possédées et gérées par des pouvoirs publics sont lamentables et il est peu probable qu’une AZI-SA soit un moyen efficient pour susciter l’investissement industriel. Le Mali a également un certain nombre de régimes économiques particuliers pour faciliter la production industrielle et l’exportation tels que des magasins sous douane et des programmes d’admission temporaire, mais leur utilisation est restreinte, bien que l’existence de tels régimes puisse constituer une incitation pour les entreprises fabriquant pour l’exportation, telles que celles produiraient pour le marché américain dans le cadre de l’AGOA.63 D’ailleurs, le Guide 2004 de l’investissement au Mali ne fait même pas référence à l’existence de ces mécanismes.

2.29. Le cadre d’incitation du Mali a tenté sans succès, d’encourager des secteurs spécifiques, souvent avec des effets pervers. Pour encourager la croissance des secteurs du textile et des oléagineux, le Mali continue à offrir à un petit nombre d’entreprises des incitations spécifiques sous la forme de prix de transfert intérieurs réduits : le Gouvernement a enjoint à la CMDT, la société publique d’égrenage et de commercialisation du coton, de fournir du coton égrené aux deux entreprises textile du pays (COMATEX et Fitina-SA) à un prix de faveur, pratiquement sans bénéfice pour la CMDT. De ce fait, le coût du coton égrené pour des entreprises textiles est très compétitif––1,25 USD le kilo, 64 contre 1,41 USD au Kenya et 2,14 au Bangladesh—mais ce système ne pourra certainement pas être maintenu lorsque la CMDT sera privatisée (ce qui est prévu pour 2008). Outre qu’il impose des valeurs de référence pour certains types de tissus importés, le Gouvernement exempte la COMATEX de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de la taxe professionnelle, ainsi que de certains droits et taxes sur ses consommations intermédiaires. D’autres incitations sectorielles spécifiques sont : la vente de graines de coton à des prix de transferts intérieurs bas (par rapport aux cours mondiaux) à HUICOMA, producteur public d’huile végétale.

2.30. Cette méthode de développement industriel a eu plusieurs effets involontaires et n’a pas conduit à une importante industrialisation. D’abord, comme on l’a noté plus haut, la perte de recettes de l’État due au fréquent usage des exemptions est parfois importante. 65 Ensuite, il y a des répercussions négatives sur d’autres secteurs : par exemple, la rentabilité de la CMDT a souffert du bas prix de transfert de la fibre et de la graine de coton, ce qui a affecté la rentabilité du secteur, tandis que l’utilisation de politiques ciblées similaires dans le secteur de l’élevage a eu les mêmes effets pervers (voir Encadré 2.3). Cette démarche n’a pas suscité de gains de productivité : HUICOMA par exemple est 63 La disponibilité de locaux industriels standard prêts à être utilisés et desservis, orientés vers les exportateurs (au moyen du programme EPZ du Kenya) et situés près de moyens de transport et de gisements de main d’œuvre était l’un des grands facteurs qui ont permis au Kenya de tirer rapidement avantage des bénéfices commerciaux de l’AGOA. 64 Selon l’examen de la politique commerciale de 2004 de l’OMC, ce prix est inférieur au prix du marché mondial. 65 Le montant du revenu perdu chaque années varie en fonction du niveau et de la nature des investissements, mais en 2003 les exemptions de tous types se sont montés à 35,8 milliards de FCFA (59,7 millions d’USD) ; en 2001, le chiffre correspondant était de 48.2 milliards de FCFA (80,3 millions d’USD), du fait surtout d’équipements importés par une nouvel opérateur de téléphonie mobile. La plupart des exemptions accordées le sont à des entreprises hors mines d’or ; ainsi les exemptions accordées en vertu du Code minier en 2003 n’ont-elles représenté que 7,8 % du volume des exemptions de cette année-là (OMC 2004, p. 39).

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notoirement inefficient, tandis que la société textile ITEMA est restée fortement inefficiente pendant des années, malgré les prix préférentiels dont elle bénéficiait sur ses achats, avant finalement d’être liquidée.66 Enfin, l’utilisation de valeurs de référence a apparemment incité à l’entrée de tissus en contrebande. Les entreprises textiles disent que des importations ‘non déclarées’ de tissus rendent la vente de tissu fabriqué localement non rentable. Ceci, à son tour, a des effets pervers pour les producteurs locaux de vêtement qui utilisent pour leur fabrication des tissus importés plutôt que des tissus fabriqués au Mali. Comme on peut le voir dans le Tableau 2.1, la part de l’industrie dans le PIB a diminué avec le temps. C’est dû non seulement à la hausse de la valeur ajoutée des activités minières entre 1994 et 2004 mais encore à la quasi-stagnation de la valeur ajoutée de l’industrie.

Encadré 2.2 : Effets pervers des incitations dans le secteur de l’élevage Les politiques ad hoc pour favoriser des secteurs particuliers peuvent avoir des effets pervers sur le développement général de sous-secteurs, comme le montre le cas des secteurs de l’élevage et du cuir au Mali. Croyant protéger l’accès aux peaux des tanneries, le Gouvernement à mis une taxe sur l’exportation des peaux. Alors que cette politique était censée favoriser le secteur du cuir, elle a eu pour effet de faire baisser la valeur des peaux, filières associées à celle de l’élevage, ce qui a réduit l’incitation à l’abattage des animaux dans le pays. Cela a incité à l’exportation d’animaux sur pied qui a augmenté au détriment de la création d’une activité de l’abattage à valeur ajoutée. Source : Metzel (1998), cité dans Nathan-MSI Group (2000, p. 39).

2.31. La politique industrielle actuelle conserve ses faiblesses. La politique industrielle du Mali est fondamentalement saine car (i) elle reconnaît le secteur privé comme le moteur essentiel de la croissance économique et (ii) l’encouragement à l’investissement privé est une priorité décisive du gouvernement pour attirer des capitaux, des financements, le transfert de compétences et d’expertise en gestion et l’accès à des marchés étrangers. Mais, elle se fonde sur de nombreux mécanismes identiques et vise des secteurs spécifiques. Pour stimuler la production industrielle nécessaire pour tirer la croissance économique, le Gouvernement a adopté les priorités suivantes :67

• Promouvoir les filières d’exportation prometteuses ayant un avantage compétitif comme le riz et la mangue ;

• Attirer des investissements direct étranger dans ses sous-secteurs tels que le textile ;

• Promouvoir le développement d’industries se substituant à des importations comme le ciment et les engrais ;

• Améliorer le climat des affaires en poursuivant le lancement de programmes et de réformes (transport, éducation, zones industrielles, etc.) et en mettant en œuvre les mesures sectorielles de l’UEMOA et

66 L’ancienne société textile ITEMA (Industrie textile du Mali) a reçu des avantages à partir du milieu des années 80 qui ont dépassé ceux prévus par le Code de l’investissement, notamment : exemption totale de tous les droits de douane (y compris la CPS) sur les matières premières importées ; exemption du paiement du BIC et droits de licence ; exemption de tous les droits de douane et taxes extérieurs et intérieurs et octroi d’un prix d’achat préférentiel pour la faible de coton de la CMDT. Ces incitations ont représenté d’importantes recettes auxquelles l’État a renoncé, mais malgré cela et les autres réductions de coûts la société est restée très inefficiente et a été liquidée en 1999. AIRD, « Textile Secteur Perspectives et Stratégique Planification, » étude réalisée pour le Programme USAID Mali Africa Trade and Investment, Septembre 1999. 67 Ministère de l’Industrie et du Commerce, « Politique d’Industrialisation du Mali, » Novembre 2004.

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Établir des programmes d’assurance qualité ; renforcer les organisations professionnelles et mettre l’accent sur la poursuite de la lutte contre la fraude et la concurrence déloyale.

2.32. Cependant, cette politique a un certain nombre de faiblesses :

• Si tous les objectifs sont louables, le plan est trop ambitieux pour l’horizon de trois ans adopté, étant donné les contraintes de capacité de l’État, et ne classe pas les actions par ordre de priorité (voir Encadré 2.3).

• Les implications budgétaires de l’octroi d’exemptions fiscales et d’autres incitations à l’industrie ne sont pas prises en compte et ces incitations ne sont pas sélectivement limitées à des secteurs spécifiques susceptibles de doper la croissance ou bien aux exportateurs.

• Si la politique reconnaît la nécessité de réduire la corruption, elle ne reconnaît pas le lien potentiel entre l’utilisation d’exemptions ad hoc non-transparentes et le comportement de recherche de rente.

• Enfin, cette politique met en avant le développement d’activités de substitution aux importations sans souligner la nécessité de la viabilité économique de telles activités.

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Encadré 2.3 : Mesures spécifiques pour encourager le développement d’industries compétitives

(selon la politique industrielle adoptée par le Mali en novembre 2004)

• Promouvoir la création d’usines de textile, d’engrais et de ciment ; réaliser le projet sucre et encourager le développement d’investissements dans le riz, les fruits, les légumes et la viande.

• Mettre à jour (au moyen d’un projet de loi à soumettre à l’Assemblée nationale) les tarifs douaniers et les taux de TVA sur les équipements et les matériaux de construction utilisés dans les projets industriels ; mettre à jour les avantages accordés aux investissements des entreprises bénéficiant du régime des régimes des zones franches.

• Grâce au Projet d’amélioration des axes de transport, améliorer le réseau de transport pour faciliter les flux d’importations et d’exportations, notamment en terminant la réalisation de routes revêtues sur la totalité des itinéraires jusqu’aux ports d’Abidjan, de Dakar, de Conakry et de Nouakchott.

• Créer un fonds de promotion des investissements. • Renforcer la formation professionnelle et l’adapter aux besoins du développement industriel. • Réaliser le Cadre intégré sur le Commerce (diagnostic intégré sur les échanges) et mettre en place son plan

d’action ; • Relancer le programme de coopération avec l’ONUDI. • Développer la compétitivité et renforcer la promotion commerciale du textile, des fruits et des légumes

pour profiter des possibilités qu’à le Mali d’accéder à certains marchés. • Adopter une politique appropriée pour pénétrer les marchés régionaux avec des produits comme le riz et la

viande. • Confier effectivement à un opérateur privé la tâche d’améliorer les capacités de transport de fret aérien. • Assurer la réglementation effective du secteur des télécommunications. • Créer des zones industrielles privées à Dialakorobougou et à l’aéroport de Bamako et réhabiliter celle de Sotuba. • Promouvoir la création d’abattoirs et d’entrepôts frigorifiques en divers endroits ; • Renforcer les équipements des entrepôts maliens. • Assurer le branchement électrique de toutes les entreprises des sous-secteurs concernés situées dans le

périmètre de la concession d’Énergie du Mali (EDM). • Adopter les stratégies du projet Sources de Croissance. • Établir des mécanismes pour garantir la fourniture de produits locaux tels que la fibre de coton. • Étendre les avantages spécifiques à tous les producteurs de textile.

Mesures spécifiques pour la période 2004-2007 pour améliorer la performance des entreprises existantes et redresser celles qui sont en difficulté :

• Mettre au point et exécuter un programme d’actions de renforcement ; • Renforcer l’utilisation de l’informatique par les entreprises maliennes ; • Assurer la perpétuation du FAFP, relancer CERFITEX et promouvoir des centres de formation

techniques ; • Adopter des programmes de crédit appropriés pour le financement des entreprises et • Intensifier la lutte contre la fraude et la concurrence déloyale.

C. CONTRAINTES PESANT SUR LES INDUSTRIES SOURCES DE CROISSANCE

2.33. Les industries maliennes sont freinées par des contraintes critiques qui affectent tant les sociétés exportatrices que celles travaillant pour le marché intérieur et tant les grandes entreprises que les MPME. Du fait du large ensemble de réformes relatives aux échanges et au marché mises en œuvre ces 20 dernières années, la plupart de ces contraintes ne sont plus structurelles (c’est-à-dire des déséquilibres macroéconomiques ou de prix, ou d’autres distorsions), mais plutôt transversales (telles que la faiblesse des infrastructures de transport) ou bien propres aux entreprises (comme le manque de savoir-faire organisationnel, ou la faiblesse ou l’inexistence des liens avec le marché).68 Cette section examine ces contraintes, en se basant surtout sur l’enquête de la Banque

68 Une autre indication de la réussite des grandes réformes structurelles (de « première génération ») réalisées au Mali est qu’aucune des grandes entreprises enquêtées n’a dit ressentir l’instabilité macroéconomique comme un problème.

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mondiale déjà citée ‘Évaluation du climat de l’investissement’ (ECI) au Mali69 ainsi qu’une étude de deux secteurs (construction d’ habitat, et tourisme) et une évaluation des grandes infrastructures, du commerce et des services financiers (présentés dans les Chapitres 3, 4 et 5). Les grandes contraintes affectant l’industrie malienne sont les suivantes : mauvaise qualité et coût élevé des infrastructures et des services facilitant le commerce ; faiblesse des compétences des entreprises, insuffisance du climat de l’investissement et du climat des affaires et manque d’accès au crédit et aux terrains.

Infrastructures et services rendus au commerce : faible accès, faible qualité, prix élevés

2.34. La disponibilité et la qualité des services publics et des infrastructures affecte directement la fonction de production d’une industrie en influant sur la productivité globale de ses facteurs. De bonnes routes et d’autres infrastructures décisives réduisent le risque et créent des possibilités pour les productions de haute valeur. Inversement, la hauteur des coûts de transport et des autres coûts de transaction résultant de la piètre qualité des infrastructures réduisent la probabilité d’investissements dans des cultures non-traditionnelles et d’autres activités à haute valeur ajoutée. En particulier, l’insuffisance des infrastructures, de transport et de télécommunications empêche l’intégration du marché intérieur et des marchés régionaux et peut avoir de graves conséquences pour l’activité économique. Comme le note le rapport de la Banque mondiale, « le non respect de la date de livraison ou l’incapacité à communiquer de façon fiable empêche le développement de produits à haute valeur ajoutée qui dépendent de livraisons en temps voulu ».70 La compétitivité des entreprises maliennes est handicapée par la mauvaise qualité et le coût élevé des transports (voir Chapitre 5), de l’électricité (voir Chapitre 4) et des télécoms71.

2.35. La médiocrité et le coût élevé des services d’infrastructure ont un effet très large. Le coût élevé des transports et la mauvaise qualité des infrastructures affectent de nombreux secteurs. Dans le secteur minier, le sous-développement des infrastructures de transport a freiné l’exploration et le développement miniers. Les services ferroviaires, utilisés pour importer les carburants, les équipements et les fournitures, sont parfois interrompus pendant la saison des pluies. Enfin, le coût élevé du transport aérien est préjudiciable au développement des exportations à forte valeur telles que les produits maraîchers, car ils sont périssables et doivent atteindre les marchés rapidement et sans faute. Pour ce qui est de l’électricité, la compétitivité des entreprises maliennes est entravée dans une certaine mesure par ses coûts élevés et sa difficulté d’accès.72 Pour les services de télécommunication, leur faible disponibilité et leur coût élevé donnent aux entreprises maliennes un sérieux désavantage sur les marchés régionaux et 69 L’enquête ECI a recueilli l’opinion des entreprises maliennes concernant l’effet de divers facteurs sur leur fonctionnement. Il faut noter que l’enquête donne l’opinion d’entreprises existantes (celles qui ont pu survivre dans l’environnement actuel) et non d’entreprises ou d’activités qui n’ont pas pu être créées pour une raison ou pour une autre. 70 Banque mondiale (2000, p. 139). Comme noté dans le Rapport 1994 Développement dans le monde de la BM, il y a un lien entre l’existence des infrastructures et la croissance économique. Une augmentation de 1 % du stock d’infrastructures est associé avec une augmentation de 1 % du PIB. 71 Le présent mémorandum ne comporte pas de chapitre distinct sur le secteur des télécoms car la stratégie sectorielle est claire et en cours d’exécution. La concurrence a été introduite dans le secteur en 2002 avec l’octroi d’une 2nde licence de téléphonie (pour les services fixes et mobiles) et la privatisation de l’opérateur national de télécom, SOTELMA, en est à un stade avancé de préparation, la privatisation devant se faire en 2006-07. L’arrivée de la 2nde société de télécoms, IKATEL, (offrant surtout de la téléphonie mobile bien qu’ayant une licence également pour les lignes fixes) a permis l’expansion de la couverture et provoqué d’importantes réductions du prix des appels. 72 Comme cela est démontré par l’évaluation de la chaîne de valeur des principaux secteurs industriels prometteurs effectuée par la Banque mondiale (Global Development Solution, 2004), le coût élevé de l’électricité affecte directement la compétitivité des secteurs textiles et cuir du Mali. Si l’on ne dispose pas de comparaisons internationales pour le textile, l’impact du coût élevé de l’électricité sur la compétitivité du textile est indiquée par la part de l’électricité dans l’ensemble des coûts de production du fil.

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mondiaux. Au XXIème siècle, les télécoms sont un élément crucial de l’infrastructure de l’information nécessaire aux pays voulant participer à l’économie mondiale. L’IDE est attiré par des infrastructures de communication sophistiquées. Logiquement, les entreprises exportatrices et les entreprises étrangères du Mali perçoivent davantage l’insuffisance des télécoms comme une contrainte majeure que les entreprises locales ou non-exportatrices.73

2.36. Le Tableau 2.5 donne une comparaison de coûts pour différents services d’infrastructure. En 2002/03, le coût de l’expédition d’un kilo aux États-Unis, 9,40 USD, était un peu plus cher qu’un envoi à partir du Sénégal (8,21), plus de deux fois plus cher qu’à partir du Cameroun (4,52 USD) et trois fois plus qu’à partir de l’Afrique du Sud (3,08 USD). Le coût par kilo d’un envoi par avion du Mali en France (5,67 USD) était du même ordre que celui effectué du Bénin (6,14 USD) et du Burkina Faso (6,00 USD), mais plus élevé que celui effectué du Sénégal (5,09 USD) et presque le double de celui effectué d’Afrique du Sud (2,90 USD). Pour l’énergie, si le coût de l’électricité au Mali est comparable à celui des pays voisins et du Kenya, il est trois fois plus élevé que celui payé en Afrique du Sud et à peu près le double de celui payé en Inde et Chine.74 Vu la part élevée du stock de capital du Mali qui a moins de 10 ans d’ancienneté, l’électricité est particulièrement coûteuse pour les 20 % d’entreprises qui utilisent des machines plus anciennes et donc moins efficientes.

2.37. Aggravant la contrainte imposée par les services de transport, la complexité de l’administration douanière élève le coût de transaction pour les importations et les exportations. Selon l’EDIC, les procédures de passage en douane au Mali sont « compliquées, imprévisibles et parfois coûteuses », et tant leur complexité que leur imprévisibilité démontre qu’elles n’obéissent pas à des normes, à des règles. Le temps nécessaire pour le passage en douane (9,9 jours) est plus long que celui nécessaire au Kenya (7,8 jours) et en Ouganda (5,8 jours). Si le passage en douane des exportations (6,4 jours) est plus rapide que celui des importations, il est près du double de celui nécessaire en Ouganda (3,5 jours) et au Kenya (4,0 jours).75 Ces délais élèvent le coût de transaction et, combinés avec les délais et les coûts résultant de la faiblesse du réseau de transport du pays, ils constituent un important obstacle aux échanges internationaux.76 Ce sont des contraintes qu’un pays enclavé comme le Mali ne peut pas se permettre et il faudrait donner immédiatement la priorité à la simplification des procédures pour réduire le temps de passage en douane. À moyen terme, les liens avec les marchés peuvent être renforcés par une réduction du temps de passage en douane au moyen d’un dialogue avec les autres membres de l’UEMOA et de la CEDEAO concernant les échanges, la facilitation du transit, la modernisation et l’harmonisation des procédures douanières (au moins le long des grands axes commerciaux du Mali), l’harmonisation des cadres réglementaires et de l’investissement et des programmes développement sectoriel de 73 32% des entreprises étrangères et 19,4 % des entreprises exportatrices ont cité les télécommunications comme une contrainte “majeure” ou “très sérieuse” pour leur activité et leur croissance, contre seulement 10,9 % des entreprises locales et 12,4 % des entreprises non exportatrices. 74 Les prix moyens de l’électricité industrielle sont de 0,11-0,19 USD/kWh au Kenya, de 0,4 en Afrique du Sud, de 0,59 en Inde et de 0,56 à Singapour. 75 Il faut noter que selon les normes internationales, la performance du Mali se compare même moins bien. La « meilleure pratique » pour le temps de passage en douane va de quelques minutes à moins d’une journée. 76 Par exemple, bien qu’un transporteur aie le droit de passer la douane à tout point de contrôle qu’il choisit au Mali, l’utilisation de quotas préétablis – en termes de montant/valeur des biens passés en douane, qui déterminent les primes versées aux douaniers – incite les responsables des douanes à contrôler les biens eux-mêmes, plutôt qu’à répondre aux besoins des transporteurs. De même, même si les marchandises sont présentées au contrôle à un autre point de contrôle, l’absence de système de suivi informatisé entraîne un transfert manuel de tous les fichiers, ce qui peut retarder le contrôle de 5 jours. Pour chaque jour d’attente du contrôle des marchandises, le transporteur supporte des frais de stockage, ce qui accroît les coûts. Enfin, lorsqu’un camion entre au Mali, il doit attendre qu’il soit rejoint par neuf autres pour former un convoi et qu’un agent des douanes se joigne au convoi pour le voyage jusqu’à destination. Global Development Solutions, vol. 1, pp. 86-87.

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dimension régionale (pour le transport et l’énergie, notamment). Le Chapitre 5 sur le transport et la facilitation du commerce, approfondit la question des douanes.

Tableau 2.5 : Estimation des coûts comparés des services d’infrastructures (2002/03) Unité Bénin Burkina Cameroun Mali Sénégal Afrique du Sud Fret aérien Vers les États-Unis USD / kg. 9,24 9,36 4,52 9,4 8,21 3,08 Vers la France USD / kg. 6,14 6,00 n/a 5,67 5,09 2,90 Tarif électrique (usage industriel) USD/ Kw 0,13 0,11 0,11 0,12 0,12 0,03 Connexion internet, illimitée (2001) USD/mois 133,34 37,19 n/a 73,64 17,96 17,87 Communication téléphonique fixe 3 min local 0,09 0,09 0,09 0,11 0,11 0,09 Communication téléphonique fixe 3 min. >US 6,90 2,58 2,58 2,58 1,72 1,98

Source : ECI Mali (Projet) 2.38. Pour ce qui est les services de télécommunication, leur coût, leur qualité et leur disponibilité rendent le Mali très peu compétitif par rapport à la moyenne de l’AfSS. Le coût des communications est parmi les plus chers de la région. Le temps de branchement au téléphone est parfois long ; il fallait plus de deux mois (65 jours) en 2003 aux entreprises industrielles pour avoir une ligne, ce qui est plus de 4 fois le temps d’attente au Sénégal (15,3 jours) et près de 2 fois le temps d’attente en Ouganda (33,2 jours). Le coût mensuel de connexion illimitée à Internet (en 2001) était quatre fois celui du Sénégal et d’Afrique du Sud et le double de celui du Burkina Faso. En outre, la densité des équipements en technologies de l’information et de la communication (TIC) au Mali est faible par rapport aux autres pays de la région. Le Tableau 2.6 présente trois indicateurs d’usage des TIC—nombre d’abonnés aux lignes fixes et aux portables, nombre d’utilisateurs d’internet et nombre d’ordinateurs personnels—comme représentatifs de la densité des TIC au Mali par rapport à six autres pays de la région. Il en ressort que le Mali est le pays moins bien équipé de la région, se classant seulement au-dessus du Niger pour l’utilisation d’internet et du téléphone et à égalité avec lui pour le nombre d’ordinateurs personnels. En outre, le taux de croissance est faible au Mali dans ces catégories des biens: en 1999, le Ghana et le Mali étaient au même niveau pour l’utilisation d’internet ; en 2002, le nombre d’utilisateurs avait été multiplié par 8 au Ghana et avait seulement doublé au Mali.

Les faiblesses en matière de gestion, de financement et de productivité

2.39. La croissance industrielle est également affectée par un certain nombre de contraintes autres que les infrastructures qui réduisent la productivité, la rentabilité et donc la compétitivité des entreprises, notamment l’organisation industrielle et la difficulté d’accès au crédit et à des terrains.

2.40. L’amélioration de la productivité est fondamentale pour réduire les coûts unitaires de main d’œuvre et accroître la compétitivité des entreprises. Le Gouvernement peut adopter un certain nombre de mesures pour la favoriser, notamment pour réduire les charges des entreprises résultant du cadre d’incitation et d’autres contraintes. La simplification du régime commercial pour abaisser les niveaux de protection effective réduira le coût des marchandises concurrentes importées et obligera les entreprises maliennes à accroître leur productivité. Une facilitation effective du transport et du commerce abaissera également le prix des marchandises importées et développera la concurrence. La simplification des formalités de création et de liquidation des entreprises

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facilitera l’entrée et la sortie des entreprises des marchés, ce qui renforcera la concurrence et incitera à la productivité. Les efforts continus du Mali pour améliorer son système éducatif, l’utilisation d’incitations ou d’autres mesures pour encourager les entreprises à offrir de la formation sur le tas et d’autres types d’amélioration des qualifications se traduira également par une meilleure productivité du travail. Une formation commerciale renforcée, telle que celle offerte par la prochaine phase du Programme d’investissement du secteur de l’éducation (PISE) améliorera la productivité managériale et professionnelle et la gestion. Des réformes dans l’accès aux financements, notamment par des mesures du côté de la demande (voir Chapitre 3) permettront aux entreprises de renouveler leurs équipements vieillissants en procédant à de nouveaux investissements dans des techniques et des machines plus récentes et plus productives.

Tableau 2.6 : Accès comparé aux TIC –– Mali et 6 pays d’Afrique de l’Ouest 1999 2000 2001 2002 2003 Nombre d’abonnés au téléphone fixe et aux portables pour 1.000 habitants Côte d’Ivoire 33 50 63 83 91 Ghana 12 18 21 33 49 Mali 4 5 9 10 -- Niger 2 2 2 3 -- Nigeria 4 5 8 19 32 Sénégal 27 48 55 77 78 Togo 12 20 30 45 56 Nombre d’utilisateurs d’internet pour 1.000 habitants Côte d’Ivoire 1 3 -- -- 14 Ghana 1 1 2 8 -- Mali 1 1 2 2 -- Niger 0 0 1 1 -- Nigeria 0 1 1 3 6 Sénégal 3 4 10 10 22 Togo 7 22 32 41 42 Nombre d’ordinateurs personnels (PC) pour 1.000 habitants Côte d’Ivoire 6 6 7 9 -- Ghana 3 3 3 4 -- Mali 1 1 1 1 -- Niger 0 0 1 1 -- Nigeria 6 7 7 7 -- Sénégal 15 17 18 20 21 Togo 11 22 25 31 32 Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde, 2005 2.41. Le Gouvernement peut améliorer la productivité d’une autre façon. Il peut redoubler d’efforts pour attirer des investissements étrangers, notamment de l’IDE, en dehors du secteur minier. Outre ses bénéfices économiques et technologiques, l’IDE peut être un important moyen de diffusion de technologies et de pratiques de gestion et d’organisation parmi les salariés, les partenaires et les entreprises locales.77 Puisque la capacité du Mali à créer ses propres connaissances techniques est restreinte, il faudrait faire un effort supplémentaire pour attirer de l’IDE afin d’« importer » les meilleures pratiques et connaissances internationales. En outre, l’IDE peut contourner de nombreuses contraintes qui bloquent les entreprises maliennes actuellement, telles que la faiblesse de l’intermédiation financière (généralement les investisseurs étrangers ont plus facilement accès au crédit) et la compétitivité extérieure au prix (les entreprises étrangères ont déjà 77 Cet effet peut devenir de plus en plus important. Comme « l’intensité de connaissance de la production » continue à augmenter mondialement, il est plus difficile pour les petites entreprises des pays en développement d’être compétitives aux normes mondiales. Puisque l’IDE hors mines intègre cette intensité de connaissances, il peut avoir un important effet sur la compétitivité du pays en ayant un effet de démonstration des nouvelles pratiques managériales et organisationnelles, des nouveaux procédés de production, ainsi qu’en matière de qualité des produits et d’emballage, etc. CNUCED, “Enhancing the Competitiveness of SME through Linkages,” 27/09/00, p. 3.

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des contacts et des connaissances sur leurs marchés et peuvent produire des produit de qualité en temps voulu).

2.42. Les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) souffrent de diverses faiblesses qui nuisent à leur compétitivité. Elles se caractérisent en général par une faible capacité managériale et comptable, par l’insuffisance de leurs compétences en développement et en commercialisation des produits, par leur réticence à prendre des risques d’entreprise, par un faible accès à la technologie et par l’inefficience de leurs systèmes de production. En outre, la compétitivité des produits fabriqués au Mali est affaiblie par un certain nombre de faiblesses extérieures aux prix, notamment : qualité des produits, respect des délais, sophistication des emballages et respect des spécifications des produits. Ces facteurs sont particulièrement importants pour la réussite dans l’agro-industrie, le textile, l’habillement et l’exportation d’articles artisanaux. Il faudrait résoudre ces problèmes, si l’on veut que ces secteurs non-traditionnels se développent. Le volet services aux entreprises et celui des actions de soutien à des filières du projet Sources de croissance contribueront à une amélioration sur ces points dans les secteurs de croissance décisifs. Mais la capacité à produire pour les marchés mondiaux nécessite de plus un accès à information et à la technologie et il faudra renforcer la capacité des entreprises maliennes en la matière dans le prolongement des actions destinées à faciliter l’accès des PME à l’internet.

2.43. L’accès au crédit et son coût sont perçus par les entreprises maliennes comme leur principale contrainte. Le développement et la croissance du secteur privé dépend du développement du secteur financier et de l’accès à des financements durables. Les entreprises qui ont accès au crédit sont plus productives que celles qui n’en bénéficient pas.78 Si, dans les années 90, d’important réformes ont été accomplies dans le secteur financier en matière de renforcement de la concurrence, de privatisation des banques, de libéralisation financière, de cadre institutionnel et d’ouverture financière et enfin en matière d’instruments de politique monétaire, peu a été fait, en revanche, pour améliorer la disponibilité des produits financiers. Tels que mesurés par l’ECI, l’accès au crédit et son coût sont perçus par plus de la moitié des industries de transformation maliennes comme les deux contraintes majeures pour leur activité : 57,3 % des entreprises ont dit que le coût des financements est le plus gros obstacle et 56,3 % ont dit que l’accès au crédit est un problème majeur.

2.44. L’accès au crédit et son coût sont vus comme un plus grand obstacle par les entreprises locales et non-exportatrices que par les entreprises étrangères et les exportatrices, du fait, entre autres, que ces dernières ont accès à des moyens extérieurs pour faire financer leur fonds de roulement par des banques commerciales, du crédit fournisseur, ou par d’autres sources (voir Tableau 2.8). Le coût et la disponibilité du crédit sont également vus comme une plus grande contrainte par les micro, petites et moyennes industries (MPMI) que par les grandes entreprises industrielles (voir Tableau 4.9). Cette perception vient du fait que seulement 14,3 % des microentreprises industrielles disent avoir accès à des financements bancaires, contre 45,8 % des petites, 71,4 % des moyennes et 93,3 % des grandes. Si le manque de financement dont souffrent les PMI peut être attribué à ces divers facteurs, les analyses de filière réalisées pour la Banque montrent que le crédit n’est pas un facteur sans importance même pour certaines grandes entreprises. 78 Les données relatives à la productivité collectées par l’ECI de la BM indiquent que les entreprises qui ont bénéficié d’un prêt ou d’un découvert sont environ 6 % plus productives que celles qui n’en n’ont pas bénéficié. On a analysé des données transversales collectées en 2000-2004 dans 16 pays, dont 9 de l’AfSS. Les données sur la productivité ont été collectées auprès de plus de 7.000 entreprises dans 8 catégories d’industries, dont 1.800 entreprises en AfSS. Effert, Gelb et Ramachandran (2005).

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Bien que le cuir fait avec les peaux de moutons (et notamment des moutons à poils) rapportent nettement plus, les tanneries du Mali traitent essentiellement des peaux de chèvres, parce qu’elles manquent de trésorerie pour les acheter.79 L’étude montre par ailleurs que le coût élevé du crédit rend difficile le remplacement des vieilles machines usées. Enfin, il arrive que les tanneries arrêtent leur travail avant d’arriver à un stade du traitement qui valorise fortement la peau (le stade de la « croûte ») alors que ce travail n’augmenterait leurs coûts que de 6 %, parce que la faiblesse de leur trésorerie les oblige à expédier le produit au marché dès que possible, le paiement des peaux traitées ne leur parvenant que 90 jours après leur envoi.

2.45. Ceci étant, le problème de l’accès au crédit semble se situer davantage du côté de la demande que de celui de l’offre, comme on le verra dans le Chapitre 3 sur la finance. Plusieurs facteurs semblent expliquer le manque d’accès des PME aux financements bancaires. Premièrement, un grand nombre d’entreprises maliennes (42,5 %) disent n’avoir jamais demandé officiellement un crédit à une banque. Secondement, les entreprises maliennes qui peuvent présenter des comptes vérifiés ont plus de chances de bénéficier d’un crédit. Or les PME, notamment informelles, ont moins de chances d’avoir des comptes vérifiés. Enfin, les PME ont plus de mal à présenter les garanties demandées par les banques que les grandes entreprises, un problème qui vient, en partie, de la difficulté que les PME ont à obtenir un terrain ; ce problème est aggravé par l’inefficience du système juridique qui rend difficile le recours des banques à une procédure d’arbitrage équitable pour la réalisation d’une garantie.80 Le Chapitre 3 montre que la faible organisation des secteurs productifs accroît le risque de ceux-ci et donc explique leur difficulté d’accès à des financements.

2.46. La faible productivité du Mali en fait un producteur à coût élevé. Bien que les salaires nominaux des industries maliennes soient relativement bas (78 USD/mois), ils sont plus élevés qu’en Inde et que dans quelques pays d’Afrique de l’Est. Mais la productivité du travail dans l’industrie textile est 30 à 50 % inférieure au Mali à ce qu’elle est dans d’autres pays producteurs de textile comme l’Inde et la Chine. Cette faible productivité fait du Mali un producteur à coût élevé, malgré ses salaires relativement bas ; par exemple, dans l’industrie du vêtement, les coûts unitaires de main d’œuvre du Mali sont 34 % supérieurs à ceux du Kenya et 79 % supérieurs à ceux du Lesotho, bien que les salaires maliens soient inférieurs à ceux de ces deux pays.81 Comme on l’a vu au 1er Chapitre du Volume 1, les facteurs contribuant à la faible productivité du Mali sont les suivants : faible intensité de capital, faibles compétences techniques de la main d’œuvre et insuffisance des activités de formation sur le tas. Il y a d’autres facteurs, comme la vétusté des machines utilisées, l’inefficience des techniques de production et le manque général d’esprit compétitif dans l’environnement qui ne pousse pas les entreprises à devenir plus productives.82 Les évaluations de la filière montrent que la faible productivité du travail dans les entreprises maliennes de couture/vêtement entraîne l’utilisation de vieilles machines inefficientes et de processus de production inefficients et une piètre gestion.

79 Bien que l’élevage et ses filières associées soient le troisième poste d’exportation du Mali, apparemment aucune banque du pays n’accorde une ligne de crédit au secteur du cuir. 80 En fait, seulement 1,7 % des factures contestées des entreprises maliennes sont recouvrées au moyen des tribunaux de commerce. Le pourcentage en Ouganda est de 50 %. 81 Global Development Solutions (2004), Vol. 2, p. 32. 82 Une étude du secteur concerné est nécessaire pour identifier les facteurs précis expliquant la faiblesse de sa productivité dans un pays donné, mais de multiples études nationales approfondies de l’Institut mondial McKinsey ont montré que les exigences réglementaires imposées au secteur concerné (par ex. les barrières à l’entrée) que créent un environnement peu compétitif ne poussant pas les entreprises à faire mieux sont le principal facteur expliquant la faible productivité des entreprises. Vincent Palmade (2005).

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L’évaluation a constaté que la productivité des entreprises était par ailleurs obérée par l’importance des frais généraux et des coûts de l’électricité.

2.47. Les PME nationales sont davantage affectées par les contraintes. Les Tableaux 3.8 et 3.9 montrent que les contraintes affectent les entreprises différemment, selon leur taille (micro, petites, moyennes ou grandes) ; leur capital (étranger ou local) et leur marché (intérieur ou extérieur). Logiquement, nombre de contraintes sont plus gênantes pour les micro et petites entreprises, ce qui montre leur plus grande vulnérabilité. Ces contraintes sont l’accès au crédit et son coût, l’accès à un terrain, l’effet des vols et de la délinquance et l’obligation d’obtenir des autorisations et des permis pour exercer l’activité. Les grandes entreprises, de leur côté, ont plus de chances de ressentir le taux d’imposition, l’administration fiscale, l’incertitude économique et réglementaire, le niveau de formation et les compétences des ouvriers, les infrastructures de télécom, les réglementations douanières et commerciales et enfin les transports comme de graves problèmes.

2.48. Les entreprises étrangères sont moins affectées par l’incertitude de la politique économique et réglementaire, l’instabilité macroéconomique, les vols, la délinquance, l’accès au crédit et son coût que les entreprises locales. Par contre, elles s’inquiètent davantage du système juridique, des télécommunications, de l’électricité, des transports, de l’administration fiscale, des douanes et des compétences des ouvriers que les entreprises locales. Enfin, les entreprises travaillant pour le marché local s’inquiètent moins que celles qui exportent de l’incertitude économique et réglementaire, des pratiques anticoncurrentielles, des télécommunications, de l’électricité, des transports, des douanes, de l’administration fiscale et des compétences des ouvriers, mais s’inquiètent davantage des vols et de la délinquance, de l’accès à un terrain et des autorisations requises pour exercer une activité.

Climat de l’investissement et des affaires : des progrès restent à faire

2.49. Si le Mali fait mieux que la moyenne pour l’environnement des entreprises, des progrès restent à faire. Les données récentes sur la création d’entreprise au Mali et sur l’environnement de l’activité des entreprises officielles viennent des indicateurs du Rapport Doing Business 2004 de la Banque mondiale.83 Cette analyse examine les formalités exigées dans les domaines clé du climat de l’investissement, notamment pour la création d’entreprise, l’exécution forcée des contrats et la liquidation d’une entreprise. Une comparaison internationale (voir Tableau 2.7) éclaire la performance du Mali à cet égard par rapport aux autres pays de la région et du monde, ainsi qu’avec les moyennes de l’AfSS et de l’OCDE. Globalement, ces données indiquent que le climat de l’investissement au Mali est comparable à la moyenne de l’AfSS, voire meilleur (à la notable exception de la complexité procédurale pour la liquidation d’une entreprise) et même meilleur que la moyenne de l’OCDE en termes de temps nécessaire pour l’exécution forcée d’un contrat, mais à égalité avec la moyenne de l’OCDE pour le coût d’une telle exécution forcée.

2.50. Il y a cependant, un domaine clé où le climat de l’investissement au Mali se compare défavorablement même avec la moyenne de l’AfSS. Le capital minimum exigé au Mali est particulièrement élevé, ce qui constitue une barrière à l’entrée pour les petites 83 Les Indicateurs Doing Business sont compilés annuellement pour environ 130 pays, permettant des comparaisons internationales d’aspects décisifs du climat de l’investissement. Au Mali, quelque 200 entreprises de l’industrie, du tourisme et des transports ont été interrogées et les résultats préliminaires évoqués ici concernent un échantillon partiel de 108 entreprises industrielles, soit 49 % des entreprises officielles du secteur.

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entreprises et la complexité et le coût élevé de ce processus sont des facteurs expliquant le haut niveau d’informalité dans le pays (65 % de l’ensemble des entreprises). La mise en place par le gouvernement d’un « guichet unique » au lieu de simplifier le processus, a simplement ajouté une démarche supplémentaire inutile. Conscient de cette contrainte, le Gouvernement profitera du projet de la Banque Sources de croissance pour réduire les coûts et les démarches nécessaires.

2.51. Dépasser juste la moyenne de l’AfSS est loin d’être suffisant pour susciter l’investissement et la croissance, car l’AfSS a le climat de l’investissement le moins attractif du monde. Il faudrait de nouvelles réformes pour créer un environnement comparable à celui de l’Afrique du Sud ou de la Chine. Les réformes prévues du processus d’immatriculation des entreprises amélioreront l’un des obstacles majeurs à un bon climat des affaires, mais des améliorations dans les autres domaines auraient un effet positif sur la croissance économique.84 L’effet économique potentiel de l’amélioration globale de l’environnement des entreprises pourrait être important. Des résultats économétriques préliminaires pour l’exercice 2002 indiquent que la productivité globale des facteurs (PGF) au niveau des entreprises industrielles pourrait progresser de 4 % si le fardeau réglementaire imposé aux entreprises était fortement réduit.85 Or le taux de productivité est un ingrédient clé de la croissance économique. Les réformes pour améliorer le climat des affaires pourraient donc avoir aussi un important effet concomitant sur la pauvreté.86

Tableau 2.7 : Indicateurs comparatifs de Doing Business (2003)

Moyenne régionale OCDE Mali Chine Côte

d’Ivoire Sénégal Singapour Afrique du Sud

Création d’une entreprise Nombre de formalités 11 6 13 11 10 9 7.0 9.0 Temps nécessaire en jours 64,0 25 42 46 77 58 8.0 38.0 Coût (en % du RNB par hab.) 224,2 8,1 187,4 14,3 143,1 123,6 1.2 8.9 Capital min.(en % du RNB par hab.) 278,5 47,0 526,0 3855,9 235,2 296,1 0.0 0.0

Exécution forcée d’un contrat Nombre de formalités 31 18 27 20 22 36 23 26 Temps nécessaire en jours 372 213 150 180 525 455 50 207 Coût (en % du RNB par hab.) 61,2 7,1 7,0 32,0 83,3 48.6 14.4 16.7 Indice de complexité procédurale* 56,0 49 71,0 52,1 56,9 75,0 48.6 55.6

Liquidation d’une entreprise Temps nécessaire en années 3,5 1,8 3,5 2,6 2,2 3,0 0.7 2.0 Coût effectif (en % de la dette) 17,0 7,0 18,0 18,0 18,0 8,0 1.0 18.0 Indice de recouvrement 35,0 77,0 32,0 51,0 44,0 73,0 99.0 53.0 Indice de l’autorité du tribunal* 70,0 36,0 100,0 67,0 100,0 100,0 33.0 67.0 *Les indices vont de 0 à 100, où 100 représente le maximum. Source : Indicateurs de Doing Business, 2004

84 L’analyse des sonnées de Doing Business de 2005 a montré que passer dans le quartile supérieur des pays pour tous les indicateurs peut ajouter 2,5 à 2,8 points de pourcentage au taux annuel de croissance économique. 85 L’évaluation est tirée de l’ECI du Mali, citée dans Sources de Croissance, PAD, p. 52. 86 Les effets d’un bon climat de l’investissement sur la productivité sont énormes. Les entreprises dans les États de l’Inde qui ont un mauvais climat d’investissement ont une productivité inférieure de 40 % à celles situées dans des États ayant un climat favorable. “Understanding the Investment Climate,” Finance and Development, March 2005, p. 41. En outre, la productivité joue un rôle clé dans la croissance économique. Sur la période 1960-2000, on estime que 45 à 90 % de la différence dans les taux de croissance entre pays n’a pas été due à l’accumulation de capital physique ou humain mais à la hausse de la productivité globale des facteurs. WDR, 2005, p. 27.

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2.52. Une amélioration du climat de l’investissement aurait aussi un important effet sur le PME maliennes. Certains aspects de l’environnement des entreprises pénalisent de façon disproportionnée les PME et il semble y avoir un « effet de seuil » des contraintes réglementaires qui dissuade les entreprises de croître et qui constitue donc un frein à la croissance des PME.87 Les contraintes réglementaires ont un effet plus important sur les PME pour plusieurs raisons : leurs marges sont plus faibles et leurs marchés généralement plus concurrentiels, de sorte que leur coût financier est proportionnellement plus lourd pour elles ; comme les petites, les moyennes entreprises manquent de personnel et de moyens pour accomplir les formalités réglementaires ; elles sont moins sophistiquées pour obtenir les informations voulues et ont généralement moins de « relations bien placées ».88 En conséquence, la réduction des contraintes réglementaires permettra aux PME de contribuer davantage à la croissance économique, à l’emploi et à la réduction de la pauvreté et peut avoir une incidence macroéconomique et budgétaire.89 En fait, le Rapport sur le développement dans le monde 2005 affirme que l’amélioration des éléments fondamentaux du climat de l’investissement apportera des avantages disproportionnés aux petites entreprises, notamment en améliorant la sécurité des droits de propriété, en réduisant les formalités administratives, en améliorant l’efficience de l’administration fiscale, en réduisant la corruption, en améliorant le fonctionnement des marchés financiers et en renforçant les infrastructures. Une autre étude étaye l’opinion que la meilleure façon de renforcer les PME est d’améliorer l’ensemble de l’environnement des entreprises de façon à ce qu’il favorise la concurrence et facilite les transactions commerciales.90 Enfin, la réduction du fardeau réglementaire favorisera le passage d’entreprises informelles au secteur officiel, moyen nécessaire pour répartir plus également le fardeau fiscal.

2.53. Le problème posé par la difficulté d’accès à des terrains est double : d’une part, il y a pénurie de terrains industriels et d’autre part les entreprises n’ont pas de garantie foncière à offrir aux banques. L’accès à des zones industrielles desservies et à des infrastructures fiables et efficientes est important pour les investisseurs, notamment étrangers car cela réduit leurs coûts en facilitant la création de leur entreprise et leur accès aux infrastructures. Comme pour la corruption et l’accès au financement, la difficulté d’obtenir un terrain est un obstacle plus important pour les petites et micro entreprises (43,5 % et 41,3 %, respectivement, le citent comme un problème), que pour les moyennes et les grandes (18,2 % et 7,7 %, respectivement). Il n’y a qu’une zone industrielle, publique, dans le pays, celle de Sotuba (à Bamako) qui fait 300 hectares. C’est très insuffisant, mais le plus grave c’est que la déficience de ses infrastructure est telle que de nouvelles entreprises hésitent à venir s’y établir : il

87 Y compris, inter alia, les barrières à l’entrée et les comportements anticoncurrentiels, les obligations d’autorisations, de permis et les formalités chronophages, la faible protection de la propriété des entreprises et les faibles systèmes de garanties, les barrières à l’accès à l’information, les frais fixes élevés résultant de la perception de divers droits et taxes officiels ou non et un cadre juridique incomplet pour les opérations commerciales et le règlement des conflits. 88 Ce peut être un inconvénient dans une économie traditionnelle comme celle du Mali où « la réputation personnelle et les liens créent des comportements commerciaux et où les relations contractuelles favorisent les habitués par rapport aux nouveaux venus. » Banque mondiale, “Mali: Designing an SME Development Agenda,” (draft, sans date), p. 6. 89 On reconnaît de plus en plus qu’il est très difficile pour les entreprises informelles de devenir officielles. Au moyen de ses études nationales, l’Institut McKinsey estime que l’informalité coûte aux pays en développement 1 à 2 points de pourcentage de croissance annuelle du PIB. Ses données montrent par ailleurs que les entreprises informelles sont en moyenne plus de trois fois moins productive que les officielles (Palmade, 2005, pp. 14-16). 90 Ces résultats indiquent que les améliorations du climat des affaires affectent le quintile inférieur des revenus autant que le reste du pays et pourrait avoir un effet important sur la pauvreté (Beck, T., Demirguc-Kunt, A. et Levine, R. 2003). L’analyse, basée sur un échantillon de 76 pays, a exclu les entreprises informelles (mais l’analyse de régression a contrôlé la taille de l’économie informelle).

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faudrait, par exemple, six mois pour obtenir une ligne téléphonique ou le branchement au réseau électrique ; de plus la zone est congestionnée et délabrée ; le système de ramassage des déchets est défectueux, ce qui cause de graves problèmes de pollution et enfin les routes sont de mauvaises qualité et inondées pendant la saison humide.91 Cette zone n’est ni planifiée ni gérée systématiquement et bien qu’elle ait des parcelles vacantes, il est peu probable que de nouvelles entreprises s’y installent du fait du mauvais environnement.

2.54. La corruption est perçue, elle aussi, comme un obstacle important. Après le financement, la corruption était le troisième obstacle cité par les entreprises enquêtées dans l’ECI. Alors que les entreprises étrangères et maliennes la perçoivent de façon similaire comme un problème (48,0 et 48,8 %, respectivement), la corruption est un obstacle un peu plus important pour les entreprises exportatrices (51,6 %) que pour les autres (47,9 %). En fait, pour les entreprises exportatrices, la corruption constitue le second problème à égalité avec l’accès au crédit. Comme pour l’accès au crédit, la corruption est ressentie comme un problème plus important par les micro, petites et moyennes entreprises que par les grandes (voir Tableau 2.8).

Tableau 2.8 : Les obstacles perçus à l’activité et à la croissance des industries (par type) (pourcentage des entreprises, par types, considérant ces éléments comme une contrainte

« majeure » ou « très grave » à leur fonctionnement ou à leur croissance) Propriété Marchés OBSTACLE Ensemble Étrangère Locale Extérieurs IntérieurIncertitude / politique éco. et réglementaire 21,9 16,7 22,9 33,3 18,4 Instabilité macroéconomique 13,0 8,3 13,9 13,8 11,3 Corruption 48,7 48,0 48,8 51,6 47,9 Délinquance, vols, désordres 22,1 8,0 24,8 16,1 23,1 Pratiques anticoncurrentielles 42,2 40,0 43,4 51,6 41,3 Système juridique 16,9 24,0 15,5 16,1 16,5 Télécommunications 14,3 32,0 10,9 19,4 12,4 Électricité 24,2 29,2 23,3 32,3 20,8 Transports 20,1 24,0 19,4 25,8 17,4 Accès à la terre 37,9 36,0 38,8 29,0 40,5 Taux d’imposition 36,4 32,0 37,5 38,7 35,8 Administration fiscale 30,1 32,0 29,7 41,9 26,7 Réglementation douanière et commerciale 19,9 28,0 18,3 35,5 16,0 Éducation et compétence des ouvriers 20,1 24,0 20,2 38,7 16,5 Autorisations et permis d’exercer 10,7 12,0 10,4 6,7 11,9 Accès aux financements 56,3 44,0 58,7 51,6 57,6 Coût des financements 57,3 48,0 59,2 54,8 58,5 Source : Mali ECI 2.55. L’enquête montre que les entreprises du Mali perçoivent la corruption comme une contrainte plus importante que celles de pays comme l’Ouganda, le Sénégal et l’Éthiopie (voir Tableau 2.9). Alors que l’ECI montre que le Mali se compare très favorablement aux autres pays dans un certain nombre de domaines (tels que la stabilité macroéconomique et le droit du travail) résultat du large programme de réformes qui a été réalisé, la corruption reste un problème requérant l’attention. L’importance de ce problème est montrée par l’agrégation des données relatives au climat de

91 L’un des principaux buts des zones industrielles est normalement de fournir aux investisseurs un accès à des infrastructures et des services fiables que l’on ne pourrait pas avoir en dehors d’une telle zone, Mais la zone industrielle du Mali a, à l’évidence, raté cet objectif. Les entreprises industrielles qui y sont situées ont, en fait, une perception de beaucoup de services d’infrastructure pire que les entreprises situées au-dehors, qu’il s’agisse de la collecte des ordures, du transport, de la qualité des routes, de la sécurité, de la poste et des services d’incendie.

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l’investissement pour mieux mesurer quelles contraintes ne sont que « majeures », par opposition à celles vues comme « très graves » (les pires). Cette agrégation montre que la perception de la contrainte relative à la corruption dépasse celle relative aux infrastructures (télécommunications, transports, électricité), ainsi que celle relative aux facteurs de marché (l’accès au crédit et son coût, accès à un terrain, compétence et éducation de la main d’œuvre) et celle due au contexte réglementaire (cadre juridique, autorisation et permis professionnels).

Tableau 2.9 : Les obstacles perçus à l’activité et à la croissance des industries (par taille)

(pourcentage des entreprises, par types, considérant ces éléments comme une contrainte « majeure » ou « très grave » à leur fonctionnement ou à leur croissance)

Entreprises Contraintes Micro Petites Moyennes Grandes Coût du financement 66,7 57,7 54,6 23,1 Accès au financement 62,2 58,2 63,6 15,4 Corruption 43,5 54,3 45,5 38,5 pratiques anticoncurrentielles 30,4 45,7 63,6 38,5 Accès à land 43,5 41,3 18,2 7,7 Taux d’imposition 41,3 30,0 45,5 46,2 Administration fiscale 34,8 22,5 45,5 38,5 L’électricité 19,6 27,2 27,3 23,1 Délinquance, vols et désordres 28,3 19,8 18,2 23,1 Incertitude quant au climat économique et réglementaire 21,4 20,3 27,3 27,3 Compétence et éducation de la main d’œuvre 17,4 19,8 27,3 30,8 Transports 15,2 19,8 36,4 23,1 Réglementations douanières et commerciales 15,6 16,5 27,3 38,5 Système juridique 19,6 12,4 36,4 15,4 Télécommunications 8,7 17,3 9,1 15,4 Instabilité macroéconomique 6,7 16,7 18,2 0 Autorisations et permis professionnels 13,6 10,1 9,1 7,7 Droit du travail 2,2 4,5 9,1 0

Source : Mali ECI

Tableau 2.10 : Corruption problème “majeur” /“très grave” pour les entreprises dans 8 pays*

En % Érythrée Éthiopie Kenya Mali Nigeria Sénégal Tanzanie Ouganda Zambie Corruption 2,7 35,3 73,8 48,7 n/a 39,9 51,1 38,2 46,1 Note : *les données sur la corruption pour le Mali sont de 2004, celles pour l’Érythrée, l’Éthiopie et la Zambie de 2002, celles pour le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie sont de 2003. 2.56. Le coût de la corruption est loin d’être négligeable. En moyenne, les entreprises industrielles maliennes disent payer l’équivalent de 3,4 % de leur chiffre d’affaire annuel (CA) en « versements non officiels ». Ce pourcentage est plus important pour les petites entreprises (4,1 % de leur CA), les entreprises locales (3,9 %) et les entreprises non exportatrices (3,7 %), alors que les micro entreprises, les grandes, les étrangères et les exportatrices payent moins que la moyenne.92 En outre la corruption semble très répandue. En moyenne, les entreprises industrielles versent en « cadeaux » ou « dessous de table », 5,9 % de la valeur des marchés publics obtenus, ce qui montre que la révision du Code des Marchés publics adoptée, en 1999, dans le cadre de la campagne du Gouvernement contre

92 48 % des PME et des grandes entreprises enquêtées ont déclaré en 2001 qu’elles ont « toujours », ou « la plupart du temps » ou « fréquemment » versé de l’argent pour faire avancer leurs dossiers. Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Transports, “Enquête pour établir la Carte 2001 des PME du Mali,” Juin 2001, p. 16.

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la corruption, n’a globalement pas atteint son but.93 Ici encore, le pourcentage versé est plus élevé pour les PME (7,3 %), les entreprises locales (6,2 %) et celles travaillant pour le marché intérieur (5,9 %). Près de la moitié (42,5 %) des sociétés industrielles disent qu’il faudrait payer un dessous de table pour avoir une ligne téléphonique, et 32,7 disent qu’il faudrait en payer un pour obtenir le branchement au réseau électrique. Il faudrait également, disent les entreprises, payer un « pot de vin » pour être branché sur le réseau d’eau, obtenir un permis de construire, les documents pour importer et les autorisations professionnelles. Par ailleurs, un certain nombre de entreprises disent tenter d’influencer directement la rédaction des lois et réglementations en leur faveur, ce qui montre que la corruption est généralisée tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

2.57. L’environnement réglementaire impose un coût élevé aux entreprises et les incite à opter pour l’informalité. L’ECI montre que les entreprises supportent un lourd fardeau réglementaire. En moyenne, les chefs d’entreprises industrielles passent 8 % de leur temps en formalités administratives, mais le fardeau est plus lourd pour les entreprises exportatrices (22 % de leur temps) et les grandes entreprises (15 %). En 2002, une entreprise malienne a passé en moyenne 13 jours en inspections ou réunions avec des fonctionnaires, les grandes entreprises et les exportateurs y ayant consacré deux fois plus de temps (28 et 27 jours, respectivement). Mais le nombre moyen de jours consacrés à ces tâches, s’il est moins élevé au Mali qu’au Sénégal, au Kenya et en Chine, est le double de celui déclaré au Mozambique.

2.58. Bref, la lourdeur du fardeau réglementaire a un effet négatif sur la croissance et l’investissement. Comme l’a reconnu le DSRP du gouvernement, l’environnement réglementaire et institutionnel malien est faible, le système judiciaire se caractérisant par des failles, une inégalité dans l’application des lois, une insuffisance des règles relatives à la concurrence et de longs délais administratifs. L’incertitude réglementaire ou l’incohérence dans l’application de la réglementation entraîne des coûts de transaction pour les entreprises, peut les dissuader de réaliser de nouveaux investissements et peut dissuader les entreprises informelles de rentrer dans le secteur officiel. Par ailleurs, l’inconstance réglementaire ouvre la porte aux comportements de recherche de rente. Sur les entreprises industrielles enquêtées, 35 % ont dit que l’application des lois et règlements affectant leur activité est inconstante et imprévisible et seulement 33 % ont dit qu’elles avaient confiance dans le système judiciaire pour faire respecter leurs droits de propriété et leurs droits contractuels. Ces résultats sont meilleurs que dans de nombreux autres pays, mais montrent qu’il y a encore de gros progrès à faire.94 La combinaison de la corruption et de l’incertitude réglementaire a des effets dissuasifs sur l’investissement tant intérieur qu’étranger.95 Si, donc, on veut alléger les contraintes pesant sur le secteur privé et réduire les possibilités de corruption, il faudrait une amélioration réglementaire et notamment une simplification du système fiscal, un allègement du fardeau réglementaire et une amélioration du fonctionnement

93 Au Mali, les marchés publics représentent un important chiffre d’affaires pour les entreprises : 10,3 % pour les petites entreprises, 19,4 % pour les moyennes et 12,8 % pour les grandes. Les entreprises disent qu’en moyenne 10 % de la valeur du marché doit être versée « sous le manteau » pour obtenir le marché. Banque mondiale, Mali: Designing an SME Development Agenda, (projet de document, sans date), p. 9. 94 Près de 90 % des entreprises en Biélorussie et Zambie, par exemple, trouvent l’interprétation des réglementations imprévisible et plus de 80 % des entreprises au Bangladesh n’ont pas confiance dans la capacité des tribunaux à faire respecter leurs droits de propriété. “Understanding the Investment Climate,” Finance and Development, Mars 2005, p. 41. 95 Une enquête sur près de 3.000 entreprises de 58 pays a constaté une corrélation particulièrement forte entre les niveaux d’investissement intérieur et étranger et la perception des entreprises concernant la fiabilité judiciaire, l’absence de corruption, la discrétion bureaucratique et la stabilité politique perçue. En outre, la croissance économique (mais pas l’investissement) est fortement corrélée à la sécurité des droits de propriété. Aymo Brunetti, G. Kisunko et B. Weder (1997).

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du secteur judiciaire, en particulier dans le domaine des transactions commerciales et du règlement des conflits.96

D. PERSPECTIVES DE LA CROISSANCE INDUSTRIELLE

2.59. Un certain nombre de secteurs non-traditionnels sont prometteurs au Mali, notamment, textile et habillement, cuir et articles en cuir et éventuellement, articles artisanaux. Ils ont de bonnes perspectives de croissance et sont adaptés au profil de dotation en facteurs du Mali : assez peu de terre, rareté des capitaux et abondance de main d’œuvre non qualifiée. Cependant, le développement de ces secteurs nécessite un cadre d’incitation favorable à l’investissement, car la principale contrainte à la productivité industrielle au Mali et à la croissance de la production est l’insuffisance de capitaux. Il faudra par ailleurs résoudre systématiquement les contraintes évoquées plus haut au moyen d’un effort global pour développer de fortes filières liant les fonctions d’approvisionnement, de production et de commercialisation. Quelques sociétés maliennes ont utilisé avec succès la démarche filière pour surmonter diverses contraintes et atteindre durablement les marchés intérieurs ou extérieurs qu’elles visaient (voir Encadré 2.4). Ces réussites maliennes montrent que les obstacles rencontrés par l’entreprise malienne type peuvent être surmontés, même s’il faut pour cela beaucoup de travail et l’engagement d’un chef d’entreprise ou d’autres catalyseurs de développement sectoriel97. Elles donnent un certain nombre de leçons incontestables sur la façon de développer des sources non-traditionnelles de croissance au Mali.

2.60. Le développement d’une forte chaîne de valeur dans une production est décisif pour lier les fonctions de production et de commercialisation et surmonter les grands obstacles rencontrés par l’entreprise moyenne du Mali. Il faudrait une démarche globale qui examine la chaîne de l’offre dans son ensemble, de la production à la commercialisation, pour identifier tous les obstacles auxquels elle se heurte et trouver les moyens pour les surmonter tous.98 Le projet d’exportation des mangues a réussi grâce à une démarche privée, facilitée par des interventions planifiées à chaque stade de la production et de la commercialisation pour analyser et démêler les processus de l’offre et permettre à la chaîne de l’offre de satisfaire les exigences du marché. Dans le secteur du coton, une forte chaîne de valeur a pu être organisée grâce à l’intégration verticale, comportant une interrelation entre le crédit aux intrants et les marchés des produits ce qui a permis aux producteurs de coton d’acheter les engrais et les fournitures dont ils avaient besoin pour une production de qualité et de quantité déterminée. Cette interrelation entre crédit aux intrants et marchés des produits est également une caractéristique de l’activité de Mia Mali. Enfin, le secteur de l’or du Mali a réussi parce qu’il comporte des entreprises expérimentées capables de réussir à gérer leur activité sur toute la chaîne de valeur de l’extraction à la commercialisation.

96 L’analyse des données recueillies dans plus de 133 pays démontrent une relation directe entre le nombre de procédures pour créer une entreprise et le niveau de corruption. WDR 2005, p. 42. 97 Dans le cas de la conception et de la production d’articles artisanaux par Mia Mali, le catalyseur a été une créatrice d’entreprise. Mais il y a d’autres types de catalyseurs : d’importantes firmes multinationales ou nationales (la CMDT, les sociétés minières) ou un organisme parapublic (l’APROFA soutenue par l’AT de donateurs dans le cas de l’opération pilote d’exportation de mangues). 98 Dans l’expérience internationale de la démarche filière pour le développement d’une filière, on peut citer notamment, dans le secteur agro-industriel, les actions relatives au secteur du saumon et à celui du vin au Chili, au secteur de la pêche de perches du Nil en Ouganda et au secteur de la floriculture au Kenya.

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Encadré 2.4 : Réussites maliennes

Agro-industrie : l’exportation de mangues : L’une des réussites les plus parlantes du Mali est celle du projet pilote d’exportation de mangues vers l’Europe. Dans le cadre de ce projet de deux ans, l’Agence pour la Promotion des filières agricoles (APROFA) –organisme à but non lucratif financé sur fonds publics – a travaillé en amont avec de petits producteurs de mangues à développer une chaîne de l’offre efficiente en mettant la qualité du produit au niveau des exigences européennes. Elle a également travaillé en aval à créer une société en partenariat avec un chef d’entreprise ivoirien pour relancer une société d’emballage malienne en faillite et surmonter les goulets d’étranglement dans le transport en développant une logistique multimodale d’expédition par mer pour relier Sikasso aux marchés européens via Abidjan. Résultat de ces efforts : les délais d’expédition vers le Nord de l’Europe ont été réduits de 25 à 12 jours ; les exportations ont triplé passant de 220 tonnes en 2001 à 600 tonnes en 2002 ; le prix unitaire perçu par les arboriculteurs a augmenté de 25 % ; l’emploi de la société d’emballage a atteint 150 ouvriers (surtout des femmes) et la qualité du produit a été constamment excellente (aucun carton n’a été refusé par l’importateur). Outre l’obtention d’un taux de rendement interne de 70 %, le projet a également permis à l’APROFA d’assurer sa pérennité financière par une petite « redevance » sur chaque kilo exporté. Un aspect décisif de la réussite du projet a été l’utilisation de divers partenariats avec les parties prenantes, notamment les organisations villageoises et intermédiaires, le secteur privé, les partenaires maliens et ivoiriens, les transporteurs, un cabinet conseil international (pour aider à la création d’un système de gestion de la société d’emballage adapté au contexte malien) avec l’assistance technique d’experts de la Banque mondiale. L’APROFA a joué un rôle catalyseur et de coordination dans la formation du partenariat d’emballage et de commercialisation. Ce projet pilote a été tiré par le secteur privé, notamment grâce à des hommes de terrain et de collecteurs pour assurer la relation financière entre les agents commerciaux et les arboriculteurs et pour transférer la compétence technique aux arboriculteurs. Autre point intéressant, le projet a eu un effet durable sur les exportations de mangues au-delà de l’opération pilote. L’effet de l’opération s’est répandu au-delà de ses protagonistes car d’autres producteurs et exportateurs ont créé des partenariats. La seconde année de l’opération a vu un quasi triplement des exportations, une augmentation du prix unitaire payé aux producteurs de 25 % et une augmentation de l’emploi à la société d’emballage, tout en maintenant la qualité du produit et sans avoir de pertes pendant le transport. Les exportations de mangues par Abidjan sont passées de 600 tonnes la seconde année du projet (2002) à 1.486 tonnes en 2004. Le volume total d’exportation de mangues par tous les itinéraires a été multiplié par trois en 2004 par rapport à la période 2000-2003, passant d’une moyenne annuelle de 921 tonnes à 2.909 tonnes. Cela montre qu’une réussite initiale en reliant tous les éléments de la chaîne de l’offre et en résolvant tous les problèmes et goulets d’étranglement peut avoir des effets durables et larges sur l’ensemble d’un secteur. Alors que ce projet portait sur l’exportation de mangues, ce résultat montre également que le modèle « mangue » pourrait être applicable à l’organisation des producteurs agricoles et à la collecte de produits pour alimenter le marché intérieur et les agro-industries. Le secteur de l’or : Bien que le Mali ait ouvert son secteur de l’or aux investisseurs privés et étranger dès les années 80, les sociétés minières étrangères ont montré peu d’intérêt à l’époque du fait des politiques interventionnistes du Gouvernement et de l’absence d’une politique minière claire, cohérente et compétitive au niveau mondial. La révision du Code minier en 1991 qui a tenu compte des normes internationales a permis un afflux d’IDE et une vive hausse des exportations d’or, qui sont passées de 50 millions d’USD en 1994 à 584 millions en 2002. Cette augmentation montre que la dotation en ressources naturelles du Mali associée à une politique et un cadre macroéconomique stable et à des politiques sectorielles mondialement compétitives, peut être attractive pour les investisseurs étrangers. Si le secteur de l’or est la réussite la plus spectaculaire du Mali, il faut admettre que c’est un cas à part. L’or est produit à haute valeur, pour lequel le coût du transport aérien ne représente qu’une faible fraction des coûts de production ; en outre, le volume produit est suffisant pour que les producteurs puissent organiser des services de fret dédiés, échappant ainsi aux contraintes posées par la cherté et les pertes de temps des transports terrestres et par la cherté et l’insuffisance des services de fret aérien. En outre, il y a peu d’acteurs dans le secteur de l’or, du fait de la grande taille des sociétés et de leurs liens avec les marchés internationaux. En conséquence elles ne se heurtent pas aux mêmes problèmes d’insuffisance d’informations sur les marchés ni aux faiblesses de la coordination logistique ou autres dont souffrent les petites entreprises et qui nuisent à leur compétitivité en l’absence d’organisations facilitatrices de leur filière. Le coton – la CMDT : La gestion par la CMDT du secteur du coton entre 1974 (lorsque le gouvernement malien a nationalisé le secteur du coton et créé la CMDT) jusqu’au milieu des années 90 montre les avantages d’une stratégie intégrée de développement sectoriel. Si tous les aspects de cette réussite ne valent pas d’être reproduits ou ne sont pas applicables à la future croissance sectorielle du Mali, il en ressort plusieurs leçons utiles. Pendant cette période, la CMDT a assumé l’exécution et la coordination de toutes les fonctions cruciales de la filière coton, de la gestion de la culture et de l’approvisionnement en semences, jusqu’aux pratiques après récolte et à l’égrenage. La construction et l’entretien par la CDMT d’un réseau de routes d’accès a facilité la collecte et le transport de la récolte de coton, tandis que la création d’un système intégré liant le remboursement du crédit accordé pour les intrants à livraison de la production a permis aux banques d’être remboursées par les producteurs de leurs prêts pour les intrants et les équipements. La CMDT a également fourni des services publics essentiels qui étaient complémentaires de la production de coton ; par exemple, formation et équipement de forgerons, soutien à la santé animale et à la traction animale, formation aux techniques phytosanitaires et offre aux organisations de producteurs de conseils en vulgarisation de la recherche. La CMDT a de plus en plus encouragé les organisations de producteurs à assumer la responsabilité de la gestion du crédit et de la distribution d’équipements agricoles et d’intrants entre adhérents et a travaillé avec ces organisations à prévoir les quantités d’intrants nécessaires pour la saison à venir ; l’entreprise publique a également offert des cours d’alphabétisation et des formations à la gestion aux associations de producteurs pour améliorer leurs compétences. Ainsi le secteur a-t-il eu une filière « méticuleusement planifiée », verticalement et régionalement intégrée. En internalisant la plupart des transactions entre les divers stades de la production de fibre de coton, la CMDT a réduit les coûts et risques de transactions, démontrant ainsi l’intérêt de l’utilisation d’une démarche filière dans le contexte malien, où acteurs et marchés sont fragmentés. Cependant, d’autres aspects de l’expérience CMDT indiquent pourquoi ces fonctions devraient être assumées par le secteur privé. Les gains de productivité de l’intégration verticale de la société ont été progressivement rognés par des difficultés internes de gestion et des inefficiences de coût. Des audits dans le milieu des années 90 ont révélé procédures standard de fonctionnement inefficientes, des fautes grossières de gestion, des fraudes et des malversations. Les profits ont alors été affectés par la vente subventionnée de fibre de coton aux sociétés textile et de graines à HUICOMA, filiale de production d’huile.

à suivre….

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Encadré 2.4 : Réussites maliennes (suite)

Enfin, l’absence de rigueur dans la gestion financière a entraîné des pertes d’exploitation et le boycott par les producteurs pendant la saison 2000-01, alors que l’importance des coûts d’exploitation directs et indirects de la CMDT lui donnait peu de marge pour élever le niveau des prix payés aux producteurs ce qui était nécessaire pour améliorer leur rentabilité et stimuler leurs pratiques d’intensification et de conservation des sols et assurer la pérennité à long terme du secteur. (Source : James Tefft, “Mali’s White Revolution : Smallholder Cotton from 1960 to 2003,” Exposé fait au IInWEnt, IFPRI, NEPAD, CTA “Successes in African Agriculture Conference,” Pretoria, décembre 2003.) Articles artisanaux – Mia Mali : c’est une jeune société de petite taille qui a été capable d’exporter des articles artisanaux maliens distinctifs et de haute qualité (meubles, statues, textiles, instruments de musique et bijoux) à des grossistes aux États-Unis et en Europe. Sa galerie de luxe à Bamako représente environ 30 % de ses ventes et ses exportations – surtout par le biais du site internet de la société – représentent les 70 % restants. La société travaille avec plus de 160 groupes d’artisans maliens et régulièrement avec environ 65. Mia Mali a évité un certain nombre de faiblesses dont souffrent de nombreuses autres entreprises maliennes. Le contrôle qualité, très exigeant, est effectué en mettant fortement l’accent sur la formation et le développement produit pour assurer que les produits satisfont les exigences des acheteurs internationaux. La société travaille surtout avec des groupes de producteurs de la région de Bamako pour assurer le contrôle qualité et fait respecter les normes de qualité en travaillant en lien étroit avec chaque groupe d’artisans dans un respect mutuel et en refusant d’accepter les marchandises ne respectant pas les normes. Les biens sont expédiés, selon l’importance du chargement, via Air France ou par conteneurs, via Maersk, chargés à Abidjan. La société a une gestion commerciale moderne, avec notamment une bonne comptabilité, une tarification transparente pour les producteurs et un site web de haute qualité. Le risque pour l’acheteur international est réduit par le strict respect de normes de qualité et des délais de livraison et par l’offre d’excellents produits à des prix raisonnables. Un système de crédit a été mis en place pour les artisans, grâce auquel ceux-ci reçoivent des avances sur leur travail. Le catalyseur de cette réussite est la propriétaire, une expatriée. Son sens esthétique et son expérience antérieure de 10 ans comme consultante dans le secteur de l’artisanat lui ont permis l’identification et le développement de produits ayant des chances de séduire les acheteurs des pays développés et l’a rendu familière des marchés et des grossistes clients potentiels. Son contact constant avec les marchés visés et leurs tendances et son travail avec les grossistes et les producteurs font d’elle le lien essentiel entre le producteur et le marché. Malgré sa réussite, la société continue à être gênée par l’indisponibilité de matériaux d’emballage simples tels que des boites en carton (qui sont achetés d’occasion), de ruban adhésif et d’emballage bulles, alors que le coût élevé de fournitures telles que des vis et clous de bonne qualité réduisent les marges de la société qui a besoin d’importants volumes pour couvrir ses frais fixes. Le fil de coton – Fitina SA : Fitina SA est une filature créée en 2004 dans le cadre d’un joint-venture malien-mauricien. Elle exporte 80 % de son fil vers Maurice où il est tissé par l’industrie textile locale. Les tissus sont utilisés pour produire des vêtements qui sont exportés vers les États-Unis dans le cadre de l’AGOA ; le reste est vendu sur le marché intérieur ou exporté vers le Sénégal et la Côte d’Ivoire. L’usine utilise des équipements ultra modernes et fonctionne en 3 équipes par jour, 7 jours sur 7, mais absorbe moins de 1 % de la fibre de coton produite par le Mali. L’usine est dirigée par un Sénégalais en partenariat avec des Maliens et des techniciens mauriciens. Le fil est envoyé par fer à Dakar d’où, grâce à des accords avec la société de transport maritime Maersk, il est expédié à Maurice.

2.61. Lorsque les acteurs du marché sont faibles et que le coût de la coordination au sein d’une filière est élevé, il faudrait un catalyseur pour créer les liens. Les acteurs économiques du secteur de l’or étaient suffisamment forts et inter-reliés pour faire parvenir le produit au marché. Dans d’autres secteurs, où les acteurs sont dispersés, un organisme ou une institution devraient servir de catalyseur pour relier les éléments de la filière — pour les mangues, le catalyseur a été l’APROFA, tandis que pour Mia Mali il a été la créatrice de l’entreprise. En particulier, une forte démarche filière peut permettre aux entreprises maliennes de surmonter l’un des plus difficiles obstacles auxquelles elles se heurtent — le coût et l’inefficience des transports. Dans le secteur de l’or, le coût du transport aérien est négligeable par rapport à l’ensemble des coûts de production et les volumes sont suffisants pour justifier des services de fret aérien spécifiques.99 Pour les mangues, les problèmes de transport ont été résolus en élaborant une logistique intégrant le transport maritime et reliant Sikasso à l’Europe du Nord. Si des améliorations de l’offre de transport et des services de facilitation du commerce sont indispensables, une logique filière montre que ces obstacles peuvent être surmontés au niveau de la firme ou du secteur ou, comme dans le cas de Mia Mali, peuvent être maîtrisés si les autres éléments de la filière sont suffisamment forts.

2.62. Les leçons que l’on peut tirer des réussites permettent de savoir comment développer les liens entre les segments au sein d’autres secteurs prometteurs.

99 Cette option est possible également pour d’autres industries, si des volumes suffisants d’exportation de haute valeur se développent : 80 % des exportations de fleurs du Kenya sont expédiées par vols charters complets.

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Nouer des liens amont et aval entre producteurs et marchés nécessite la reproduction des facteurs qui ont été indispensables à la réussite du projet mangues –– renforcement de la capacité des principaux acteurs, établissement de partenariats, garantie de la qualité des produits, conduite de recherches et diffusion de leurs résultats pour que les produits répondent aux exigences des marchés et liaison entre crédit aux intrants et marché des produits — et un examen de tous les stades du processus de production pour identifier les obstacles et les surmonter.

2.63. La constitution d’autres filières produit demandera, au Mali, la création de partenariats dans la plupart des activités (tels que des coopératives, des alliances, des groupements ou des réseaux de producteurs) spécifiques à chaque activité comprenant de nombreux acteurs inexpérimentés (ainsi faudrait-il, dans l’agro-industrie une liaison entre chaque entreprise de transformation et de nombreux agriculteurs). Ces partenariats pourront être dirigés ou animés par un organisme parapublic (par ex. une agence d’exportation ou de développement des entreprises) ou par une grande entreprise expérimentée (nationale or internationale). L’APROFA et la CMDT ont travaillé en lien étroit avec les associations d’agriculteurs pour assurer la production et le contrôle qualité et offrir l’assistance technique et la formation voulues. Tandis que la CMDT, intégrée verticalement, s’est occupée du transport du coton de l’exploitation jusqu’à l’utilisateur (les usines d’égrenage), l’APROFA, de façon plus appropriée, s’est appuyée sur le jeu du marché pour cette fonction en impliquant des intermédiaires tels que des hommes de terrain et des collecteurs, démontrant que le secteur privé malien est capable d’assurer cette logistique. Mia Mali travaille directement avec des groupes de producteurs et assure ainsi le contrôle de la qualité des produits. La démarche privée qui se met en place dans le secteur du sucre est structurée ainsi : une multinationale de l’agroalimentaire sert de catalyseur au secteur. Ces initiatives devraient être examinées par les autres secteurs de l’agro-industrie pour en tirer les leçons.

2.64. Des actions et des partenariats entre acteurs ambitieux seront nécessaires à tous les stades des filières pour améliorer la productivité et renforcer les compétences. Le projet mangues démontre que l’on peut réussir à développer une filière, mais que c’est difficile vu la faiblesse des infrastructures du Mali. L’assistance de donateurs a été nécessaire pour créer le projet pilote, ainsi que l’aide d’un cabinet conseil spécialisé dans la gestion de filières. Au plan de la production, il a fallu une aide notamment en matière de méthodes de gestion de la qualité, de récolte et de conservation du produit et pour la création d’une organisation de producteurs. Au plan de la commercialisation, il a fallu entre autres une formation pour faire connaître les normes de l’exportation et pour améliorer la logistique. Petite structure, Mia Mali n’a pas eu besoin d’assistance extérieure mais le partenariat avec des groupes de producteurs a été un élément décisif de la réussite de la société.

2.65. Le développement d’une filière devrait être tiré par le marché et appuyé sur la qualité. La qualité est un élément essentiel de la démarche filière. L’or est une matière première universelle, mais les exportations de mangues, de coton et d’articles artisanaux ont réussi parce que les produits exportés sont des produits de haute qualité, recherchés par les marchés internationaux. Les efforts pour reproduire la démarche filière de la mangue ne réussiront que si la qualité et la demande du marché ne sont au rendez-vous. Élément encourageant, la réussite peut être « communicative ». L’effet du projet mangues va au-delà des acteurs initiaux car d’autres producteurs et exportateurs ont commencé à reprendre sa démarche. L’effet

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de « démonstration » d’autres actions orientées filières, si elles sont bien conçues, sera certainement mesurable.

Le secteur du textile et de l’habillement

2.66. Le Mali dispose d’un avantage comparatif évident dans la production de fibre de coton de haute qualité, mais a été incapable de développer une filière complète qui permettrait l’utilisation de cette fibre par une industrie du textile et de l’habillement compétitive (voir Encadré 2.5). De ce fait, moins de 2 % de l’ensemble de la fibre de coton produite au Mali est valorisée dans le pays et on voit même des fabricants de vêtements qui importent leur fil et leur tissu. L’avantage comparatif du Mali, combiné avec les opportunités d’accès privilégié à des marchés offertes par l’AGOA, signifie que valoriser la fibre en produisant du fil peut représenter pour le Mali une formidable opportunité d’industrialisation. En outre, cela permettrait de réduire la vulnérabilité du pays aux fluctuations des cours mondiaux du coton.

2.67. Malgré les opportunités offertes par l’AGOA et l’avantage du Mali dans le coton, un certain nombre de facteurs jouent contre le développement d’un grand secteur malien de l’habillement orienté export, surtout si l’on ne s’appuyait que sur des entreprises maliennes : la structure de production à coûts élevés et à faible productivité du Mali ne correspond pas aux normes de coût très compétitives de l’industrie mondiale de l’habillement ; les capacités de production à petite échelle de la plupart des producteurs d’habillement sont insuffisantes pour satisfaire les énormes volumes nécessaires aux importateurs américains et ne permet pas les économies d’échelle voulues ; les sociétés locales n’ont pas un contrôle qualité insuffisant et sont incapables de fabriquer en temps voulu pour les multiples cycles de la mode ; elles n’ont pas de relations avec les marchés, n’ont pas le savoir-faire commercial voulu et sont incapables de respecter des normes mondialement acceptables en matière d’environnement, de sécurité et de droit du travail. Certaines de ces contraintes pourraient peut-être être surmontées par des investissements dans de nouveaux équipements, ce qui ne pourrait probablement se faire qu’avec de l’IDE qui apporterait avec lui l’expérience des marchés internationaux, un haut niveau d’organisation et de gestion et la capacité à accéder aux ressources financières nécessaires. Mais la difficulté réside surtout dans l’exacerbation de la concurrence provoquée par l’expiration, en 2005, du système de quotas de l’Accord multifibre (AMF) qui régissait jusque là production et les échanges mondiaux dans le secteur de l’habillement et qui a permis à des exportateurs chinois à bas coût de dominer rapidement les marchés américains et européens.

2.68. Néanmoins, il peut encore y avoir des possibilités d’utiliser la démarche filière pour encourager les activités de confection ayant moins d’exigence de qualité et d’économie d’échelle, par exemple pour la production d’uniformes et de tee-shirts, pour les marchés locaux et régionaux. Il peut aussi y avoir des opportunités pour des produits de niche basés sur des designs traditionnels maliens (bien que qu’une forte réussite dans ce domaine soit exposée au risque de contrefaçon dans d’autres pays). Améliorer la productivité du textile et de l’habillement local sera un volet crucial d’une amélioration de la compétitivité du secteur. La modernisation des techniques, éventuellement grâce à de l’IDE, améliorera aussi la productivité. Par ailleurs, des équipements récents auront une plus grande efficience au plan de la consommation d’énergie ce qui atténuera le coût élevé de l’électricité au Mali. Il

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faudra des programmes de formation visant les entreprises existantes pour améliorer les compétences des directions et des employés et introduire des techniques d’assemblages plus efficientes dans les ateliers.100 Il faudra aussi de la formation pour les services d’aide au développement des entreprises (SDE) pour permettre aux entreprises d’abaisser leurs frais généraux actuellement élevés et améliorer leur compétitivité.

Encadré 2.5 : Caractéristiques de la filière coton-textile-vêtement du Mali L’égrenage du coton : Il est effectué par la société publique CMDT dans 16 usines qui fonctionnent à 49 % de leur capacité. Bien que le taux de rendement de l’égrenage– qui dépend de la qualité du coton et du type d’équipements utilisés et qui mesure la compétitivité de l’activité – soit l’un des plus élevés du monde, l’égrenage n’est fondamentalement pas rentable du fait des inefficiences de ce monopole et des bas prix auxquels il vend la fibre de coton aux filatures du pays. D’autres facteurs affectent l’égrenage : le coût élevé de l’électricité, aggravé par l’utilisation de machines anciennes (plus gourmandes en énergie), ainsi que le manque de fiabilité de la fourniture de courant, qui nécessite l’utilisation de générateurs onéreux.

Le secteur textile : Il n’y a actuellement que deux filatures au Mali. Fitina-SA est une filature, créée comme un joint-venture malien-mauricien en 2004, exportant 80 % de sa production vers Maurice où le fil est tissé. Les tissus sont utilisés pour produire des vêtements qui sont exportés vers les États-Unis dans le cadre de l’AGOA ; le reste est vendu sur le marché intérieur ou exporté vers le Sénégal et la Côte d’Ivoire. L’usine utilise des équipements ultra modernes et fonctionne en 3 équipes par jour, 7 jours sur 7, mais utilise moins de 1 % de la fibre de coton produite par le Mali. La seconde société, la Comatex, est un joint-venture chinois-malien. Cette usine intégrée produit du fil et du tissu brut et imprimé ; 80 % de sa production est vendue au Mali et le reste est exporté vers la Chine.

Comme on l’a noté, la compétitivité du secteur textile est réduite par le coût relativement élevé de la fibre de coton par rapport à celle de certains autres pays, la faible productivité du travail et le coût élevé de l’électricité. Par ailleurs il n’y a pas de soutien secondaire du secteur, par exemple grossistes en produits chimiques qui négocieraient les achats en gros et réduiraient les coûts. Enfin, les importations non déclarées de tissus (probablement en réaction à l’utilisation par le Mali de prix de référence pour certains types de tissus), rendraient non rentable, est-il dit, la vente de tissu produit localement.

Le secteur de l’habillement : La production de vêtement au Mali utilise à la fois des tissus de fabrication locale et des tissus importés. Il n’y a pas de société importante fabricant des vêtements à grande échelle mais seulement un grand nombre de petits fabricants informels. Comme on l’a noté, il y a peu d’exportations de fils ou de tissus de qualité à prix compétitif produits pour le marché local et, de ce fait, il y a peu de liens amont entre le secteur de l’habillement et le secteur textile au Mali. Les producteurs de vêtement achètent des tissus importés sur le marché local à des grossistes voire à des détaillants, parfois avec un important surcoût (surtout s’ils achètent à des détaillants) par rapport à ce que seraient leurs coûts s’ils pouvaient trouver du tissu de coton fabriqué sur place.

Les opportunités créées par l’AGOA : L’AGOA ayant pris effet, il constitue pour un petit nombre de pays de l’AfSS qualifiés une formidable opportunité d’exporter des textiles et de l’habillement aux les États-Unis. Le Mali s’est qualifié pour participer à l’AGOA en décembre 2003, faisant de ce pays une source potentiellement privilégiée de fil ou de tissu de coton pour d’autres pays éligibles à l’AGOA. À partir d’octobre 2004, l’AGOA a été rendue plus stricte ; elle exige que toutes les exportations de vêtements vers les États-Unis en vertu de cette loi utilisent des matières premières venant soit des États-Unis soit de pays de l’AfSS qualifiés. Cette exigence – qui perturbe la production dans le cadre de l’AGOA dans des pays comme le Lesotho qui utilisent jusqu’ici des tissus fabriqués en Asie – offre en fait au Mali la possibilité de devenir un fournisseur de choix de fil et de tissu pour d’autres pays africains qui ont déjà établi un courant d’exportation de vêtements et ont établi des liens commerciaux avec des importateurs américains. Le tissu venant des États-Unis est généralement trop cher pour constituer une alternative aux tissus asiatiques ; en outre, les seuls pays africains qui produisent du tissu de qualité convenable pour être utilisé dans la confection de vêtements destinés à l’export sont Maurice et l’Afrique du Sud, qui utilisent ce tissu pour approvisionner leur propre industrie de vêtement pour l’export. Cela donne au Mali un marché potentiel niche en tant que fournisseur de tissu de coton de haute qualité. L’extension de l’AGOA jusqu’en 2015, alors qu’initialement l’année terminale était 2008, élargit la fenêtre d’opportunité offerte au Mali alors que la production de vêtement est intensive en capital et qu’au moins 6 à 10 ans sont nécessaires pour rentabiliser l’investissement. En conséquence, si l’AGOA n’avait pas été étendue, les sociétés auraient été moins incitées à investir dans la production de textiles.

2.69. Établir des relations avec les producteurs africains de textile et d’habillement dans le cadre de l’AGOA sera une étape décisive dans la création d’une filière. La réussite de Fitina-SA montre qu’un investissement étranger (en l’espèce mauricien) peut être attiré au Mali et servir d’appel pour attirer d’autres 100 Le point de départ pour le développement d’une filière intégrée coton-textile-habillement pourrait être une évaluation comparative de la façon dont d’autres pays ont réussi à mettre place un tel système. Au début des années 90, le Botswana – pays enclavé, producteur de coton – a commencé à promouvoir vigoureusement son secteur textile-habillement, en s’appuyant sur son accès sans droits de douane à l’UE et à l’Afrique du Sud. À la fin des années 90, cinq sociétés textiles liées à la confection de vêtements avaient été créées et de nombreuses PME de confection fonctionnaient grâce à des liens avec de grandes multinationales. Une évaluation des leçons à tirer de la démarche du Botswana pourrait apporter un éclairage intéressant pour l’élaboration d’incitations au développement spécifiques au secteur et d’autres mesures de politiques en faveur de ce secteur.

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investisseurs étrangers.101 Il faudrait établir d’autres relations avec d’autres pays producteurs agréés AGOA qui ne sont pas producteurs de coton et doivent donc importer tous leurs tissus (comme le Lesotho). En devenant un fournisseur privilégié de fil et de tissus de ces pays qui exportent déjà dans le cadre AGOA, le Mali peut surmonter certains de ses plus importants handicaps compétitifs extérieurs au prix, à savoir l’absence de liens avec les marchés des pays développés importateurs et le manque de familiarité avec le design en évolution permanente et rapide et avec les tendances de la mode, entre autres. Cette démarche permettrait de mettre à la disposition de sociétés maliennes de confection du tissu produit localement. La réussite de cet effort dépendra d’importantes réformes dans le secteur du coton au Mali pour mettre fin à la pratique actuelle, économiquement inefficiente, qui oblige à les producteurs de fibre de coton à vendre celle-ci aux filatures au-dessous des cours mondiaux.102

2.70. Développer une filière nécessitera l’élimination des valeurs de référence utilisées pour dissuader les importations de tissu de coton. Cette pratique protège la COMATEX de la concurrence, pourtant nécessaire car elle oblige à faire des gains de productivité, contribue à la contrebande de tissu qui rend non rentables les ventes des sociétés textile sur le marché intérieur et empêche les entreprises de confection d’accéder à des tissus à plus bas prix et donc nuit à leur compétitivité.

2.71. Il faudrait susciter des liens d’affaires entre entreprises locales. La création d’associations de producteurs ou de coopératives de tailleurs indépendants, de teinturiers et de producteurs de vêtement peut faciliter la création de liens d’affaires, permettre l’identification d’obstacles communs et relier ces groupes en une filière orientée export.

2.72. L’identification des opportunités du marché régional sera essentielle. Dans la région, les exigences de qualité peuvent ne pas être aussi strictes et la mode peut ne pas changer aussi vite qu’en Europe et aux États-Unis. Trouver un marché approprié et éventuellement trouver des investisseurs ayant des liens avec ce marché, sera une étape finale pour développer une filière effective.

L’élevage et le secteur du cuir

2.73. Le développement d’une industrie d’exportation basée sur le cuir dépend (i) de mesures pour inciter les tanneries à produire des cuirs finis de qualité exportation et (ii) de la création de liens entre les tanneries et les fabricants locaux d’articles en cuir. Tant que les tanneries ne sont pas capables de produire des cuirs finis, il n’y aura pas de cuir local pour commencer une production locale d’articles en cuir, même au titre d’expérience pilote. Les tanneries auront besoin d’aide pour passer à une production de plus haute qualité, car il y a peu ou pas de formation en interne, ni de soutien institutionnel ou autre pour développer les compétences dans ce secteur. Si les tanneries ont, semble-t-il, exprimé un intérêt pour aller jusqu’au stade du finissage à sec, elles ne sont pas certaines de posséder les compétences voulues pour cela.103 En outre, il n’y a actuellement pas de liens en 101 Les investisseurs étranger manifestent souvent une mentalité « moutonnière » : la réussite à l’étranger de compatriotes peut être un facteur incitatif encourageant d’autres à les suivre. 102 Le Gouvernement s’est engagé dans son DSRP à ce que la fibre de coton ne soit plus subventionnée mais vendue aux industries locales au prix export moins les coûts non supportés. 103 Mais, même si ces facteurs étaient surmontés, des problèmes d’environnement devraient aussi être résolus. Le tannage produit d’importants volumes de polluants et les acheteurs européens évitent de plus en plus de se fournir auprès de fabricants qui souillent l’environnement (et utilisent des produits chimiques interdits ou d’usage restreint en Europe), comme c’est le cas au Mali. De ce fait, une expansion de la production de cuir après un

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aval entre les tanneries locales travaillant avec des procédés chimiques et les artisans produisant des articles en cuir, qui utilisent traditionnellement des peaux tannées avec des procédés végétaux, qui sont inacceptables pour des articles personnels (vêtements, sacs, accessoires) exportables. De tels liens devront être développés si l’on veut que le secteur se développe.

2.74. Comme le secteur textile-habillement, le secteur élevage-tannage-cuir est très peu intégré. Bien que le Mali ait le plus grand troupeau d’élevage de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’une industrie du tannage ayant à la fois des coûts de production compétitifs et une forte productivité du travail, le pays exporte la plupart de ses peaux au niveau le plus bas de valeur ajoutée, ce qui représente un important manque à gagner pour le pays (voir Encadré 2.6). En outre, la totalité du cuir produit est exportée, au lieu d’être vendue sur le marché intérieur pour être transformée en produits à plus haute valeur ajoutée par les fabricants locaux d’articles en cuir.104 Les liens entre les trois sous-secteurs au sein d’une filière cuir — éleveurs, abattoirs produisant des peaux brutes, tanneries et fabricants d’articles en cuir—sont faibles voir inexistants et l’analyse de la chaîne de valeur a identifié un certain nombre de contraintes à la croissance qu’il faudra surmonter pour développer une filière intégrée peaux-articles en cuir. Développer une filière viable nécessitera des interventions à tous les stades, comme l’explique l’encadré suivant.

2.75. Il faudrait des interventions pour améliorer la qualité des peaux au niveau des éleveurs. À court terme, il faudrait tenter d’améliorer le taux de transformation des peaux en cuir, ce qui sera plus intéressant que d’améliorer le taux de récupération des peaux, mais il est également nécessaire d’améliorer la qualité des peaux.105 Les liens aval entre producteurs de peaux et tanneries pourraient être améliorés par la création d’associations ou coopératives pour établir une classification et des normes de qualité et sensibiliser les éleveurs à la nécessité d’améliorer la qualité et d’établir un système d’incitation à la production de peaux de qualité.

2.76. Il faudrait développer la commercialisation et la distribution. Il manque plusieurs éléments dans la filière, qui sont pourtant essentiels à ce secteur pour exporter des produits finaux compétitifs, notamment une main d’œuvre qualifiée, des centres de design et d’art, des organismes de soutien technique et administratif pour assurer un contrôle qualité, faire de la recherche-développement et établir des liens avec les marchés internationaux. L’amélioration du réseau de transport du pays (ou le développement de moyens pour surmonter les contraintes transport, comme cela a été fait pour le projet mangues) sera également importante pour réduire les coûts des tanneries.

2.77. L’amélioration du crédit aux tanneries est une priorité essentielle. L’apparent manque de crédit des tanneries est une défaillance du marché qui devrait être immédiatement résolue car les tanneries jouent un rôle crucial dans la filière et elles souffrent d’un important manque à gagner du fait qu’une proportion élevée des peaux de

traitement à plus haute valeur ajoutée nécessiterait des investissements pour créer des stations de traitement des effluents (comme l’ont fait les tanneries éthiopiennes) et la création d’organismes d’analyse et de conseil pour surveiller la conformité aux normes européennes. 104 Les articles en cuir produits localement utilisent des peaux tannées par une méthode traditionnelle avec des végétaux et non par un procédé chimique (tannage au chrome). De ce fait ces articles en cuir ne conviennent pas pour l’exportation ou l’utilisation comme vêtements ou objets personnels à cause de leur odeur et de l’instabilité des colorants. 105 Une politique de tarification électrique plus compétitive est nécessaire. Réduire le coût du courant bénéficierait au sous-secteur du tannage, pour lequel la consommation de courant est un poste important.

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mouton à forte valeur leur échappe. Les actions ciblées pour résoudre ce problème pourraient inclure la mise en place de mécanismes de financement des exportations pour aider les tanneries à supporter le délai entre l’expédition des peaux et la réception de leur paiement et pourrait leur permettre de traiter une plus grande proportion de peaux jusqu’au stade à plus forte valeur ajoutée de la croûte. Parmi les autres actions, il pourrait y avoir une implication de la SFI, une aide de donateurs pour trouver des partenaires étrangers appropriés ou la mise en place d’autres types de crédit. Mais, si les contraintes de financement sont du côté de la demande, des améliorations de le qualité du produit et de son aptitude à être commercialisé constitueront une première étape pour accéder à des financements du système bancaire.

Encadré 2.6 : Caractéristiques du secteur des cuirs et peaux du Mali Les peaux : L’importante population d’éleveurs du Mali est la partie la plus forte de la filière cuir. Malgré cet avantage comparatif, la compétitivité de ce secteur est réduite par la mauvaise qualité des peaux résultant des marquages des bovins qui endommagent leur peau ; en outre les peaux de chèvres et de moutons sont endommagées par l’usage d’outils rudimentaires dans des abattoirs primitifs. Le pourcentage des peaux acceptées est très inférieur aux normes continentales. L’offre de peaux convenant au tannage est donc réduite. En outre, le faible taux de peaux acceptées entraîne un coût d’opportunité élevé : si ce sous-secteur fonctionnait au niveau des coefficients internationaux, le pays disposerait de trois fois plus de peaux de bovins, près d’un tiers de plus de peaux de moutons et quatre fois plus de peaux de chèvres pour le tannage ; mais comme il n’y a pratiquement pas de lien en amont entre les tanneries et les éleveurs, aucune information ne remonte concernant les besoins en termes de qualité. Les tanneries : Deux tanneries fonctionnent au Mali, exploitant des équipements vieux de plus de 10 ans (et qui n’étaient pas neufs quand ils ont été installés !) et avec un taux d’utilisation de capacité de seulement 22 %. Malgré ce bas taux d’utilisation, les liens amont entre tanneries et éleveurs sont si faibles que seulement 25 % des peaux maliennes sont vendues sur le marché pour les tanneries – le reste, c’est-à-dire les trois quarts, est vendu sur le marché intérieur ou international comme peaux séchées, sans valeur ajoutée. La totalité de la production des tanneries est exportée (surtout vers l’Espagne), de sorte qu’il n’y a pas de lien aval entre les tanneries et les fabricants locaux d’articles en cuir. Si le cuir tanné a une plus forte valeur ajoutée que la plupart des peaux vendues localement, le cuir produit ne dépasse pas le stade semi-fini (la « croûte ») et une partie importante des peaux exportées n’est même pas traitée au-delà du stade « chrome humide ». Le manque à gagner est important : le prix tiré de la vente est presque triple lorsqu’une peau de mouton passe du stade brut au stade chrome-humide. De même à chaque étape ultérieure du traitement au-delà du stade chrome-humide, le revenu supplémentaire tiré des traitements supplémentaires double presque le prix du cuir. En conséquence, la différence de prix entre une peau brute et une croûte semi-finie est un multiple de quatre pour les peaux de mouton et presque de trois pour les peaux de chèvres. À l’évidence, les tanneries ont une forte incitation à produire plus de peaux tannées ; cette incitation est accrue par le fait qu’un conteneur d’expédition standard peut contenir cinq fois plus de croûtes que de peaux chrome-humide, ce qui réduit les coûts unitaires de transport. Pourtant 50 % seulement de la production des tanneries du Mali est vendu sous la forme de croûtes, 50 % étant vendus au stade chrome-humide, largement du fait de distorsions dues au marché et à la politique suivie. Les fabricants d’articles en cuir : Il n’y a pas de secteur officiel des articles en cuir. La plupart des producteurs sont des particuliers ou de petits ateliers, qui souvent fabriquent divers produits. Comme on l’a noté, les articles en cuir locaux sont faits en utilisant du cuir traditionnel tanné avec des végétaux ce qui le rend impropre pour la fabrication de vêtements ou de sacs du fait de son odeur et de la disparition progressive de la teinture. Il y a peut-être cinq PME qui vendent des articles en cuir maliens sur les marchés internationaux, mais elles offrent tout un éventail de produits maliens et de ce fait n’ont pas de lien direct avec les marchés internationaux des articles en cuir.

Le secteur des articles artisanaux

2.78. Le Mali possède un secteur artisanal culturellement riche. Outre les articles en cuir évoqués plus haut, les articles artisanaux comportent des articles en tissu, des bijoux, des sculptures et des poteries. En outre, environ 30 à 40 % de la main d’œuvre est employée dans le secteur des articles artisanaux, qui pourrait représenter de l’ordre de 15 à 20 % du PIB. Mia Mali a réussi à exporter divers articles et des textiles maliens traditionnels (tels que des bogolans filés, tissés et teints à la main) en petites quantités aux États-Unis et en Europe. Vu la capacité du secteur à créer des emplois avec un capital minime, les politiques pour favoriser le développement de l’artisanat peuvent avoir un effet important sur la pauvreté, notamment dans les zones rurales.106 Pour 106 Le Centre national de promotion de l’artisanat (CNPA) estime que 40 % des personnes actives sont enregistrées comme artisans à plein temps (80 % dans les zones rurales), mais on manque de données exactes sur ce secteur, notamment dans les zones rurales.

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l’instant, cependant, ce secteur est éclaté entre une multitude de petits fabricants ; il n’y a pas de liens en amont avec les sociétés textiles ou les tanneries du Mali, ce qui réduit les possibilités de créer de la valeur ajoutée. Comme on l’a vu dans la section sur les contraintes, les exportateurs supportent un certain nombre de taxes.

2.79. La fragmentation du secteur et ses faiblesses appellent une assistance technique concrète à tous les stades de la filière.107 La compétitivité à l’export des articles artisanaux maliens souffre d’un certain nombre de difficultés indépendantes des prix, notamment les délais de livraison, la qualité et l’emballage des produits, le manque de financements et l’incapacité à respecter des spécifications et des normes de produit. Comme on l’a vu dans l’étude des réussites, produire un article de qualité en temps voulu est un facteur crucial et les faiblesses sur ce plan devraient être redressées. Comme pour le secteur de l’habillement, il faudrait créer des liens amont entre les sociétés textiles et les producteurs de tissus traditionnels. Bien que le Mali soit un grand producteur de coton, la plupart des matières premières utilisées dans la fabrication du tissu bogolan, par exemple, (teinture, doublure de coton et fil) sont importées. Il n’y pas de liens amont avec les producteurs locaux de coton ou de fil.

2.80. Supprimer la taxe de fait sur l’exportation des articles artisanaux améliorera la compétitivité des exportateurs. En outre, qui peut penser que cette taxe dissuade la contrebande, puisque, par nature, cette dernière se situe en dehors du système des contrôles officiels. Le Mali a supprimé les taxes à l’export sur les autres biens en 1990 et cette initiative serait cohérente avec la libéralisation déjà réalisée. Les exportations d’articles artisanaux ne représentant pas un gros volume, la conséquence sur les recettes de l’État de ce changement ne sera pas importante alors que les avantages pour les exportateurs le seront.108

2.81. Réduire les droits d’importation sur la cire pour la teinture du bazin permettrait d’abaisser les coûts de fabrication des produits en coton utilisant ce tissu. Cette cire importée est utilisée par les entreprises textiles ou de teinture et devrait donc être considérée comme un bien intermédiaire (et non comme un bien de consommation) et donc supporter un droit de seulement 10 %. Cependant, cette réduction peut avoir un effet important sur les recettes de l’État, car ce produit est la plus importante importation non alimentaire du Mali ; en conséquence, le coût fiscal de cette décision devrait être soigneusement pesé par rapport au gain pour le secteur.

2.82. Il faudrait un programme de financement de la production et de l’exportation. Les petits producteurs (qu’ils soient de mangues ou d’articles artisanaux) n’ont généralement pas accès au crédit officiel. Il faudrait donc un système de crédit spécialisé pour soutenir leur développement.109 Comme dans tous les autres secteurs, si le mauvais accès au crédit est imputable à la demande, il faudrait s’efforcer de renforcer

107 Cette évaluation est soutenue par le projet Action pour l’Entreprise qui a choisi des artisans maliens leaders et fourni une assistance concrète en matière de commercialisation, de production et de conception. Grâce à ce projet, un certain nombre d’articles maliens – notamment à base de bazin– ont été bien accueillis à une foire spécialisée artisanat à New York. Néanmoins, l’étude a souligné les problèmes que les entreprises maliennes rencontrent pour produire des articles de qualité constante ou terminés en temps voulu et montre les besoins de formation et d’autres ressources qui devront être satisfaits si l’on veut surmonter les faiblesses autres que les prix qui caractérisent les entreprises maliennes. Nathan-MSI Group. 108 La taxe à l’exportation est parfois appelée la « Taxe musée » parce que l’on pense que ses produits sont utilisés pour financer le musée national. S’il en est ainsi, il faudra trouver d’autres sources de financement pour le musée si l’on veut éliminer cette taxe. 109 Le projet Action pour l’Entreprise a constaté que les exportateurs/producteurs maliens soutenus par le projet a demandé une avance de 50 % aux acheteurs internationaux pour financer les coûts de lancement pour l’achat des fournitures et matériaux et organiser la production.

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la production et la commercialisation pour réduire le risque (du point de vue des banques) des prêts au secteur.

2.83. Enfin, une des meilleures façons d’encourager le développement du secteur des articles artisanaux est de développer le tourisme. Mia Mali a démontré que l’on peut créer des liens entre tous les stades d’une filière et surmonter les obstacles, lorsqu’il existe un bon catalyseur ayant des capacités de design et des liens avec le marché. Jusqu’à ce qu’un catalyseur soit identifié ou suscité pour ce secteur, la meilleure façon, peut-être, d’encourage le secteur des articles artisanaux est de permettre au Mali d’attirer un grand nombre de touristes et ainsi d’amener le marché jusqu’au Mali.

• Il faudrait identifier et établir un catalyseur et une structure de soutien. Contrairement au projet mangues, où il y avait un acteur central identifiable jouant le rôle de catalyseur (l’APROFA), ou à Mia Mali qui est entraîné par un entrepreneur, ou aux sociétés minières d’or qui vendent une matière première connue et uniforme et qui sont intégrées au marché international, il n’y a pas de catalyseur évident dans ces autres secteurs pour relier activement les segments du marché.

• Il faudrait une démarche au niveau de la filière. C’est crucial pour permettre l’identification des problèmes et des contraintes spécifiques aux produits et l’élaboration de solutions pour surmonter ces obstacles.

E. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

2.84. Le développement du secteur industriel au Mali est actuellement gêné par le cadre d’incitation qui est favorable mais insuffisamment efficace ; la faiblesse des infrastructures et des services de facilitation du commerce ; la faiblesse de la productivité, de la gestion et du financement et le climat des affaires. Ces facteurs dissuadent l’investissement (tant intérieur qu’étranger) et le développement du secteur privé et par conséquent ont un effet défavorable sur la croissance.110 Pour établir des conditions favorable à une croissance industrielle plus rapide, le Mali devrait adopter une démarche à plusieurs aspects : (i) améliorer le cadre d’incitation en réduisant le poids de la fiscalité et des droits de douane pesant sur les entreprises, supprimer les taxes sur les exportations et éliminer les barrières non tarifaires ; (ii) renforcer l’organisation et la gestion des entreprises au moyen d’une démarche intégrée au niveau des filières, attirant de l’IDE ou d’autres catalyseurs ; (iii) engager des réformes orientées marché pour réduire le coût des infrastructures, des services de facilitation et des services financiers et en améliorer la qualité ; (iv) renforcer le climat des affaires et de l’investissement, notamment en réformant les marchés fonciers et (v) renforcer la productivité et les perspectives de croissance du secteur de l’or en adoptant un Code pour les mines à petite échelle et en modifiant le Code minier officiel pour encourager le développement des activités d’exploration et de développement.

2.85. D’abord, la politique publique encourageant la croissance des secteurs ou sous-secteurs prometteurs devrait être équitable et ne devrait pas s’appuyer sur des programmes d’incitations fiscales pour encourager le développement des industries à 110 Les données internationales utilisant des valeurs représentatives de la qualité du climat de l’investissement confirment le lien entre celui-ci et l’investissement privé. WDR, 2005, p. 26. Morisset (2000) a par ailleurs observé que « seul un effort soutenu » pour améliorer le climat des affaires au Mali permettra au pays de continuer à y attirer des investissements étrangers.

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fort potentiel. L’utilisation d’exemptions fiscales et de subventions accroît les distorsions dans l’économie, réduit les recettes fiscales et donc les ressources disponibles pour la réduction de la pauvreté. En outre, les difficultés rencontrées par les gouvernements qui tentent de choisir des « vainqueurs » sont multiples et lorsque ces politiques se veulent sélectives, il est difficile pour les gouvernements de savoir quand il faudrait y mettre fin. Une politique de faible taxation également répartie, ou de détaxations liées au résultat permet aux investisseurs privés d’évaluer les domaines les plus rentables, avec un effet sur les recettes publiques plus prévisible. Cette conclusion est soutenue par l’évaluation des filières. Une politique révisée d’investissement ou de plus grandes incitations auraient peu d’effet sur les contraintes qui affectent actuellement ces secteurs, mais auraient d’importants effets défavorables pour l’État. Enfin, l’ECI a montré que la corruption demeure un problème au Mali dans les secteurs public et privé. Pour éviter des interventions sélectives, le Mali devrait éviter d’ouvrir de nouvelles portes à la recherche de rentes.111

2.86. Ensuite, il faudrait intensifier les efforts pour attirer l’IDE, au moyen d’un programme de privatisation plus vigoureux et des efforts de promotion de l’investissement très ciblés. Les avantages de l’IDE sont bien établis. Il faudrait aussi noter que la plupart sinon tous les pays qui sont devenus des exportateurs accomplis (entre autres Maurice, le Costa Rica, le Chili, le Kenya et le Bangladesh) y sont parvenus grâce à des investissements étrangers, au moins au départ. Vu la faible compétitivité à l’export des entreprises maliennes, l’attraction d’IDE peut aussi être le moyen le plus rapide pour le Mali de profiter des possibilités d’investissement résultant des accords commerciaux préférentiels tels que l’AGOA avec les États-Unis et que ‘Tout sauf des armes’ de l’UE.

2.87. Troisièmement, il faudrait réaliser les conditions d’un renforcement des infrastructures et des services des finances et du transit. Des mesures spécifiques sont présentées dans les Chapitres 3, 4 et 5.

2.88. Enfin, le Gouvernement devrait donner la priorité à l’amélioration de l’environnement concret de l’investissement et des entreprises de façon à encourager l’investissement privé. La situation du Mali, pays enclavé, lui donnera toujours un léger désavantage compétitif, de sorte qu’il incombe au Gouvernement d’améliorer le climat de l’investissement le plus possible pour compenser cet inconvénient. Les avantages de cette démarche sont multiples : l’amélioration du climat de l’investissement bénéficie également à tous les secteurs, notamment aux activités de transformation et à l’agro-industrie ; aux micro, aux petites, aux moyennes et aux grandes entreprises ; aux entreprises locales comme aux investisseurs étrangers, aux entreprises exportatrices comme à celles qui travaillent pour le marché intérieur. Elle a des effets positifs au plan macroéconomique, au plan budgétaire et au plan de la productivité, et une réduction des barrières à l’entrée pourrait faciliter le passage de PME au secteur formel.

111 Noland et Pack (2003) indique que l’une des carences dans la littérature favorable à des politiques industrielles sélectives est la possibilité de comportement de recherche de rente par des entreprises et des décideurs politiques intéressés à eux-mêmes, et la dégradation concomitante de la politique.

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3. L’ACCES AUX SERVICES FINANCIERS112

3.1. Les réformes de ces dernières années ont contribué à un certain développement et renforcement du secteur financier malien, qui est globalement sain. Deux indicateurs clé du secteur financier — le ratio masse monétaire large sur PIB et le ratio crédit intérieur au secteur privé sur PIB — ont progressé ces 15 années passées et, récemment, de nouveaux établissements financiers (plusieurs banques et établissements de microfinance et une bourse régionale) ont été créés. Toutefois, certaines banques ont des difficultés et le secteur dans son ensemble reste fragile. Qui plus est, le secteur n’offre pas à de larges segments de la population les services dont ils ont besoin, il est insuffisamment tourné vers les besoins des pauvres et enfin il n’est pas bien positionné pour contribuer à la croissance.

A. LES EFFETS SUR LE SECTEUR FINANCIER DES REFORMES ACCOMPLIES

3.2. Le lien entre la croissance économique et le développement du secteur financier ––comprenant surtout les banques commerciales, les établissements financiers non bancaires (ou quasi-banques) et les établissements de microfinance (EMF) –– est bien établi par la recherche. Certains auteurs ont affiné leur méthode pour distinguer l’effet sur la croissance économique selon que le niveau de développement du secteur financier est bas, moyen ou élevé (Rioja et Valev, 2003a). Dans le premier cas –– faible développement du secteur financier –– ce dernier (surtout des banques commerciales, des quasi-banques et des EMF) n’a qu’un petit effet positif sur la croissance ; c’est dans le second cas surtout qu’il a une forte contribution à la croissance ; enfin, dans le troisième cas, il garde un effet positif, mais décroissant. Le Mali se trouve probablement dans le premier cas. Cela ne signifie pas pour autant que le développement de son secteur financier n’est pas important. Un développement plus rapide de celui-ci aiderait le Mali à se retrouver dans le second cas où le secteur financier a un important effet sur la croissance. Vu que le Mali se trouve à un stade précoce de développement, l’effet sur la croissance du développement du secteur financier se ferait par investissement et accumulation de capital,113 ce qui correspond au besoin spécifique de croissance du Mali, comme on l’a vu au 1er chapitre du Volume 1.

3.3. L’absence d’effet du secteur financier sur la croissance dans les pays se trouvant dans le premier cas s’explique par les raisons suivantes : (a) indivisibilité de grands projets ayant un fort taux de rentabilité qui ont besoin d’une taille minimale du secteur financier pour être suffisamment financés ; (b) difficulté de syndiquer les risques et la liquidité dans un secteur financier peu développé et (c) absence d’expertise dans l’étude des demandes de prêts, ce qui s’acquiert par la pratique. Comme on le verra, le secteur financier malien est encore trop petit pour mettre en commun les liquidités et les risques et il souffre de manque d’expertise.

3.4. Un plus rapide développement du secteur financier permettrait de faire passer le Mali dans une catégorie de développement intermédiaire, où le secteur financier produirait un effet important sur l’investissement et donc sur la croissance. En outre, les chefs d’entreprises voient le manque d’accès au crédit comme une contrainte majeure, ce qui montre que le secteur financier est un important contributeur au développement du secteur privé et à la 112 Basé sur le document de fond rédigé par André Ryba. 113 Rioja et Valev (2003b) indiquent en outre que le développement du secteur financier génère de la croissance différemment selon le niveau de développement du pays. Pour des pays au premier stade de développement comme le Mali, le développement du secteur financier stimule la croissance en facilitant l’investissement et l’accumulation de capital, alors que dans les pays développés le développement du secteur financier favorise la croissance en permettant des gains de productivité.

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Mali Cote d'Ivoire Sub-Saharan Africa

croissance économique. Un développement plus rapide du secteur financier permettrait d’accélérer la croissance du Mali, peut-être même au-dessus des 5 % croissance moyenne réelle connus au cours de la dernière décennie. Si, par contre, le secteur financier ne joue pas un rôle accru, il est improbable que le pays atteigne le taux de croissance élevé nécessaire pour atteindre l’objectif fixé de réduction de la pauvreté.

3.5. Les réformes de ces dernières années ont permis un certain développement et renforcement du secteur financier du Mali. Deux indicateurs—le ratio masse monétaire au sens large (M2) sur PIB et le ratio crédit intérieur au secteur privé sur PIB—mesurent la profondeur du secteur financier. Sur la base de ces indicateurs, le Mali se comporte bien par rapport à d’autres pays de l’UEMOA, mais il est en-dessous de la moyenne de l’AfSS, de certains pays en développement du Sud Est asiatique, de l’Amérique latine et bien sûr, des pays développés. Le ratio M2/PIB est de 27 % au Mali, 37 % au Chili, 41 % en Bolivie, 51 % in Indonésie, 55 % au Vietnam, 65 % in Canada, 67 % aux États-Unis, 94 % en Thaïlande et 175 % en Chine. Au Mali, ce ratio a progressé avec le temps, s’élevant au-dessus de la moyenne de l’UEMOA mais restant bien au-dessous de la moyenne de l’AfSS (Graphique 3.1). La situation est similaire pour le ratio crédit intérieur privé sur PIB (Graphique 3.2), ce qui indique que le Mali a encore du chemin à parcourir avant de pouvoir maximiser la contribution de son secteur financier à sa croissance.

Graphique 3.1 : Masse monétaire large sur PIB (M2/PIB), 1980–2004

Graphique 3.2 : Crédit intérieur au secteur privé sur PIB, 1980-2004

Source : Calculs des services basés sur les données des Indicateurs du développement dans le monde.

Source : Calculs des services basés sur les données des Indicateurs du développement dans le monde.

B. LES BANQUES ET ETABLISSEMENTS DE CREDIT

3.6. Il y a douze banques en activité au Mali, y compris une banque agricole, la Banque nationale de développement agricole (BNDA), une banque immobilière, la Banque de l’Habitat du Mali (BHM) et deux banques qui financent les MPME et des établissements de microfinance, la Banque malienne de solidarité(BMS) et la Banque régionale de solidarité (BRS). La Banque atlantique, qui a établi son siège à Lomé et créé des filiales dans la plupart des pays de l’UMOA, est la dernière venue. Fin 2004, l’encours du crédit des banques se chiffrait à 488 milliards de FCFA ; tandis que les dépôts se chiffraient à 619 milliards de FCFA.

3.7. La part du Mali dans les avoirs et les dépôts des banques de l’ensemble de l’UEMOA est d’environ 13 % et elle est de 14 % dans les crédits, soit un peu plus que sa part dans le PIB de la région (Tableau 3.1). Le Mali est à peu près dans la moyenne de l’UEMOA en termes de développement du secteur bancaire. La part du Sénégal dans les avoirs, les dépôts et les crédits des banques est un peu supérieure à sa part dans le PIB, ce qui

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montre un développement comparativement plus important de son secteur financier, alors que la part du Niger est très inférieure à la moyenne.

Tableau 3.1 : Avoirs, dépôts et crédits des banques, par pays, 2003 (en % des pays de l’UEMOA)

Pays Actifs bancaires Dépôts en banque Crédits bancaires PIB Côte d’Ivoire 37 32 36 37 Sénégal 22 25 23 18 Mali 13 13 14 12 Bénin 10 10 9 9 Burkina 10 11 10 11 Togo 5 6 5 5 Niger 3 3 2 7 Guinée-Bissau 0 ND ND ND

Note : ND signifie non disponible. Source : Rapport de la Commission bancaire, 2004 et Site web de la BCEAO

3.8. Le Mali a aussi quatre établissements de crédit : Crédit Initiative, Equipbail-Mali, la Société malienne de financement (SOMAFI) et le Fonds de garantie hypothécaire du Mali (FGHM). Crédit Initiative vise le marché des PME, Equipbail et SOMAFI offre du crédit-bail pour les équipements et FGHM garantit des prêts au logement. Ces établissements sont beaucoup plus petits que les banques : le total de leurs actifs ne représentent que 1,4 % de l’ensemble des actifs bancaires.

Un secteur de la microfinance en expansion

3.9. En mobilisant l’épargne des MPME et de clients ruraux et en leur accordant des crédits, les EMF contribuent fortement au développement économique, à une croissance partagée et à la réduction de la pauvreté. Vu l’importance des MPME et du secteur rural dans l’économie malienne, les EMF, qui ont des liens étroits avec elles et sont implantées dans les zones rurales, pourraient et devraient jouer un rôle crucial au Mali.

3.10. Le Mali a 480 EMF, regroupés en 26 réseaux, qui ont un total de 648 342 adhérents. Il y a trois grands types d’EMF : (a) les Caisses mutuelles d’épargne et de crédit (les mutuelles), qui sont les plus importantes en termes d’avoirs totaux ; (b) les Caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées (les CVECA) et (c) les établissements ne faisant que du crédit (crédit de solidarité). Le secteur est dominé par les mutuelles, qui ont 69 % des clients du secteur et représentent plus de 80 % du total des dépôts et de l’encours des prêts (Tableau 3.2). La croissance de ce secteur au Mali a été tirée largement par les mutuelles (Graphique 3.3). Les CVECA arrivent loin derrière, suivies par les établissements de crédit de solidarité.

Tableau 3.2 : Types d’établissements de microfinance au Mali (au 31 décembre 2004)

Clients/adhérents Dépôts Encours des prêts EMF par types Nombre Part M FCFA Part M FCFA Part % des PI

Mutuelles 449.313 69,3 24.514 88,7 28.094 81,4 7,5 CVECA 125.602 19,4 1.470 5,3 3.305 9,6 4,1 Solidarité crédit 72.732 11,2 1.495 5,4 2.948 8,5 4,3 Azouad Finances plca 695 0,1 162 0,6 179 0,5 6,3 Total 648.342 100 27.641 100 34.525 100 6,9 Notes : a. Azouad Finances plc a été créé en 2002, sous la forme d’une société anonyme par actions, ou plc. Source : CAS/SFD.

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Graphique 3.3 : Encours des prêts du secteur de la microfinance, 1999-2003

Source: Rouchy and Gourvez (2003).Source : Rouchy et Gourvez (2003).

3.11. Malgré leur petite part de marché, les EMF ont un plus fort taux de pénétration de l’économie que les banques. Avec 648.342 clients à la fin 2004, ils ont une clientèle beaucoup plus importante que les banques commerciales. Un adulte (personne de plus de 15 ans) sur six au Mali est adhérent ou client d’un EMF, tandis que, fin 2003, il n’y avait que 359.049 comptes bancaires au Mali. Or, comme une entreprise ou un particulier peut avoir plusieurs comptes, le nombre de leurs clients est même inférieur. Les EMF offrent de petits prêts aux ménages à bas revenu et aux petites entreprises, le montant du prêt moyen allant de 30.000 FCFA (CVECA du Pays Dogon) à 872.000 FCFA (Jigiyaso Ba). Comme ils s’intéressent aux ménages à bas revenu et aux petites entreprises et que leurs prêts sont de faible montant, le volume de l’encours de crédit des EMF ne représente que 6 % de celui du secteur bancaire (en 2003).

Un marché des capitaux naissant

3.12. La bourse régionale de l’UMOA a commencé son activité en 1998. Elle a hérité, de l’ancienne Bourse d’Abidjan, de la plupart des actions et obligations qu’elle cote. Elle a des antennes dans chaque pays membre de l’UMOA, y compris au Mali (à Bamako, où la bourse est hébergées par la Chambre de Commerce). La bourse est régulée par le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF). Le Mali a procédé a seulement deux émissions d’obligations jusqu’ici, soit des titres de la BNDA et la BHM. La BNDA a elle-même cherché 3,5 milliards de FCFA sur le marché, a reçu des offres pour un total de 7 milliards de FCFA, mais en est restée à sa demande initiale de 3,5 milliards. La BHM, elle, a demandé 5 milliards de FCFA et reçu des offres pour 9,3 milliards de FCFA, qu’elle a acceptées.

3.13. Des sociétés maliennes, essentiellement des banques et des compagnies d’assurance, sont investisseurs sur le marché régional.114 Actuellement elles détiennent environ 29 milliards de FCFA d’obligations et 1 milliard de FCFA d’actions.115 Seulement 4,3 % du total des placements maliens en obligations sont placés sur des titres nationaux. Un total de 27 milliards de FCFA de ressources à long terme, qui auraient pu 114 On peut se demander pourquoi les banques placent sur le marché obligataire alors qu’elles se plaignent du manqué de ressources à long terme et n’offrent pas assez de ressources à long terme à leurs clients. Le montant placé sur le marché, 20 milliards de FCFA, est très petit compare à l’encours total de crédit et fait partie d’une saine diversification du portefeuille des banques. 115 Les obligations détenues se répartissent comme suit : BOAD - 15 milliards FCFA ; État ivoirien - 9 milliards de FCFA ; Compagnie d’électricité du Bénin - 3 milliards de FCFA ; Compagnie d’électricité du Togo - 127 millions de FCFA ; BHM - 606 millions de FCFA ; BNDA - 621 millions de FCFA ; et Burkina Faso - 80 millions de FCFA.

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MutuellesCrédit solidarité CVECAAutres

Total

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être placés au Mali, ont été investis dans d’autres pays de l’UEMOA. Les banques sont réticentes à placer leur argent en titres d’autres banques maliennes, qu’elles voient comme des concurrentes. Leur attitude est probablement différente à l’égard d’entreprises industrielles et commerciales. Amener ces entreprises au marché financier contribuerait au réinvestissement de fonds à long terme mobilisés au Mali.

Une régulation et une supervision régionales adéquates

3.14. Les banques et établissements de crédit sont régulés et supervisés au niveau régional par la BCEAO et la Commission bancaire. La régulation et la supervision de la microfinance, qui devraient être renforcées, sont partagées entre la BCEAO et le ministère des Finance. Les marchés des capitaux sont régulés et supervisées au niveau régional par le CREPMF. S’il faudrait quelques changements dans la réglementation bancaire (voir plus loin, notamment suppression du ratio de structure du portefeuille, augmentation du niveau des fonds à court terme pouvant être transformés en crédits à long terme, renforcement de la norme de division des risques), la supervision par la Commission bancaire régionale est considérée comme adéquate.116 Toutefois, la supervision régionale serait plus effective si la Commission avait le pouvoir de mettre une banque sous administration provisoire ou de lui retirer son agrément. Actuellement, ces deux mesures requièrent la signature du ministre des Finances.

C. LA FRAGILITE DU SECTEUR

La solvabilité du secteur financier

3.15. Le système bancaire est sain, mais il souffre de quelques faiblesses sérieuses. Certaines banques ne respectent pas des ratios prudentiels ; plusieurs banques souffrent de faiblesses internes : une, la BHM, a de sérieux problèmes de liquidité et enfin le niveau global des prêts improductifs (PI) du secteur bancaire est élevé.

3.16. Quelques banques ont du mal à respecter certains ratios prudentiels. À la fin 2004, 8 des 10 banques satisfaisaient le ratio de solvabilité de 8 %, une amélioration par rapport à l’année précédente où seulement 5 sur 9 le respectaient. Le ratio de liquidité est respecté par 7 banques sur 10, une amélioration par rapport à 2003. Aucune banque ne respecte le ratio de structure du portefeuille, qui exige que 60 % du portefeuille de prêts soit composé de crédits bénéficiant d’un accord de classement par la BCEAO, la banque centrale. Ce problème affecte tous les pays de l’UMOA et de la CEMAC dans lesquels cette norme prudentielle est en vigueur. Selon cette norme, les banques commerciales doivent soumettre des informations financières sur leurs clients. Or, souvent, ces informations ne sont pas disponibles, ou pas disponibles sous la forme demandée par la BCEAO. Cette norme constitue un dilemme. Plus le ratio est élevé, meilleure est la qualité du portefeuille de la banque, mais le respect de la norme obligerait les banques commerciales à réduire leurs prêts à probablement plus de la moitié de leurs emprunteurs actuels. Il est donc suggéré que ce ratio soit supprimé en tant que norme prudentielle pour devenir un simple facteur dans le système de notation des banques commerciales qui devrait être prochaine adoptée par la BCEAO.

3.17. Plusieurs banques souffrent de faiblesses internes, notamment absence de procédures adéquates, de contrôles internes, de systèmes information gestion (SIG), de plan d’affaires et de compétence technique. Ces faiblesses affectent leur capacité de

116 Cela a été confirmé par le Programme d’évaluation du secteur financier (PESF) du Sénégal (mise à jour réalisée en 2004 et par la récente mission régionale Article IV du FMI.

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transformation de risques et de termes. Le renforcement des banques commerciales est en cours avec l’aide du Projet de développement du secteur financier (PDSF).

3.18. La Banque de l’habitat (BHM) connait de graves difficultés financières. Une récente évaluation de son portefeuille a constaté que 81 % de son portefeuille pourrait être considéré comme improductif et qu’elle devrait passer 24 milliards de FCFA de provisions. Elle a donc affiché une valeur nette négative de 16 milliards de FCFA à la fin décembre 2004. Cette contre-performance a résulté de mauvaises procédures de prêt (par exemple, pratique de l’octroi de prêts sans garanties à des promoteurs immobiliers, à un taux d’intérêt de 1 %) ; de l’absence de contrôles internes ; du manque de compréhension du marché de la promotion immobilière ; de l’inadéquation des échéances entre les ressources et les utilisations et d’autres facteurs. La BHM est également confrontée a une grave crise de liquidité et a appelé l’État à la rescousse à un certain nombre d’occasions. Sans assainissement de son bilan, la BHM ne pourrait plus continuer à jouer le rôle crucial quelle joue sur le marché du financement du logement et, de ce fait, la construction de logements pourrait se ralentir fortement étant donné l’absence générale de financement immobilier en dehors d’elle.

3.19. Un plan de restructuration a été élaboré pour cette banque, comportant une recapitalisation, une injection de liquidité (d’origine privée), une amélioration de la gestion de la trésorerie, l’adoption de meilleures procédures internes, la transformation de crédits promoteurs en crédits acquéreurs et d’autres réformes. Elle bénéficie d’une assistante technique (AT) massive dans le cadre du PDSF. Elle a été recapitalisée en octobre 2005, avec conversion de 21,8 milliards de FCFA de dépôts en actions et une injection de 500 millions de FCFA de trésorerie. Le Trésor a apporté 15,5 milliards de FCFA en dépôts, le reste étant venu d’entreprises publiques et de la caisse de sécurité sociale. Sa restructuration devrait être poursuivie et axée sur l’amélioration de la liquidité et le recouvrement des prêts improductifs.

3.20. Deux banques publiques (la BIM et la BDM) connaissent, elles aussi, des difficultés. Selon un rapport de la Commission bancaire, la BIM-SA, qui ne respecte pas le ratio de solvabilité de 8 %, a accumulé de nouvelles créances irrécouvrables depuis sa sortie d’administration provisoire en été 2004. Le nouveau provisionnement exigé la mettrait dans une situation nette négative, ce qui renforce la nécessité de procéder rapidement à sa privatisation pour éviter une nouvelle détérioration de son portefeuille et de sa situation financière. La Commission bancaire a demandé à la BDM de passer des provisions supplémentaires pour de vieilles créances improductives. Ces nouvelles provisions résulteraient une situation nette négative et montrent la nécessité où elle est d’assainir son portefeuille de prêts improductifs (d’une façon que l’on verra plus loin).

3.21. Crédit Initiative est également confrontée à de sérieuses difficultés. Cet établissement a été mis sous administration provisoire en 1999 et, en mai 2003, il a cessé de prêter pour se consacrer au recouvrement de ses prêts. Il a été envisagé qu’il devienne un fonds de garantie au service des PME, avec l’aide de l’Union européenne, mais ce plan ne s’est pas encore concrétisé (juin 2006).

3.22. Les banques du Mali portent un lourd pourcentage de créances improductives (CI) (Tableau 3.3). Fin 2004, 19,4 % de l’encours brut des prêts était improductif — pourcentage beaucoup plus élevé qu’au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal. On estime que le volume total de CI du Mali était de 133 milliards de FCFA fin 2004.117 Or, nourrir un

117 Estimation tirée d’une évaluation effectuée par PKF (2005).

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portefeuille de CI est coûteux et oblige les banques à accroître leurs marges, ce qui contribue à la hausse du coût des fonds empruntés et est une source importante de plaintes du milieu des affaires (voir plus bas). Le nettoyage du portefeuille des banques commerciales est donc une priorité.

3.23. Le haut niveau des CI au Mali est dû à de nombreux facteurs qui contribuent à affaiblir l’octroi des prêts et leur recouvrement, comme cela a été noté dans un récent examen du portefeuille des banques commerciales demandé par le Gouvernement118. En dehors des difficultés financières de clients et de la mauvaise foi de certains, les raisons du haut niveau des CI au Mali sont les suivantes : (i) facteurs internes aux banques commerciales : (a) étude superficielle des demandes de prêts (axée sur l’obtention de garanties et non sur la capacité de l’emprunteur à rembourser), (b) surévaluation de la valeur de la garantie, (c) utilisation d’instruments de prêt inappropriés (par ex. octroi de découverts à des entrepreneurs de travaux publics), (d) absence d’un suivi adéquat des clients, (e) non enregistrement des garanties et (f) retards dans l’engagement d’actions contre les clients défaillants ; et, d’autre part, (ii) facteurs extérieurs aux banques qui contribuent à la difficulté de recouvrer les prêts : (a) faible valeur tirée de la réalisation des garanties saisies, (b) absence de marché pour la revente des garanties saisies et (c) dysfonctionnement du système judiciaire. En particulier, le processus de saisie et de réalisation des garanties est gêné par la déficience du cadre juridique.

Tableau 3.3 : Pourcentage des prêts improductifs au Mali et dans d’autres pays, 2001-04

Pays 2001 2002 2003 2004 Part du portefeuille brut improductif Bénin 11,8 12,1 10,3 11,3 Burkina Faso 12,7 11,1 12,4 13,3 Mali 20,9 19,5 15,6 19,3 Sénégal 16,7 16,4 14,0 13,2 Part du portefeuille net improductif Bénin 4,6 6,2 5,3 6,3 Burkina Faso 3,7 3,0 3,9 4,9 Mali 10,4 9,6 7,3 9,9 Sénégal 5,6 5,5 3,9 3,8 Notes : Ce tableau inclut les prêts accordés à des établissements financiers non bancaires. a. Les prêts improductifs bruts sont les prêts improductifs avant déduction des provisions spécifiques passées. C’est le meilleur indicateur de la qualité du portefeuille et du montant des prêts improductifs qui doivent être recouvrés. b. Les prêts improductifs nets (après déduction des provisions spécifiques) est le chiffre qui apparaît au bilan des banques. C’est un indicateur indirect du degré de provisionnement. Source : Rapports annuels 2003 et 2004 de la Commission bancaire UMOA.

3.24. Pour assainir le portefeuille des banques et améliorer l’accès au crédit, il faudrait renforcer la procédure de garantie. Une étude financée par le PDSF119 a mis en lumière les problèmes concernant la prise de garantie. Pour résoudre ces problèmes il faudrait modifier plusieurs lois et décrets (par ex. le Code domanial et foncier et le Code des procédures civile et commerciale). La procédure de mise en garantie devrait être renforcée, notamment pour les équipements professionnels et les textes législatifs nationaux devraient être actualisés et mis en cohérence avec l’Acte uniforme de l’OHADA sur l’organisation des sûretés. Dans un environnement comme celui du Mali où les emprunteurs possèdent rarement les garanties types (terrains, bâtiments), il faudrait trouver d’autres formes de garantie telles

118 PKF (2005). 119 Eversheds (2003 & 2005).

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que les récépissés d’entrepôt de produits à commercialiser120. Il faudrait développer ces récépissés (pour les petits emprunteurs et les exploitants agricoles) dans un cadre juridique approprié (c’est-à-dire avec une réglementation renforcée) pour éviter que ne se répètent les fraudes qui avaient marqué ce système au Mali dans le passé.

3.25. Le portage de prêts improductifs par les banques est coûteux et accroît les marges de taux d’intérêt. L’assainissement du portefeuille des banques commerciales est donc une priorité. La stratégie à utiliser impliquera les actionnaires et le Gouvernement. Il faudra du temps pour la mettre au point, car elle devra être validée par les actionnaires des banques. Le bureau d’études PKF recommande de créer une agence de recouvrement des CI et de leur substituer des titres d’État. En outre, pour éviter d’accumuler à nouveau des CI, les banques devront améliorer leur gestion et leurs procédures internes, notamment concernant l’octroi, le suivi et le recouvrement des prêts.

Actionnariat public, faible concurrence, faible productivité

3.26. Malgré la privatisation de certaines banques ces dernières années, le secteur bancaire se caractérise encore par un fort actionnariat public, qui contribue à la faiblesse des mécanismes de décision et à l’inefficience de l’activité. L’État malien reste le principal actionnaire de la Banque internationale du Mali (BIM), de la BHM et de la BNDA (Tableau 3.4). Ensemble, ces banques détiennent 38 % de tous les actifs bancaires (Tableau 3.5). L’État détient aussi une part du capital de la BDM et de la Banque Commerciale du Sahel (BCS), ce qui fait passer la part des avoirs bancaires des banques avec participation de l’Etat dans leur capital à 76 % du total. L’État n’est pas directement présent au capital de la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC), qui est détenue par les États membres de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). À présent, seulement 3 banques maliennes sont totalement privées (la Bank of Africa, Ecobank et la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Mali (BICIM)) ; elles ne représentent ensemble que 22 % du marché. L’État détient également des parts dans l’un des 4 établissements de crédit, le Crédit Initiative (Tableau 3.6).

3.27. Si la majorité du capital de la BMS est désormais détenu par des EMF, c’est à la demande du Gouvernement qui, en fait, conserve son influence sur la banque. Mais même si on la considérait comme privée, elle n’ajouterait que 1,7 % à la part de marché des trois banques privées. La BRS est un nouvel entrant sur le marché malien. Elle a commencé son activité à l’automne 2005.121 C’est une banque régionale, au capital de 24 milliards de FCFA. Les États de l’UMOA vont souscrire 10 % de son capital (le Tableau A5.3 donne des informations sur le groupe BRS). BRS Holding (dont le siège est à Niamey) aura une filiale dans chaque état de l’UMOA.

3.28. La participation de l’État au capital d’établissements financiers, notamment quand elle est importante, gêne leur développement et leur stabilité financière, parce que les décisions de gestion ne fondent pas sur une logique commerciale. De nombreux États africains en ont fait l’expérience, ce qui les a conduits presque tous à se désengager du capital des banques et des établissements de crédit. Au Mali, les graves difficultés connues par la banque de l’habitat (voir plus haut) et la récente hausse du poids des CI à la BIM

120 L’entreposage est le processus selon lequel des produits, notamment agricoles, sont stockés dans un entrepôt géré par un tiers. Les récépissés d’entreposage sont alors utilisés pour garantir des prêts bancaires. Lorsque le produit est vendu, la banque est remboursée avant la sortie des produits de l’entrepôt. Ces récépissés sont des garanties importantes lorsque d’autres, tels que des terrains, ne sont pas disponibles. Ils ouvrent la voie à un accès accru à des prêts de banques ou d’EMF. 121 L’existence à la fois de la BMS et d’une agence de la BRS au Mali est préoccupante, car les deux ont la même mission.

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montre que la présence de l’État dans le secteur constitue un handicap. Il est donc impératif que le désengagement de l’État malien du capital des banques soit relancé sérieusement.122

3.29. Le secteur bancaire du Mali est très concentré, ce qui freine le dynamisme du secteur. La Banque de Développement du Mali (BDM) est la plus grande banque du pays en termes d’actifs. Depuis sa fusion avec la Banque malienne de Crédit et de Dépôt (BMCD) en 2001, elle est l’une des 10 plus grandes banques de l’UMOA. En 2004, les avoirs de la BDM représentaient près de 34 % du total des avoirs du secteur bancaire malien (Tableau 3.6). La seconde banque malienne est la BNDA. La BDM et la BNDA sont les deux seules banques ayant chacune un réseau de succursales couvrant une grande partie du pays, qui, ensemble, représentent 65 % de toutes les succursales bancaires et près de 50 % du marché. Les trois premières banques représentent 61 % des avoirs bancaires.

Tableau 3.4 : Actionnariat des banques au Mali (à la fin décembre 2005) Banque Année de création Actionnaires Part du capital BDM-SA 1968 Gouvernement

BCEAO BOAD BMCE Particuliers maliens

22 16 16 21 25

BIM-SA 1980 Gouvernement Particuliers maliens

62 38

BNDA 1981 Gouvernement BCEAO AFD DEG

40 18 22 20

BOA-Mali 1982 Fond africain UNIFIDA BOA-Bénin Proparco Particuliers maliens

30 7 3 3

57 BCS-SA 1982 Gouvernement

A.F. Bank, libyenne Particuliers maliens

3 96 1

BHM-SA 1991 Gouvernement et affiliés BIM-SA Compagnies d’assurance Autres agents privés maliens

65a 3 6

26 Ecobank-Mali 1998 Ecobank Transnational

Ecobank Togo Ecobank Benin

52 18 30

BICIM 1998 BNP BMCI (Mauritanie) Particuliers maliens

70 15 15

BMS-SA 2002 PMU-Mali Kafo Jiginew Nyesigiso Kondo Jigima CANEF Autre EMF et Groupe d’intérêt économique

20 15 15 9 7

34 BSIC-Mali 2004 CEN-SAD pays 100 BRS-Mali 2005 BRS holdingb 100 Notes : a. Depuis la recapitalisation de la BHM, l’État et des affiliés détient près de 100 % de son capital, l’État seul en détenant près de 80 % ; b. Détenu par le Fonds d’Action communautaire de l’UEMOA (FAC-UEMOA), les huit pays membres et certains établissements de microfinance. Source : Rapports annuels des banques.

122 Le Gouvernement, dans le cadre des négociations du PDSF financé par la Banque mondiale s’est engagé à sortit totalement du capital des banques commerciales. Mais la privatisation de la BDM et de la BIM avance très lentement. Dans le cadre de la restructuration de la BHM, le Gouvernement. a fini par élever à 80 % sa participation au capital de cette banque.

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Tableau 3.5 : Avoirs bancaires au Mali, par établissement, 2004 Avoirs Bank En millions de FCFA Pourcent du total BDM 300.036 33,7 BNDA 137.956 15,5 BHM 104.538 11,8 BOA 92.522 10,4 BIM 92.084 10,4 Ecobank 62.200 7,0 BICIM 42.413 4,8 BCS 37.822 4,2 BMS 14.904 1,7 BSIC 4.540 0,5 Total 889.015 100,0

Note : La BRS ne figure pas dans ce tableau car elle n’a reçu son agrément bancaire qu’en 2005. Source : Rapport annuel 2004 de la Commission bancaire, UMOA.

Tableau 3.6 : Propriété des quasi-banques au Mali Établissement Création Actionnaires Part du capital Crédit Initiative

1995 Gouvernement BDM et BNDA CNAR Particuliers maliens B.E. Investissements

20 10 10 43 17

SOMAFI 1997 Particuliers maliens SAFCA SAFBAIL HODELPHI PROPARCO

45 19 5

21 10

EQUIPBAIL 1998 AFRICAN F.H. BOA EQUIPBAIL-BENIN Cauris investissement Particuliers maliens

59 13 10 18

FGHM 2000 Banques commerciales maliennes (BHM,BIM,BDM,BOA) Compagnies d’assurance (LAFIA,COLINA,CNAR, SONAVIE) AGETIPE-ACI-OMH Nyesigiso, Jemeni

39 24 28 9

Source : Rapports annuels. 3.30. La forte concentration entraîne un manque de concurrence et freine le développement du secteur. Le secteur bancaire malien est léthargique et semble satisfait de sa clientèle actuelle. Il ne cherche pas à s’étendre en visant des petits clients, par exemple, ou en offrant de nouveaux produits. Peu est fait pour recueillir des informations sur les emprunteurs, notamment les PME, ce qui pourrait accroître l’éventail de la clientèle. Les banquiers maliens se comportent guères comme des hommes d’affaires privés prenant des risques calculés pour accroître leurs bénéfices. Il faudrait de nouveaux entrants pour secouer ce secteur. La privatisation de la BIM pourrait être l’occasion d’apporter un sang neuf sur ce marché.

3.31. L’absence de concurrence bancaire au Mali peut être la cause de la faible croissance du crédit. Le volume total du crédit à l’économie en pourcentage du PIB a augmenté lentement entre 1998 et 2001 (Graphique 3.4). Sa croissance s’est accélérée entre 2001 et 2003, mais s’est ralentie à nouveau en 2004. Cette lente croissance du crédit peut être due à des difficultés à obtenir des informations sur les emprunteurs potentiels (un intrant important dans la « fonction production » des banques) et à la pénurie de projets et d’entreprises bancables. Des améliorations sur ces trois plans seraient souhaitables.

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3.32. La faiblesse de la concurrence aggrave l’effet des facteurs contribuant aux coûts d’exploitation élevés et donc à des taux d’intérêts. Les marges de taux d’intérêt pour les opérations avec la clientèle de 14 établissements (10 banques, sauf la BRS et 4 quasi-banques) étaient de 9,1 % en 2004—différence entre les 10,6 % facturés sur les prêts aux clients et le taux moyen de 1,5 % d’intérêt payé sur les dépôts des clients. Cette marge a légèrement baissé, car il était de 10,0 % un an auparavant. L’importance de la marge de taux est déterminée par le niveau des frais d’exploitation, le risque du portefeuille et l’importance relative des actifs improductifs. Pour réduire cette marge et donc le taux des prêts (pour un coût des ressources donné), il faudrait réduire les frais, le risque et le volume des avoirs improductifs. Les frais généraux sont élevés, comme le montre le ratio moyen de frais d’exploitation (frais généraux sur produit bancaire net) : 75 % en 2004 (contre 65 % en 2003), mais ces moyennes cachent de larges disparités entre établissements. Pour réduire les frais généraux il faudrait des mesures d’amélioration de la gestion, telles qu’une réduction du personnel et des dépenses non-salariales.

Graphique 3.4 : Crédit bancaire malien en pourcentage du PIB, 1998-2004

Source : Calculs de l’auteur basés sur le Bulletin de Conjoncture de la BCEAO, novembre 2004.

3.33. Facteur positif, l’UMOA connaît un développement des banques régionales qui sont en concurrence dans au moins sept pays de l’union. La BOA et Ecobank ont été les premières banques à mettre en œuvre une stratégie régionale. La Banque Atlantique, déjà présente dans un pays a récemment reçu son agrément dans cinq autres. La Compagnie bancaire de l'Afrique occidentale (CBAO), basée au Sénégal, cherche à acquérir des banques dans plusieurs pays. Avec les filiales des banques françaises, ces banques africaines accroissent fortement la concurrence au niveau régional, avec des effets positifs pour le Mali. Le Mali devrait ouvrir des portes à de nouveaux entrants, qu’il s’agisse de banques maliennes, régionales ou étrangères.

Les faiblesses sont identiques dans le secteur de la microfinance

3.34. Comme les banques, les établissements de microfinance (EMF) sont confrontés à un taux croissant de défaillance des emprunteurs. Les CI sont passés de 1,1 milliards de FCFA en 2002 (4,4 %) à 1,9 milliards de FCFA en 2003 (6,3 %), un haut niveau pour les EMF. Le pourcentage des CI est passé de 4,5 % à 6,7 % pour les mutuelles et de 2,3 % à 4,2 % pour les établissements de crédit de solidarité. La hausse des crédits non performants est particulièrement notable dans les zones urbaines. Dans une large mesure, elle est attribuable au non respect des procédures et à la faiblesse des efforts de recouvrement des prêts. Ce haut niveau des CI met en danger les établissements et réduit leur capacité de contribuer à la croissance.

Credit en % du PIB

0.00%

5.00%

10.00%

15.00%

20.00%

25.00%

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Credit en % du PIB

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3.35. La viabilité financière des EMF pose problème. Du fait de la forte augmentation des coûts (hausse de 19 % des frais généraux et de 46 % des frais financiers entre 2002 et 2003, attribuable dans une large mesure à une croissance rapide), le nombre des EMF déficitaires est passé de 5 à 12, dont 10 sont des mutuelles. Même après l’inclusion dans leurs revenus des subventions qu’ils reçoivent, 30 des 41 réseaux ont affiché soit des pertes soit des profits inférieurs à de 10 millions de FCFA. Ces chiffres soulignent la fragilité du secteur. Très peu d’EMF ont atteint une pérennité opérationnelle, c’est-à-dire la capacité à couvrir leurs frais d’exploitation au moyen de leur produit financier net (produits financiers moins frais financiers). Aucune des mutuelles n’est suffisamment capitalisée. Parmi les établissements de crédits solidaires, beaucoup plus petits, tous sauf deux sont bien capitalisés, grâce au soutien de donateurs.

3.36. Les EMF ont donc d’importants besoins de formation et d’assistance technique. Seuls des EMF viables peuvent avoir un effet durable sur la croissance et la réduction de la pauvreté. Pour que les établissements maliens soient viables, il faudrait fortement renforcer leurs réseaux et il faudrait que la communauté des donateurs leur accorde un soutien. Il faudrait notamment une assistance technique pour leur permettre d’améliorer leurs procédures internes, afin qu’ils soient capables d’analyser les dossiers de demande de prêts qui leur sont présentés, suivre l’encours de leurs prêts, élaborer et exécuter des plans d’affaires et mettre en place des SIG.123 Ils ont également besoin d’une certaine recapitalisation. Nombre des EMF isolés ne seront jamais en mesure d’atteindre la viabilité par eux-mêmes. Ces établissements devront rejoindre un réseau pour survive.

3.37. Comme le secteur des banques celui des EMF est très concentré malgré le nombre élevé des EMF par rapport à celui des banques. Le plus grand réseau de microfinance représente 35 % du marché, les deux premiers 53 %, les trois premiers 65 % et les quatre premiers 75 % (Tableau 3.7).

3.38. Alors que la réglementation du secteur bancaire est globalement satisfaisante, la réglementation et la supervision des établissements de microfinance sont faibles. Les EMF ont été encadrés juridiquement par le projet régional dit Projet d’Appui à la Réglementation sur les Mutuelles d’épargne et de crédit (PARMEC), qui a été intégré au système juridique malien sous la forme de la loi dite précisément PARMEC en 1994. Les EMF sont supervisées par la Cellule d’Appui et de Contrôle des systèmes financiers décentralisés (CCS/SFD) du ministère des finances (selon la loi)124 et par le Service de microfinance de la BCEAO.

123 La récente évaluation du Plan national de Microfinance 1999–2002 pointe 4 grandes faiblesses : absence de contrôles internes et de procédures adéquates, médiocrité de la gouvernance, mauvais systèmes de gestion des informations des grands réseaux et grandes disparités entre établissements : peu de grands établissements solides et pléthore de petits établissements faibles (Rouchy et Gouvez, 2003). 124 Ce service a dépendu du ministère des Finances jusqu’en 2004. Puis, il a été rattaché au ministère de la Promotion des investissements, en raison de la plus haute priorité donnée par le Gouvernement à la fonction de promotion des EMF par rapport à celle de supervision, qui, finalement, a été récemment replacée sous la tutelle du ministère des Finances (paragraphe 3.40)

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Tableau 3.7 : EMF maliens ayant plus de 300 millions de dépôts de FCFA (au 31 décembre 2004)

Dépôts Établissement Clients/adhérents en millions de FCFA Part en %

Encours des prêts en M FCFA

Mutuelles Kafo Jiginew 186.088 9.639 35 12.005Nyesigiso 113.638 4.895 18 4.741Kondo Jigima 37.148 2.721 10 1.317Jemini 36.920 3.277 12 2.479CAECE 4.115 1.850 7 3.040Jigayaso Ba 10.527 444 2 584Niako 5.030 559 2 779Crédit de solidarité CANEF 19.071 305 1 402Piyeli 11.956 514 2 897Miseleni 13.404 340 1 666CVECA CVECA ON 27.468 564 2 2.199PASEC Kayes 11.830 396 1 323Source : CAS-SFD. 3.39. Des inquiétudes ont été soulevées à propos de certains aspects de la loi PARMEC, notamment le plafond des taux d’intérêt (27 % par an), les exigences restrictives relatives aux réserves pour pertes sur prêts et l’inégalité des régimes de taxation. Surtout, la loi a été créée pour les mutuelles et n’est pas pertinente pour les EMF ayant une forme sociale différente. Ceux-ci doivent conclure des accords particuliers avec les autorités de régulation. En outre, l’expérience de l’UMOA a montré que les cellules de supervision des ministères des Finances ne sont généralement pas des organes de supervision efficaces, du fait d’une insuffisance de moyens humains et matériels et d’un manque de capacité institutionnelle (Lolila-Ramen 2005). Consciente de ces insuffisances, la BCEAO entend introduire des modifications à la loi pour lui permettre de prendre la responsabilité de la supervision des EMF recevant plus de 300 millions de FCFA de dépôts. Pour faciliter la relecture et la révision de la loi PARMEC, il y a des discussions avec les parties prenantes, processus auquel les autorités maliennes devraient prendre part activement.

3.40. Vu la rapide croissance du secteur de la microfinance, ses difficultés et son manque de viabilité, il est impératif de renforcer sa supervision si l’on veut maximiser son effet sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté. L’adoption par le Parlement en décembre 2005 de la séparation proposée en deux unités de la CAS/SFD est une première étape encourageante vers sa conformité avec la réglementation régionale et l’amélioration de la supervision. La première, dite ‘Cellule de contrôle et de suivi des systèmes financiers décentralisés’ (CCS/SFD), dépendra du ministère des Finances et serait chargée de la supervision des EMF. La seconde, dite ‘Cellule de promotion et d’appui des systèmes financiers décentralisés’ (CPA/SFD), sera rattachée au ministère de la Promotion des investissements et donc chargée de la promotion des EMF. Reste aujourd’hui à rendre

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opérationnelles ces deux unités, ce qui nécessite de la formation, des équipements, de l’AT et un soutien financier.125

3.41. La supervision par la CCS/SFD pourrait être utilement complétée par la notation des grands réseaux d’EMF par des agences spécialisées. Des instruments de notation ont été conçus spécifiquement pour le secteur de la microfinance.126 Ils mesurent les forces et faiblesses des établissements de microfinance afin d’identifier les domaines dans lesquels ils ont besoin d’un renforcement de capacité. Pour les établissements acceptant de publier les résultats de leur notation, le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP) financerait jusqu’à 90 % des coûts. La Banque mondiale et d’autres donateurs ont dit être prêts à financer le coût pour les EMF qui ne voudraient pas que leurs résultats soient publiés au départ. Intégrer les EMF indépendants dans des réseaux faciliterait leur supervision. L’institution faîtière contrôlerait ses membres et leur fournirait une aide, établissant ses propres systèmes de comptabilité et d’information, ses contrôles internes, ses procédures d’octroi et de surveillance des prêts, etc..

3.42. Pour résoudre les nombreuses difficultés rencontrées par les EMF, une nouvelle Stratégie nationale de microfinance a été élaborée pour 2005–08. Ses trois volets sont le renforcement de la réglementation et de la supervision, la restructuration et le renforcement des EMF et la promotion du secteur de la microfinance. Cette stratégie a été élaborée de façon participative, puis a été validée par la communauté des donateurs et enfin a été adoptée en Conseil des ministres en avril 2005. Les donateurs se sont engagés à en soutenir l’exécution.

D. FAIBLE CAPACITE DU SECTEUR A CONTRIBUER A LA CROISSANCE ECONOMIQUE

3.43. Non seulement le secteur financier malien est fragile, mais encore il est mal positionné pour contribuer à la croissance économique du pays, et ce pour diverses raisons : (i) l’essentiel du crédit accordé est à court terme, (ii) les marges de taux d’intérêt sont élevées, (iii) le crédit se concentre sur les activités commerciales, (iv) les banques manquent de capacité notamment pour l’octroi de prêts aux activités de production, (v) les instruments de prêt utilisés ne répondent pas aux besoins des différents secteurs de l’économie, (vi) le secteur agricole ne dispose pas des crédits dont il a besoin et (vii) l’économie ne dispose pas de sources de financement alternatives aux prêts bancaires.

La pénurie de ressources à moyen et long terme

3.44. L’essentiel du crédit accordé au Mali est à court terme (Graphique 3.5). En 2004, seulement 16 % du crédit était à moyen terme et 6 % à long terme. Le crédit à court terme représentait donc 67 % du total du crédit (et même 77 % en 2003). À cet égard, le Mali est dans la même situation que tous les autres pays de l’UMOA, ou le crédit à court terme prédomine (Graphique 3.6). En 2003 (qui a constitué une année extrême pour le Mali), la part du crédit à court terme dans le total des crédits a été plus élevée au Mali qu’au Bénin, au Burkina Faso, ou au Sénégal. Ces trois pays ont fait mieux que le Mali en termes de pourcentage du crédit accordé à moyen terme, mais seul le Sénégal a fait mieux pour le crédit à long terme.

125 La Banque mondiale fournit déjà des fonds pour des missions de supervision des EMF effectuées par la CAS/SFD. 126 Plusieurs sociétés internationales (telles que Planet Finance) sont spécialisées dans la notation des EMF.

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Graphique 3.5 : Échéances du crédit bancaire et volume des prêts improductifs au Mali, 1998-2004

Graphique 3.6 : Échéances des prêts des banques et quasi-banques dans quelques pays

de l’UEMOA , 2003

Source : Bulletin de Conjoncture, BCEAO, novembre 2004. Note : Inclut les prêts des quasi-banques

Source : Rapport annuel 2003, UMOA Commission bancaire 3.45. La faiblesse de l’offre des banques maliennes en crédits à moyen et long terme est liée à leur faible accès à des ressources à moyen et long terme. Les états financiers des banques confirment la prédominance des ressources à court terme : leurs dépôts à vue représentaient 55 % des dépôts de la clientèle en 2004 et leurs dettes à court terme représentaient 61 % de leur passif. Interrogées sur la raison de l’importance de leurs prêts à court terme, les banques l’imputent à leur manque de ressources à moyen et à long terme et aux restrictions à la transformation des échéances imposées par les normes prudentielles relatives au ratio minimum de couverture des avoirs à moyen et long terme par des ressources de même échéance, actuellement fixé à 75 % (autrement dit, les banques ne peuvent transformer que 25 % de leur passif à court terme en actifs à plus long terme) (Lepp, Libois et Massiani 2003).

3.46. Les compagnies d’assurance et les caisses de sécurité sociale pourraient être une importante source de fonds à long terme. Ces deux types d’institutions pourraient fournir du crédit à long terme en acquérant des titres obligataires sur le marché ou faisant des placements privés. Mais, pour y parvenir, il faudrait d’abord que ces institutions soient solides financièrement et qu’elles génèrent des excédents. Le secteur des assurances demeure fragile. Les deux caisses de sécurité sociale du Mali vont être restructurées, ce qui permettra de réduire leurs déficits.

3.47. La répartition des bénéficiaires des prêts bancaires reflète la part croissante des prêts au secteur commercial et à l’hôtellerie-restauration, qui est passée de 31 % du total des prêts en 1998 à 42 % en 2004 (Tableau 3.8). La part du secteur agricole reste importante, mais elle varie fortement d’une année sur l’autre. En 2002, par exemple, elle a été de 35%, alors qu’en 2004 il n’a été que de 11%.127 Elle est très inférieure à celle de l’agriculture dans le PIB (38%). Les prêts à l’industrie sont également sous-représentés, ne constituant que 7% du total des prêts, alors que l’industrie représente 26% du PIB.

127 Dans une certaine mesure, la baisse de la part de l’agriculture en 2004 est attribuable à la sécheresse et à la baisse de la production qu’elle a provoquée.

0 50,000

100,000 150,000 200,000 250,000 300,000

350,000 400,000

1998

1999 2000 2001 2002 2003 2004

Millions de FCFA

CTMTLTNPL

0.0%

10,0%

20,0%

30,0%

40,0%

50,0%

60,0%

70,0%

80,0%

Mali Bénin Burkina Faso Sénégal

Prêts CT / total prêts

Prêts MT / total prêts

Prêts LT / total prêts

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Tableau 3.8 : Prêts bancaires au Mali, par secteur, 1998–2004 (en % du total des prêts)

Secteur 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Agriculture (y c. pêche et activités forestières) 34 28 22 17 35 23 11 Commerces, hôtellerie et restauration 31 36 33 38 32 41 42 Industrie 16 14 18 14 8 9 7 Services, assurance et immobilier 10 12 10 17 11 14 17 Construction et génie civil 4 4 5 4 3 3 3 Transport et communications 4 4 5 5 6 5 12 Énergie (électricité, gaz, eau) 1 2 7 5 5 5 8 Source : Commission bancaire UMOA, rapports annuels 2001, 2003 et 2004. 3.48. Accorder du crédit au secteur commercial est relativement aisé pour les banques commerciales ; les autres secteurs demandent plus d’informations et présentent plus de risques. Pour accroître le financement aux autres secteurs il faudrait améliorer l’information sur ces secteurs et accroître la concurrence entre les banques, on y reviendra. Pour obtenir une meilleure visibilité dans les autres secteurs, les banques devraient se doter de bases de données sectorielles et renforcer leur capacité en matière d’études sectorielles. Les entreprises, elles, devraient améliorer la fiabilité de leurs états financiers et des autres informations qu’elles communiquent. Une assistance technique très ciblée pourrait aider à atteindre ces deux objectifs.

Faible capacité des banques à prêter aux activités de production

3.49. L’un des obstacles aux activités de prêt des banques aux entreprises de production est le caractère encore rudimentaire de leurs instruments de prêt. Les banques utilisent souvent des instruments inappropriés, tels que des découverts au lieu de prêts. Les sociétés de travaux publics, par exemple, devraient, pour la construction de routes non pas bénéficier de découverts mais recevoir des avances ou acomptes au début et au cours des travaux et il faudrait utiliser des ordres de paiement signés. Les prêts hypothécaires au Mali sont de type traditionnel, d’une durée de 7 à 15 ans, et ont un taux d’intérêt fixe jusqu’à leur échéance. Pour financer le logement et les locaux commerciaux, il faudrait introduire, comme l’a recommandé un séminaire régional sur le financement du logement tenu à Bamako en février 2005, des prêts hypothécaires à long terme à un taux périodiquement renégociable. Le taux serait renégocié tous les deux ans sur la base du taux des dépôts à deux ans.

3.50. Le crédit-bail, source potentielle de financement à long terme, n’en est qu’à ses premiers pas au Mali. Il existe deux sociétés de crédit-bail au Mali, mais elles s’intéressent au financement direct d’équipements plutôt qu’au crédit-bail, en raison des contraintes pesant l’activité de crédit-bail. Une récente étude (IBC 2005) a identifié les obstacles à son développement au Mali : (i) problèmes fiscaux non résolus, (ii) problèmes comptables résultant de l’inclusion des biens financés par crédit-bail dans le bilan de la société de crédit-bail et du client et (iii) méconnaissance des avantages du crédit-bail parmi les entreprises. IBC pense qu’il existe un important potentiel développent du crédit-bail insatisfait au Mali. Du fait de sa simplicité et de ce qu’il ne nécessite pas, en principe, d’autre garantie, il est bien adapté aux besoins des PME. Il demande peu de contribution personnelle de l’emprunteur, n’impose pas d’exigences excessives de garantie et lie les frais de crédit-bail aux revenus venant de l’utilisation des équipements ainsi financés.

3.51. Une autre étude sur le crédit-bail (PDSF 2002) était centrée sur les problèmes fiscaux. D’abord, les entreprises mettent beaucoup de temps à récupérer la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée sur l’acquisition des biens financés, car le montant à

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récupérer est bien plus élevé que la TVA collectée sur les échéances du crédit-bail et les sociétés de crédit-bail n’ont pas le droit de récupérer la TVA, alors que les importateurs d’équipements non financés par crédit-bail le peuvent. Autres problèmes : ambiguïté quant à celui qui peut amortir les biens financés par du crédit-bail, le bailleur ou le preneur ; absence d’alignement de la période d’amortissement sur la durée du contrat de crédit-bail ; impossibilité de transférer à la société de crédit-bail les avantages fiscaux dont jouit le preneur (grâce au Code de l’investissement, par exemple) et frais d’enregistrement des contrats de crédit-bail plus élevés. La résolution de ces problèmes et une campagne d’information sur le crédit-bail devraient contribuer au développement de cet instrument. Le développement du crédit-bail pourrait notamment être renforcé par des changements fiscaux : alignement de l’amortissement sur la durée du contrat de crédit-bail, récupération de la TVA, transfert à la société de crédit-bail des avantages fiscaux du Code de l’investissement, etc..

3.52. Presque absent de la scène malienne, le capital risque pourrait jouer un rôle important dans le développement du secteur privé. Le Mali n’a pas de sociétés de capital risque128, mais il y a des opérations de financement par capital risque au Mali, au cas par cas, par des Pools d’investissement, organisés pour telle ou telle opération d’entrepreneurs ou facilitée par l’État. Le capital risque pourrait fournir des fonds à des entreprises qui n’ont pas accès au marché régional des capitaux et dont elles ont grand besoin.

3.53. L’une des raisons pour lesquelles les banques offrent peu de crédit aux activités de production est le coût élevé de la prise et de la réalisation de garanties au Mali. Le Rapport Doing Business 2004 pour le Mali indique que le coût de la création d’une garantie au Mali représente 58,5% du revenu par habitant, nettement plus que la moyenne régionale qui est de 41,8%. Le coût d’enregistrement des hypothèques et d’autres formes de garantie est élevé, notamment pour les petits prêts. Une étude de la BCEAO indique que pour un prêt de 100.000 FCFA, le coût d’enregistrement d’une hypothèque ou d’une autre forme de garantie, frais légaux inclus, représente 30% du montant du prêt. Il faudrait payer des droits à la fois à l’enregistrement et la libération de la garantie lorsque le prêt est remboursé. Les droits (qui sont les mêmes pour les deux opérations) sont exprimés en pourcentage de la valeur de la garantie. Les prêts plus importants supportent donc des coûts plus élevés que les petits, ce qui crée un fardeau démesuré pour les grands emprunteurs. Il vaudrait mieux fixer une somme forfaitaire pour l’enregistrement et la libération de la garantie. Un autre fardeau est le coût élevé du transfert d’un bien immobilier (20% de la valeur de la propriété), qui dissuade d’utiliser un bien immobilier (si on en dispose d’un) comme garantie et peut donc dissuader d’accorder un crédit.

3.54. Autre contrainte : les propriétaires fonciers ne possèdent habituellement que des titres précaires (permis d’occuper ou lettres d’attribution) que la Commission bancaire ne reconnaît pas comme garanties valides. Beaucoup de banques doivent donc provisionner les crédits garantis par ces instruments. Un décret publié en juillet 2005 visait à faciliter, pour une période de deux ans, la conversion des

128 Le capital risque est de l’argent fourni par des professionnels qui investissent sur la direction de jeunes sociétés à croissance rapide susceptibles de devenir d’importants contributeurs économique. Le capital risque est une importante source de capitaux propres pour les startups (telles que définies par l’US National Venture Capital Association à http://www.nvca.org/def.html). Les sociétés de capital risque gérées professionnellement sont des partenariats privés ou des sociétés à peu d’actionnaires financés par des fonds de pension privés et publics, des fondations, de riches particuliers, des investisseurs étrangers et leurs actionnaires.

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permis d’occuper et lettres d’attribution en titres fonciers de plein droit. Jusqu’ici, peu de banques ont profité de cette possibilité. La demande de conversion devrait venir du propriétaire, qui devrait en supporter le coût. Les propriétaires ne sont guère incités à le faire (sauf au moment du renouvellement de leur crédit). Il apparaît donc nécessaire de revoir ce décret.

3.55. Les procédures de prise et de réalisation d’une garantie sont gênées par un cadre juridique déficient. Il faudrait renforcer la procédure de prise de garantie, notamment pour les équipements professionnels et mettre les lois maliennes en conformité à l’Acte uniforme sur les prises de sûretés de l’OHADA. Deux études récentes recommandent de modifier plusieurs lois et décrets, notamment le Code domanial et foncier (CDF) et le Code des Procédures civile et commerciale (voir Eversheds 2003, 2005). Vu la prévalence actuelle de titres précaires, les modifications du CDF devraient comporter des dispositions accordant plus de poids à ces titres et facilitant leur conversion en titres définitifs. Il faudrait, par ailleurs, placer la tierce détention dans un cadre juridique approprié afin d’éviter une répétition des fraudes qui avaient marqué ce système au Mali.129 Pour ce faire, le cadre réglementaire devrait être renforcé.

3.56. L’indice des droits juridiques mesure la façon dont le droit des garanties et le droit des faillites sont conçus pour faciliter les prêts. Le Mali a une note de 3 (sur 10) pour cet indice, très en-dessous de la moyenne régionale qui est de 4,6. Pour l’indice d’information sur le crédit, qui mesure la disponibilité des informations sur le crédit auprès d’agences d’information sur le crédit, le Mali à une note 1 (sur 6), voisine de la moyenne régionale qui est de 1,1. Ces chiffres montrent que l’environnement malien n’est pas favorable au crédit. Une concurrence accrue pousserait les banques à entrer dans de nouveaux domaines. Cependant, l’expansion ne devrait se faire qu’en se fondant sur une bonne information, de façon à ne pas accroître le portefeuille de prêts improductifs. Une amélioration de la procédure de prise de garantie et du système judiciaire permettrait de réduire les risques.

Accès restreint du secteur agricole au crédit

3.57. La demande de crédit de l’agriculture est importante, mais seule une petite partie du secteur y a accès. Selon une enquête récente (Horus 2004), le secteur du coton dispose de financements aux différents stades de la production et de la commercialisation (de l’approvisionnement en intrants jusqu’à la transformation et à la commercialisation) par le canal de banques (la BNDA et, dans une moindre mesure la BDM) et d’EMF. Le financement des intrants est assuré par des EMF comme FCRMD, Nyesigiso, la CVECA ON, qui sont refinancés par la BNDA. Le secteur du riz dispose lui aussi de financements, surtout grâce à des EMF. Mais très peu de crédits à l’agriculture sont à moyen terme. Les besoins de financement des secteurs de l’oignon et de la pomme de terre sont partiellement couverts par des EMF ou la BNDA. Pour l’élevage, seuls les grands producteurs bénéficient de financements de la BNDA. Les autres secteurs (comme la pêche et les légumes) n’ont pas accès au crédit. Des expériences négatives ont détourné les banques de ces secteurs et les EMF ne leur prêtent pas. L’enquête Horus conclut donc que les secteurs ayant le plus besoin de financement sont le riz (pour les équipements, le stockage et la commercialisation), la

129 L’entreposage est le processus par lequel des produits, notamment agricoles, sont stockés dans un entrepôt géré par un tiers. Le récépissé d’entreposage est alors utilisé pour garantir un prêt bancaire. Lorsque le produit est vendu, la banque est remboursée avant la sortie des produits de l’entrepôt. Ces récépissés sont des garanties importantes lorsque d’autres, tels que des terrains, ne sont pas. Ils permettent un accès accru aux prêts des banques et des EMF.

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mangue, l’oignon et l’échalote, la pomme de terre, le sésame, les pois, la tomate, le haricot vert et le secteur de la pêche.

3.58. Le secteur agricole représentait 38% du PIB en 2003, mais il ne représentait que 23% du volume des prêts bancaires, largement en raison du haut niveau de risque de ce secteur et de la faiblesse de ses organisations professionnelles. Les risques du secteur agricole sont les suivants : (i) risques de production venant des conditions atmosphériques (sécheresses, inondations) et des maladies des cultures ou des animaux ; (ii) risques économiques venant des importantes fluctuations des cours et du manque d’organisation des activités agricoles (seul le coton et, dans une moindre mesure, le riz, ont des canaux de production et de commercialisation bien organisés, permettant aux banques et aux EMF de structurer le financement de ces sous-secteurs) ; (iii) risques opérationnels des producteurs venant de la vulnérabilité physique et financière des producteurs (peu d’exploitants agricoles ont une assurance maladie ou une assurance vie ; or la maladie d’un producteur peut avoir des conséquences désastreuses sur sa production et sa capacité à rembourser son prêt) et (iv) risques de gestion des producteurs venant du peu de compétences techniques, gestionnaires et financières de la plupart des exploitants agricoles. En outre, la plupart d’entre eux ne disposent pas des garanties traditionnelles (titres de propriété) et les coûts de transactions des prêts agricoles sont généralement élevés, car la plupart des prêts sont relativement petits et difficiles à surveiller puisque la plupart des emprunteurs sont situés loin des banques. Néanmoins, comme cela a été démontré dans le cas du coton et, dans une certaine mesure, du riz, prêter à l’agriculture est possible sous des conditions minimisant les risques du secteur.

3.59. Le principal acteur du financement rural est la BNDA (Tableau 3.9). Pour réduire ses risques, elle diversifie sa clientèle en visant des entreprises en amont (tels que les fournisseurs d’intrants) et en aval (tels que les négociants et les entreprises agroindustrielles). Plus de 60% de ses encours de prêts en 2003 étaient constitués de prêts accordés à des entreprises agroindustrielles, telles que la CMDT, Huicoma, les Grands Moulins du Mali (GMM) et le Grand Distributeur céréalier du Mali (GDCM). Parmi les prêts aux associations villageoises, 90% sont allés au financement de l’achat d’intrants et le reste (10%) au financement de la commercialisation et de l’achat d’équipements. Sur l’ensemble des prêts accordés par la BNDA, 95% sont à court terme.

Tableau 3.9 : Prêts de la BNDA par type d’emprunteur, en 2003 Type d’emprunteur En millions de FCFA En % du total

Entreprises 75.921 60,7 Associations villageoises 43.953 35,2 Établissements de microfinance 3.650 2,9 Particuliers 1.399 1,1 Coopératives 90 0,1 Total 125.013 100,0

Source : BNDA.

3.60. L’essentiel des activités de la BNDA dans l’agriculture se situe dans le secteur du coton à cause de l’organisation de ce secteur, qui réduit fortement les risques pour les prêteurs (le taux de remboursement du secteur du coton est de 97%). Les prêts sont faits directement aux producteurs de coton, en plus de la CMDT. Les prêts aux producteurs, surtout à court terme, pour l’achat d’intrants, ont représenté 30 milliards de FCFA en 2003. Ces prêts, qui représentaient 24% du portefeuille de la BNDA, ont été accordés à 8.000 associations villageoises. La BNDA assure 86% de ce type de prêts des

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banques maliennes au secteur du coton. Les prêts de la BNDA à la CMDT se sont montés à 15 milliards de FCFA en 2003, représentant 16% du total des prêts reçus par la CMDT d’un pool bancaire et 12% du total des prêts de la BNDA. Une question importante qui nécessite une étude est ce qu’il adviendra du financement au secteur du coton lorsque la CMDT aura été privatisée et scindée en plusieurs entreprises et donc qu’il y aura concurrence entre sociétés d’égrenage et que les producteurs de coton auront la possibilité de vendre leur production à n’importe laquelle.

3.61. Les prêts de la BNDA en dehors du secteur du coton ne sont pas très importants. La BNDA finance indirectement le secteur des céréales, par le refinancement d’EMF (in particulier les CVECA de l’Office du Niger et de Kafo Jiginew) et directement, en prêtant à des entreprises de transformation et de commercialisation de produits agricoles. La BNDA a décidé en 1995 de ne pas financer directement des exploitants agricoles du fait du faible taux de remboursement. La BNDA est également active dans d’autres sous-secteurs agricoles, tels que la pomme de terre et l’oignon, mais ces prêts à ces secteurs sont restreints. Du fait d’une mauvaise expérience jusqu’ici avec d’autres produits, tels que la mangue, le sésame et le beure de karité, la BNDA est extrêmement prudente dans ces secteurs.

3.62. Les autres banques et EMF maliens sont beaucoup moins présents dans le secteur agricole et limitent leurs activités essentiellement au coton et au riz. La BDM intervient dans le secteur rural surtout en tant que chef de file du pool bancaire organisé pour la CMDT, avec laquelle elle a une relation étroite. La CMDT représente jusqu’à 40% de l’encours des prêts de la BDM. Depuis sa création en 2002, la BMS a financé 206 associations villageoises pour un montant total de 2.358 millions de FCFA. Les EMF offrent des prêts à court terme pour les intrants. Elles ont des activités dans les secteurs du coton (Kafo Jiginew) et du riz (FCRMD, CVECA ON). Les prêts accordés par les EMF financent : (i) des crédits aux intrants (Kafo, FCRMD, CVECA ON), d’une durée de 6 à 10 mois, remboursables à échéance, à un taux d’intérêt annuel de 10 à 12 pourcent ; (ii) des crédits de campagne, d’une durée de 7 à 12 mois, à un taux d’intérêt annuel de 12 à 18 pourcent et (iii) d’autres types de prêts pour l’achat d’équipements ou pour le logement, avec un taux d’intérêt annuel de 18% pour des prêts allant jusqu’à trois ans.

3.63. L’environnement légal joue un rôle important dans la promotion du financement agricole. Il est donc essentiel d’assurer l’acceptation d’un large éventail de garanties (y compris garanties mobilières et titres fonciers précaires). La disponibilité des informations sur les clients (au moyen d’agences d’évaluation du crédit) pourrait aussi jouer un rôle facilitateur.

Les alternatives au financement bancaire sont actuellement coûteuses

3.64. Il existe des alternatives pour compenser la faiblesse du crédit à moyen et long terme accordé par le secteur bancaire, mais, en l’absence de réformes, ces alternatives sont coûteuses. Faute d’obtenir un financement bancaire à moyen ou long terme, les entreprises cherchent d’autres solutions, ou bien financent la construction de leur usine ou leurs achats d’équipements avec des financements à court terme, solution peu souhaitable car affaiblissant leur bilan et leur structure financière. Pour permettre aux banques d’accorder davantage de financements à plus long terme, l’une des solutions, évoquée plus haut, serait de modifier le ratio de transformation des banques, ce qui apparaît possible étant donné la stabilité des ressources à court terme des banques. Cela ne peut se faire que par une modification de la

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réglementation régionale de l’UEMOA. Autre solution, les banques, les établissements de crédit et d’autres entreprises pourraient émettre des obligations sur le marché financier régional. La sursouscription des deux émissions obligataires maliennes jusqu’ici montre que les investisseurs de l’UMOA sont prêts à acheter des titres maliens. L’une des contraintes est que l’émetteur d’obligations (banque ou entreprise) devrait fournir une garantie au premier appel couvrant 100% de la valeur de l’obligation, exigence qui augmente de 2 à 3 pourcent le coût supporté par l’émetteur.130 Néanmoins, il y a eu des émissions d’obligations, dont deux au Mali, et un courtier malien (SGI-Mali) travaille avec des entreprises maliennes131 pour organiser des financements par émission d’obligations ou d’actions.

3.65. Une autre solution est l’émission de titres de créances négociables (TCN), instruments du marché monétaire, dont l’échéance peut aller jusqu’à cinq ans, qui nécessite uniquement une autorisation uniquement de la banque centrale, alors que les émissions sur le marché des capitaux nécessitent l’autorisation du CREPMF. La Société financière internationale (SFI – Groupe BM) propose une garantie partielle de TCN à plus long terme et SGI-Mali, le courtier malien susmentionné, travaille avec les entreprises maliennes à identifier des possibilités d’émission de TCN par des banques commerciales pour financer des PME.

3.66. Mais l’utilisation de TCN à plus long terme n’est qu’un recours provisoire dans l’attente de la résolution du problème des garanties sur le marché obligataire régional. Un séminaire tenu à Dakar début février 2006 a conclu qu’il faudrait adopter un système de notation des entreprises et des établissements financiers et moduler les garanties demandées aux établissements pour des émissions obligataires en fonction de leur notation. Le CREPMF, régulateur régional, a donc lancé une étude sur cette question, dans le but d’assouplir les obligations de garantie en développant un système de notations. Les conclusions de l’étude sont attendues à la mi 2006 et la réforme de la réglementation du marché avant la fin 2006. Par ailleurs, pour faciliter l’accès des compagnies d’assurance aux placements en obligations, il serait nécessaire de modifier le Code de la CIMA132 (qui réglemente les compagnies d’assurance) pour permettre le placement de leurs réserves techniques en obligations de sociétés notées mais n’offrant pas de garantie. Si le marché régional devait devenir une importante alternative au crédit bancaire pour les grandes entreprises maliennes, les banques pourraient alors se recentrer sur le service des PME.

E. MANQUE D’ACCES AUX SERVICES FINANCIERS D’UNE LARGE FRACTION DE LA POPULATION, NOTAMMENT DES PAUVRES

3.67. Le secteur financier malien ne permet guère l’accès à ses services par une large fraction de l’économie et il n’est guère orienté vers les pauvres. La pénétration du secteur bancaire est très faible dans l’ensemble du pays et, si les EMF ont une plus forte pénétration, ils sont inégalement répartis sur le territoire. L’offre de crédit à des secteurs et des activités cruciaux pour les pauvres est insuffisante. Mais, il faudrait reconnaître que le faible accès au crédit peut venir d’obstacles situés autant du côté de la demande que du côté de l’offre. Le renforcement de la capacité des secteurs importants pour les pauvres à accéder au crédit et le renforcement des liens entre banques et EMF faciliterait le renforcement des EMF et, par là, la couverture géographique des services financiers. 130 Cette exigence est apparemment appliquée aussi aux placements privés, mais que ce ne soit pas exigé par la loi. 131 Cela a été engagé dans le cadre du PDSF et d’un projet régional financé par la Banque mondiale. 132 CIMA signifie Conférence interafricaine des marchés d'assurances.

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Pénétration restreinte du secteur bancaire sur l’ensemble du territoire du Mali

3.68. Le secteur bancaire est fortement concentré à Bamako (Tableau 3.10). Quatre banques (Ecobank, BSIC, BICIM et BCS) et trois établissements de crédit n’ont des agences qu’à Bamako (voir Tableaux A5.1 et A5.2). La BNDA (avec 23 agences) et la BDM (avec 21) sont les seules banques ayant des agences dans les sept régions en dehors de Bamako. Au total, 30% de toutes les agences bancaires du Mali sont situées à Bamako et 64% sont situées dans les trois grandes villes (Bamako, Ségou et Sikasso).

Tableau 3.10 : Distribution des agences bancaires au Mali, par région

Région Population Nombre d’agences

% des agences

Agences pour 100.000 habitants

Bamako 1.245.317 24 30 1,93 Koulikoro 1.778.469 4 5 0,22 Kayes 1.551.131 12 15 0,77 Sikasso 1.900.000 17 21 0,89 Ségou 1.788.561 10 13 0,56 Mopti 1.565.580 5 6 0,32 Tombouctou 661.169 3 4 0,45 Gao 547.807 4 5 0,73 Kidal 87.938 1 1 1,14 Total 11.125.972 80 100 0,72

Source : PDSF (2004). 3.69. La faible dispersion des agences bancaires est un sérieux obstacle à l’amélioration de l’accès de la population aux services financiers. Le Mali n’avait que 0,8 agence pour 100.000 habitants en 2003—plus que le Bénin mais moins que le Burkina Faso ou le Sénégal (Tableau 3.11). Par comparaison, l’Afrique du Sud a 6 agences pour 100.000 habitants, l’Argentine et la Jordanie 10 et le Royaume-Uni plus de 18 (Tableau 3.11). Le Mali a un taux de comptes bancaires légèrement supérieur au Burkina Faso (2,6%), le même taux que le Bénin (2,8%), mais très inférieur à celui du Sénégal (5,0%). Une étude récente (PDSF 2004) a proposé des stratégies pour accroître la couverture du secteur bancaire au Mali. Ces stratégies sont en discussion avec les banques commerciales.

Tableau 3.11 : Agences et comptes bancaires au Mali et dans d’autres pays (2003)

Pays Nombre

d’agences

Nombre d’agences pour

100.000 habitants

Comptes bancaires en % de la population

Bénin 39 0,6 2,8 Burkina Faso 154 1,2 2,6 Mali 80 0,8 2,8 Sénégal 113 1,1 5,0 Afrique du Sud 6,0 Argentine 10,0 Royaume-Uni 18,3 Note : Un particulier ou une entreprise peut avoir plusieurs comptes. Source : Calculs de l’auteur basés sur données tirées du Rapport annuel 2003, UMOA, Commission bancaire.

3.70. Les EMF sont concentrés à Ségou, Sikasso et Bamako et les villes voisines de Koulikoro et Kayes (Tableau 3.12). Il y a beaucoup moins d’établissements dans la partie nord, plus pauvre, du Mali (Gao, Kidal et Tombouctou). Chaque caisse ou réseau d’EMF vise son propre groupe de clientèle et de ce fait a une orientation urbaine ou

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rurale différente. Kafo Jiginew cible les producteurs de coton de Sikasso. Nyesigiso et Kondo Jigima visent les pauvres des zones urbaines et suburbaines. Les cinq réseaux de CVECA visent les ménages très pauvres des zones rurales. La CANEF est présente surtout dans les zones rurales, alors que Miselini vise les femmes des zones urbaines et suburbaines. En 2003, 59% des clients étaient situés dans les zones rurales. Bamako représentait environ 28% de l’ensemble des clients, Sikasso 24% et Ségou 21%. À l’autre extrême, seulement 0,1% des clients étaient de Gao et 0,4% de Tombouctou. Au total, 30% des crédits avaient été accordés à des emprunteurs de Bamako. Les autres prêts avaient bénéficié à des emprunteurs de Sikasso (26%), de Ségou (22%) et de Koulikoro (14%). Seulement environ 1% avaient été accordés à des emprunteurs de Gao et Tombouctou. L’enquête de Horus (2004) confirme par ailleurs que les zones de Bamako, Sikasso et Ségou sont très bien couvertes par des établissements financiers alors que le nord du pays ne l’est pas. Il faudrait promouvoir le développement des EMF dans l’ensemble du pays et notamment dans le nord.

Insatisfaction des besoins des petits emprunteurs

3.71. Traditionnellement, les banques ne sont pas intéressées par le marché des MPME, qu’elles considèrent comme trop risqué. Elles préfèrent s’intéresser aux entreprises moyennes et grandes, bien établies ou aux particuliers nantis, y compris les salariés ayant de bons salaires. En outre, faire de petits prêts est beaucoup moins profitable qu’en faire des grands, le traitement d’un petit crédit demandant autant voire plus de travail que celui d’un grand. Ainsi le coût par dollar de crédit est-il beaucoup plus élevé pour les petits prêts. Par ailleurs, peu de prêts étant accordés aux petits emprunteurs, la plupart des banques ne sont pas familières avec le marché des MPME et n’ont pas élaboré de méthodes pour analyser leurs prêts. Les banques peuvent, par exemple, exiger des documents que la plupart des MPME sont incapables de fournir (tels que des bilans certifiés) et la constitution du dossier de demande de prêt peut être lourde et lente pour les MPME, demandant de nombreux rendez-vous à la banque, souvent située loin de l’emprunteur et ayant des heures d’ouvertures restreintes.

Tableau 3.12 : Répartition régionale des caisses locales des EMF

Région Nombre de caisses locales

Répartition des caisses (%)

Ségou 137 29 Sikasso 124 26 Bamako 74 15 Koulikoro 71 15 Mopti 22 5 Kayes 20 4 Gao 7 1 Tombouctou 6 1 Kidal 1 0 Total 480 100

Source : Rapport annuel CAS/SFD 2003.

3.72. La Banque nationale de développement agricole (BNDA), qui a des agences dans l’ensemble du Mali, est l’une des rares banques à offrir des petits prêts. Elle prévoit de lancer un nouveau programme de prêt visant les PME avec le soutien de KFW, qui fournit une ligne de crédit et une AT pour le développement de méthodes de prêts appropriées aux PME. La BNDA veut atteindre des entreprises non encore bancarisées. Elle va s’intéresser aux zones rurales, en s’appuyant sur son large réseau d’agences.

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3.73. La Banque Mali Solidarité (BMS) s’intéresse aussi aux MPME ; mais son activité reste axée sur la clientèle traditionnelle des banques : les entreprises du secteur formel, qui représentent 62% de son portefeuille. Elle cherche à financer, coordonner et soutenir les initiatives visant à promouvoir les MPME ainsi que les activités économiques des travailleurs indépendants. Sa cible comprend les EMF existants et les EMF nouvellement agréés, les chômeurs, les pauvres et ceux qui veulent créer leur entreprise. Elle fournit des prêts à court terme pour financer leur fonds de roulement et des prêts à moyen terme pour financer leurs investissements (tels qu’achats d’équipements), des financements pour des EMF et offre des garanties à des EMF et des particuliers. Entre sa création en 2002 et la fin décembre 2004, elle a fourni 1.647 millions de FCFA133 pour financer 108 PME (montant moyen des prêts : 16 millions de FCFA134), 2.358 millions de FCFA pour financer 206 associations villageoises (prêt moyen de 11,4 millions de FCFA) et 3.078 millions de FCFA 135 pour financer 62 EMF (prêt moyen de 53,1 millions de FCFA).136 Des pourparlers sont en cours pour la transformer en une banque offrant aux EMF, entre autres, des refinancements, l’accès aux systèmes de paiement et aux opérations de change.

3.74. Les banques reconnaissent qu’elles n’ont pas la compétence pour prêter aux MPME ou suivre des prêts à ce type de clientèle, vu les caractéristiques de leurs structures organisationnelles, les qualifications de leur personnel et leurs réseaux d’agences (IPC 2003). Par ailleurs, elles s’inquiètent des coûts élevés d’un suivi de petits prêts à des clients dispersés. La perception d’un risque élevé de pertes sur prêts à des MPME est renforcée par l’insuffisance de la protection offerte par les procédures légales et judiciaires lorsqu’il s’agit de recouvrer des impayés et de réaliser des garanties. On a déjà noté que les PME ne disposent généralement pas du type de garanties acceptables juridiquement (selon le droit OHADA) et par la Commission bancaire, par exemple des titres fonciers, ce qui empêche l’octroi de prêts. Cependant, les MPME maliennes disposent souvent de garanties non-traditionnelles telles que des titres précaires, les machines, équipements et stocks. Il faudrait développer l’acceptation de garanties mieux adaptées aux différentes catégories d’emprunteurs (par exemple la tierce détention, citée plus haut.

3.75. Une autre contrainte possible à l’extension du crédit à l’ensemble du secteur des MPME serait le plafond de taux d’intérêt imposé aux prêts des banques et des EMF (18% et 27%, respectivement). Ce plafonnement empêche surtout les banques d’entrer sur le marché des MPME, étant donné le coût et le risque élevés de ce type de prêts. Dans d’autres pays, les établissements financiers gérés sur une base commerciale entrant sur le marché des MPME commencent souvent avec des taux d’intérêt de 24 à 36 pourcent par an, qu’ils réduisent lentement après avoir obtenu des économies d’échelle et rentabilisé leur activité dans ce secteur. Cela montre que le plafonnement des taux d’intérêt au Mali devrait être relevé ou supprimé. Pourtant, actuellement, les taux d’intérêt des EMF maliens sont de l’ordre de 10 à 18 pourcent, donc très au-dessous du plafond fixé pour eux, ce qui indique que soit le plafond n’est pas vraiment une contrainte, soit que les EMF maliens (qui n’ont pas atteint la viabilité financière, comme on l’a vu plus haut) ne survivent que par des injections renouvelées d’argent frais des projets de donateurs, qui les maintiennent en vie.

133 Ce chiffre inclut les crédits et les facilités de découvert. 134 Ce chiffre est le montant moyen des crédits et n’inclut donc pas les découverts accordés par la BMS. 135 Ce chiffre inclut les crédits et les facilités de découvert. 136 Ce chiffre exclut les facilités de découvert accordées par la BMS.

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3.76. Pour améliorer l’offre de crédit aux petits emprunteurs, il est important de considérer à la fois les banques et les EMF. Les MPME sont en fait un groupe composé d’entreprises diverses ayant des besoins de financement différents. Les micro et petites entreprises informelles sont mieux servis par des EMF, qui ont élaboré des méthodes de prêt appropriées à ce marché. Mais, étant donné les faiblesses des EMF, il faudrait une AT pour les renforcer dans de nombreux domaines, notamment en finance, comptabilité, planification, systèmes d’information de gestion, gestion du risque et contrôles internes. De nombreux EMF pourraient également bénéficier d’une AT pour développer la gamme de leurs produits financiers de façon à mieux répondre aux besoins des MPME. Il y a des faiblesses fondamentales dans le secteur des EMF, auxquelles il faudrait remédier pour qu’ils puissent promouvoir le développement et la croissance des MPME et des zones rurales.

3.77. Les banques sont mieux équipées que les EMF pour servir les plus grandes entreprises, et les entreprises petites et moyennes relevant du secteur formel. Il faudrait répertorier les banques performantes qui s’intéressent au marché des MPME. Ces banques pourraient bénéficier d’un soutien pour les aider à adapter leurs procédures de prêt à ce marché. Prêter à ce type d’entreprises nécessite souvent d’importants changements dans les procédures et les mécanismes de décision. Il faudrait notamment simplifier les procédures, adopter une démarche moins lourde pour les MPME, alléger, dans la mesure du possible, les obligations de garantie, décentraliser la prise de décision, baser la décision de prêt sur la réputation et les flux d’autofinancement de l’emprunteur, renforcer les programmes de marketing et améliorer la capacité d’évaluation des divers secteurs d’activités et de MPME.

3.78. Il faudrait explorer les options non-traditionnelles pour atteindre les petits emprunteurs, comme noté dans l’Encadré suivant. Les banques et les EMF devraient adopter des produits nouveaux et innovants servant mieux leur clientèle et étendre l’éventail de leurs clients. Le Ghana a mis en place des distributeurs automatiques de billets (DAB) marchant avec des cartes à puce, des bureaux mobiles et des ordinateurs de poche. L’Inde utilise des cartes à puce et des cartes de crédit pour les agriculteurs. L’Encadré 3.2 examine d’autres cas.

3.79. La disposition des banques à entrer sur le marché des MPME s’accroîtra lorsque le secteur bancaire malien deviendra plus concurrentiel. Si quelques banques devenaient plus dynamiques et plus orientées vers le client (du fait de prises de participation au capital de banques maliennes par des banques régionales ou étrangères, grâce à la privatisation de la BIM, par exemple), elles conquerraient facilement les « meilleurs » clients du Mali, c’est-à-dire les entreprises moyennes ou grandes bien établies Les autres banques seraient alors incitées à chercher de nouvelles opportunités d’affaires sur le marché des MPME. Il est donc important d’assurer les conditions d’une forte concurrence dans le secteur bancaire.

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Encadré 3.1 : Il faudrait aller au-delà des solutions traditionnelles dans le secteur agricole

Lorsque l’on considère l’accès au crédit comme une contrainte, on propose souvent deux solutions : fourniture de lignes de crédit pour financer l’agriculture et création de fonds de garantie, mais les résultats de ces types d’actions ont été décevants. Plusieurs raisons peuvent l’expliquent. D’abord, il peut y avoir d’autres obstacles plus graves que le manque d’accès à des financements. Ensuite, lignes de crédit et fonds de garantie ne résolvent pas les vrais problèmes qui restreignent l’offre de crédit au secteur agricole. Une ligne de crédit peut être utile si des institutions manquent de liquidité pour financer les activités agricoles. Mais, dans la plupart des pays, y compris le Mali, les banques ont suffisamment de liquidité. La plupart des banques choisissent de ne pas prêter au secteur agricole parce qu’elles le considèrent trop risqué, en partie par manque d’information et de garanties et en partie du fait de l’absence de concurrence au sein du secteur bancaire, ce qui rend les banques peu entreprenantes. Par ailleurs, les banques manquent souvent de capacité à analyser les demandes de prêts du secteur agricole. Or, fournir des lignes de crédit ne développe pas les compétences requises. Les fonds de garantie ont également donné des résultats décevants. La meilleure pratique recommande un partage des risques 50/50 entre le fond de garantie et les banques, de façon à ce que celles-ci continuent à évaluer avec soin les demandes de prêt et à veiller à leur recouvrement. Le coût total de la garantie devrait être supporté par l’emprunteur, même si cela accroît fortement le coût du crédit. Dans ce cas, la garantie améliore l’accès mais accroît le coût du crédit. Ce coût reste inférieur à l’alternative d’un emprunt à des usuriers. Souvent les banques recourent peu à ces fonds de garantie, car leurs clients ont du mal à fournir la garantie que la banque continue à exiger. En outre, le fonds de garantie ne résout pas toutes les questions de garantie et n’est donc pas la meilleure réponse aux problèmes de garantie (comme par exemple au Burkina). En outre, comme les lignes de crédit, les fonds de garantie ne développent pas les compétences des banques dans le financement agricole. Dans certains cas, les exploitants agricoles ne devraient pas recevoir de prêt, car ils ne génèrent pas assez de revenus pour les rembourser. Il vaut mieux alors des financements à fonds perdus (matching grants). Une garantie devrait être un mécanisme pour combler un écart de crédit et non pour transférer une subvention. Il faudrait élaborer des alternatives. La première étape, décisive, est d’évaluer la demande et le besoin de services financiers. Il est souvent facile d’identifier le manque d’accès au crédit comme une contrainte clé sans bien identifier d’autres contraintes plus importantes137. Il est également crucial d’envisager toutes la gamme des services financiers (au lieu de se focaliser sur le seul crédit : d’autres services financiers, tels que les transferts d’argent ou l’épargne peuvent jouer un rôle important138) et tout l’éventail des institutions pouvant jouer un rôle dans le financement du secteur agricole (banques commerciales, banques agricoles, EMF, ainsi que boutiques de vente au détail, fournisseurs d’intrants, transformateurs des produits et négociants).

137 Cette analyse montre que si l’accès aux financements est une contrainte pour le développement du secteur de la mangue, ce n’est peut-être pas la principale, comme on le pense souvent. Dans ce cas précis, d’autres problèmes semblent plus cruciaux, tels que la tarification, l’organisation de la commercialisation des mangues et les infrastructures 138 Les transferts d’argent de l’intérieur ou de l’étranger peuvent lisser les flux de revenus saisonniers et les services de dépôt permettent aux ménages de constituer des réserves pour faire face aux périodes de faibles revenus ou de fortes dépenses.

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Encadré 3.2 : La technologie peut abaisser le coût de l’accès aux services financiers dans les zones rurales

La Uganda Microfinance Union, en partenariat avec Hewlett Packard, teste un programme de terminaux de paiement - points de vente. Le système permet de faire des transactions dans les zones rurales à un coût beaucoup plus faible que la mise en place et le fonctionnement d’une agence bancaire locale. Des agents compétents en gestion de liquidité se rendent à des endroits fixes dans des communes rurales avec un terminal point de vente sans fil qui dispose d’une batterie pouvant durer 11 heures, des cartes à puce et un logiciel de gestion d’opérations basé sur le Web qui peut traiter les dépôts d’épargne, les remboursements de prêt, les retraits et les transferts de fonds. Les opérations sont transférées par le réseau de téléphonie mobile au SIG de l’Union. Elles sont transférées au moins une fois par jour, mais peuvent l’être plus souvent, selon le coût du temps de communication et le volume des transactions. Ce logiciel offre aux clients une plage d’horaire plus longue que les guichets d’une agence, réduit la distance que les clients doivent parcourir de 20 kilomètres à moins de 5, ce qui réduit à la fois le coût des transactions et le risque et crée une incitation à épargner. Il permet d’établir un historique de paiement du client qui peut ensuite être utilisé pour prendre des décisions concernant l’octroi de crédits, l’étude du risque et le développement de produits. Prodem FFP (un EMF bolivien) a adopté des cartes à puce pour réduire le coût d’exploitation de la desserte des zones rurales. Grâce à Innova, un intégrateur local, Prodem FFP a adopté des cartes à puce en 2000 pour préparer le déploiement de DAB intelligents (SATM). En utilisant des cartes à puce et des lecteurs fournis par GemPlus, Innova a développé un logiciel pour lire les cartes à puce comportant une l’information d’identification du client, comportant trois empreintes digitales et des données financières tirées du système de traitement des opérations de Prodem FFP. Les clients payent un droit d’entrée de 10 dollars, puis un droit annuel de 7 dollars pour l’utilisation de la carte. Avec des lecteurs à la fois de cartes et d’empreintes dans ses 54 agences, Prodem FFP offre à ses clients un moyen rapide de réaliser des opérations financières. Comme un carnet de banque électronique, la carte à puce élimine les opérations papier et permet aux clients d’envoyer des mandats, de changer de l’argent, d’en déposer ou d’en retirer directement avec l’agent, qui se sert d’un ordinateur personnel. Prodem FFP a par ailleurs créé des postes servant uniquement à vérifier le solde du compte pour réduire le temps d’attente des clients qui ne demandent que des informations. Toutes les transactions sont inscrites immédiatement sur la carte à puce du client. Les ordinateurs centraux de Prodem FFP sont mis à jour deux fois par jour et non en temps réel pour économiser le coût d’une connexion permanente par Internet. Prodem FFP a tiré un certain nombre d’avantages de l’adoption des cartes à puce. Les files d’attente aux guichets ont spectaculairement diminué, car les détenteurs de carte qui veulent connaître le solde de leur compte peuvent le faire sans assistance. Le système intégré de carte à puce, de DAB et de vérification d’empreintes digitales a donné à Prodem FFP un avantage compétitif et attiré des déposants qui apprécient la rapidité du système et sa commodité. Bien que ce système n’offre encore que de l’épargne, des transferts et des décaissements de prêts, les cartes à puce sont assez souples pour que Prodem envisage de les utiliser pour fournir d’autres services financiers. Source : Pour l’Ouganda : Banque mondiale (2005). Pour la Bolivie : http ://www.microfinancegateway.org/resource_centers/technology/iss_software/list_technologies/6.

Obstacles au crédit du côté de la demande

3.80. On pense généralement que l’accès au financement est une contrainte majeure au Mali, mais les données montrent que la plupart des entreprises qui veulent un crédit l’obtiennent. Les répondants à l’enquête d’évaluation du climat de l’investissement 139 ont identifié le manque d’accès au financement et son coût élevé comme les deux grandes contraintes à la croissance de leur entreprise : 56% ont indiqué l’accès au financement et 57% son coût comme des contraintes majeures. Pourtant, parmi les 57% des entreprises interrogées qui avaient demandé un prêt bancaire, 80% l’avaient obtenu. Plus les entreprises sont importantes, plus elles ont de chance de se voir accorder le prêt demandé : 50% des microentreprises, 76% des petites, 83% des

139 L’ECI de 2004 donne une idée des perceptions du secteur financier par les entreprises officielle du Mali. Elle a enquêté 196 entreprises des secteurs de l’industrie, du tourisme et des transports. Elle a également interrogé 1.134 employés.

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moyennes et 100% des grandes entreprises140 ayant demandé un prêt l’on obtenu. Parmi les entreprises pouvant présenter un bilan certifié et ayant demandé un prêt, 83% l’ont obtenu.

3.81. Bien qu’ayant indiqué, dans leur réponse, que le crédit était une contrainte, de nombreuses entreprises ne sont en fait pas demandeuses d’un financement bancaire. L’ECI révèle que seulement 55% des répondants à l’enquête ont utilisé un financement bancaire (prêt ou ligne de crédit). Ce chiffre est plus élevé qu’au Bénin, où seulement 38% des entreprises ont utilisé un financement bancaire mais plus bas qu’au Sénégal, où le pourcentage est de 64%. Le financement bancaire a été utilisé par 14% des microentreprises, 46% des petites, 71% des moyennes et 93% des grandes entreprises. Parmi les entreprises interrogées, 42% ont dit n’avoir jamais demandé de prêt bancaire (57% des microentreprises, mais 21% des grandes entreprises). Parmi celles-ci, 6% ont dit ne pas avoir besoin de financement. Parmi les autres, la principale raison pour ne pas demander de crédit est qu’elles ne pourraient pas supporter le coût d’un financement ou satisfaire les conditions (en particulier fournir les garanties demandées).

3.82. Les résultats de l’ECI montrent l’importance, pour l’accès à un financement bancaire, des comptes certifiés, que beaucoup d’entreprises n’ont pas : 69% des entreprises ayant des comptes certifiés étaient en mesure d’avoir accès à un financement bancaire contre 28% de celles qui n’en n’avaient pas. L’enquête indique que les entreprises exportatrices ont plus facilement accès à un financement bancaire : 68% y avaient accès, contre seulement 51% des entreprises non exportatrices. L’ancienneté de l’entreprise compte également, les plus anciennes ayant plus facilement accès à un financement bancaire.

3.83. L’ECI conclut que le crédit représente une contrainte pour 51% des entreprises : soit qu’elles souhaiteraient emprunter davantage au taux d’intérêt actuel, soit qu’elles n’aient pas demandé de prêt bien qu’elles aient besoin de financement, soit encore que leur demande de prêt a été refusée par la banque. Plus les entreprises sont petites, plus elles sont contraintes par le crédit, la contrainte crédit affectant 71% de microentreprises, 57% des petites, 39% des moyennes et 23% des grandes entreprises. Si ces chiffres exagèrent probablement la difficulté, ils montrent néanmoins que beaucoup d’entreprises manquent d’accès au crédit.

3.84. L’ECI montre l’importance de l’information dans l’évaluation du risque des emprunteurs potentiels par les prêteurs, les grandes entreprises et les entreprises du secteur formel étant mieux placées pour accéder au crédit. L’accès au financement est plus facile pour les grandes entreprises, qui établissent des plans d’affaires et sont plus habituées à traiter avec les banques ; il l’est également pour les entreprises plus anciennes, qui ont un plus long historique financier et pour les entreprises ayant des comptes certifiés. Par contre, les MPME manquent souvent des compétences financières et de gestion nécessaires. Nombre d’entre elles ne sont pas capables d’établir des états financiers fiables ou des plans d’affaires réalistes et sont donc incapables de fournir aux banques les informations qu’elles demandent comme condition à l’octroi d’un prêt. Les MPME fournissent souvent des informations inexactes, ce qui alimente le manque de confiance des banques en elles. Souvent elles comprennent mal le système bancaire. Elles ne savent pas toujours quelles informations 140 Les définitions utilisées sont les suivantes : microentreprises : 1 à 9 salariés ; petites entreprises : 10 à 49 salariés; moyennes entreprises : 50 à 99 salariés ; grandes entreprises : plus de 100 salariés.

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les banques trouvent importantes et perçoivent souvent les banques (et notamment les responsables des prêts) comme trop curieux. Elles peuvent aussi mal comprendre le rôle d’un financement extérieur dans leur affaire, ce qui peut les conduire à demander davantage qu’elles ne peuvent supporter ou à s’intéresser uniquement au taux d’intérêt.

3.85. En résumé, s’il faudrait résoudre les obstacles au crédit du côté de l’offre, il est non moins important de lever les obstacles du côté de la demande qui empêchent les petites entreprises d’accéder au crédit à des taux d’intérêt plus abordables. Les services de développement des entreprises (SDE) peuvent les aider à accroître leur capacité dans divers domaines, tels que la comptabilité (ce qui leur permettrait d’établir des états financiers plus exacts), la planification d’entreprise (établissement de scénarios de développement réalistes) et la finance (détermination de leurs besoins de financement et de leur capacité de remboursement).

F. POSITIONNER LE SECTEUR POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF D’UNE CROISSANCE FAVORABLE AUX PAUVRES DU MALI

3.86. Il faudrait agir dans plusieurs domaines pour mieux positionner le secteur financier afin de lui permettre d’atteindre l’objectif d’une croissance favorable aux pauvres du Mali. On peut regrouper ces domaines en trois grands thèmes : (i) renforcement de la situation financière des établissements financiers, (ii) adoption de mesures favorisant la croissance du secteur financier et (iii) élargissement de sa couverture géographique et sociale.

Renforcement de la situation financière des banques et des EMF

• Le portefeuille et le fonctionnement des banques devraient être renforcés : (a) nettoyage des créances improductives (CI) (il faudrait concevoir et exécuter une stratégie ; les CI devraient être recouvrés plus rapidement par un recours plus prompt au système judiciaire) ; (b) renforcement des capacités bancaires (contrôles internes, analyse et suivi des prêts, procédures de recouvrement des prêts) afin d’éviter une nouvelle accumulation de CI et d’améliorer l’efficience ; (c) mise en œuvre des recommandations de l’étude sur le traitement des garanties et système de valorisation de façon à renforcer la valorisation des garanties et le traitement des garanties ; (d) restructuration de la BHM afin d’améliorer sa liquidité et son SIG.

• La concurrence au sein du secteur financier devrait être accrue. Il faudrait : (a) encourager l’entrée sur le marché d’établissements financiers solides d’autres pays d’Afrique de l’ouest ou d’autres pays étrangers et (b) réaliser des progrès dans la privatisation de la BIM et de la BHM.

• Le secteur de la microfinance a besoin de consolidation à la suite de sa croissance rapide et d’assistance technique pour aider les EMF à renforcer leur fonctionnement.

• Il faudrait renforcer la réglementation et la supervision du secteur des EMF : (a) encourager les EMF existants à rejoindre un réseau, (b) exiger des nouveaux entrants qu’ils rejoignent un réseau dès la première année de leur activité,141 (c) faire effectuer périodiquement une notation des EMF par une agence de notation

141 Une recommandation semblable a été faite pour le Sénégal lors de la mise à jour du PESF 2004/05.

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reconnue142 ; (d) engager, avec la participation active des autorités maliennes, une révision de la loi PARMEC ; (e) renforcer les nouveaux organes de supervision des EMF (en finançant de la formation, des équipements et des missions de supervision).

Adoption de mesures pour faciliter la croissance du secteur financier

• Il faudrait faciliter l’accès des banques et des entreprises à des financements long terme, par les : (a) l’assouplissement des ratios prudentiels (au niveau de l’UMOA) relatifs aux transformation des échéances passifs/actifs (ce comprends la suppression du ratio de structure du portefeuille demandant que 60% du portefeuille de prêts soit constitué de crédits accrédités par la banque centrale) ; (b) l’émission de titres créances négociables à plus long terme (jusqu’à ce que la réglementation contraignante des marchés financiers ait changé) éventuellement avec le soutien d’une garantie partielle de la SFI ; (c) l’encouragement à l’émission d’obligations par des entreprises sur le marché régional (avec l’aide d’un courtier local) ; (d) l’élaboration d’un système de notation des grandes entreprises comme alternative à la garantie à 100% exigée pour l’émission d’obligations sur le marché financier régional ; et (e) la modification du Code de la CIMA pour permettre aux compagnies d’assurance de placer leurs fonds en obligations de sociétés ne pouvant offrir une garantie à 100% mais bien notées.

• Il faudrait faciliter le développement de sources alternatives de fonds à long terme et notamment : (a) encourager l’expansion des activités de crédit-bail (modifier leur traitement fiscal pour aligner l’amortissement sur la durée du contrat de crédit-bail, faciliter la récupération de la TVA et transférer aux sociétés de crédit-bail les avantages du Code de l’investissement dont jouissent les entreprises qui importent des équipements) ; (b) achever la réforme des caisses de sécurité sociale pour accroître la disponibilité de ressources à long terme ; (c) faciliter l’expansion du secteur de l’assurance (en appliquant la réglementation sur la domiciliation des polices d’assurance) et (d) encourager l’introduction de sociétés de capital risque.

• Enfin, il faudrait renforcer le processus de garantie (a) en modifiant le Code domanial et foncier et le Code des procédures civile et commerciale ; (b) en revoyant (et réduisant au besoin) le coût de l’enregistrement et de la réalisation des garanties ; (c) en développant la tierce détention (utilisables en particulier par les MPME et les exploitations agricoles).

Extension de la couverture géographique et sociale du secteur financier

• Pour améliorer la situation du côté de l’offre, il faudrait (a) fournir une AT pour aider les banques à développer leurs compétences en matière de prêts aux MPME et à l’agriculture ; (b) créer des agences d’évaluation du crédit, (c) inciter les banques et les EMF à offrir des produits innovateurs adaptés aux MPME et au financement rural (avec une attention particulière à l’adaptation des garanties aux besoins des emprunteurs, tout en étant acceptables aux yeux du régulateur), (d) encourager les établissements financiers à permettre aux emprunteurs

142 Il existe plusieurs sociétés internationales (telles que Planet Finance) spécialisées dans la notation des EMF. Si celles-ci acceptent de publier les résultats de leur notation, CGAP financerait jusqu’à 90 % du coût. La Banque mondiale et d’autres donateurs se sont déclarés prêts à financer le coût de la notation pour les EMF qui dès le départ sont d’accord pour la publication de leurs résultats.

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d’utiliser des biens mobiliers, des titres fonciers précaires et des récépissés d’entrepôt comme garanties ; (e) envisager de relever ou supprimer les plafonds de taux d’intérêt des prêts accordés par les banques (actuellement de 18%) et les EMF (actuellement de 27%) ; (f) promouvoir de développement des EMF, notamment dans le nord du pays où l’accès au financement est déficient.

• Pour améliorer la situation du côté de la demande, il faudrait (a) fournir une AT aux MPME pour développer leur capacité à établir des états financiers fiables et à présenter des dossiers de projets bancables ; (b) développer et renforcer les services de développement des entreprises s’adressant aux PME ; (c) mieux organiser les activités du sous-secteur de l’agriculture de façon à réduire le risque des prêts à ce secteur (ce qui devrait inclure la réalisation d’investissements pour l’irrigation, l’adoption de mécanismes d’assurance des exploitations et l’acceptation des titres fonciers précaires comme garantie) ; (d) encourager la création d’agences d’évaluation du crédit pour accroître les informations sur les emprunteurs potentiels à la disposition des établissements financiers.

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4. L’ENERGIE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE143

4.1. L’importance de l’énergie pour la croissance économique est bien reconnue au Mali. Plusieurs programmes de réforme et d’investissement se sont attaqués aux problèmes rencontrés par ce secteur.144 Malheureusement, leur exécution avance lentement et aujourd’hui le secteur de l’énergie fonctionne au-dessous de ses possibilités. Le rythme de la croissance économique est menacé par les pénuries d’électricité qui se profilent et par les coûts élevés du courant. L’offre d’électricité ne s’accroîtra probablement pas assez vite pour prévenir des pénuries. Or les pannes nuisent aux industries en élevant leurs coûts de production et de transport. Le secteur de l’énergie souffre d’un considérable sous-investissement : il faudrait environ 125 millions d’USD d’investissements au cours des cinq prochaines années pour que ce secteur ne freine pas la croissance économique. Ce sera un défi majeur pour un secteur dont les finances sont chroniquement faibles.

4.2. Le secteur de l’énergie du Mali est étroitement intégré avec celui de ses voisins et semble devoir s’internationaliser plus encore au cours de la prochaine décennie, conséquence à la fois de sa géographie et de ses dotations en ressources naturelles. Pays enclavé, sans ressources connues en hydrocarbures, le Mali devrait importer tout son pétrole par terre à partir des ports des pays voisins sur la côte Atlantique. C’est un gros handicap économique pour l’économie malienne. L’essentiel du potentiel hydroélectrique du pays se situe sur le fleuve Sénégal, voie d’eau internationale dont le développement a été confié à l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), une autorité régionale de bassin fluvial ayant trois États membre dont le Mali.

4.3. La crise politique en Côte d’Ivoire a encore internationalisé davantage les circuits d’approvisionnement en énergie du Mali en diversifiant les ports et les itinéraires de transport des produits pétroliers. La crise ivoirienne a par ailleurs forcé le Mali à rechercher des interconnections électriques contournant le nord de la Côte d’Ivoire pour bénéficier d’une offre de courant à bas coût produit avec du gaz naturel produit dans le cadre du Pool électrique ouest-africain.145 Ce Pool et les nouveaux investissements hydroélectriques d’OMVS sont les solutions les plus intéressantes économiquement pour répondre aux besoins à moyen terme du Mali.

4.4. Le principal message de ce rapport est que le Gouvernement du Mali devrait anticiper davantage pour répondre aux besoins à court et à moyen terme d’électricité et rechercher activement toutes les solutions possibles pour réduire le coût de son courant. Face à la hausse permanente de la demande d’électricité du pays, il faudrait éviter le coût des retards des projets de construction de centrales (coûts en termes de clients non desservis ou de coût élevé du courant des centrales thermiques). 143 Ce chapitre est basé sur un document de fond de Sunil Mathrani. 144 Le développement sur l’énergie est centré sur les énergies modernes (électricité et pétrole) parce que les activités modernes qui vont constituer la source de la croissance du Mali s’appuient sur ces formes d’énergie. Cela vaut bien que l’énergie moderne ne représente, estime-ton, que 15 % de la consommation d’énergie actuelle du Mali (dont seulement 1% pour l’électricité). La faible utilisation d’énergie souligne le besoin crucial d’accroître l’offre d’énergie. 145 Le Pool électrique ouest africain est une initiative de la CEDEAO. La Côte d’Ivoire était envisagée comme une plateforme régionale pour l’énergie. Les échanges d’électricité dans le cadre du Pool étaient estimés en 2001 pouvoir économiser au Mali 145 % des coûts, selon le modèle d’échanges régionaux de la CEDEAO (Bowen et Sparrow, 2001). Les options à moindre coût du Pool et les estimations du modèle pour le Mali devraient être mis à jour. Des études sont en cours pour y parvenir dans le courant de 2006.

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4.5. À court terme, le gouvernement devrait agir rapidement pour éviter les coupures de courant et devrait renforcer l’efficience de l’offre électrique. Le Gouvernement devrait se préparer à assumer l’essentiel des coûts supplémentaires de l’augmentation de l’offre, par la création de nouvelles centrales, compte tenu de l’urgence, des faibles possibilités de répercuter le coût élevé des centrales au fioul sur les industries de transformation et enfin de la réticence du Gouvernement à décider des hausses du tarif électrique. Il faudrait agir pour réduire les importantes pertes de courant d’Énergie du Mali (EDM) ; cela allègerait un peu la pression sur l’offre et contribuerait à réduire son coût. Il faudra suivre de près l’accroissement du fardeau budgétaire et renforcer le programme visant à accroître les recettes fiscales tirées d’autres sources.

4.6. À moyen terme, le Gouvernement du Mali devrait poursuivre un programme d’interconnexion avec le Pool électrique ouest-africain. Il faudrait actualiser les études internationales de faisabilité des diverses lignes à haute tension de branchement possibles afin de déterminer la façon la moins onéreuse d’accéder au courant de centrales thermiques situées sur la côte. En même temps, le Gouvernement devrait œuvrer à la mise en œuvre de ses propres sites hydroélectriques, qui sont économiques. Le temps de réalisation des tels projets est habituellement plus long qu’on ne le prévoit et les accords internationaux sont toujours longs à conclure.

A. LE SECTEUR ELECTRIQUE DEVRAIT REPONDRE A UNE DEMANDE CROISSANTE AVEC UNE OFFRE LIMITEE

4.7. Le Mali est sérieusement handicapé en terme de l’offre énergétique. Il n’a pas de réserves connues d’hydrocarbures (pétrole, gaz, charbon) et n’a qu’un potentiel hydroélectrique restreint (environ 1000 mégawatts au total), dont l’essentiel est une ressource internationale partagée, gérée par une instance régionale (l’OMVS). Le réseau électrique du Mali n’est pas encore raccordé aux pays voisins et ne peut donc pas accéder à un courant moins cher disponible sur la côte. De ce fait, il devrait importer du combustible, actuellement plus de 500.000 tonnes par an, passant par des ports côtiers éloignés (de plus de 1000 km) pour satisfaire ses besoins tant de transport que de production de courant.

4.8. L’accès à l’électricité est inéquitable au Mali. Moins de 10% de la population du Mali a accès au courant électrique, essentiellement dans la capitale Bamako. Il y a à peu près 150.000 branchements au réseau électrique, dont deux-tiers à Bamako, pour une population de 13 millions d’habitants. C’est très peu, même pour la région du Sahel.146 Bamako et 10 villes sont approvisionnées par une société semi-publique, Énergie du Mali (EDM) qui possède et exploite des centrales thermiques et hydroélectriques et un réseau interconnecté.147 EDM dessert également, à une échelle restreinte, 21 autres centres urbains, au moyen de centrales thermiques, qui n’assurent pas en alimentation en courant 24 heures sur 24. Le Tableau 4.1 présente les grands chiffres d’EDM depuis 1985.

146 Le Burkina Faso, avec un PIB par hab. similaire et une même taille de population a près de deux fois plus de branchements au réseau électrique. 147 L’État malien détient la majorité du capital d’EDM et une filiale de la Fondation Aga Khan détient le reste.

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Tableau 4.1 : L’exploitation du secteur électrique par EDM, 1985–2004

1985 1995 2000 2003 2004 Offre

Capacité installée (en MW) 79 105 131 144 147 Dont : - Réseau interconnecté 68 92 101 109 109 - Centres isolés 11 13 30 35 38 Production (en GWh) 158 302 469 343 389 dont : - thermique 12 92 228 105 140 - hydroélectrique 146 210 241 238 249 - achats de Manantali -- -- -- 286 332 Part de l’hydroélectrique (en %) 92 70 51 83 81

Demande Demande de pointe au réseau (MW) 28 56 73 98 111 Vente d’électricité (en GWh) 124 243 349 464 541 Dont : - Réseau 117 216 304 410 477 - Centres isolés 7 27 45 55 65 Branchements(en milliers) 33 66 82 131 146 Dont : - Réseau 24 52 65 106 118 - Centres isolés 9 14 17 25 28 Indicateurs d’exploitation Pertes de courant (en %)a 22 24 25.8 26.4 24.9 Ventes BT /branchements (kWh/an) 1841 1827 2307 1974 2062 Nombre de salariés 1000 1320 1300 1555 1559 Vente d’électricité (milliards de FCFA) 7,2 17,4 31,4 44,0 48,6 Recette moyenne (FCFA /kWh) 58 70 95 95 90 a. ensemble des pertes techniques et commerciales. Source : Compilé à partir des Rapport annuels d’EDM et de documents de la Banque mondiale. 4.9. Les entreprises des deux secteurs cruciaux de l’économie du Mali, les mines et le coton, ne sont pas alimentées par EDM à cause de leur éloignement du réseau électrique et du coût de la construction des lignes à haute tension nécessaires pour les raccorder.148 Le secteur minier a besoin d’environ 50 mégawatts, qu’il produit lui-même au moyen de combustible importé onéreux. Les autres secteurs produisent pour eux environ 20 mégawatts, les usines d’égrenage de coton de la CMDT en produisant la plus grande partie (8 MW). L’ensemble des entreprises de ces secteurs a consommé, en 2004, environ 30% de l’électricité utilisée au Mali. Elles feraient une économie importante si elles avaient accès au réseau d’EDM.

4.10. Depuis que la centrale hydroélectrique régionale de Manantali (200 MW) a été mise en service par l’OMVS en 2002, la puissance électrique disponible au Mali s’est fortement accrue, avec une forte hausse à la fois de la consommation et du nombre de branchements (ceux-ci ont augmenté de 75 % entre 2000 et 2004). Mais le Mali est à nouveau au bord de la pénurie de courant à cause de la rapide croissance de la demande et du retard des nouvelles centrales. Le Mali n’a pas prêté assez d’attention à l’investissement, au bon moment, dans la production et le transport parce qu’il s’est laissé distraire par le souci, légitime, de la distribution et de la performance d’EDM, dont la gestion a été, en 2000, confiée à un opérateur privé au moyen d’un contrat de concession.

4.11. Les investissements dans l’alimentation électrique sont très lourds et demandent beaucoup de temps pour leur réalisation. L’absence de programmation régulière conduit à une évolution erratique de l’offre. Une offre de courant fiable qui 148 Certaine des ces lignes à haute tension seraient justifiées en termes d’économie d’énergie, si la puissance disponible de la centrale hydroélectrique de Manantali n’était pas totalement absorbée par les clients déjà raccordés au réseau d’EDM.

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puisse répondre aux pointes de la demande à tout moment nécessite d’importantes marges de réserve et des augmentations régulières de la capacité de production au moyen de programmes à long terme d’expansion de la capacité de production. Or, le Mali a négligé cette planification de l’expansion. Le résultat est qu’environ tous les dix ans le pays souffre d’une sévère pénurie d’électricité. Ces pénuries nuisent à la croissance économique car elles réduisent le taux d’utilisation des capacités des industries et accroissent leurs coûts. Leçon des pénuries des années 80 et 90 : la planification de l’expansion du système devrait être régulière et permanente et il faudrait faire régulièrement des investissements pour ne pas prendre de retard sur la croissance de la demande ; il ne faudrait pas attendre qu’il y ait des pénuries pour se précipiter et bricoler des solutions ad hoc donc coûteuses.

L’évolution de la demande d’électricité

4.12. Pendant les années 1995–2000, il y a eu une pénurie d’électricité due aux retards de la construction de la centrale de Manantali.149 Il y a eu des coupures de courant pendant cette période et EDM a mené une politique délibérée de limitation des nouveaux branchements. Malgré cela, les ventes moyennes d’EDM ont progressé de 7,5 % par an (Tableau 4.1 et A6.2), beaucoup plus vite que la croissance du PIB réel (5 %). En 2002 l’électricité plus abondante et moins chère de la centrale de Manantali a permis une augmentation spectaculaire de la consommation d’électricité. Même en 2004, alors que la croissance annuelle du PIB est tombée à 2 %, la consommation électrique a augmenté de 17 %, parce que, notamment, la réponse à une demande jusque là insatisfaite devenait possible au moyen de nouveaux branchements, entre autres résidentiels. Entre 2000 et 2004 le nombre de branchements basse tension a augmenté de 77 %150 et les ventes d’EDM ont progressé en moyenne de 11,6 % par an (Tableau 4.2).

4.13. La croissance de la demande semble s’être produite de façon assez uniforme dans toutes les catégories de clients, même si la demande des ménages et la demande commerciale (basse tension) ont progressé un peu plus vite que la demande industrielle (moyenne tension).151 Cette forte croissance globale illustre clairement l’importance de la demande insatisfaite de la période avant Manantali et la poursuite de l’expansion de l’utilisation de l’électricité lorsque l’offre est disponible sans limitation.

Tableau 4.2 : Croissance des ventes d’EDM par niveau de tension, 2000–04

Ventes en GWh 2000 (en

GWh)

Parts (en %)

2004 (en GWh)

Parts (en %)

Taux d’évolution annuel 2000-2004 (en %)

Basse tension 188 54 298 55 12,2 Moyenne tension 161 46 243 45 10,8 TOTAL 349 100 541 100 11,6

Source : EDM. 4.14. La poursuite de l’urbanisation rapide de la région de Bamako signifie que la croissance de la demande d’électricité va rester forte, notamment parce que une part importante de cette demande vient du secteur des services, où l’élasticité au prix est

149 Sur les 800 gigawatt-heures produits par cette centrale en une année d’hydrologie moyenne, le Mali a droit à 52 %, le Sénégal à 33 % et la Mauritanie à 15 %. 150 Inclut les usagers résidentiels et commerciaux ; des données désagrégées ne sont pas disponibles. 151 Les données se basent sur la tension, non sur des catégories de consommateurs tels que résidentiel, commercial, etc..

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relativement faible.152 Les projets de développement urbain en cours de réalisation à Bamako, comprenant entre autres une grande cité administrative nouvelle, généreront une forte demande moyenne par branchement du fait de la généralisation des appareils de climatisation. Tous ces projets seront raccordés au réseau d’eau (gros consommateur d’électricité pour le pompage de l’eau). EDM indique que les demandes fermes de nouveaux branchements dans la région de Bamako représentent une demande supplémentaire de 40 mégawatts.

4.15. Le niveau actuel des ventes d’EDM dans les villes non reliées au réseau, comme Bougouni et Koutiala, ne reflète pas le vrai niveau de la demande pour trois raisons :

• EDM ne parvient pas à servir correctement les consommateurs en raison de l’insuffisance de la capacité de ses centrales thermiques ;

• EDM cherche à limiter sa clientèle dans ces villes parce quelle manque de capacité disponible ;

• Chaque vente supplémentaire dans ces zones accroît les pertes financières d’EDM en raison du gros écart qui existe entre le tarif national électrique, qui est uniforme, et le coût élevé de la production thermique dans ces zones non reliées au réseau interconnecté.

Lorsque ces villes seront raccordées à un réseau offrant du courant sans restriction 24 heures sur 24, leur consommation d’électricité augmentera spectaculairement.

4.16. Les données montrent que si EDM surmonte ses contraintes actuelles de production, la consommation électrique malienne augmentera d’au moins 9 % par an, en moyenne, au cours des cinq prochaines années. Entre 1995 et 2004, lorsque les ventes d’électricité ont augmenté de 9,3 % par an malgré de fortes hausses des tarifs en 1998–2002, EDM n’a pas étendu son réseau haute tension à d’autres villes, de sorte que l’augmentation de la demande est venue des zones qui étaient soit déjà électrifiées soit proches d’un transformateur d’EDM. La future demande sera donc au moins aussi forte lorsque les contraintes de production seront levées. Si le réseau haute tension est étendu vers le sud jusqu’à Sikasso, l’augmentation de la demande sera plus forte encore.

L’évolution de la production d’électricité

4.17. La hausse rapide de la demande, ces dernières années, et l’absence d’augmentation de la capacité de production depuis 2002 signifient qu’EDM n’aura pas les moyens de répondre à la demande des heures de pointe en 2006 si la croissance de la demande en 2005 reste supérieure à 10 %. EDM estime son insuffisance de capacité à environ 5 mégawatts si toutes les centrales fonctionnent normalement.153 Il faudra encore plus de capacité – de l’ordre de 10 mégawatts – pour satisfaire la demande de pointe en 2007. Des coupures de courant sont très probables si aucune capacité supplémentaire n’est installée.

4.18. Le Mali utilise déjà la totalité des ses droits sur Manantali et aucun des deux autres États membres n’a de capacité de réserve suffisante pour revendre au Mali une partie de son quota de courant sur cette centrale avant d’avoir d’abord accru ses capacités de 152 Les ventes dans la tranche électrique la plus coûteuse (0,25 $ par kWh) constituent la plus grande part (31 %) des ventes basse tension d’EDM, ce qui montre la volonté de payer cher l’obtention de courant. 153 Une seule ligne de transport relie Manantali au réseau haute tension d’EDM, de sorte qu’en cas d’incident technique sur cette ligne, les autres centrales d’EDM ne pourraient pas satisfaire la demande qui leur serait adressée.

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production ailleurs. Les retards dans les nouveaux projets hydroélectriques et ceux d’interconnexion signifient que le Mali n’a pas d’autre choix que d’accroître ses capacités de production thermique pour satisfaire la demande d’électricité entre 2006 et 2008. Or, comme le montre le Tableau 4.3, aucun nouveau projet hydroélectrique ou d’interconnexion ne peut être mis en service avant 2008 à cause des longs délais d’élaboration et de réalisation de tels projets.

4.19. Des décisions devraient être prises rapidement pour fournir une capacité thermique supplémentaire d’au moins 25 mégawatts pour les 2 ou 3 prochaines années, afin de faire face à une croissance de la demande de 9 % par an. Selon le type de moteur et de combustible choisis, les options ont un coût différent et supposent des accords de financement différents.154 Le choix optimal dépend de la date de disponibilité de la prochaine grosse tranche de production. Si elle ne doit être disponible que dans 3 à 5 ans, il faudrait envisager des centrales thermiques plus grandes et plus lentes, utilisant de façon plus efficiente le combustible (brûlant du fioul lourd, nettement moins cher que le fioul léger155), mais ayant un coût d’investissement initial plus élevé. Une combinaison de centrales diesel semi-lentes et rapides pour les périodes de pointe et de diesels lents fonctionnant en permanence est probablement la meilleure solution technique pour satisfaire la demande avant la mise en service des nouveaux projets hydroélectriques et d’interconnexion. Mais, ces mesures d’urgence sont des choix sous-optimaux, qui ne sont pas une solution à moindre coût pour répondre aux besoins électriques du pays.

4.20. Une autre solution serait la construction de centrales thermiques plus importantes, non pas au Mali, mais à Dakar et Nouakchott pour satisfaire les besoins croissants de courant de ces villes et ceux du reste du Mali. Ce serait une solution beaucoup moins coûteuse que le transport du combustible sur un long parcours pour alimenter de nouvelles centrales thermiques installées au Mali.156 Qui plus est, il ne serait pas nécessaire de transporter le courant depuis les côtes jusqu’à l’intérieur des terres car le réseau de transport de l’OMVS permettrait au Mali de tirer plus de courant de Manantali en échange de courant thermique produit à Dakar ou Nouakchott, ce qui éviterait les pertes de transport sur longue distance qui se produiraient si l’on construisait une ligne de la côte à Bamako. Autrement dit, la Mauritanie ou le Sénégal pourraient rétrocéder en échange du courant produit par ces centrales thermiques construites chez eux une fraction correspondante de leur part dans la centrale de Manantali mais au coût du courant de remplacement venant d’une centrale thermique.157

4.21. Le champ pétrolier offshore mauritanien de Chinguetti, près de Nouakchott, devrait entrer en production en 2006 et produire du gaz en même temps que du pétrole brut. Une centrale thermique à turbines à gaz pourrait être mise en service dans moins de deux ans. Aucun investissement supplémentaire en lignes de transport ne serait nécessaire et un accord bilatéral selon lequel le Mali obtiendrait la part de 15 % de la

154 Les options d’offre incluent la location/crédit bail à court terme de centrales si l’insuffisance d’offre doit être temporaire. Le coût de location des ces centrales est d’environ 400 USD/kw de capacité, par an. Dans le cas du Mali, l’insuffisance d’offre n’est pas de courte durée. 155 L’utilisation de fioul lourd entraînerait des coûts supplémentaires de manutention et de stockage, car EDM n’utilise pas habituellement ce combustible. 156 L’essentiel de l’économie résulterait de l’évitement du transport routier du fioul jusqu’à Bamako. Sur la base des cours du pétrole de septembre 2005, la production de 100 gigawatt-heures sur la côte au lieu de Bamako permettrait d’économiser environ 6 millions d’USD par an. En outre, le coût unitaire de l’électricité pourrait être inférieur grâce à des économies d’échelle, si la centrale était plus importante que celle qui serait construite à Bamako pour les besoins du seul Mali. Les coûts élevés du transport au Mali sont traités dans le Chapitre 5. 157 À plus long terme la capacité de transport de la ligne Manantali-Bamako pourrait devoir être doublée si le Mali devait en consommer toute la production.

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Mauritanie (120 gigawatt heures) sur Manantali serait plus facile à négocier qu’un accord tripartite dans le cadre du Pool électrique ouest-africain.

Tableau 4.3 : Résumé des options d’investissement du secteur électrique, 2006–10 Projet Capacité ou

distance Énergie Coût Date de

mise en service

Situation

Centrales thermiques supplémentaires

25+MW 15 à 20 millions d’USD à l’achat, mais possibilité de crédit-bail

2006–08 Très urgent, mais pas encore de décision sur le type ou la taille des centrales ; offre de financement de l’Inde et de l’Iran

Renforcement du réseau de transport edistribution (T&D) autour de Bamako

13 millions d’USD 2006–07 Urgent ; offre de financement de l’Iran

Options relatives à l’offre à moyen termes Branchement à haute tension avec la Côte d’Ivoire

Ferke-Sikasso, (234 km) ; il faudrait aussi étendre le réseau d’EDM jusqu’à Sikasso

11 milliards de FCFA (20 millions de $), le Mali en payant 40 %, plus extension du réseau EDM de Ségou à Sikasso 28 milliards de FCFA (51 millions de $)

Incertain, dépend de la situation politique ivoirienne

Protocole d’accord signé en septembre 2003, mais aucune décision de prise du fait de la crise politique ivoiriennes

Branchement à haute tension avec le Burkina Faso et le Ghana

Bobo-Sikasso (170 km), plus Sikasso-Bamako (370 km) ; il faudrait aussi un branchement Ghana-Burkina Faso

Part du Mali pour Bobo-Sikasso : 2/3 de 17 millions de $ ; part du Mali pour Sikasso-Bamako : 40 millions de $ ; Branchement Ghana-Burkina à charge de transit au Burkina Faso

2008 Les études du Pool électrique ouest-africain devraient être actualisées et révisées ; pas encore de discussions avec le Ghana et le Burkina Faso, mais le gaz sera disponible au Ghana fin 2006

Achat de courant de centrales thermiques de Mauritanie ou du Sénégal

Jusqu’à 30 MW

Jusqu’à 120 GWh (15 % de Manantali)

Centrale à turbine à gaz sur la côte (15 millions $), mais pas besoin d’investir pour le transport (à moyen terme).

2007–08 Pas d’analyse de faite ; pas de discussions avec la Mauritanie, mais le gaz sera probablement disponible en 2006

Centrale hydroélectrique de Markala

13 MW 60 GWh 23,5 milliards de FCFA (43 million $)

2009 (au plus tôt)

Études de faisabilité à actualiser ; le financement est recherché

Centrale hydroélectrique de Kenié

35 MW 176 GWh

52,5 milliards de FCFA (96 millions $)

2009 (au plus tôt)

Études de faisabilité disponibles ; protocole d’accord signé avec l’Iran pour un projet BOOT

Centrale hydroélectrique de Félou (OMVS)

59 MW 335 GWh

52.8 milliards FCFA (96 millions $) à partager également entre les 3 États membres

2009–10 Études presque achevées ; fonds disponibles ; signature entre mi et fin 2006

Centrale hydroélectrique de Guina (OMVS)

95 MW 450 GWh

160 millions $, la part du Mali étant le tiers

2009–10 Études presque achevées ; signature entre mi et fin 2006

Source : EDM, OMVS, Gouvernement du Mali, estimations des services de la Banque mondiale.

B. DES DIFFICULTES DANS LES REFORMES ONT REDUIT LA COMPETITIVITE ET LA CROISSANCE

4.22. Les réformes du secteur électrique des 15 dernières années ont été incomplètes et n’ont pas produit d’avantages durables (voir Encadré 4.1). Aujourd’hui, le secteur électrique se caractérise par des coûts élevés et une insuffisance

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de la production offerte par une entreprise publique faible, qui souffre de pertes financières insoutenables. EDM perd de l’argent depuis les années 90, malgré un changement de direction en 2000. Les tarifs électriques ne couvrent pas les coûts et ont encore été abaissés par le Gouvernement pour tenir des promesses électorales. Cela a conduit à des déficits chroniques qui sont supportés par l’État. En 2004, EDM n’a pas été indemnisée de ses pertes, ce qui a entraîné le départ, fin 2005, du partenaire privé d’EDM. Ce renforcement du caractère public d’EDM obligera l’État à couvrir la totalité des futures pertes et à apporter les capitaux nécessaires pour les investissements indispensables pour éviter le rationnement et les coupures générales d’électricité pendant les heures de pointe en 2006.

4.23. Le concessionnaire privé qui exploitait EDM aurait pu réaliser d’importants progrès dans la réduction des pertes de courant s’il n’y avait pas eu des frictions sur le système de fixation des tarifs. Au lieu de cela, les pertes de courant d’EDM restent excessivement élevées (environ 25 % de la production). Ce problème devrait être résolu rapidement parce qu’une réduction des pertes se traduira immédiatement par des recettes supplémentaires en réduisant la durée des coupures aux heures de pointe.

4.24. Le rapport Stratégie de croissance 2010 du Mali158 a souligné la nécessité de libéraliser le secteur de l’énergie et d’accroître la participation privée pour susciter un rapide développement du réseau électrique. Il a par ailleurs reconnu la nécessité d’atteindre le recouvrement des coûts pour éliminer les importantes subventions versées par l’État au secteur. Il a souligné la nécessité de réduire le coût de l’offre de courant grâce à des coûts d’investissement bas dans la production électrique (par exemple, Félou, Gouina et Tossaye) et par l’élaboration d’un plan national de l’énergie cohérent avec la stratégie du Pool électrique ouest-africain. Sur la période 1997–2005 le Mali a compté sur une augmentation de la part de l’énergie hydroélectrique produite et le branchement au réseau électrique ouest-africain par la Côte d’Ivoire, pour accroître l’offre d’électricité moins chère et permettre l’élimination progressive des subventions d’ici 2005. Si la part du courant provenant de centrales hydroélectriques a bien augmenté, au moins pendant quelques années, le programme d’interconnexion et d’élimination des subventions reste encore à réaliser.

4.25. Faute d’amélioration du taux d’accès et de prix plus abordables, l’énergie deviendra de plus en plus un obstacle à la compétitivité et à la croissance. Si l’énergie n’a pas été une contrainte sévère à la croissance ces dernières années, c’est largement grâce aux réformes réalisées depuis 2000, qui ont amélioré la qualité du service électrique (ECI 2005).159 Néanmoins, l’ECI a trouvé que les entreprises industrielles ont perdu, en 2003, près de 15 jours de production du fait de coupures de courant. Ces coupures sont coûteuses ; les entreprises industrielles ont dit avoir perdu de ce fait 2,7 % de leur production annuelle en 2003. Avant les réformes du secteur, les coupures faisaient partie de la vie quotidienne. Pour parer aux coupures, plus de 45 % des entreprises industrielles maliennes possèdent un générateur, source de l’énergie plus coûteuse160, luxe que ne peuvent s’offrir beaucoup de MPME. Vu l’imminent déséquilibre entre l’offre et la demande et l’absence d’investissements pour y palier, le courant électrique va bientôt redevenir un goulot d’étranglement pour la compétitivité des entreprises et la croissance. Cette opinion est étayée par une analyse des 158 Le rapport a été écrit en 1997 et il portait sur d’autres aspects que le secteur de l’énergie. 159 La qualité du service en temps normal (c’est-à-dire en dehors des coupures faites délibérément par l’opérateur) est mesurée le plus souvent par le nombre de minutes de coupures imprévues par an et par la stabilité de la tension. 160 Du fait de l’utilisation de fioul importé pour faire tourner les groupes électrogènes.

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multiplicateurs dans le cadre de la Matrice de comptabilité sociale (Banque mondiale 2006), qui montre que l’énergie est un goulot d’étranglement pour l’expansion de la plupart des secteurs de croissance potentiels du pays. Des coûts élevés de l’énergie limiteront la diversification vers de nouveaux secteurs ainsi que les perspectives de progression dans la chaîne de valeur dans les secteurs existants.

Encadré 4.1 : Les réformes d’Énergie du Mali Pendant les années 90, EDM a souffert de graves problèmes financiers. Tarifs trop bas, mauvais recouvrement des recettes, fortes pertes techniques, service de la dette étrangère alourdi à la suite de la dévaluation du franc CFA en 1994, coût élevé du courant acheté et mauvaises décisions d’investissement, à plusieurs reprises, tout cela a contribué à la situation financière déplorable d’EDM. Les tentatives faites pendant les années 80 et le début des années 90 d’améliorer les performance d’EDM au moyen d’une importante AT de longue durée ont échoué. La privatisation d’EDM étant exclue pour des raisons politiques et parce que le Gouvernement était opposé à un contrat d’affermage analogue à celui adopté en Côte d’Ivoire, il a été décidé en 1993 de passer un contrat avec un opérateur privé pour lui concéder la gestion d’EDM. L’accord portait sur une période de transition de 3 à 5 ans destine à renforcer EDM avant une solution à long terme impliquant des investisseurs privés. Il a fallu 18 mois pour arriver à la signature d’un contrat avec le consortium franco-canadien qui a finalement repris la gestion d’EDM pour quatre ans à partir de janvier 1995. Bien que les objectifs du contrat de gestion aient été clairs et que les sociétés membres du consortium aient eu une forte expérience dans la gestion d’entreprises de services publics, l’expérience a été un échec et s’est interrompue en 1999. Selon un audit indépendant de 1998 sur l’accomplissement du contrat de concession pendant les deux premières années, les résultats ont été modestes par rapport aux moyens déployés. Alors que la performance commerciale s’est un peu améliorée, peu a été fait dans les domaines technique, comptable et financier. À la suite de la décision de résilier le contrat de gestion, le Gouvernement a annoncé qu’il procéderait à la privatisation d’EDM dans les deux ans. Dans cette perspective, il a établi un nouveau cadre législatif et réglementaire, portant création d’une autorité réglementaire indépendante, la Commission de Régulation de l'Eau et de l’'Électricité (CREE), en mars 2000, avant de transférer les actifs d’EDM à un concessionnaire privé choisi au moyen d’un appel à candidatures. Le nouvel opérateur d’EDM se voyait accorder un contrat de concession de 20 ans signé en décembre 2000. Mais, dans les deux ans qui ont suivi, des désaccords sur les mécanismes de fixation des tarifs sont apparus entre le Gouvernement, EDM et la CREE. Toutes les parties ont reconnu que le contrat de concession devait être amendé et converti en un contrat « d’affermage », qui aurait re-transféré la responsabilité des grands investissements à l’État. Malheureusement, les parties n’ayant pas réussi à s’entendre sur une modification mutuellement acceptable, le contrat de concession a été résilié fin 2005 et la pleine propriété d’EDM est revenue à l’État. Les deux années de frictions entre les parties concernées ont empêché des progrès dans les performances d’EDM et retardé d’importantes décisions sur les investissements de renforcement et d’expansion du système. Néanmoins, EDM a réussi à réaliser un grand programme de branchement de nouveaux abonnés, en profitant de l’augmentation de l’offre d’électricité venant de Manantali depuis 2002. Audit technico-organisationnel de la DGG, effectué par Tractebel & BDO-MBA, rapport final, mai 1998.

4.26. Le coût de l’électricité est un fardeau pour les entreprises industrielles maliennes, car il réduit leur compétitivité par rapport à celles des autres pays. Les industriels maliens payent leur électricité en moyenne environ 80 FCFA /kilowattheure (0,15 USD/kWh y compris la TVA),161 soit deux fois plus cher que les industriels chinois (0,07 USD/kWh) et plusieurs fois plus cher que les industriels d’Afrique du Sud et du Bangladesh (tous deux : 0.04 USD/kWh) ou de Tanzanie (0,05 USD/kWh). Le tarif électrique actuel du Mali est à peu près le même en termes réels qu’il y a sept ans, ayant 161 Les taux varient selon l’heure de la journée. Il y a aussi une charge fixe par unité de capacité souscrite.

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été réduit ces dernières années après une forte hausse du coût réel de l’électricité entre 1998 et 2002 lorsque les tarifs avaient baissé en termes tant nominaux que réels (Tableau 4.4).

Tableau 4.4 : Tarifs électriques moyenne tension en FCFA/kWh (hors TVA)

Heures 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004* Hausse 2004/1998**

H. de pointe 81 89 98 102 105 98 88 9 % Intermédiaires 58 64 70 73 75 70 63 9 % Heures creuses 36 40 43 45 46 43 43 19 % * Les tarifs n’ont pas bougé depuis 2004. ** à titre de comparaison, la hausse de l’indice des prix à la consommation a été de 7 %. 4.27. Une récente analyse de la chaîne de valeur de l’industrie textile malienne162 montre comment le coût élevé de l’électricité handicape ce secteur. La part du coût de l’énergie dans les coûts de production de fil de coton des entreprises maliennes est de 30%, contre 15% au Kenya qui a un coût de production de fil analogue à celui du Mali et 4,5% au Bangladesh dont le coût de production de fil est inférieur de 80% à celui du Mali (Tableau 4.5). Dans le secteur de la fabrication du cuir, si l’électricité ne représente que 4% du coût des peaux semi-traitées, elle représente plus de 50% du coût total de fabrication des croûtes, stade intermédiaire où se trouve l’essentiel de la valeur ajoutée par le secteur. Ce coût élevé de l’énergie empêche indubitablement de nouveaux investissements (notamment étrangers) et empêche la diversification dans de nouveaux secteurs ainsi que les perspectives de progression dans la chaîne de valeur dans les secteurs existants.163 Les hausses de tarif attendues en 2006 nuiront gravement aux perspectives d’exportation du seul producteur de fil de coton du pays.

Tableau 4.5 : Part du coût de l’électricité dans les coûts de production du fil de coton

Pays Coût de production/kg (en USD) L’électricité en % du coût de production total Mali 3,64 26,1 Kenya 3,61 15,8 Kirghizistan 2,10 4,6 Bangladesh 2,89 4,5 Cambodge 1,79 8,0 Source : Global Development Solutions, 2004. 4.28. Le fabricant malien d’huile de graine de coton est dans une posture encore plus difficile car son usine, située à Koutiala, n’est pas raccordée au réseau d’EDM. Il devrait produire son propre courant qui lui revient 146 FCFA/ kWh, ce qui représente 7 % de ses coûts d’exploitation. Dans la fabrication du cuir, l’électricité ne représente que 4% du coût des peaux semi-traitées exportées par le Mali. Mais, c’est plus de 50% des coûts de production des croûtes164, que qui ruine la compétitivité. C’est un obstacle majeur pour les dernières étapes du traitement de cuir, tels que le repassage et le satinage, qui sont celles à plus haute valeur ajoutée et qui échappent au Mali.

4.29. Les possibilités du Mali d’exporter des produits périssables tels que fruits et légumes, produits maraîchers et carcasses congelées (au lieu d’animaux sur pied,

162 Integrated Value Chain Analysis of Strategic Industries in Mali (étude sur le textile, le cuir et les articles artisanaux) de Global Development Solutions, (pour la SFI), octobre 2004. 163 Notons que l’énergie n’est que l’un des facteurs qui empêchent la diversification et les investissements, comme indiqué dans l’étude sur la chaîne de valeur D’autres facteurs peut-être plus contraignants sont le mauvais accès du Mali aux marchés d’exportation, la faiblesse des liens amont et aval et le coût élevé des transports. 164 C’est un stade intermédiaire où l’essentiel de la valeur est ajouté.

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comme actuellement) dépendent essentiellement de l’existence d’une offre de courant fiable et abordable pour le stockage frigorifique. Une étude sur la viabilité financière de ces activités pour déterminer leur degré de sensibilité au coût de l’électricité n’entrait pas dans le champ du présent rapport, mais on peut affirmer que de tels investissements ont peu de chances d’être viables si les entreprises doivent produire leur propre courant en utilisant un carburant non détaxé, aux cours internationaux actuels du pétrole.

C. IL FAUDRAIT D’URGENCE UNE STRATEGIE ET UN NOUVEAU PROGRAMME D’INVESTISSEMENT POUR LE SECTEUR DE L’ENERGIE

4.30. Les investissements nécessaires au cours des cinq prochaines années pour que le secteur de l’énergie rattrape le sous-investissement du secteur de ces dernières années et reste en phase avec la croissance de l’économie malienne se montent à quelque 125 millions d’USD. Alors qu’il y a encore un peu de marge pour répondre à une demande supplémentaire de courant pendant les heures creuses par une utilisation plus intense des usines thermiques existantes d’EDM, les contraintes de capacité aux heures de pointe pendant la saison chaude signifient que des délestages seront inévitables dès la mi 2006, si la croissance de la demande reste en 2005 supérieure à 10%. En tous cas, des coupures de courant sont très probables en 2007 s’il n’y a pas capacité installée supplémentaire pour satisfaire le demande de pointe.

4.31. Une des implications du problème d’investissement est que les zones mal desservies (généralement à l’extérieur de Bamako) – où les perspectives de croissance économique sont prometteuses – resteront sans accès à l’électricité du réseau pendant encore au moins plusieurs années. Les entreprises de ces zones continueront à supporter un coût élevé de l’électricité venant de générateurs indépendants (ou bien des entreprises potentielles resteront incapables de commencer à produire du fait de la faible compétitivité venant du coût de l’énergie et d’autres contraintes). Pour résoudre ces problèmes de façon viable, le Mali a besoin d’une stratégie pour éviter les cycles passés d’arrêt et de relance de l’investissement qui ont conduit à des choix d’investissement sous-optimaux, à des déséquilibres offre-demande et de ce fait à des coupures de courant.

4.32. La stratégie devrait avoir trois grands objectifs :

• Accroître l’offre d’énergie. • Trouver les financements nécessaires dans le budget de l’État pour réduire le

prix du combustible pour EDM. • Alléger le coût du fioul pour les entreprises qui fabriquent leur propre électricité.

Accroître l’offre

4.33. Le programme quinquennal d’investissement proposé pour EDM165 pour la période 2005–2010 se monte à 106 milliards de FCFA (soit 190 millions d’USD), comprend l’extension du réseau à haute tension,166 mais pas le coût de nouvelles centrales hydroélectriques ou thermiques. Même si ce programme est justifié techniquement et économiquement, on peut sérieusement douter de son réalisme du point de vue financier. À titre de comparaison, sur la période 2001–04, EDM n’a investi que 32 milliards de FCFA dans le système électrique (soit une moyenne de 15 millions

165 Daté de juillet 2005. 166 À un coût de 40 milliards de FCFA (72 millions d’USD).

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d’USD par an), ce qui était certainement insuffisant,167 vu la continuation des problèmes de qualité de service, de saturation du réseau et d’importantes pertes de courant.

4.34. Malgré le retard évident mis à répondre aux besoins très urgents d’investissement, la faiblesse de la situation financière d’EDM en 2005 et l’absence de perspective de redressement en 2006–07 rendent improbable la mise au point d’un accord de financement pour un programme investissement aussi coûteux. Pourtant, il est clair que l’investissement de 25–30 millions d’USD par an est indispensable pour maintenir le rythme de croissance de l’offre d’énergie connu au cours de la dernière décennie et satisfaire une demande d’électricité d’une économie croissant à 5 % par an.168 Ce chiffre se base sur des paramètres internationaux et n’inclut pas les investissements supplémentaires de réhabilitation et d’améliorations que le réseau électrique malien nécessite aussi. Il n’inclut pas non plus les coûts encore plus élevés des grands projets hydroélectriques.

4.35. Les deux sites hydroélectriques les plus prometteurs à moyen terme au Mali sont Markala (13 mégawatts) et Kenié (34 mégawatts),169 pour lesquels le Gouvernement du Mali recherche un financement extérieur. Les deux ont des délais de construction d’environ trois ans et ne pourraient donc être mis en service avant 2009. Markala a l’avantage de ne pas nécessiter la construction d’un barrage,170 ce qui réduit le coût du projet à 36 millions d’USD, mais sa capacité d’environ 60 gigawatt-heures ne couvrira la croissance estimée de la demande (9 %) que pendant un an (Tableau 4.6).

4.36. Les projets hydroélectriques de Félou et Gouina171 (en aval de Manantali) sont actuellement à un stade avancé de préparation par l’OMVS et produiront ensemble pour les trois États membres de l’OMVS environ 800 gigawatt-heures par an à partir de 2009–10. Cela suppose qu’un financement ferme soit en place à la mi ou à la fin 2006. L’IDA et la Banque européenne d’investissement se sont déjà engagés sur le principe du financement de Félou dans le cadre du Pool électrique ouest-africain.

4.37. En supposant que le Mali ait droit à la même part de 52 % de la production que pour Manantali, il peut espérer 420 gigawatt-heures supplémentaires venant se substituer à sa production thermique à partir de 2010. Mais, même avec une croissance moyenne de la demande plus modeste, de 9 % par an172, entre 2005 et 2010, la demande adressée au réseau d’EDM atteindra près de 1.100 gigawatt-heures. Les besoins totaux de courant, y compris ceux des villes hors réseau desservies par EDM, dépasseront 1.200 gigawatt-heures en 2010. Moins de 600 gigawatt-heures peuvent être fournis par les sources hydroélectriques existantes, de sorte qu’il est évident que le courant supplémentaire venant de Félou et Gouina sera rapidement absorbé, surtout si EDM s’appuie encore sur une capacité thermique pour une part importante de sa production totale. Ces estimations sont conservatrices car à mesure que le réseau à haute tension sera étendu, la demande des villes hors réseau actuellement desservies par des centrales thermiques isolées d’EDM croîtra probablement à un rythme plus rapide, car nombre de 167 C’était aussi bien moins que les obligations contractuelles d’EDM en vertu de son contrat de concession avec le Gouvernement du Mali (141 milliards de FCFA). 168 Calculé comme 12 mégawatts par an de demande supplémentaire servie à un coût total unitaire de 2.000 USD par kilowatt pour l’investissement dans la production, le transport et la distribution. Les grands investissements hydroélectriques ne seraient pas couverts. 169 On estime que la production moyenne de courant serait de 176 gigawatt-heures. Le coût de l’investissement serait d’environ 52,5 milliards de FCFA (96 millions d’USD). 170 Il existe déjà un barrage à des fins d’irrigation. 171 Félou (60 mégawatts et 335 gigawatt-heures) coûterait environ 100 millions d’USD, tandis que Gouina (95 mégawatts et 450 gigawatt-heures) coûterait environ 160 millions d’USD. 172 La hausse moyenne annuelle des ventes d’électricité d’EDM entre 1995 et 2004 a été de 9,3 %.

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ces villes souffrent déjà de pénurie de courant. Qui plus est, la disponibilité du réseau électrique dans la zone cotonnière du sud du Mali permettra à la CMDT de basculer de l’autoproduction à l’achat de courant à EDM.

Tableau 4.6 : Prévisions de demande d’électricité, 2005-2010

À un taux annuel de 9% : 2000 2004 2005 2010 Demande de pointe au réseau (en MW) 73 111 121 186 Demande d’énergie au réseau (en GWh)a 414 639 697 1.071 Énergie totale demandée à EDM (en GWh)a 469 721 786 1.209 Énergie supplémentaire nécessaire b 65 488 De : - Félou & Gouina 420 - d’autres sources (thermique/Markala) 65 68

Notes : a. Suppose aucune réduction des pertes par rapport à leur niveau actuel de 25% ; b. par rapport à la disponibilité d’énergie en 2004. Cela exclut des charges supplémentaires (comme la CMDT) rendues possible par des extensions du réseau. Source : Banque mondiale et projections des services d’EDM.

4.38. Le Mali devrait donc poursuivre plusieurs projets à moyen terme pour éviter d’avoir à s’appuyer sur du courant thermique cher produit avec du fioul léger. Les branchements vers le sud aux réseaux des pays voisins – surtout le Ghana et la Côte d’Ivoire – donneraient au Mali accès à des sources moins chères de courant produit par des turbines à gaz. Même aujourd’hui, le secteur ivoirien du gaz et de l’électricité dispose d’un surplus de capacité et pourrait satisfaire une partie des besoins en électricité courant du Mali. Mais il faudrait construire une ligne à haute tension entre le centre de la Côte d’Ivoire et le réseau malien, projet actuellement improbable du fait de la crise ivoirienne.173

4.39. Une autre solution serait de raccorder le réseau malien avec le sud de la Côte d’Ivoire et le Ghana en passant par Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). L’ajout d’un troisième pays accroîtrait les délais, la complexité et le coût du projet mais n’exclut pas sa viabilité économique. Le protocole d’accord du Pool électrique ouest-africain envisage explicitement un accès ouvert aux réseaux de transport pour tous les États membres (Encadré 4.2), ce qui permettrait au Mali d’acheter de l’électricité ivoirienne qui passerait par le Burkina Faso et le Ghana. L’achèvement du gazoduc ouest-africain174 fin 2006 pourrait aussi mettre le courant ghanéen à la disposition du Mali à la frontière avec le Burkina Faso pour environ 0,08 USD par kilowattheure,175 soit beaucoup moins cher que le prix de revient du courant produit avec du fioul léger, plus le coût de l’investissement dans la ligne de transport entre le réseau malien et la frontière avec le Burkina Faso. La Banque mondiale envisage d’aider le Burkina Faso et le Ghana à réaliser une interconnexion électrique dans le cadre de son soutien au pool électrique et un projet en cours de la Banque176 au Burkina Faso comprend un renforcement de la ligne de transport entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.

173 Il faudrait aussi un certain renforcement du réseau de transport actuel en Côte d’Ivoire. 174 Le Gazoduc ouest-africain va de Lagos à Takoradi dans l’ouest du Ghana. 175 En tenant compte des pertes techniques et des charges de transport du courant au Burkina Faso, en plus du prix du courant fourni à Takoradi. 176 Le Projet de développement du secteur énergétique (2004).

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Encadré 4.2 : Le Pool électrique ouest-africain Il y a actuellement deux grandes insuffisances dans les caractéristiques des systèmes électriques de la zone de la CEDEAO : (a) les systèmes, fondés surtout sur l’hydroélectrique, ne donnent pas une sécurité suffisante de l’offre dans les années sèches et (b) l’absence d’une infrastructure adéquate de transport (dans les réseaux électriques nationaux et entre eux) empêche les États membres de profiter de la diversité et de la complémentarité de leurs systèmes respectifs. L’objectif principal de la CEDEAO en poursuivant le projet de Pool est de mettre en place un mécanisme de mise en commun coopérative d’électricité pour intégrer le fonctionnement des systèmes électriques nationaux en un marché électrique régional unifié – en espérant qu’il conduira à une offre d’électricité bon marché et fiable pour tous les participants. À long terme, le Pool permettrait de satisfaire les besoins prévus de la région en s’appuyant sur les sources suivantes :

• expansion de la production électrique par turbines à gaz, en s’appuyant sur la stratégie double de la CEDEAO consistant à avoir accès aux énormes réserves de gaz naturel du Nigeria, (3500 milliards de mètres cube de réserves prouvées), via le gazoduc ouest-africain actuellement en construction et

• les importantes ressources hydrauliques encore inexploitées de Guinée, quelque 6000 MW qu’il serait possible de développer de façon économique et pourraient générer de l’ordre de 20 à 25 TWh par an d’électricité à un coût relativement bas (entre 0,02 et 0,03 USD /kWh).

Source : Banque mondiale (2005c). 4.40. Enfin, à court terme, EDM devrait renforcer son réseau de transport moyenne tension (30 kilovolts) autour de Bamako pour répondre à la croissance de la demande. EDM est déjà incapable de répondre à la demande supplémentaire sur le réseau de Bamako dans certaines zones du fait d’une saturation. Environ 7 milliards de FCFA (13 millions d’USD) d’investissements prioritaires dans le transport et la distribution sont nécessaires au cours des deux prochaines années dans la seule région de Bamako. De plus, il est temps de raccorder les villes du sud comme Bougouni et Sikasso (dans la zone cotonnière) au réseau à haute tension d’EDM, car cela permettrait aux importations d’électricité à faible coût du Burkina Faso et du Ghana d’atteindre Bamako, une fois que les réseaux malien et burkinabé auront été raccordés.177

Couvrir le coût du financement

4.41. Le Mali devra probablement s’appuyer entièrement sur l’électricité thermique pour satisfaire la croissance des besoins d’électricité au cours des deux années qui viennent. Une croissance de 9 % par an des ventes signifie qu’il faudra produire 60 gigawatt-heures supplémentaires par an en utilisant du fioul léger ou du fioul lourd.178 Aux prix actuels du fioul, cela fait 6,8 milliards de FCFA (12 millions d’USD) de plus par an à financer par les consommateurs ou l’État malien.179 La politique actuelle du Gouvernement consistant d’éviter des hausses des tarifs électriques a peu de chance de changer avant l’élection présidentielle de 2008, ce qui laisse à l’État la charge du financement. Ce fardeau supplémentaire nuira aux efforts en faveur de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté et devra être surveillé de près, en veillant à accroître les recettes fiscales venant d’autres sources. S’ajoutant au coût du combustible, il y aura les coût d’investissement et de fonctionnement des nouvelles centrales thermiques. La situation sera encore plus difficile en 2007 en raison de la demande supplémentaire à satisfaire à partir de la production thermique qui s’élèverait à 120

177 Le réseau est actuellement limité à Manantali-Kayes-Bamako-Ségou et quelques villes situées le long de cet axe. 178 Cela tient compte de 20 % de pertes d’énergie. 179 En septembre 2005 EDM le coût moyen du carburant d’EDM (net de taxes) était de 376 FCFA le litre. À 250 grammes par kilowattheure et 1.200 litres par tonne, EDM aura besoin de 18 millions de litres de combustible supplémentaires.

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gigawatt-heures. Même avec une chute de 20 % des cours mondiaux du pétrole, le Mali devra faire face à une facture de combustible supplémentaire de près de 20 millions d’USD pour satisfaire la demande d’électricité en 2007.

4.42. Les usagers basse tension payent leur courant 40 % au-dessous du tarif moyen, traitement favorable qu’il sera difficile de maintenir au cours de deux ou trois prochaines années. Les usagers utilisant moins de 50 kWh/mois paient actuellement presque le même tarif nominal qu’il y a 10 ans et ils bénéficient d’une exonération de la TVA sur leurs factures d’électricité. Malgré la baisse en termes réels, beaucoup de ménages pensent que l’électricité est encore trop chère.180 La recette moyenne des ventes basse tension (toutes catégories) d’EDM, en 2004, a été de 100 FCFA (0,18 USD)/kWh, ce qui n’est certainement pas bon marché aux normes internationales. Les usagers résidentiels plus gros consommateurs paient encore plus cher leur kWh pour une consommation de plus de 200 kWh/mois : 139 FCFA (0,25 USD).181 Malgré ce prix prohibitif, une fraction étonnante de 31 % des ventes basse tension d’EDM se situait dans cette catégorie alors que le « tarif social » ne représentait que 14 % du chiffre d’affaires (voir Tableau A6.1).

4.43. EDM peut réduire ses coûts et accroître ses revenues en réduisant ses pertes d’énergie, actuellement d’un niveau inacceptable (environ 25 %).182 Une réduction de 5 % des pertes techniques permettrait un gain de 3,2 milliards de FCFA (6 millions d’USD),183 mais presqu’aucune amélioration n’a été enregistrée ces dix dernière années. Le concessionnaire privé exploitant EDM depuis 2000 était censé réduire ces pertes, même si son objectif de ramener les pertes techniques à 14 % en 2005 semblait trop ambitieux. La réduction des pertes techniques suppose des investissements supplémentaires pour remplacer les câbles de distribution et des transformateurs surchargés et demande plusieurs années pour atteindre des résultats. Mais les pertes non-techniques venant de compteurs défectueux, d’une facturation mal faite et de vols peuvent être réduites avec des moyens plus restreints et donner des résultats rapides (dans les 12 à 18 mois).

4.44. Il faudrait en même temps faire des économies sur les achats de pétrole importé pour produire le courant. Le pétrole est utilisé dans les centrales thermiques qui représentaient au moins 20 % de la production électrique fournie au réseau national en 2004 et pour faire tourner les générateurs d’entreprises privées non raccordés au réseau, et les groupes de secours utilisés pendant les coupures de courant. Bien que les achats de pétrole d’EDM aient beaucoup baissé en 2003 (25.000 tonnes contre 65.000 tonnes les années précédentes) parce que celle année-là la centrale hydroélectrique de Manantali a été mise en service, on estime qu’en 2005 la consommation a été de 40.000 tonnes et elle devrait être fortement plus élevée en 2006–09. En 2004, les achats de produits pétroliers d’EDM ont été supérieurs à 12 milliards de FCFA (22 millions d’USD), soit environ 15 % des coûts totaux d’EDM. Les achats pétroliers resteront coûteux à cause des cours élevés du pétrole et des coûts de transport routier, mais EDM pourrait alléger un peu son fardeau en obtenant de meilleures conditions pour ses contrats d’achat de produits pétroliers. 180 La baisse des tarifs en termes réels a été possible en partie par le fait que la production hydroélectrique de Manantali s’est substituée à la production thermique plus chère. Entre 1995 et 2004 la part de l’hydroélectrique dans l’offre totale a baissé de 70 % à seulement 50 % avant de remonter à 80 %. 181 Plus du double de ce que la plupart des usagers résidentiels payent dans les pays membres de l’OCDE. 182 Un niveau plus acceptable serait 15 à 20 %. Par comparaison, les pertes totales de courant sont d’environ 20 % au Sénégal et de 17 % au Burkina Faso 183 Calculé sur la base de la recette moyenne unitaire d’EDM en 2004.

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Alléger le coût de l’énergie pour les entreprises

4.45. Le coût économique des délestages et de l’utilisation de groupes de secours par les entreprises qui peuvent se les offrir est très élevé. Comme il est peu probable qu’une capacité de production supplémentaire soit installée d’ici 2008, EDM devra gérer le déséquilibre offre-demande par des délestages et par un rationnement du courant aux heures de pointe. Ce sera un lourd fardeau pour les entreprises. Des études au Bangladesh (BCAS 1999) et au Nigeria (Anas et Lee 1988) sur le coût économique des pénuries de courant et leurs conséquences sur l’investissement et la croissance montrent qu’une offre suffisante d’électricité est essentielle pour l’accélération de la croissance de l’industrie.

4.46. Les entreprises devront compter sur l’autoproduction d’électricité, solution coûteuse notamment au Mali en raison du coût élevé du carburant. Le coût du carburant, 510 FCFA le litre (soit environ un dollar le litre ou 3,79 USD le gallon) à la pompe en septembre 2005. Cela équivaut à environ 150 FCFA le kilowattheure pour un groupe électrogène, sans compter l’investissement initial et les coûts d’entretien. À titre de comparaison, en 2004–05, EDM facturait aux industriels l’électricité moyenne tension 81 FCFA le kilowattheure.184 L’autoproduction est donc une solution très onéreuse pour les activités productives autre que les mines. Pour les activités qui souffrent déjà d’un sérieux désavantage compétitif, le fardeau supplémentaire de l’achat d’un groupe et de carburant pour le faire fonctionner a des chances de décourager l’activité productive.

4.47. Il faudrait rechercher des moyens d’alléger le coût des achats de produits pétroliers des entreprises utilisant un groupe électrogène. Une solution serait d’exonérer l’utilisation d’électricité par les entreprises industrielles de la TVA à 18 %. Le carburant utilisé pour l’autoproduction dans l’industrie de transformation pourrait également être exempté de la TVA ou d’autres taxes sur les produits pétroliers, comme il l’est dans le secteur minier. Le coût budgétaire de cette concession pourrait se justifier comme un moyen de minimiser les pertes de production et les coûts imposés aux industriels par l’incapacité d’EDM à les approvisionner. Une centaine seulement d’entreprises sont équipées de groupes qui ne peuvent être utilisés que lorsque EDM cesse de fournir du courant.185 Cette solution permettrait à EDM de minimiser les coupures de courant à ses clients qui ne sont pas équipés de groupes électrogènes.

D. LES PROBLEMES D’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS PETROLIERS

4.48. L’approvisionnement en pétrole du Mali est cher en grande partie du fait des frais élevés de transport par camions citernes à partir de ports situés à plus de 1.000 kilomètres des frontières du pays.186 Le Mali a réussi a éviter des pénuries de carburant malgré les troubles politiques en Côte d’Ivoire qui ont gravement perturbé les approvisionnements venant d’Abidjan. Cette réussite peut être attribuée en partie au dynamisme des importateurs privés maliens de pétrole et aux distributeurs, qui ont rapidement diversifié leurs sources et leurs itinéraires d’approvisionnement.

184 Les industriels maliens considèrent même ce tarif comme trop élevé et constituer un sérieux désavantage compétitif. 185 Si les coupures devenaient prolongées, le Gouvernement pourrait aussi renoncer aux droits d’importations sur les générateurs utilisés par les industriels. 186 Le coût du transport routier de carburant jusqu’à Bamako par citerne à partir de la côte varie entre 0,11 et 0,15 USD par litre.

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4.49. Jusqu’à l’éclatement de la crise ivoirienne, les produits pétroliers venaient surtout, par route, de la raffinerie SIR d’Abidjan et dans une moindre mesure, par fer, de la raffinerie SAR de Dakar. Certains produits venaient du Bénin et du Togo, notamment après la fermeture de l’itinéraire passant par le nord de la Côte d’Ivoire (Tableau 4.7). La crise ivoirienne a de lourdes conséquences pour le Mali, car les ports de Cotonou et de Lomé sont beaucoup plus éloignés de Bamako qu’Abidjan. En outre, les prix de gros pour des livraisons à Cotonou et Lomé tendent à être plus élevés que ceux pour une livraison à Abidjan ou Dakar.

4.50. Vu l’absence de route goudronnée tout temps entre Bamako et Kidira, à la frontière Sénégal-Mali et la capacité de transport restreinte de produits pétroliers par fer, le Mali ne peut pas s’approvisionner à partir de la source la moins chère, la raffinerie de Dakar. Pourtant, la dépendance de ports éloignés restera probablement inévitable tant qu’Abidjan restera inaccessible car la raffinerie de Dakar n’est pas assez importante pour satisfaire tous les besoins du Sénégal et du Mali. De plus, le Mali, ne dispose pas d’installations propres de stockage et de déchargement à Dakar, qui lui permettrait d’importer des produits directement d’autre fournisseurs étrangers au lieu de les acheter à la SAR.187

Tableau 4.7 : Importations pétrolières maliennes, par source, 2001–04 (en milliers de tonnes)

2001 2002 2003 2004 (%) Abidjan 357 258 9 6 (1) Dakar 73 80 106 113 (22) Cotonou 157 259 (50) Lomé 106 167 200 131 (25) Ghana a -- -- -- 5 (1) Burkina Faso b -- -- -- 7 (1)

TOTAL 536 506 471 520 (100) a. GPL seulement ; b. Abidjan mais passant par Bobo-Dioulasso. Source : Ministère de l’énergie. 4.51. Les accords d’approvisionnement actuels avec les négociants internationaux du Bénin et du Togo sont insatisfaisants pour plusieurs raisons. Les courtiers traitent par cargaisons négociées sur le marché spot (au comptant), au cas par cas et, contrairement aux raffineries, ne peuvent proposer d’engagements fermes de livraison au-delà des quelques semaines immédiates. Ils n’utilisent pas de formule de tarification transparente pour donner leur prix.188 Acteurs relativement petits du négoce international du pétrole, ils ne peuvent obtenir les prix les plus bas. D’autre part, le marché malien est de petite taille (500.000 tonnes/an) et la fragmentation des acheteurs maliens aggrave le problème. En outre, le Mali n’a pas d’installations de stockage pétrolier dans aucun de ces ports, ce qui affaiblit encore sa position dans la négociation. Comme le port de Lomé est proche de la saturation du fait des trafics détournés d’Abidjan, le Mali a exploré l’importation de produits de la raffinerie ghanéenne ou venant d’autres sources et arrivant à Tema, principal port du Ghana. La consommation de pétrole du Mali a doublé au cours de la dernière décennie et cette croissance devrait rester forte, vu notamment le besoin croissant de combustible pour produire du courant et la probabilité d’une difficulté prolongée d’accès à la raffinerie SIR d’Abidjan.

187 Des difficultés sont apparues dans le passé lorsque la SAR a poussé le port à retarder le déchargement des pétroliers contenant une cargaison pour le Mali achetée ailleurs. Des incidents similaires se sont produits à Abidjan. 188 Par exemple, FOB Rotterdam plus X USD par tonne.

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4.52. La libéralisation de l’importation et de la distribution de produits pétroliers au début des années 90 a été une réussite notable. Le marché local est bien approvisionné et les livraisons n’ont jamais été interrompues. Il y a une certaine concurrence au stade du détail, car toutes les stations-service n’affichent pas les mêmes prix à la pompe et l’activité semble être rentable pour les négociants maliens indépendants. L’absence de consolidation du marché est surprenante. La part de marché des cinq principaux importateurs maliens pris ensemble était, en 2004, inférieure à 40 %. Le plus important, en 2004, avec 13 % du total des importations, ne représentait que 6 semaines de consommation. On ne sait pas dans quelle mesure le consommateur a été le principal bénéficiaire de la libéralisation, vu l’incapacité des importateurs maliens à obtenir les meilleures conditions d’achat en gros. Mais une nouvelle catégorie d’importateurs et de distributeurs maliens est apparue et a prospéré au cours de la dernière décennie.

4.53. Dans le contexte actuel de cours mondiaux du pétrole très élevés, il semble raisonnable d’attendre de ces importateurs qu’ils fassent de leur mieux pour obtenir les prix de gros les plus bas possibles. Mais ils ne sont pas prêts à s’unir pour grouper leurs achats.189 Des commandes globales plus importantes leur donneraient un plus fort pouvoir de négociation avec les courtiers en pétrole du marché spot. Mais comme cela mettrait tous les importateurs maliens sur pied d’égalité et obligerait les plus importants à renoncer à toute condition préférentielle dont ils peuvent jouir par rapport à leurs concurrents, il y a peu de chances que l’on arrive à des achats groupés dans les conditions actuelles du marché. La structure des prix des produits au Mali garantit aux importateurs une marge bénéficiaire après tous leurs frais, de sorte qu’ils ne sont pas vraiment incités à réduire leur coût d’achat en gros.190 Réduire la marge garantie pousserait les importateurs à réduire leur prix d’achat.

4.54. Si personne ne plaide pour un retour à l’ancien système de marchés publics des produits pétroliers, le système actuel est incapable d’assurer les prix les plus bas possibles. Dans les achats et le transport maritime de pétrole les économies d’échelle sont considérables, mais le Mali n’en a, jusqu’ici, pas tiré avantage. La fragmentation des importations et le nombre restreint de sources d’approvisionnement limite sérieusement les possibilités de négociation.

Le combustible pour la production d’électricité

4.55. Puisque EDM va fortement accroître son utilisation de pétrole au cours des trois prochaines années, il faudrait explorer la possibilité de faire baisser les prix au moyen d’autres dispositifs d’achat, y compris des contrats directs avec la raffinerie de Dakar. EDM devra par ailleurs restaurer sa solvabilité et payer conformément aux conditions normales du crédit commercial.191 Il achète son fioul annuellement par des appels d’offres locaux, car il n’est pas autorisé à importer des produits pétroliers directement. Les prix définitifs ne sont connus qu’à la livraison, de sorte que la sélection des fournisseurs se base seulement sur leur marge d’importateur. Pour des raisons logistiques et de minimisation des risques liées à la petite taille des sociétés maliennes importatrices de pétrole, EDM répartit ses besoins entre plusieurs 189 De tels groupements d’intérêt économique existent sur de petits marchés ailleurs (par exemple, pour partager le coût du stockage de pétrole et de la manutention entre sociétés de distribution, dont aucune ne pourrait investir dans de telles installations pour elle seule). 190 Accroître le chiffre d’affaire et réduire les frais de transport contribue davantage à leurs bénéfices qu’un petit rabais sur le prix de gros. 191 En 2005, EDM a accumulé d’importants arriérés auprès de ses fournisseurs de produits pétroliers.

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importateurs, ce qui malheureusement réduit encore leur pouvoir de négociation avec les négociants en pétrole.192

Stockage pétrolier et réserves stratégiques

4.56. Le secteur pétrolier malien devrait se doter d’une capacité supplémentaire de stockage. Les coûts—y compris les intérêts sur les fonds immobilisés, les dépenses de fonctionnement du dépôt et les pertes par évaporation —devraient être recouvrés au près des consommateurs finaux, ce qui nécessitera une hausse du prix à la pompe. La capacité de stockage actuelle, 54.000 mètres cubes pour l’ensemble des produits dans divers lieux, est insuffisante, vu notamment la croissance de la consommation et les difficultés permanentes d’approvisionnement résultant des troubles politiques en Côte d’Ivoire. Elle représente 30 jours de consommation nationale moyenne,193 et devrait être progressivement accrue pour arriver à la norme internationale qui est d’au moins 45 jours. Mais la constitution d’une réserve stratégique n’est pas possible actuellement vu les cours très élevés du pétrole.

Le structure des prix des produits pétroliers

4.57. Depuis 2001, le Mali a suivi une formule standard de l’UEMOA pour la tarification des produits pétroliers et déterminer le prix à la pompe, après ajout d’un certain nombre de taxes et droits au prix sortie de raffinerie. Les frais de transport et les droits et taxes d’importation varient selon le produit et la source d’approvisionnement, mais le prix de vente au détail indicatif est uniforme. Les distributeurs sont libres de faire payer moins que ce prix indicatif et certains distributeurs indépendants vendent moins cher que les stations-services des grands réseaux. Les prix indicatifs sont révisés mensuellement pour tenir compte des fluctuations des cours mondiaux du pétrole. La politique suivie est que le prix indicatif à la pompe est le même pour l’ensemble du pays, de sorte que l’État devrait subventionner les distributeurs pour le coût élevé des livraisons dans les endroits éloignés. À la différence du Sénégal, où les taxes sur le fioul varient selon l’utilisation finale, le Mali ne fait pas de distinction entre l’utilisation pour le transport et pour l’industrie.

4.58. Pour atténuer l’effet sur les consommateurs maliens d’une forte hausse des cours mondiaux du pétrole en 2004–05, le Gouvernement malien a progressivement réduit la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).194 L’effet sur les recettes budgétaires a été moins marqué parce que les recettes des droits de douane et de la TVA ont augmenté car ils sont ad valorem et assis sur une base plus élevée due à la hausse du pétrole. Les taxes et droits sur les produits pétroliers sont une source de recettes très importante pour l’État : de l’ordre de 100 milliards de FCFA (180 millions d’USD) soit un quart du total des recettes.

E. RECOMMANDATIONS POUR LE SECTEUR DE L’ENERGIE

4.59. Voici les recommandations d’action qui ressortent de cette analyse des sous-secteurs de l’électricité et du pétrole du Mali.

192 Les récentes difficultés de trésorerie d’EDM ont également été une raison de la division des achats en petits lots. 193 En supposant que les citernes sont toujours pleines et en ignorant que leur capacité n’est pas égale pour tous les produits. 194 La taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est un montant fixe par tonne et plus facile à modifier d’un mois sur l’autre par simple décret. Les autres droits imposés aux importations de pétrole sont ad valorem et ne peuvent être modifiées que par une loi.

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L’électricité

Améliorer l’efficience et la viabilité de l’exploitation d’EDM : • Un programme de réduction des pertes d’énergie d’EDM devrait être conçu et

exécuté. Il devrait comprendre : (a) une réduction des pertes techniques grâce au remplacement des lignes de distribution et des transformateurs surchargés et (b) une réduction des pertes non techniques par des mesures pour remédier aux compteurs défaillants, aux erreurs de facturation et aux vols.

• Les tarifs électriques devraient être fixés de façon à assurer la viabilité à long terme du secteur, en se basant sur une étude détaillée de la structure tarifaire.

Accroître l’offre d’électricité par les moyens les moins coûteux : • La production thermique par des centrales situées en Mauritanie et au Sénégal

avec vente au Mali de leur part du courant de la centrale de Manantali, devrait être étudiée car cette alternative réduirait les coûts de production par rapport à une production thermique identique située au Mali.

• Des actions pour réaliser l’interconnexion du réseau électrique du Mali avec le Pool électrique régional devraient être engagées : (i) actualisation de l’étude des solutions les moins chères pour l’interconnexion du Mali avec le Pool électrique ouest-africain, (ii) étude de faisabilité d’une interconnexion entre les lignes de transport de du réseau EDM et celles du réseau burkinabé195 et (iii) discussions avec le Burkina Faso et le Ghana concernant l’achat d’électricité produite au Ghana à partir de son gaz naturel.

Alléger le fardeau du coût élevé de l’énergie pour les entreprises industrielles : • Il faudrait explorer la possibilité d’étendre aux usagers de l’électricité moyenne

tension l’exonération de la TVA sur leurs achats d’électricité à EDM et sur le carburant utilisé pour l’autoproduction par les industries de transformation. Il faudrait coupler cette action avec une forte hausse des tarifs moyenne tension en heures de pointe d’EDM.

Renforcer la planification du système électrique : • Il faudrait améliorer la planification du système électrique pour éviter les cycles

d’arrêt et de relance des investissements qui entraînent des choix sous-optimaux et des pénuries de courant.

Pétrole

• EDM et le Gouvernement du Mali devraient rechercher des façons de réduire le coût des achats de carburant pour la production électrique, éventuellement au moyen de changements dans les méthodes d’achat de produits pétroliers d’EDM.

• Le Gouvernement du Mali devrait analyser le coût et les modalités de financement d’une augmentation à moyen terme des capacités de stockage pétrolier du Mali.

195 La seconde et troisième recommandations sont proposées dans l’hypothèse où l’étude des solutions à moindre coût confirmeraient que l’interconnexion par le Burkina et le Ghana seraient moins onéreuse à moyen terme en l’absence d’une interconnexion par la Côte d’Ivoire du fait des troubles dans ce pays.

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5. TRANSPORT ET FACILITATION DU TRANSIT196

5.1. La croissance économique du Mali dépend fortement du commerce et des transports. Pour le développement des ressources et du potentiel économique, l’efficience du système de transport et de transit est essentielle pour soutenir le commerce et préserver l’avantage comparatif des produits maliens. Mais le pays rencontre de graves obstacles qui élèvent les coûts du transport et du transit tant à l’importation qu’à l’export.

5.2. Ces obstacles sont en partie liés à la situation de pays enclavé qu’est le Mali197, mais aussi au faible niveau de développement de ses ressources humaines et de ses institutions. Le coût élevé du transport et du transit au Mali vient de deux grandes causes : (i) mauvais état et mauvaise gestion des infrastructures de transport (routes, voies ferrées, aéroports, rivières) et faiblesse de la gestion de ses moyens de transport (camions, wagons, avions et barges) et (ii) environnement hostile dans lequel opèrent le transport et le transit en raison de toutes sortes d’obstacles (cadre institutionnel et réglementaire, taxes, douanes, contrôles et pratiques anormales) qui renchérissent des coûts déjà élevés, en dépit des traités et des conventions conçus pour faciliter le transit, signés mais non appliqués.

A. LES PROBLEMES DU MALI DANS LE SECTEUR DU TRANSPORT ET DU TRANSIT

5.3. Grand pays en développement enclavé, le Mali a comme défi majeur de s’assurer que les coûts d’accès aux marchés (intérieur et international) soient suffisamment bas et pour que ses produits soient compétitifs avec ceux des autres pays. Pour développer son potentiel de croissance, le Mali devrait assurer la compétitivité de ses produits sur les marchés. Les coûts d’accès à ces marchés – coût des services de transport et coûts de transit (en temps et en argent), qui jouent un rôle décisif, sont influencés par deux types de facteurs.

5.4. D’abord, les coûts d’accès au marché sont influencés des facteurs géographiques fixes sur lesquels le Mali n’a guère d’influence : longues distances entre zones agricoles et centres intérieurs de consommation (en moyenne, entre 100 et 400 km), et entre centres de production (tant agricoles qu’industriels) du pays et marchés extérieurs en passant par les ports des pays voisins. Ces facteurs entraînent des coûts de transport élevés par rapport à d’autres pays, notamment à ceux situés sur la côte. L’Encadré 5.1 présente les différents itinéraires de transit, allant de 980 à 2110 km, pour atteindre les ports maritimes ainsi que quelques données sur les modes de transport. Le trafic de transit du Mali est vulnérable à la situation dans les pays voisins et en particulier au fonctionnement des ports voisins qu’elle devrait utiliser sur lequel il n’a guère d’influence, mais qui peut avoir des conséquences majeures comme le montre l’effet de la crise ivoirienne actuelle expliqué dans l’Encadré 5.2.

5.5. Ensuite, les coûts d’accès aux marchés sont influencés par des facteurs variables qui peuvent éventuellement être modifiés avec une volonté et des efforts suffisants de réforme, à savoir : (a) l’étendue et la qualité des infrastructures de transport (comme le 196 Rédigé par Alain Ballereau et Christina Wood à partir d’un document établi par A. Ballereau et Elian Berger. 197 Bamako, la capitale, est à environ 1000 km du port le plus proche, Conakry en Guinée

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réseau routier, le réseau ferré et les aéroports) ; (b) la qualité des services de transports terrestres (c’est-à-dire les transports routiers et ferroviaires) ; (c) l’étendue et la qualité des services de transport aérien ; (d) l’efficience des services de facilitation de transit assurés par l’administration douanière (à la fois au Mali et dans les pays voisins où transitent les marchandises en provenance ou à destination du Mali) et (e) le niveau de développement des compétences de gestion logistique des exportateurs et importateurs maliens.

Encadré 5.1 : Corridors alternatifs de transport du Mali

Il y a 7 itinéraires internationaux possibles pour le transit des marchandises en provenance ou à destination du Mali, dont les distances vont de 980 km à 2.114 km selon le port utilisé et 2 possibilités ferroviaire ou mixte (Dakar-Bamako, 1228 km, et une combinaison route Bamako-Ferke et rail Ferke-Abidjan, au total 1177 km). Le transport aérien vers l’Europe se limite à un seul grand transporteur international après la disparition de Sabena et d’Air Afrique en 2003, mais il y a maintenant plusieurs nouveaux transporteurs interafricains – un éthiopien, un kenyan, Air Mauritanie et Air Sénégal – desservant Bamako.

Tableau 5.1 : Les itinéraires d’accès au Mali à partir des grands ports maritimes

Au Mali, le réseau routier national s’étend sur 18.600 km, dont 18% sont des routes revêtues et environ 14% sont considérées en bon état. Le parc de camions compte 7.200 poids lourds dont 9% seulement ont moins de 10 ans d’âge. Le réseau de rivières navigables, petit et saisonnier, est long de 2.300 km. Il facilite le transport entre les exploitations agricoles et les marchés. La desserte aérienne intérieure est restreinte et coûteuse et comporte peu de liens entre les 13 aéroports dons certains ont un potentiel touristique.

Ports Pays Paysde transit

Destination Modes de transport

Distance en km

rail 1.228 route 1.365 road 1.225

rail+route 1.177 Lomé Togo Burkina Faso Bamako route 1.967 Tema Ghana Burkina Faso Bamako route 1.973 Conakry Guinée - Bamako route 980 Cotonou Bénin Burkina Faso Bamako route 2.114 Banjul Gambie Senegal Bamako route 1.360 Nouakchott Mauritanie - Bamako route

1.430

Dakar Sénégal - Bamako

Abidjan Côte d’ivoire - Bamako

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Encadré 5.2 : Effet de la crise ivoirienne sur la répartition du trafic des ports d’accès au Mali

La crise ivoirienne depuis 2001 a provoqué un important déplacement d’utilisation entre les ports des pays voisins. Les trafics ont été spectaculairement redistribués sur d’autres ports de la région, accroissant fortement les frais de transport pour le Mali car les itinéraires adoptés sont beaucoup plus longs et les routes sont de moins bonne qualité. Abidjan, traditionnellement 1er port de transit du Mali (environ 80% de l’ensemble du trafic en 2000) n’est plus qu’en 4ème position (14% du trafic en 2003), derrière Dakar, Lomé au Togo et Tema au Ghana. Dakar est maintenant le 1er port de transit du Mali avec près de 30% du trafic et devrait encore progresser avec une meilleure gestion de la concession ferroviaire et une amélioration des routes. Les importations de produits pétroliers passent par Lomé, Cotonou et Dakar (dans cet ordre en termes de volume), alors qu’avant Abidjan était de loin le port le plus important pour le pétrole avec environ 75% du trafic. Le coût supplémentaire pour le Mali de ces changements a été estimé à 12 millions d’USD par an.

Tableau 5.2 : Répartition entre les ports de transit du Mali avant et après la crise ivoirienne

La baisse du volume global du trafic entre 2000 et 2003 illustre la vulnérabilité de l’économie malienne à une crise extérieure tout comme aux chocs internes dus à la sécheresse, l’augmentation des coûts de production du coton et la perte de compétitivité.

5.6. Les importations et les exportations sont affectées différemment par ces obstacles avec des implications différentes pour l’économie. À l’importation, en plus des coûts imposés par l’inefficience des services de transport, les marchandises supportent ceux entraînés par l’inefficience de l’administration des douanes, historiquement orientée vers la génération de recettes et commençant seulement depuis peu à s’efforcer de faciliter le transit et d’harmoniser ses procédures avec celles des pays voisins. Ces coûts supplémentaires, qui sont répercutés sur le prix de vente des marchandises transportées, constituent une taxe imposée aux acheteurs qu’ils soient des consommateurs ou des producteurs les utilisant comme biens intermédiaires (comme les intrants de l’agriculture : engrais, pesticides et équipements agricoles, et comme les machines et fournitures utilisées par les industries). Le plus inquiétant pour la croissance c’est la hausse du coût des biens intermédiaires qui réduit la compétitivité des produits maliens. À l’export, l’insuffisante harmonisation des procédures douanières entre le Mali et ses voisins entraîne des coûts supplémentaires. Par ailleurs, le volume des exportations est trop faible (sauf en ce qui concerne l’or et le coton) pour qu’elles bénéficient d’économies d’échelle.

Ports de transit du Mali Abidjan Dakar Lomé Tema Cotonou Conakry Autres Total Trafic 2000 en tonnes 1 966 219 372 378 60 955 0 11 383 0 51 505 2 462 440 Ventilation en % 80% 15% 2,5% 0,5% 2% 100% dont hydrocarbures 367 610 69 243 45 532 0 11 383 0 0 493 768

Trafic 2003 en tonnes 277 000 575 000 551 000 363 000 156 613 69 400 6 935 1 998 948 Ventilation en % 14% 29% 28% 18% 8% 3% 0,3% 100% dont hydrocarbures 8 583 106 240 199 517 0 156 613 0 0 470 953 Trafic & capacités des ports Trafic total en millions de t. 15 7,2 3 6,8 4,3 4Trafic conteneurs (en TEU) 413 000 149 000 40 000 125 700 980 000 50 000Entrepôts du Mali 34 000m2 51700 m2 9000 m2 - - 2800m2dont entrepôts 13000m2 9300 m2 500m2 1800m2

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5.7. L’un des facteurs contribuant aux différences entre les importations et exportations est le déséquilibre entre les volumes des importations et des exportations transportés par route ou par fer à destination ou au départ du Mali, qui résulte en une grande différence de la demande des tonnages de fret. Le surcoût résultant de ce déséquilibre structurel des échanges est aggravé par le fait que les deux principales exportations du pays (l’or et le bétail) n’utilisent pas (ou guère) le transport par camions ou trains : l’or est expédié par avion et le bétail est conduit à pied vers les pays voisins. Le coton, la plus importante exportation en volume, entre 190.000 et 300.000 tonnes par an, est transporté surtout par route et un peu par rail. Le Tableau 5.3 présente les caractéristiques structurelles du transport du Mali en 2003 : sur un total d’environ 2 millions de tonnes de fret, 87% entrent et 13% sortent. Les principales importations sont des produits de faible valeur à haute densité, qui bien adaptés au transport ferroviaire, mais qui jusqu’à présent vont pour la plus grande partie par la route en expédition non conteneurisée, requerrant une manutention longue et onéreuse, sujette aux vols et pertes. Le transit routier représente 89% de l’ensemble du trafic terrestre, le rail ne représentant donc que 11%.

Tableau 5.3 : Trafic international du Mali par produits et par modes – 2003 et 2004

5.8. L’implication de ce déséquilibre des échanges entraîne que le coût de mouvement à vide des moyens de transport vers l’export doit être recouvré autant que possible sur les marchandises entrantes (importations), ce qui affaiblit la compétitivité des industries (existantes et potentielles) basées sur des biens intermédiaires importées. Mais si ce déséquilibre accroît le coût de transport des importations, il représente une opportunité de négociation des tarifs de transport pour les exportations car l’offre de capacité dépasse de loin la demande. Cependent, si ce déséquilibre commercial résulte en des tarifs plus bas de transport pour les produits exportés, il crée une difficulté majeure pour les transporteurs routiers qui ont du mal à recouvrer plus que les coûts variables des expéditions à l’exportation. D’où la pratique de surcharge des camions entrants qui cause

Marchandises 2 004 Ratios Route Rail Total

Imports + exports 1 795 715 213 035 2 008 750 2 192 000 100% 89% 11% 100%

Imports 1 612 715 191 035 1 803 750 1 904 000 87% Prod. pétroliers 420 165 50 785 470 950 504 000 23% Engrais, produits chimiques 179 820 37 400 217 220 220 000Ciment, mâchefer, sel 373 320 20 650 393 970 420 000Blé, farines 86 445 5 508 91 953 120 000Sucre 150 685 9 782 160 467 140 000Riz 285 280 6 910 292 190 300 000Conteneurs et autres 117 000 60000 177 000 200 000

Exports 183 000 22 000 205 000 288 000 13% Coton 173 000 22 000 195 000 275 000Bétail (à pied) 10 000 10 000 13 000Or (tonnes exportées par air) 55 45

Solides 1 375 550 162 250 1 537 800 1 688 000 77% Annuaire Statistique 2003, MET, Direction des Transports Terrestres

Année 2003

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de graves dommages aux revêtements des routes, dû au surpoids des camions dépassant la capacité des routes conçues pour une charge maximale de 11,5 tonnes par essieu, limite que les autorités n’ont pas jusqu’ici fait respecter.

B. RECENTES AMELIORATIONS DANS LES POLITIQUES DE TRANSPORT

5.9. Les mesures appliquées au secteur des transports ces dernières années ont commencé à renverser la tendance à la baisse de sa performance, mais leur effet est lent. Celles-ci comprennent: (i) la privatisation de la gestion de la voie ferrée Bamako-Dakar (avec signature conjointe du Sénégal d’un contrat de concession en octobre 2003) ; (ii) l’adoption d’un mécanisme d’entretien routier basé sur les résultats, avec implication du secteur privé et financement partiel par des droits payés par les usagers ; et (iii) quelques améliorations apportées aux infrastructures de transport et dans le domaine de facilitation du passage en douanes.

5.10. La privatisation ferroviaire a permis une augmentation progressive des volumes et une amélioration de la qualité du service vers Dakar (port important pour le Mali) avant même que la réhabilitation majeure prévue de la voie ferrée des locomotives et wagons soit réalisée. Le volume du trafic ferroviaire, qui était tombé, au plus bas, à 240.000 t. en 2002, a atteint près de 500.000 tonnes en 2005, dépassant le maximum qui avait été atteint en 1985 (485.000 t.). Le temps de rotation des trains pour Dakar était d’environ 24 jours avant 2000. Depuis la mise sous concession, la rotation de train-blocs de wagons a pu être faite en 11 jours en 2005, alors que le programme Transrail visait 14 jours. Avec les trains de conteneurs, la rotation peut se faire en 9 jours (6 jours de mouvement et 3 jours pour le chargement et le déchargement). La productivité et la fiabilité ferroviaire devraient encore s’améliorer fortement avec la réalisation du programme de réhabilitation en cours ; les objectifs de performance sont donnés dans le Tableau 5.4. L’objectif d’offre de capacité de 900.000 tonnes pour 2008 semble pouvoir être atteint. Etant le mode de transport le plus efficient et le moins cher, le transport ferroviaire devrait devenir beaucoup plus important au Mali, surtout avec la conteneurisation du trafic où le fer jouit d’un avantage comparatif sur la route, le parc de camions n’étant pas encore adapté au transport conteneurisé.

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Tableau 5.4 : Sélection d’indicateurs de performance ferroviaire Bamako-Dakar

5.11. L’amélioration de la gestion et du financement de l’entretien des routes s’est traduite par la création d’un Fonds routier autonome en 2000 et le retrait de l’État de l’exécution des travaux d’entretien. Les usagers sont de plus en plus impliqués dans la prise des décisions relatives au programme d’entretien et dans son financement direct par l’augmentation des redevances de la charge à l’essieu depuis 2003 et de la charge sur le carburant depuis 2004. La création d’une Agence chargée de réaliser l’entretien des routes (AGEROUTE) a permis d’introduire des contrats pluriannuels d’entretien basés sur la performance qui seront confiés exclusivement à des entreprises privées. Néanmoins, l’entretien des routes souffre encore d’une insuffisance de moyens financiers car la redevance sur le carburant n’a pas augmenté depuis 2005 et le programme de péages et de stations de pesage n’est pas encore réalisé. Dans une certaine mesure, le Gouvernement couvre les déficits de financement par des transferts supplémentaires du budget public.

5.12. Dans le cadre du dernier Projet PST (1995–2004), l’entretien courant a été effectué sur environ 9.000 km de routes par an et l’État en a financé la plus grande partie sur son budget, pour un montant de 42,8 milliards de FCFA pendant ces 10 ans. Le projet a permis le revêtement de 1069 km de routes et la réhabilitation de 1.056 km et l’entretien périodique de 2173 km, tous sur financements extérieurs.

5.13. Les autres améliorations ont été réalisées par le ministère de l’Équipement et des Transports (MET) grâce à la réorganisation de plusieurs de ses services, notamment la DNR, la DNTT et le SDR198. Il a rendu plus systématique l’inspection technique des véhicules et confié l’émission des plaques d’immatriculation à une société privée, libéré les tarifs sur le marché des transports, mais continué à surveiller les mouvements de certains produits stratégiques. Des améliorations ont été apportées à plusieurs aéroports : extension de celui de Tombouctou, réhabilitation de ceux de Mopti et Nioro, clôturage de celui de Bamako-Sénou et privatisation de la manutention du fret aérien. Quelques progrès ont été faits dans le domaine de la 198 La DNR est la Direction nationale des routes, la DNTT la Direction nationale des transports terrestres et le SDR le Service des données routières.

Années 1985 2002 2004 2005 2006g 2007g 2008g Trafic en tonnes 485 000 240 000 370 000 500 000 550 000 650 000 900 000

Programme de réhabilitation : Locomotives 2 8 7 Wagons 50 300 250 Réhabilitation de voies (en km) 22 100 80 Performance d’exploitation : Longueur des trains en wagons 30 40Poids des trains en tonnes 1200 1600 Rotation des trains (en jours) 24 11 9Déraillements (Nb par an) 40 10 8 6 4Note : Les chiffres pour 2006-2008 sont des objectifs alors que pour les années précédentes ce sont des données de fait À partir des données fournies par Transrail, 2005

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facilitation du transit au service des douanes grâce à l’informatisation en cours avec l’adoption du programme de gestion SYDONIA de la CNUCED, à la création d’un Comité national de facilitation qui suit au niveau national le programme régional de facilitation en préparation à la CEDEAO et à l’UEMOA.

C. GRANDES CONTRAINTES ET INEFFICIENCES MAJEURES DU TRANSPORT ET DU TRANSIT

5.14. Des contraintes importantes demeurent qui résultent dans des inefficiences du secteur des transports et réduisent le potentiel d’accélération de la croissance économique. Les inefficiences des services de transports maliens peuvent s’apprécier en termes de longueurs des temps de l’aller-retour (rotation) d’un camion ou d’un train entre Bamako et les ports voisins. Le Tableau 5.5 montre que les temps de transit par route varient de 28 jours pour Abidjan (l’une des routes les plus courtes) à 41 jours pour l’itinéraire Tema (Ghana), Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin)199. Les distances parcourues quotidiennement sont faibles, moins de 205 km/jour pour les importations autres que le pétrole. Le transit ferroviaire est bien meilleur, notamment lorsqu’il s’agit d’expéditions par conteneurs. Ces temps de transit plus longs augmentent les coûts de transport et donc les prix payés par les clients—et comme le dit l’adage « le temps c’est de l’argent ».

Tableau 5.5 : Temps de rotation estimés des camions, des wagons et des conteneurs, 2004

Au port (attente

chargement, formalités)

Transit rail ou route un sens

Formalités (frontière et

barrages routiers)

Au parking à Bamako et à

la douane

Durée d’une rotation (y c.

entretien) Trajet pour Bamako

en venant de : Distance (en km)

Temps en nombre de jours

Km parcourus/

jour

Dakar par route 1.365 5 7 3 6 31 195 Dakar par rail 1.228 3 3 1 2 13 409 Dakar rail/conteneur 1.228 1 3 1 2 11 409 Lomé 1.967 5 9 6 6 41 219 Tema 1.973 5 9 6 6 41 219 Conakry 980 5 6 2 6 27 163 Cotonou (Pr. pétrol.) 2.118 2 8 3 4 28 264 Abidjan par route 1.225 4 6 3 6 28 204

5.15. Le résultat de ces inefficiences est que les coûts de transport et de transit du Mali sont élevés. Les coûts de transport (y compris les coûts de transit) supporté par les opérateurs sont plus élevés qu’ils devraient être à cause des contraintes qui subsistent. Par exemple, comme le montre le Tableau 5.6, une expédition de 13 tonnes de biens de consommation dans un conteneur de 20 pieds, de Dakar à Bamako coûte environ 165 euros par tonne pour le transport seul, et 60 euros supplémentaires (soit 40% de plus) sont facturés officiellement pour les documents, le temps perdu à la douane, les honoraires des transitaires et les droits perçus par les Entrepôts du Mali (EMA). Mais le coût final est encore supérieur avec 100 euros supplémentaires (soit 60% de plus) par tonne pour la commission de garantie TRIE200, la redevance statistique, les droits de la DNCC201, les 199 L’axe Cotonou n’est actuellement utilisé que pour l’importation de produits pétroliers. 200 TRIE signifie Transit routier inter États de marchandises selon la Convention de Lomé A/P4/5/82 201 La DNCC est la Direction nationale de la concurrence et du commerce

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DTR202 et les paiements illégaux perçus aux barrages routiers. Le coût final d’une telle expédition serait donc d’environ 150 FCFA par tonne/km, soit beaucoup plus que le tarif estimatif de référence du MET qui est d’environ 35 FCFA et qui n’a pas été revu depuis plus de 5 ans. En pratique, les chargeurs doivent payer environ 100% en plus du coût de transport seul pour couvrir tous les autres frais de transit, dont une bonne partie est illégale et pourrait être évitée. Dans cet exemple, environ 50% des coûts de transit hors frais de transport sont évitables. Une évaluation plus large indique qu’une partie importante (30 à 50 %) des coûts de transit (en dehors des coûts de pur transport) montre qu’une partie importante (30 à 50 %) pourrait être évitée. Dans un autre exemple portant sur le coût de transit d’un conteneur de 40 pieds de carreaux de céramique entre Cotonou et Bamako passant par le Bénin et le Burkina, il a été estimé que les coûts de transit évitables représentaient entre 30 et 50%.

Tableau 5.6 : Coût du transport routier d’un conteneur de 20’ de Dakar à Bamako

Coût de transit (1) Par conteneur À la tonne À la tonne/km Part FCFA euros FCFA euros FCFA euros % 1. Coût de réception 151.457 231 11.657 17,77 8,5 0,013 8,1 2. Transport routier 1.400.000 2134 107.692 164,17 78,9 0,120 74,4 3. Charges autres que droits de douane 3.1 Heures supplémentaires à Dakar 75.000 114 5.769 8,79 4,2 0,006 4,0 3.2 Escorte douane (à la frontière Mali) 70.000 107 5.385 8,21 3,9 0,006 3,7 3.3 Escorte douane (de la frontière Mali 20.000 30 1.538 2,35 1,1 0,002 1,1 3.4 Heures suppl. au Mali 5.000 8 385 0,59 0,3 0,000 0,3 4. Document TRIE 15.000 23 1.154 1,76 0,8 0,001 0,8 5. Connaissement 2.500 4 192 0,29 0,1 0,000 0,1 6. Entrepôts du Mali (EMASE) 12.500 19 962 1,47 0,7 0,001 0,7 7. Péages aux ponts 5.000 8 385 0,59 0,3 0,000 0,3 8. Commissions transitaires 125.000 191 9.615 14,66 7,0 0,011 6,6 Total 1.881.547 2.868 144.734 220,63 106,0 0,162 100

(1) Ce coût ne comprend pas la caution TRIE (0,50% de la valeur douanière), le 1,5% de Redevance statistique (PCS pour l’UEMOA et PC pour la CEDEAO, 1% du droit de la DNCC pour l’intention d’exporter, les droits de transit routier (DTR) et les paiements aux barrages routiers illégaux. Les droits de douane ne sont pas compris. Source : Transitaires, Mai 2005 5.16. Les coûts de transport du Mali sont plus élevés que ceux des pays voisins. L’Encadré 5.3 présente le coût global du transport pour l’économie malienne et des pays de comparaison. Ces coûts se retrouvent dans les frais transports facturés aux usagers et se traduisent par une perte de compétitivité des produits maliens.

5.17. La longueur des temps de transit, résultant des inefficiences, vient surtout d’une piètre facilitation insuffisante des échanges et d’une qualité médiocre des infrastructures. D’abord, les procédures de facilitation des échanges ne sont guère appliquées ce qui accroît les temps de transit du fait d’une mauvaise organisation des services douaniers et l’insuffisante coordination avec ceux des pays voisins. Ensuite, le mauvais état des infrastructures (routes, rail, aéroports) est dû au manque d’entretien et au retards des travaux de la réhabilitation et des nouveaux investissements qui augmentent également les temps et coûts de transit. 202 DTR signifie Droits de traversée routière.

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Encadré 5.3 : Les coûts de transit/transport du Mali sont les plus élevés de l’Afrique de l’Ouest

Les coûts de transport du Mali sont élevés par rapport à ceux des autres pays, ce qui nuit à la compétitivité des produits maliens et donc réduit les possibilités d’accélérer la croissance du pays. Représentant 30% de la valeur des importations, les coûts de transport du Mali dépassent ceux de tous les autres pays ou groupes de pays de la comparaison, y compris le groupe des pays enclavés (18% de la valeur des importations) et de ses voisins enclavés le Niger (14,5%) et le Burkina Faso (21,5%) confrontés à des difficultés semblables (Graphique 5.1). Ces coûts élevés du Mali par rapport à ses voisins sont en grande partie dus à la crise de la Côte d’Ivoire, qui oblige ses flux commerciaux à passer par des ports plus éloignés. Par contraste, le Burkina Faso, qui est également affecté par cette crise, a la chance que les autres ports que ses flux empruntent sont à des distances de sa capitale Ouagadougou comparables à celle du port d’Abidjan. Le Niger n’est pas affecté par la crise ivoirienne et bénéficie de l’accès au port de Lagos (Nigeria) raisonnablement proche. Pour le Mali, le retour à Abidjan comme port principal étant improbable même à moyen terme, il est crucial pour ses perspectives de croissance de prendre des mesures pour améliorer les temps de transit et alléger les coûts de transport.

Graphique 5.1 : Ratio coûts de transport sur valeur des importations, Mali et autres pays (2002)

Source : N’Guessan (2003) sur base de données du FMI/CNUCED Note : Jusqu’en 2000, le trafic international passait par deux grands itinéraires, un par route ou par route et fer jusqu’à Abidjan (environ 80% des échanges) et un par fer jusqu’à Dakar (environ 15% des échanges). À la suite de la crise, le trafic passant par Abidjan est descendu à 14% en 2003, le reste passant désormais par les ports de Dakar, Lomé, Tema, Cotonou et Conakry.

D. OBSTACLES SPECIFIQUES AU TRANSIT ET NECESSITE D’AMELIORER LA FACILITATION

5.18. L’insuffisance de la facilitation des échanges retarde le transit du fait de la multiplicité des contrôles routiers (imposant souvent des perceptions illicites), d’interférences d’un service de sécurité (police, ou gendarmerie) ou d’administrations nationales (ministères de la Santé, des Transports, des Forêts et de la Faune…) ou locales, censées vérifier le chargement ou la sûreté du véhicule, et surtout de la multiplicité des procédures redondantes de vérification des services douaniers du Mali et des pays traversés et de la non informatisation des opérations douanières. En fait, la transparence réglementaire est affaiblie par ces redondances qui permettent des pratiques déloyales ou inéquitables. Les coûts sont élevés au Mali pour trois raisons : mauvaise application des traités ouest-africains de

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facilitation des échanges régionaux ; faiblesse du cadre et de la gouvernance des administrations douanières et faiblesse de l’interface entre services douaniers et services des autres ministères.

5.19. Mauvaise application des traités ouest-africains de facilitation des échanges régionaux. Pour faciliter le transit, les pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA ont signé dans le passé plusieurs conventions régionales (plus de deux douzaines). L’une d’elles, le traité TRIE, a été conçue pour permettre la circulation du fret entre ces pays sans que les camions ne s’arrêtent, grâce à un livret standard de transit pour déclarer les marchandises transportées avec toutes les données les concernant, comportant une couverture d’assurance unique pour l’ensemble des droits de douanes. D’autres conventions ont enrichi ce cadre institutionnel du transit : (a) des camions aux standards homologués requis pour le transport international, (b) limitation de la charge à l’essieu à 11,5 tonnes, (c) suppression des contrôles aux barrages routiers et (d) création d’observatoires de l’activité routière. Toutes ces conventions et traités sont censés faciliter l’intégration économique et les échanges entre les pays membres.

5.20. Mais les conventions de la CEDEAO ne sont pas respectées par les douanes, le MET et d’autres administrations qui sont supposées les appliquer. L’absence de confiance mutuelle entre les responsables des douanes des différents pays entraîne des procédures coûteuses et faisant perdre beaucoup de temps au passage des frontières. À tous les niveaux de la chaîne du transport, il existe de multiples contrôles inutiles et des vérifications de divers documents non exigés par les réglementations. Ces demandes faites au mépris des lois, qui semblent motivées par la possibilité de percevoir de l’argent, et prospèrent faute de sanctions prises à l’encontre des fautifs ; elles seraient aussi explicables par la faiblesse des rémunérations et des perspectives de carrière des douaniers (y compris des Commissaires agréés en douane).203 La diversité linguistique aggrave la situation sur l’axe de transit avec le Ghana, conduisant parfois à la réémission de documents en anglais (ou inversement) et à un nouveau paiement de droits d’émission. Entre les frontières de chacun des pays traversés, il y a des barrages routiers tous les 30 à 40 km en moyenne. La d’autres administrations (police, gendarmerie, sécurité, eaux et forêts, santé, DNT) font toutes sortes de vérifications et perçoivent illicitement des taxes et droits sur les transporteurs et sur les marchandises. Mais aucune sanction réelle n’est appliquée pour tenter de stopper certains abus fait par nombreux camionneurs tels que la pratique de forte surcharge de poids lourds ou la conduite de véhicules dangereux. En plus des droits de douane, toutes sortes de droits officiels ou non sont perçus qui rendent les marchandises plus chères pour les clients et sont des obstacles à la fluidité des échanges. Il est urgent d’y remédier dans le cadre d’un programme régional qui est préparation et dont le Mali est partie prenante, comme cela est recommandé (voir section H).

5.21. Faiblesse du cadre et de la gouvernance de l’administration des douanes. Les lois ne sont pas appliquées par les douanes selon la volonté du législateur. Il y en a de nombreux exemples : (a) les valeurs de référence de l’inspection avant embarquement qui devraient être utilisées et sont reconnues largement comme valeurs douanières par l’OMC ne sont pas acceptées par les douanes du Mali ; (b) la pratique du crédit douanier d’enlèvement n’est pas

203 Les commissaires agrées en douanes bénéficient du travail supplémentaire et inutile de la réémission de ces livrets à chaque passage de frontière moyennant un paiement, en plus de la perception d’une nouvelle prime d’assurance pour renonciation aux droits de douane.

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encore utilisée par les douanes du Mali malgré son existence dans le cadre des procédures de feu vert de SYDONIA++, (c) les dispositions du code des Douanes ne sont pas appliquées pour le passage en douane et accélérer la libération des camions, (d) la pré-inspection du chargement par la Cotecna au nom de l’État n’est pas reconnue et (e) les importations de denrées agricoles204 des pays de la CEDEAO ou de l’UEMOA ne bénéficient pas toujours du taux préférentiel régional comme le prévoit l’accord de 1988 et donc ne passent pas la douane de la façon rapide prévue.

5.22. Le cadre réglementaire manque de transparence et est évident du fait de : (a) la publication irrégulière du Journal officiel, (b) l’absence de la documentation réglementaire dans les bureaux des douanes, (c) l’inaccessibilité du site web interne des douanes supposé offrir l’essentiel de la documentation (en cours d’élaboration depuis trois ans). En outre, les contrôles douaniers sont inutiles et les recettes des droits de douane sont souvent réduites par la fraude et la négociation sur le poids et la valeur des marchandises qui a lieu entre commerçants et agents de l’administration, dont certains sont des agents « volontaires » auto-désignés, travaillant pour les agents réguliers, qui sont trop occupés par d’autres affaires pressantes.

5.23. Les passages en douane et les contrôles sont répétitifs et fastidieux tout au long de la procédure d’entrée (voir Encadré 5.4). Ils sont justifiés par la nécessité de surveiller le large secteur informel, mais la contestation des apurements douaniers ne représentent que 1% des recettes douanières, bien que la part du secteur informel représente 50% de la valeur des importations. Le travail des douanes n’est pas fondé sur un calcul d’efficience ou de gestion des risques, qui modulerait l’importance des contrôles en fonction de la qualité de l’importateur ou de l’expérience acquise. Par ailleurs, la perception illicite d’argent est facilitée par le fait que le paiement des droits est fait le plus souvent en espèces et ne laissent aucune trace du montant effectivement perçu, de ce qui serait normalement dû au Trésor public et lui est finalement versé, et de qui va dans la poche des agents corrompus. Le remède serait de contrôler les contrôleurs et d’infliger des fortes sanctions pour toutes les infractions.

5.24. Faiblesse de l’interface entre la douane et les autres administrations. Parmi les principaux obstacles, il y a : (a) les horaires de travail des bureaux des douanes et de ceux des recettes du Trésor situés aux postes de douane, (b) la forme du paiement presque exclusivement en espèces et (c) la non intégration de la base de données SYDONIA dans les grandes administrations publiques. Le passage en douane ne devrait pas paralyser des flottes de camions et de wagons qui sont immobilisés parce que les bureaux des douanes et du Trésor sont fermés le weekend (ils ferment du vendredi midi au lundi matin). En outre, les percepteurs du Trésor ne devraient pas être autorisés à encaisser des paiements en espèce pour les droits au-delà d’un certain montant. Les paiements par chèques certifiés ou par virements devraient être systématiques pour éviter les tracas et le risque lié au payement de sommes importantes en billets. Par ailleurs, la base de données SYDONIA des douanes devraient être raccordée (comme c’est prévu) aux systèmes informatiques du Trésor, du service des impôts, de la DNCC et de la DNSI pour permettre le suivi et la vérification croisée des informations sur les échanges. Cela permettrait de détecter des

204 Appelés « Produits du cru »

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incohérences dans les données, d’accroître la responsabilisation des agents et de freiner la corruption.

5.25. En outre, des mesures essentielles pour la facilitation du transit ne sont pas en place, notamment à cause d’une bureaucratie à la DNT et aux EMA pas assez ouverte au sens du service des opérateurs, de l’absence d’un système de diffusion des informations par les chambres de commerce à ses membres, de l’absence de procédures pour satisfaire le besoin de certificats d’origine demandés par l’AGOA et par les accords avec l’UE. Enfin, la capacité institutionnelle est faible pour appliquer la réforme de la facilitation des échanges.

Encadré 5.4 : La multiplicité de contrôles répétitifs ralentit le transit

• Aux ports d’arrivée, les marchandises et les moyens de transport sont vérifiés par le transitaire, les agents du port, le représentant des douanes du chargeur, les agents des douanes locaux, les agents de sécurité de l’État, la police et d’autres services pouvant avoir une raison de faire ouvrir le conteneur ou les caisses pour inspection ;

• Les contrôles sont répétés de nombreuses fois au long du voyage, aux barrages routiers et aux frontières (à nouveau vérifications administratives et physiques, réémission d’un livret TRIE et paiement d’une nouvelle commission de garantie pour que le chargement poursuive sa route sous le statut de suspension des droits de douane), tout cela alors que les camions portant un conteneur ou une citerne ont été plombés au port d’arrivée et que le poids a été vérifié ;

• Attente de la formation de convois pour l’escorte par les agents des douanes. Il faudrait théoriquement au moins 10 véhicules pour pouvoir partir, mais en fait plus de 100, et des retards fréquents s’ajoutent car les douaniers ne sont pas toujours disponibles pour joindre l’escorte.

• À l’arrivée, les mêmes contrôles sont répétés avant que les marchandises ne soient libérées une fois les droits de douane payés. Quelques ports ont installé des scanners et des ponts-bascules pour évaluer le contenu et les quantités chargées dans les conteneurs et les camions. Ces vérifications sont facturées sans aucun avantage pour la poursuite du voyage, car les agents de contrôle n’accordent aucune attention à cette information ;

• La vérification faite par un agent accrédité de l’une des autorités publiques n’est pas reconnue par les autres, donc chacun recommence tout ; Tous les contrôles sont faits à titre d’extension du contrôle fait à l’inspection avant chargement dans le pays d’origine qui a posé un plomb officiel sur les marchandises exportées pour le compte de l’État du Mali ;

Le contrôle du poids est refait par la SDV à l’entrée du Magasin en Douanes (MAD) à Bamako.

En réduisant les contrôles et en accélérant le passage en douane, on pourrait réduire de moitié le temps moyen de rotation des camions en transit qui est d’un mois et donc doubler le nombre annuel de rotations et ainsi accroître d’autant la rentabilité car :

- les coûts d’inventaire de marchandises transportées seraient fortement réduits, - le parc des camions et des wagons serait mieux utilisé et pourrait être réduit à sa taille économique, - les investissements en installations de stockage nécessaires pour le transport seraient moindres, - les coûts variables et fixes des transporteurs seraient réduits eux aussi.

E. CONTRAINTES SPECIFIQUES VENANT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ET BESOINS D’AMELIORATION

5.26. Effets de la faiblesse des infrastructures : L’état des infrastructures retarde le transit en ralentissant la vitesse moyenne des véhicules (60 km/h sur les meilleurs routes,

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15 km/h sur les pires) et des trains (55 km/h sur les meilleures sections des voies ferrées, 20 km/h sur les pires), en ralentissant le traitement du fret aérien et en empêchant la manutention de marchandises périssables (du fait du manque d’entrepôts et de camions frigorifiques). Malgré de récents investissements pour améliorer et réhabiliter les axes d’accès par route, par rail et par voie aérienne, les infrastructures restent à un niveau global médiocre, beaucoup de liaisons essentielles restant en mauvais état. Les améliorations en cours des routes et des voies ferrées sont nécessaires, mais il faudrait faire davantage pour renforcer leur capacité et atteindre le niveau d’entretien requis. Les transports aériens et fluviaux sont marginaux mais nécessitent eux aussi des améliorations, pour satisfaire les besoins de zones éloignées (voir Encadré 5.5).

5.27. Le réseau routier, d’un total de 18.600 km, n’a qu’environ 2.670 km considérés comme en bon état, soit 14% (voir Tableau 5.7). Les routes revêtues ne représentent que 18% de ce réseau, dont un peu plus de la moitié est estimée en bon état. L’extension et l’amélioration de ce réseau effectuée au cours des 20 dernières années seront poursuivies par la poursuite de travaux de revêtement juste commencés sur un total de 782 km, sur quatre axes : Bamako-Sikasso vers Abidjan, Bamako-Kayes vers Dakar, Bamako-Kourémalé vers Conakry et Bamako-Nioro vers Nouakchott. Quelques autres sections manquantes du réseau routier nécessitent une attention urgente, L’une d’elle est la construction d’un nouveau pont (le troisième à Bamako) route/rail à la périphérie ouest de Bamako pour acheminer les trafics lourds routier et ferroviaire et relier les terminaux entre eux situés des deux côtés du fleuve Niger. Le trafic de poids lourds est interdit de jour à cause de la congestion sur les deux ponts existants et est autorisé à circuler la nuit uniquement.

Tableau 5.7 : Étendue et état d’entretien du réseau routier malien, en km

5.28. Le programme d’entretien routier vise principalement à l’entretien courant et il n’est prévu aucun financement sur le budget de l’État pour l’entretien périodique (réfection des chaussées). L’État a financé sur son budget 4 milliards de FCFA en moyenne par an de 1995 à 2004 pour l’entretien des routes. Pour les années à venir, la politique est d’obtenir une augmentation de la part du financement venant des redevances perçues des usagers (TIPP, droits sur la charge à l’essieu et recettes des péages). Le budget prévoit pour 2007 un plus que le doublement des ressources pour l’entretien des routes par rapport à 2002 (

5.29.

1994 2569 1597 3090 7520 147762004 3367 8156 4562 2528 18613

Ratio en 2004 18% 44% 25% 14% 100%

Bon état 53% 1801 7% 538 3% 154 7% 171 14% 2664Assez bon état 23% 759 22% 1768 51% 2321 52% 1315 33% 6163Mauvais état 24% 807 72% 5850 46% 2087 41% 1042 53% 9786

Totall 100% 3367 100% 8156 100% 4562 100% 2528 100% 18613Source: MET Annuaire Statistique 2004

Étendue et état d’entretien du réseau routier malien, en km

État d’entretien du réseau routier national sous la responsabilité du MET

Routes revêtues Route moderne

ballastéeChemins de terre

améliorésChemins saisonniers Total réseau routier

national Période

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5.30. Tableau 5.8).

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Tableau 5.8 : Entretien des routes par l’autorité routière : besoins financiers estimés Budget de l’État Revenus des usagers de la route Ressources annuelles

Année Budget spé d’investiss.

Taux d’évolution Taxe sur carburant T/Charge

à l’essieu Recettes péages

Total ressource

s Taux de hausse Totaux Taux de

hausse

M FCFA % FCFA /L M FCFA M FCFA M FCFA M FCFA % M FCFA % 2004 5.880,0 -- 3 1.308,0 300 0 1608,8 -- 7.488,8 -- 2005 5872,5 -1,1% 4 1.745,0 500 800 3045,0 89,3% 8.917,5 19,1% 2006 5808,8 -1,1% 6 2.617,6 600 1.000 4217,6 35,5% 10.026,4 12,4% 2007 5695,1 -2,0% 8 3490,1 650 1.500 5.640,1 33,7% 11.335,2 13,1% 2008 5067,6 -11,9% 9 3926,4 750 2.500 7.176,4 27,2% 12.244,0 8,0% 2009 5217,6 3,0% 10 4362,6 800 2.800 7962,6 10,9% 13.180,2 7,7%

5.31. Le transport ferroviaire offrira la meilleure liaison pour le transport longue distance avec Dakar si la réhabilitation des infrastructures réalisée. Le rôle de la voie ferrée Dakar-Bamako, qui a été le principal mode de transport à l’époque coloniale, devrait être renforcé en tant que mode de transport plus économique que la route. La concession de la gestion à un opérateur privé a montré que l’on pouvait effacer la chute de trafic due à la mauvaise gestion et à des années de négligence. Il est très important que les autorités publiques n’interférent pas dans la gestion, mais elles devraient suivre de près le déroulement du programme de réhabilitation pour s’assurer de sa réalisation effective, de l’obtention de l’augmentation prévue de capacité et de la diminution du temps de rotation des trains. Le développement du trafic containers offrira une capacité fiable pour les exportations traditionnelles du Mali comme le coton, mais surtout pour l’exportation des produits périssables (tels que mangues, légumes et viande) pour lesquels il existe un potentiel. Des investissements supplémentaires pour des stations frigorifiques en gare pour le trafic des conteneurs réfrigérés et des locomotives seront nécessaires d’ici 2008 si l’on veut accroître la capacité comme prévu.

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Encadré 5.5 : Les autres modes de transport sont marginaux

F. FORCES ET FAIBLESSES DES TRANSPORTEURS ROUTIERS

5.32. La durée des temps de transit et le coût élevé des services de transport résultent aussi de la faible rentabilité des activités de transport (notamment pour les sociétés de transport routier) qui sont également pénalisées par la structure coûts élevés de coût du secteur. La faible rentabilité de nombreux transporteurs maliens se traduit par un parc de camions vétuste et inadapté au transport par conteneurs, les transporteurs étant incapables d’acheter des camions plus récents (la plupart n’ont pas pu profiter de l’exemption temporaire des droits sur l’importation). La faible viabilité de la plupart des transporteurs est aggravée (a) par une structure fiscale encourageant la prolifération de petites entreprises de transport informelles et (b) par les pratiques oligopolistiques du secteur (obligation d’utiliser les EMA, ‘tour de rôle’ organisé par le syndicat des transporteurs) qui nuisent à la recherche de qualité des services proposés aux clients, et protègent la multitude des petits transporteurs informels qui constituent une concurrence déloyale pour les opérateurs de services mieux gérés des transporteurs formel. En outre, la plupart des transporteurs n’ont pas été capables de moderniser leur parc de véhicules pour réaliser des gains de productivité rendus possibles par la conteneurisation, qui a apporté une révolution dans le monde du transport en termes de charges unitaires, d’efficience dans la manutention, de contrats d’expédition de porte-à-porte et de réduction des besoins de stockage (voir Encadré 5.6).

Le transport aérien est assez marginal sauf pour le trafic à Bamako qui, en 2004, a atteint 490.000 passagers et 6.000 tonnes de fret (avec des taux de croissance annuels de respectivement 15 et 30%). Le trafic le plus important est celui à destination de l’Europe (Paris) avec 110.000 passagers et 4.000 tonnes de fret en 2004. Si 30 petites compagnies desservent Bamako, seulement 10 ont un trafic de plus de 10.000 passagers par an. Les autres aéroports représentent ensemble moins de 30.000 passagers par an et seul celui de Kayes en a plus de 10.000, mais son trafic devrait baisser avec la mise en service de la route revêtue. La faiblesse de la demande locale et la cherté des tarifs intérieurs (qui ne bénéficient pas de l’exemption fiscale sur le kérosène accordée aux vols internationaux) rend ce mode de transport accessible essentiellement aux touristes étrangers participant à des excursions (Tombouctou, Mopti, Gao) où il y a un certain potentiel. Les récents investissements dans plusieurs aéroports locaux pour un total d’environ 30 milliards de FCFA (60 millions d’USD) vont permettre de satisfaire la demande future attendue. Mais, les compagnies privées ont du mal à s’organiser pour développer le potentiel existant et il faudrait alléger leur charge fiscale comme il faudrait le faire pour le transport routier. Le transport fluvial est faible. Il est limité par le manque de tirant d’eau des rivières. Les possibilités d’expansion de ce mode de transport sont réelles dans les zones agricoles entre Koulikoro et Mopti (500 km) où la culture du riz et du coton s’est développée. En tant qu’alternative aux pistes mal entretenues, le transport fluvial local pourrait être développé sur les fleuves Niger et Sénégal à condition de construire quelques quais et jetées pour servir une demande croissante.

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Encadré 5.6 : Modernisation du transport et avantages de la conteneurisation

En termes d’efficience du transport, l’économie malienne est pénalisée à la fois par les délais causés par les pratiques qui freinent le déplacement et la rotation des chargements en transit et par des contraintes physiques dues à la mauvaise qualité des routes et des voies ferrées et le faible recours à la conteneurisation. Le Mali ne bénéficie pas encore des avantages du transport conteneurisé. Sur un total de 2 millions tonnes de fret international, seulement 200.000 tonnes environ (soit 10%) sont conteneurisés, soit environ 11.000 TEU205 chargés à l’importation et seulement 2000 chargés à l’export, les 9.000 autres repartant à vide. Dans les ports ouest-africains, le taux de conteneurisation est d’environ 50% du trafic maritime, mais pourrait être bien plus élevé ; il est d’environ 75% à Port Louis, Maurice. Les conteneurs apportent de nombreux avantages au transport : charge unitaire protégeant les marchandises, un seul chargement ou plusieurs regroupés dans un conteneur, facilité de chargement et de passage d’un mode à un autre, besoins et durée de stockage réduits, possibilité de connaissement avec un contrat multimodal et assurance de porte-à-porte. Les avantages de l’accélération des rotations et de l’utilisation de conteneurs pourraient transformer le transport malien en une activité rentable et doper la croissance économique du pays : En utilisant des conteneurs avec des « contrats de transport multimodal » combinant transport terrestre par rail ou route, le Mali profiterait de la réussite de la conteneurisation du transport maritime et permettrait d’éviter de nombreux coûts inutiles :

- Le Mali éviterait les frais de double manutention aux points de transfert et des frais de stockage, - Les tarifs du transport seraient abaissés, notamment en utilisant des trains de conteneurs, - La durée du transport serait plus courte, notamment grâce à une simplification des contrôles douaniers, - Les risques de retards et de pertes dus à la multiplicité des contrats de transport seraient réduits, - Il serait possible d’avoir des stocks plus petits dans les usines et les magasins, - Il serait possible de réduire les coûts financiers et la trésorerie des entreprises, - L’accélération des transports faciliterait les exportations de marchandises périssables (mangues) et permettrait l’exportation du coton à partir des usines La conteneurisation apporterait donc des solutions transport à « flux tendus » où les arrêts et les immobilisations des marchandises seraient évités, permettant les transports les plus courts grâce aux contrats de porte-à-porte.

5.33. Le transport routier est peu rentable à cause de la lenteur des rotations du parc de camions et de la lourdeur des taxes. Le parc routier compte environ 7.200 camions, d’une capacité de 10 à 40 tonnes ; il est vétuste : 90% des camions ont plus de 10 ans d’âge. Les transporteurs sont en majorité des opérateurs possédant un seul camion. Il n’y a qu’environ 15 sociétés structurées possédant entre 10 et 70 camions. Elles ne représentent que 6% de l’ensemble du parc, sont spécialisées dans le transport par conteneurs et camions citernes (pour le pétrole) et peuvent offrir des contrats de transport multimodal (route/rail/mer).

5.34. La faible rotation se traduite pas une utilisation du parc qui n’est guère rentable : en moyenne, une seule rotation des camions par mois avec les ports maritime. La distance parcourue par des camions d’occasion n’est que de 15.000 à 30.000 km par an, alors qu’elle peut atteindre 75.000 à 85.000 km pour les camions neufs ; ce qui est d’ailleurs très faible par rapport aux camions européens qui font jusqu’à 180.000 km par an.

205 TEU signifie ‘équivalent vingt pieds’, longueur des conteneurs les plus courants, d’un poids en charge moyen de 13 tonnes. C’est l’unité de base la plus utilisée pour compter les mouvements de conteneurs (qui peuvent être aussi de 40 et 45 pieds). Cette mesure est aussi utilisée pour mesurer la capacité des ports ou des navires.

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5.35. La législation divise le secteur en deux groupes : les petits transporteurs informels ayant de 1 à 3 camions qui bénéficient d’une taxation forfaitaire clémente et les sociétés structurées qui sont lourdement imposées. En tenant compte de toutes les formes d’imposition, on peut estimer que la pression fiscale rapportée au chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 45 à 55% pour les sociétés et de seulement environ 15 à 20% pour les entreprises informelles. Il n’y a donc aucune incitation pour que le secteur s’organise mieux, avec de plus grandes flottes, car les entreprises informelles sont généralement plus rentables bien que leurs services soient moins efficients.

5.36. La taxation de ce secteur est très lourde car ses outils (les camions) sont importés ainsi que tous ses consommables (essence, pneus, pièces détachées) et supportent de lourds droits de douane206, le PCS207, la redevance statistique et la TIPP208, en plus d’une foule d’autres taxes (telles que la patente, l’impôt sur les BIC209, la TVA, la TTR210, les droits d’enregistrement, les inspections techniques, les droits sur la charge à l’essieu, la licence, la taxe annuelle sur le véhicule, la lettre de transport, la carte de transport et les DTR). Cette lourde taxation devrait être allégée, simplifiée et réformée pour mettre un terme aux distorsions qu’elle crée.

5.37. En outre, comme ont l’adit, les syndicats de transporteurs ont instauré, au centre de regroupement du fret malien dans chaque port, un principe d’attribution des chargements dit ‘tour de rôle’ voulant que le premier arrivé soit le premier servi’,211 qui ne donne aucune incitation à une concurrence basée sur la qualité du service et les volumes offerts. Tout progrès qui facilitera le mouvement des camions et accélérera leurs rotations sera déterminant pour améliorer la rentabilité de ce secteur agonisant qui devrait retrouver d’urgence la capacité d’autofinancer le renouvellement de son parc.

G. CONTRAINTES LOGISTIQUES GENANT LES EXPORTATIONS DU MALI

5.38. La faiblesse de la gestion logistique des chargeurs contribue à augmenter le prix qu’ils payent pour les services de transport. L’analyse de l’organisation actuelle des services de transport et des pratiques d’expédition montre que l’on pourrait faire beaucoup pour mieux gérer les expéditions et en réduire le coût. Il faudrait notamment améliorer la logistique pour mieux servir les besoins des exportateurs de marchandises telles que le coton, les mangues et les produits maraîchers, le riz, le bétail et la viande.

Le coton

5.39. La gestion des opérations de transport pour l’exportation de fibre de coton pourrait être plus efficiente. Pour l’essentiel, la fibre est transportée en balles par des camionneurs privés selon le principe ‘premier arrivé premier servi’ (utilisant des camions caisse ouverts et non des conteneurs), puis stockée dans des entrepôts à Abidjan ou Dakar 206 Bien que réduits de 100%, les droits sur les camions neufs importés restent élevés (30 à 40%). 207 Le PCS est le Prélèvement communautaire de solidarité perçu et versé à la CEDEAO et à l’UEMOA. 208 La TIPP est la Taxe intérieure sur les produits pétroliers. 209 BIC signifie la Taxe sur les bénéfices industriels et commerciaux. 210 La TTR est la Taxe sur les transports routiers, qui est annuelle. 211 Les Entrepôts du Mali (EMA) agissant au nom de l’État sont régulés par le ministère de l’Équipement et des Transports

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avant d’être commercialisée et enfin chargée sur des navires. Une petite partie seulement des balles (20%) est chargée dans des conteneurs à l’usine et transportée par camion (de l’usine jusqu’au terminal ferroviaire de Bamako) puis par fer jusqu’au port de Dakar. Or, le transport en vrac (non conteneurisé) accroît les coûts d’exportation des coûts évitables suivants, qui sont supportés par la société d’égrenage :

• Coûts de transport routier, plus élevés que par le rail, jusqu’au port d’embarquement

• coût de diverses formalités (fonds de garantie, papiers TRIE, perceptions illégales en cours de route)

• charges de manutention (chargement et déchargement des camions au port), • frais de stockage dans entrepôts autres que ceux d’EMA qui sont souvent pleins, • coût financier du stockage du coton attendant d’être vendu à un prix plus intéressant, • coût de l’immobilisation de trésorerie.

5.40. Une solution alternative et préférable serait de charger les balles de fibre de coton dans des conteneurs, de le stocker à l’usine (ce qui éviterait les coûts de stockage au port) avant la commercialisation et de les expédier (par route/rail) jusqu’au port d’expédition. Du fait du déséquilibre des flux d’échanges susmentionné, les conteneurs pour l’export sont facilement disponibles au Mali car seulement 2.000 des 11.000 conteneurs utilisés pour les marchandises importées sont actuellement utilisés pour l’exportation. L’utilisation de conteneurs transportés par rail jusqu’au port économiserait 4.500 millions de FCFA, rien qu’en économie de transport (par fer et non par route) (Tableau 5.9).

Tableau 5.9 : Économie sur le coût de transport du coton en passant de la route au rail

Simulation de l’économie de coût de transport en passant de la route au rail pour 275.000 tonnes de coton sur Bamako-Dakar

Mode de transport Coût unitaire de transport

Distance Bamako-Dakar Volume en tonnage

FCFA par T/km km En t/km

Coût de transport en FCFA pour 275.000 t

Rail 20 1220 335.500.000 6.710.000.000 Route 30 1365 375.375.000 11.261.250.000 Économie 10 145 39.875.000 – 4.551.250.000

Source : Consultants / Estimations Maersk 5.41. La simulation des économies de coût est réaliste, car 9000 conteneurs doivent retourner à vide et ils offrent exactement la capacité de chargement pour les 225.000 tonnes de coton qui ont été expédiés par route en 2004. La somme de 4.500 millions de FCFA (9 millions d’USD) représente une grosse économie, équivalant à 8% du déficit de la CMDT qui a été de 57 milliards de FCFA en 2004 (soit environ 114 millions d’USD). En fait, l’économie serait bien plus importante du fait de la réduction des coûts de stockage, de la double manutention aux points de stockage, de la meilleure qualité de la fibre résultant d’une diminution de la manutention, de la rapidité de l’expédition qui réduirait les coûts de stockage et de l’économie venant des contrats de transport multimodal212. La manutention et 212 Notons que le coût d’expédition du coton de Bamako à Shanghai absorbe 66% du prix des exportations du Mali et que l’on paye plus cher pour 1500 km de transport routier que pour 10.000 km de transport maritime. Le meilleur tarif pour un conteneur de 40’ est par Dakar : coût total de 3881 USD/tonne, dont 1716 pour le transport rail/route et 1650 pour celui par mer. Le tarif le plus élevé est par Lomé : coût total de 5069 USD/tonne, dont 3104 pour le transport par route et 1450 pour celui par mer.

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l’expédition des balles de coton permettraient d’utiliser une documentation de transit multimodal, ce qui réduirait encore les coûts de transit en assurant un transit plus rapide aux postes de douane aux frontières. Elles permettraient en outre d’améliorer le bilan de la société d’égrenage213 et transférerait la responsabilité du transport aux sociétés de transport maritime.

Les mangues

5.42. Pour les mangues, les exportations s’accroîtront avec les possibilités de stockage frigorifique et de transport par conteneurs réfrigérés et avec l’amélioration de la qualité du produit. La production malienne de mangues est encore peu organisée et ceux qui aimeraient exporter sont loin d’être des professionnels. Cependant, le pays produit des mangues d’excellente qualité, en grande quantité (200.000 tonnes estime-t-on) et il est possible d’en exporter une partie. Une récente enquête pilote au sujet de l’exportation de mangues maliennes a montré l’avantage de l’expédition par conteneurs frigorifiques avec une bonne gestion des activités de cueillette et d’emballage qui pourrait d’ailleurs s’appliquer à l’exportation d’autres produits périssables (cultures maraîchères). L’expédition conteneurisée par route et rail au port d’Abidjan selon la procédure douanière multimodale permet une réduction de 50 % du temps d’expédition, de supprimer totalement les pertes de produit, tout en stabilisant l’emploi dans les entreprises d’emballeurs et en renforçant le contrôle exercé par les arboriculteurs sur la qualité de leurs produits. La conteneurisation permet également des économies en réduisant les opérations de manutention. Mais il faudrait encore d’autres actions. Il faudrait notamment commercialiser les mangues du Mali sous une marque d’origine, ce qui donnerait une prime aux exportateurs maliens et non aux opérateurs ivoiriens ou sénégalais qui assurent les expéditions de mangues (y compris celles originaires du Mali). Néanmoins, la mise en application d’une seule vérification par les services douaniers à l’usine d’emballage ne garantit pas d’éviter des arrêts à de multiples points de contrôle routiers. Il est donc crucial que les mesures de facilitation soient mises en place et respectées.

5.43. Alors que quelque 4.000 tonnes de mangues sont maintenant exportées, représentant une forte augmentation des expéditions conteneurisées (route-rail-mer) au cours des dernières années, avec une partie des exportations expédiées par air, ce niveau est faible par rapport au potentiel de 10.000 à 20.000 tonnes d’exportations (sur une production totale de 200.000 tonnes). La plupart des expéditions se font par route-rail-mer (83%) le reste se faisant par route-air. Le transport aérien est très rapide (2 à 3 jours contre 20 jours par rail-mer) mais cher et utilisé de ce fait avec parcimonie (seulement 700 tonnes sont exportées par air). Par rapport à l’expédition route-rail-mer des mangues qui revient à 400 USD la tonne via Abidjan, le coût de l’expédition route-air qui est de 1.245 USD la tonne n’est actuellement rentable que pour la meilleure qualité commercialisée comme ‘arrivant fraîche du verger’ (Tableau 5.10). Les possibilités d’expéditions aériennes régulières sont limitées par le mauvais état des entrepôts

213 Bien d’autres économies pourraient être faites, notamment en améliorant les routes rurales des champs de coton aux usines où les frais de camionnage sont trop élevés. Voir l’économie qui pourrait être faite sur le transport du riz au paragraphe .___

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frigorifiques de l’aéroport et à des problèmes de contrôle qualité214 et de sécurité215, tous problèmes qui font monter les coûts au-dessus de ce qu’ils devraient être. Les entrepôts frigorifiques de l’aéroport de Bamako devraient être modernisés pour stocker des palettes de transport aérien et il faudrait construire d’autres entrepôts frigorifiques près des centres de production pour remplir les conteneurs pour le transport route/rail/mer. Il faudrait mieux organiser et gérer les expéditions pour éviter les délais aux points de vérification et aux terminaux de transfert d’un mode à l’autre.

Tableau 5.10 : Comparaison des coûts de transport des mangues par air et par mer, 2004

5.44. Le coût du transport terrestre jusqu’au port maritime pourrait être encore réduit si l’on utilisait mieux la ligne ferroviaire Bamako-Dakar ce qui permettrait un transport terrestre des mangues des zones Bamako-Ségou-Bougouni plus rapide (environ 4 jours contre 9 jours pour l’itinéraire Sikasso-Abidjan)216 et un coût de transport très inférieur. Le taux de fret longue distance via Dakar par rail dans des conteneurs frigorifiques est de 600.000 FCFA (environ 1.100 USD) soit 54 USD la tonne et donc bien moins cher217 que le coût par route-rail sur l’itinéraire Abidjan qui est d’environ 200 USD la tonne. Le coût du transport terrestre d’un kilo de mangues via Dakar pourrait donc être réduit à environ 8 centimes d’euro contre environ 16 centimes via Abidjan (Tableau 5.11).

Tableau 5.11 : Coûts du transport conteneurisé des mangues par rail, Bamako-Dakar, 2005

5.45. La structure du coût des mangues depuis les vergers jusqu’aux consommateurs en Europe a été étudiée par TradeMali, un projet d’assistance technique pour promouvoir

214 Des expéditions ont été refusées parce que les fruits avaient des taches à la suite de piqures de mouches ce qui implique que les contrôles phytosanitaires étaient insuffisants. 215 Les risques de terrorisme rendent les compagnies aériennes réticentes à organiser des contrôles supplémentaires pour les petits chargements, dans la mesure où les contrôles existants sont estimés non fiables. Par exemple Air France a refusé de prendre en 2004 une cargaison de seulement 700 tonnes de mangues. 216 Dakar-Rotterdam demande quatre jours et tous les navires quittant Abidjan s’arrêtent à Dakar. 217 Même en incluant le court déplacement routier par conteneur qui doit être ajouté entre les centres de chargement et le terminal ferroviaire également estimé à 0,04 euro bien que pour une distance beaucoup plus courte.

Tonnes FCFA USD FCFA USD FCFA en euros

20,5 600 000 1 098 29 268 53,54 29,27 0,04

Source: Consultants et données de TradeMali (1) à ce coût du transport ferroviaire, il faut ajouter le coût du transport routier des conteneurs du centre d’emballage au terminal ferroviaire

coût à la tonne

Conteneur frigorifique de 40’

Transport par rail Conteneur frigorifique coût au kilo (1)

USD FCFA FCFA en eurosTransp. terre-mer Sikasso-Rotterdam via Abidjan (1) 400 209 920 210 0,32 Transp. terre-air Sikasso Bamako-Paris 1 245 653 376 653 1,00 Frais avant embarquement maritime 280 146 944 147 0,22 Frais avant embarquement aérien

240 125 952 126 0,19 (1) Fret maritime: 4100 USD par conteneur (100 000 FCFA/tonne); le transport terrestre est à peu près aussi cher, bien que sur une distance 5 fois plus courte.

Source: Rapport Carana, Août 2004

coût à la tonne coût au kilo Itinéraire et charges avant embarquement

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les produits agricoles ayant un potentiel à l’export. Cette structure de coût en utilisant la voie ferrée par Dakar est présentée dans le Tableau A7.4. Elle donne les coûts de toutes les étapes intermédiaires à partir de la récolte, avec le transport local jusqu’aux centres de regroupement, le tri local et l’emballage, le pré-refroidissement et le chargement des conteneurs, la manutention et la certification, le transport par rail jusqu’au terminal portuaire de Dakar, l’expédition maritime et la livraison par les grossistes et les détaillants, jusqu’au consommateur. Les éléments de la structure du prix des mangues du verger au consommateur sont présentés dans les Tableaux 5.12 et 5.13. Le prix au kilo qui est de 90 FCFA au pied de l’arbre, dans le verger, monte à 2.000 FCFA arrivé au consommateur. La chaîne d’évolution du prix peut être divisée en deux segments. Du verger au port d’exportation on atteint un prix FOB de 409 FCFA dans lequel les charges de transport et de manutention (zones grisées) représentent 31% (126218/409). Puis vient le segment du port d’exportation jusqu’au consommateur européen.

Tableau 5.12 : Structure du prix FOB des mangues du verger à Dakar (au kilo en FCFA)

Mangues au bord du champ

et collecte Transport

aux centres Emballage et

conditionnement en palettes

Refroidissement, chargement des

conteneurs

Transp. rail-route > port maritime/

certification

Terminal maritime traitant

documents Prix FOB

Prix de base 90 115 149 291 317 388 409 VA ou marge 25 34 142 26 71 21 Px de vente intermédiaire 115 149 291 317 388 409

Taux de marge sur prix FOB

6 % 8 % 35 % 6 % 17 % 5 % 100 %

Source : Consultants et données de TradeMali 5.46. Le prix des mangues rendues sur le quai de Dakar, 409 FCFA FOB, est multiplié en suite par cinq pour atteindre 2.000 FCFA pour le consommateur, la différence se répartissant entre l’exportateur, l’importateur, le grossiste et les détaillants. Le coût du transport et du transit maritime en Europe, 141 FCFA, représente environ 34% du prix FOB des mangues et seulement 7% du prix sur le marché final. L’ensemble des frais de transport par route, rail, mer, de manutention et de transit est estimé à 126 +141= 267 FCFA, soit environ 13% du prix au consommateur. Ce ratio est relativement faible, mais pourrait être encore réduit219. Il est évident qu’une meilleure organisation du commerce international, comportant moins d’intermédiaires, serait plus efficiente et laisserait une plus grande part aux producteurs maliens.

5.47. Les expéditions conteneurisées (via les ports d’Abidjan ou de Dakar) ont de réelles perspectives pour les mangues et les produits maraîchers, mais exigent la satisfaction de certaines conditions préalables 220 :

• Organisation des producteurs pour améliorer le rendement fruitier et le nettoyage des vergers,

218 126 en additionnant 34 + 71 + 21. 219 Le transport ferroviaire (29 FCFA le kilo) ne représente que 1,5% du prix au consommateur ce qui est minime. 220 Ces recommandations se trouvent aussi dans Danielou (2003).

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• Amélioration de la récolte et de la logistique dans les centres de réception, • Tri et calibrage des fruits avec plus d’attention aux conditions phytosanitaires, • Respect des normes de certification des marchés d’exportation, européen et autres, • Création d’entrepôts frigorifiques d’emballage et de pré-réfrigération pour le

chargement des conteneurs, • Recherche de matériaux d’emballage, de boîtes en carton et de palettes bon marché, • Réduction du coût des formalités de la DNCC (déclaration de l’intention d’exporter

et droits de 1%) et de ceux relatifs au TRIE, • Réduction des droits de pré-inspection avant l’exportation - Cotecna (0,65%), • Appui à la formation professionnelle pour stabiliser la main d’œuvre, notamment féminine, • Réalisation de campagnes de marketing et de publicité à préfinancer par les importateurs ; • Réduction du nombre d’intermédiaires, • Développement de la coopération Transrail pour multiplier les trains de conteneurs

frigorifiques avec gare pour les wagons frigorifiques au terminal ferroviaire.

Tableau 5.13 : Structure du prix FOB des mangues de Dakar au prix / marchés européens

Le riz

5.48. Le transport local de la rizière aux centres de traitement ou aux marchés devrait être mieux organisé, grâce à une amélioration des routes rurales et à un transport fluvial plus accessible. La production malienne de riz a plus que doublé au cours des dix dernières années, grâce aux travaux d’irrigation de l’Office du Niger et à l’intensification de la culture. Le rendement par hectare est passé de 2,5 à 6 tonnes. La production malienne est passée de 469.000 tonnes en 1994/95 à 840.000 tonnes en 2001/02, soit un taux annuel de 10%, tandis que la superficie cultivée est passée de 200.000 à 300.000 hectares. Le riz est transporté par route et par eau des zones de production irriguées bordant les fleuves Niger et Sénégal jusqu’aux centres de traitement et aux marchés. L’état des routes et chemins ruraux est très mauvais et de ce fait les coûts d’exploitation du transport routier sont très élevés. Le transport fluvial est une option qui devrait être rendue plus largement disponible par la construction de quais, qui sont actuellement trop petits, en moyenne, pour accueillir les barges. Il faudrait un programme spécifique d’extension des quais et des installations annexes.

Prix FOB Exportateur Fret marit.+ transit Importateur Grossiste Détaillant Px / marché

Prix de base 409 448 589 640 800 2 000

Valeur ajoutée ou marge

39 141 51 160 1 200 Prix de vente

intermédiaire 409 448 589 640 800 2 000 Taux de marge du prix de marché 20% 2% 7% 3% 8% 60% 100%

Taux de marge du prix FOB

100% 10% 34% 12% 39% 293% 489%

Source: Consultants et données de Trade Mali

Prix, au kilo en FCFA

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5.49. Le prix payé aux producteurs par l’Office du Niger pour le riz brut qu’il collecte et commercialise était de 120 FCFA le kilo en 2004, laissant une bonne marge aux riziculteurs, estimée entre 29 et 63 FCFA221 par kilo. Le prix de vente sur les marchés va de 180 à 200 FCFA le kilo, selon la qualité et couvre le décorticage, le tamisage, la mise en sacs, le stockage et le transport ainsi que les marges des grossistes et des détaillants. À titre de comparaison, le riz importé de Thaïlande coûte environ 175 FCFA le kilo222. La productivité asiatique est très supérieure puisque le prix de base FOB223 est d’environ 80 FCFA le kilo, auquel s’ajoutent 95 FCFA pour l’ensemble des coûts de transport maritime et terrestre, les marges des importateurs et des détaillants et tous les paiements illégaux imposés aux points de contrôle et aux barrages routiers.224 Ces chiffres montrent que le prix d’achat de 120 FCFA/kg payé aux riziculteurs maliens est trop élevé et devrait être abaissé de même que la marge des intermédiaires si l’on veut que le riz local devienne compétitif sur les marchés régionaux.

5.50. L’espoir d’une poursuite de la croissance de cette culture nationale pour nourrir la population et permettre une exportation vers des villes proches des frontières maliennes et vers les marchés des pays voisins, comme le Sénégal et le Burkina Faso, dépend de sa compétitivité par rapport au riz importé d’Asie. Tous les facteurs contribuant à son prix élevé devraient être éxaminés, en particulier le coût de transport. Les mesures de facilitation recommandent une réduction des coûts de transport sur les axes de transit, mais on peut craindre que cela n’accroisse l’écart entre le prix du riz importé et celui du riz local. Une politique d’exportation devrait prendre en compte d’autres facteurs tels que : (a) les procédures douanières des pays voisins qui, souvent, ne reconnaissent pas le riz malien comme une denrée produite dans l’UEMOA, et en principe non soumise à des droits de douane lorsqu’elle est expédiée vers un autre pays de l’union et (b) le tarif douanier malien protégeant la production locale de céréales qui est relativement bas, entre 12,5 et 30,5 %, TVA comprise.

5.51. Les coûts du transport routier local sont en réalité trop élevés (estimés à 65 FCFA par t/km), très au-dessus du prix de référence donné par le MET (35 FCFA). Tant les chemins que les camions sont en mauvais état225. En se basant sur une distance moyenne de 500 km entre les rizières et les marchés, le coût réel du transport serait d’environ 32 FCFA par kilo et non de 17 FCFA comme le suggèrent les données du MET. Les coûts de transport représenteraient environ 16% du prix de vente du riz sur le marché et sont suffisants pour rendre le riz local non compétitif sur les marchés situés au-delà de 250 km des zones de production. Pour les réduire, l’amélioration et l’entretien régulier des routes terrestres sont nécessaires ainsi que la construction de postes légers d’accostage sur les rives des fleuves pour étendre l’utilisation de la navigation fluviale. En outre, tous les 221 Les marges estimées par Diarra (2004) varient selon que le producteur est propriétaire ou locataire de sa parcelle. 222 Ce prix de 175 FCFA /kg correspond à 345 USD/tonne ce qui est le double du prix FOB de 175 USD, la différence couvre le coût du transport maritime et terrestre et les marges de tous les intermédiaires. 223 Il est probable que les pays asiatiques subventionnent d’une façon ou d’une autre leurs exportateurs pour compenser la chute des cours mondiaux tout comme les pays de l’OCDE. 224 Les droits de douane sont limités à 10%. Il s’y ajoute la Redevance statistique (RS), le PCS et le PC pour la CEDEAO et l’UEMOA, plus d’autres charges sur les expéditions telles que le titre de gage TRIE, la licence d’importation (DNCC) et les versements illégaux. La taxe spécifique (ISCP) pour protéger le marché locale n’est pas appliquée parce que le Mali est importateur net de riz pour 21.730 tonnes en 2002 (chiffre FAO), mais ces importations ont été multipliées par 10 en 2003. 225 C’est un fait que les coûts de transport croissent en fonction de la distance par rapport aux grands itinéraires revêtus ; les données disponibles pour le transport de semences de coton à partir du champ montrent que le transport de champs éloignés est si coûteux qu’il est déconseillé d’avoir un prix uniforme pour toutes les exploitations.

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coûts annexes à tous les postes de contrôle et aux barrages routiers sur le réseau national devraient être éliminés. La mobilisation des moyens nécessaires à l’entretien n’est pas encore bien établie, bien que des mesures aient été prises pour créer l’AGETIER226 qui est responsable de la réalisation des l’entretien courant et de l’entretien périodique dans les zones rurales.

5.52. Sur la base des coûts de transport élevés actuels, on estime que les économies potentielles qui seraient apportées par une amélioration des routes et qui s’appliqueraient à la moitié de la production malienne de riz supposée parcourir jusqu’à 500 km pout atteindre leurs marchés de consommation, permettraient une économie de l’ordre de 6 milliards de FCFA (Tableau 5.14), dont une partie serait recouvrée pour financer un grand programme d’entretien des routes rurales. Tableau 5.14 : Coût de transport de la production du Mali de 840.000 t de riz (sur 500 Km) Prix du riz/ kg sur le marché local

Coût de transport par camion t/km

Prix transporté par tonne

Prix de transport au kg

Coût transport / prix de marché

Coût total transport et économies1

FCFA FCFA FCFA FCFA % FCFA 200 65 32.500 32,5 16% 13.650.000.000 Coût de transport visé par le MET 35 17.500 17,5 9 % 7.350.000.000

Épargne avec routes entretenues 30 15.000 15 8 % 6.300.000.000

1 En supposant qu’environ la moitié de la production soit consommée sur des marchés situés à 500 km des lieux de production Source : Consultants 5.53. Étant donné la rapide croissance de la consommation et des importations de riz en Afrique de l’Ouest, le Mali devrait pouvoir approvisionner une partie de ce marché régional du riz. En 2002, le Sénégal en a importé plus de 790.000 tonnes, la Côte d’Ivoire plus de 710.000 tonnes, la Guinée plus de 330.000 tonnes ; le Niger, le Mali et le Burkina en ont importé environ 2.000 tonnes chacun227. En 2003, les importations de riz du Mali ont bondi à 285.000 tonnes selon les données du MET collectées par les EMA. Cette augmentation indique que l’autosuffisance alimentaire du Mali varie d’une année sur l’autre. Néanmoins, le Mali semble avoir la possibilité d’exporter du riz vers ses voisins, en supposant qu’il ait un excédent et que l’on apporte plusieurs améliorations pour atteindre cet objectif d’exportation. Entre autres mesures, il faudrait notamment228 :

• Améliorer et entretenir les routes entre les rizières et les marchés et faciliter le transport fluvial ; • Utiliser la voie ferrée Bamako-Dakar pour expédier le riz vers les régions de Kayes et de

Tambacounda au Sénégal 229; • Faire les réformes foncières pour donner aux producteurs des droits à long terme sur les

parcelles qu’ils cultivent afin de les motiver à investir pour améliorer l’agriculture irriguée ; • Améliorer la qualité du riz qui est inégale : on y trouve trop de brisures ; • Améliorer le décorticage et l’ensachage (sacs de moins de 100 kg, bien étiquetés) ; 226 AGETIER : Agence d’exécution des travaux d’infrastructures et d’équipement ruraux. 227 Données de la FAO (2004). 228 Basé sur les recommandations développées dans Diarra (ibid) 229 Ces zones qui importent du riz d’Asie pourraient passer au riz malien si les frais de transport pouvaient être fortement réduits. C’est faisable rapidement en utilisant le chemin de fer qui a des capacités disponibles de retour et pourrait offrir un prix marginal dans ce sens. Cela pourrait s’appliquer au transport routier lorsque les routes seront améliorées, mais les tracas aux points de contrôle et à la frontière resteront un obstacle pendant un certain temps.

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• Faire cesser les demandes de payements illégales des agents de contrôle aux postes de vérification et de douane et mettre en place un observatoire pour enregistrer ces pratiques ;

• Obtenir l’application de la notion de produit d’origine de l’UEMOA, pour éviter des droits de douane sur le riz dans les pays voisins ;

• Lutter pour l’équité dans les échanges commerciaux et notamment l’élimination des subventions (sous diverses formes et à divers niveaux) de la part des grands pays exportateurs pour que la concurrence soit sur pied d’égalité.

Le bétail

5.54. Pour le négoce du bétail, les moyens de transport et les soutiens logistiques doivent être organisés. Selon l’organisation actuelle, le secteur supporte des coûts d’expédition plus élevés qu’il ne devrait, du fait que l’on transporte des animaux vivants et non des carcasses ou de la viande. On ne dispose pas de statistiques complètes sur le transport du bétail au Mal, car, dans la plupart des cas, les troupeaux sont emmenés à pied aux points de vente qu’ils soient dans le pays ou à l’étranger.230 Les troupeaux vont à pied, à des points de rassemblement, surtout autour de Ségou, situés à plus de 150 km des zones de pâture. Les bêtes perdent en route une partie de leur poids. Lorsqu’elles sont transportées, un camion, chargé de 32 à 36 têtes de bétail (soit environ 12 tonnes pour un poids moyen de 335 kilos par animal) prend 4 à 6 jours pour atteindre Abidjan, en comptant les arrêts pour permettre aux bêtes de pâturer. Même lorsque le camion est chargé à plein de 12 tonnes de bétail, le transport du bétail vivant correspond à l’évidence à une sous-utilisation du camion, puisque, à supposer qu’il soit réfrigéré, il pourrait transporter un tonnage deux fois plus important s’il transportait de la viande.231

5.55. Les expéditions sont généralement faites en consignation dont une partie importante de la valeur de marché espérée (jusqu’à 10 à 15%) n’est pas recouvrée, ce qui se traduit par des coûts d’expédition effectifs plus élevés. Les coûts de transport du bétail ne sont pas bien connus, de même que les prix de vente sur les marchés locaux ou à l’étranger. À titre d’illustration, prenons l’exemple232 d’une expédition de 12 têtes de bétail d’une valeur de marché espérée de 2,8 millions de FCFA (soit 5625 USD). Le coût de transport sur 1400 km a été d’environ 6 % de la valeur de marché (sur la base du tarif de référence du MET), qui semble bas et ne devrait pas dissuader de transporter le bétail par camion (au lieu d’être convoyé à pied) (Tableau 5.15). Le coût d’expédition total (comprenant le coût de transport et les coûts commerciaux) représenterait normalement 10,2 % de la valeur de marché, mais puisque 10,2 % de la valeur espérée n’ont pas été recouvrés, le coût effectif d’expédition s’est monté à 20,6 %. Le coût payé pour 12 bêtes correspond à une charge d’environ 4 tonnes. Avec de plus lourds 230 La production d’animaux dans le Sahel le long du Niger est la 3ème source de revenu du pays. Le troupeau est estimé à 1 million de têtes et les exportations annuelles à environ 25/30.000 bovins, dont 95% à destination de la Côte d’Ivoire, surtout Abidjan et environ 50.000 ovins et caprins, dont 60% à destination du Sénégal et 40% de la Côte d’Ivoire. 231 En fait, les camions transportent 32 à 36 bêtes, soit une charge de 12 tonnes, pour plusieurs chargeurs qui s’entendent pour remplir le camion et se partager les frais. Le calcul de la part du transport dans les coûts d’expédition est influencé par la méthode de vente utilisée. Dans l’exemple pris, il s’agit d’une expédition en consignation (du chargeur au transporteur) : le transporteur a donc une dette à l’égard des chargeurs ; avec les produits de la vente, il rembourse sa dette une fois le bétail vendu. Dans l’exemple, une partie du montant de la consignation n’a pas été recouvrée, ce qui fait que la part du coût de transport est d’environ 31% des coûts effectifs d’expédition (coûts d’expédition plus dette non recouvrée). Si le montant des ventes avait été pleinement recouvré, le coût du transport auraient été plus élevés, représentant 62% de ‘ensemble des coûts d’expédition. 232 L’exemple est tiré de Carana Corporation (2004).

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chargements, les coûts d’expédition en proportion de la valeur de marché seraient évidemment inférieurs.

Tableau 5.15 : Coût de transport et de transit de bestiaux par camion – de Ségou à Abidjan

Valeur de marché de 12 bêtes

Coût d’établissement des documents

Coût transport de 12 bêtes

Coût / marché étranger

Coût du retour au Mali

Coût total d’expédition

Dette non recouvrée

FCFA 2.838.462 57.526 179.895 23.212 84.818 295.451 290.154 USD 5.625 114 856,5 46 69 585,5 575 Taux 100,0 % 2,0 % 6,3 % 0,8 % 1,2 % 10,4 % 10,2 %

Source: Rapport Carana 2004, Taux de change 1 USD=505 FCFA 5.56. L’organisation des transports et de la logistique pour le négoce du bétail fait clairement défaut. La valeur de la viande malienne de bonne qualité, venant d’animaux élevés en pâturage naturel n’est pas recouvrée par le secteur des producteurs. Le Mali devrait pouvoir obtenir de meilleures conditions en cherchant des améliorations sur les points suivants :

• Le transport routier devrait être développé pour réduire la perte de poids d’animaux marchant sur de longues distances. Les bénéfices compenseraient une partie de ce coût ;

• Le transport de bétail devrait partir des zones de pâturage et non de points de regroupement autour de Ségou, car la pratique actuelle entraîne un important manque à gagner ;

• Le transport par camions frigorifiques devrait être développé ainsi que le stockage frigorifique près d’abattoirs locaux ;

• Les carcasses prédécoupées et la viande permettraient une utilisation bien plus efficiente des camions que le transport d’animaux vivants et réduirait le coût à la tonne. Cela nécessitera de développer le secteur de la viande et d’observer strictement des normes sanitaires et de qualité ;

• Il faudrait organiser les ventes avec garantie de paiement au moyen du système bancaire avec crédit documentaire pour éviter le non paiement par les clients et la non livraison par les vendeurs. Cela signifie qu’il faudrait en finir avec les pratiques informelles et tous les risques qu’elles comportent ;

• Il faudrait mettre en place des programmes de fidélité pour le secteur des transports en offrant des charges de retour sur les routes d’exportation lorsque la concurrence est trop acharnée pour pouvoir espérer un service de qualité.

H. STRATEGIE POUR RENFORCER LE TRANSPORT ET FACILITER LE TRANSIT

5.57. La réduction du temps de transit est possible. Le temps de transit peut être réduit par la facilitation des échanges, la réduction du nombre des contrôles aux frontières, l’élimination des nombreux barrages routiers et l’élimination du ‘tour de rôle’ lors du chargement. Les délais dus au tour de rôle pourraient être réduits en créant une ‘bourse de fret’ qui permettrait aux chargeurs de choisir leurs transporteurs en fonction de critères d’efficience ou de performance. Ces mesures permettraient d’accroître le nombre de rotations des camions de 50%, et ainsi de réduire les coûts unitaires d’exploitation grâce à la réduction de la masse salariale des chauffeurs, de coût de route et des frais financiers sur les marchandises convoyées. Qui plus est, l’accroissement du nombre de

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rotations libérerait de la charge utile, permettant le transport de davantage de marchandises.

5.58. Les coûts de transport des importations sont estimés représenter 30% de la valeur à livraison, pourcentage qui pourrait être ramené à 22%, si le nombre de rotations des véhicules chaque mois était doublé. Avec ce pourcentage de 22% les coûts de transport de l’économie malienne seraient à peu près à parité avec ceux supportés par l’économie burkinabé et ne seraient pas très supérieurs à ceux des pays côtiers de la région. Pour les exportations, les coûts du transport terrestre sont trop souvent élevés à cause de la longueur du temps de transport. La poursuite de la croissance des exportations de produits comme le coton, le bétail, le riz, les fruits et les légumes nécessitera une suppression des obstacles au transit. Le coût de transport de porte-à-porte du coton à destination de Shanghai représente environ 15 à 20 % de sa valeur FOB, selon le port d’exportation et, sur ce coût, la part du transport terrestre est plus élevée que celle du transport maritime. Pour les mangues, les coûts de transport par route et par rail jusqu’au port de Dakar représentent 31% de la valeur FOB à l’export, à quoi s’ajoutent encore 35% pour le transport maritime vers l’Europe. Dans les deux cas, le coût du transport routier pourrait être réduit de 25% si les décisions prises en matière de facilitation étaient appliquées.

5.59. Pour que le transport et le transit maliens soient en meilleure position pour soutenir les perspectives de croissance du pays, il faudrait un effort concerté sur plusieurs plans. Pour soutenir voire accélérer la croissance économique et accroître les flux d’échanges, les infrastructures de transport devraient être en bon état et les transporteurs devraient offrir des services de qualité, à des prix compétitifs. Cependant, ces conditions nécessaires ne sont pas suffisantes, car le cadre dans lequel les transporteurs opèrent devrait être satisfaisant et fonctionner sans accroc. Le cadre réglementaire devrait être compris par tous et appliqué honnêtement par les administrations de tous les pays membres, qui devraient garantir le respect de l’état de droit. La stratégie de renforcement du transport et de facilitation du transit devrait comporter les éléments suivants :

1. Renforcer la facilitation du transit pour réduire les temps et les coûts de transit

(a) Il faudrait mettre en œuvre le Programme régional de facilitation du transport et du transit de la CEDEAO. Très consciente de la nécessité de réagir au dysfonctionnement du système de transit la Communauté des États s’est engagée à élaborer un programme qui devrait être à la fois mis en œuvre au niveau régional en tant que projet commun et soutenu par divers projets nationaux dans les différents États. Le Mali aura un rôle important à jouer pour exécuter les mesures qui le concernent sur son territoire, son Comité national de facilitation déjà en place devant jouer là un rôle actif. Ces mesures sont les suivantes : (i) établir, aux frontières, sur les axes prioritaires, des postes de contrôle communs appelés Bureaux de contrôle nationaux juxtaposés (BCNJ)233 ; ces postes devront être équipés de terminaux informatiques et dotées d’un personnel restreint ayant délégation de pouvoir de la part des autres services qu’ils représenteront ; (ii) éliminer tous les autres contrôles routiers, officiel et informels, le long de

233: Cinq postes de ce type sont proposés pour le Mali.

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tous les axes, mesure dont l’application devrait être suivie par un observatoire ; (iii) adopter et faire respecter un document de transit unique, le « Triptyque », qui devrait être informatisé et devrait comporter toutes les données requises par les douanes concernant le chargement, le véhicule et le chauffeur qui doivent être transmises électroniquement du port d’entrée à tous les postes frontaliers et au point de destination ; cela permettra de cesser de réémettre des livrets à chaque traversée de frontière ce qui est coûteux et retarde la livraison ; (iv) établir un système de caution unique qui couvrira tous les risques douaniers et devra être reconnu par tous les pays ; (v) installer un système GPS pour suivre le mouvement des chargements et des camions du début à la fin du voyage ; (vi) certifier les véhicules qui satisfont aux normes requises pour être autorisés à effectuer des transport sous le Triptyque (TRIE)234. Quelques autres mesures imposent des limites aux contrôles, qui, s’ils sont nécessaires, devront éviter de bloquer tout le trafic. (b) Il faudrait améliorer les terminaux du Mali et accroître leur capacité de débit. Pour cela, il faudrait : (i) améliorer les installations de passage en douane au terminal ferroviaire de Bamako ; (ii) doubler la capacité de transport ferroviaire conteneurisé sur l’axe Bamako-Dakar, en veillant à la réalisation du programme de réhabilitation ferroviaire par le concessionnaire, pour que le Mali bénéficie du transport le plus rapide et le moins cher qui existe ; (iii) inciter le secteur privé à investir dans des installations de stockage frigorifique à l’aéroport de Bamako et ailleurs pour faciliter les exportations de mangues et de viande ; (iv) promouvoir activement l’usage des conteneurs comme un moyen de transport économique, notamment par voie ferroviaire et avec des contrats de transport multimodal ; (v) revoir le rôle d’Entrepôts du Mali (EMA) dans les ports ; renoncer à l’obligation pour le fret d’y transiter et interdire le système du ‘tour de rôle’ qui empêche les chargeurs de choisir leur transporteur et ne donne aucune incitation à la qualité du service ; (vi) revoir la justification des ports secs (ou zones franches) proposés à Sikasso et Kayes, qui peuvent impliquer une obligation de stocker du fret à ces points où un passage en douane pourrait aussi être obligatoire. (c) Il faudrait améliorer l’administration des douanes et les procédures de passage en douane. Pour cela, il faudrait : (i) revoir les fonctions de l’administration des douanes, pour la moderniser et la simplifier, pour attribuer la procédure de passage en douane à des centres situés près du siège de l’activité principale de l’entreprise, afin d’éviter une dérive vers des centres douaniers plus coulants, ce qui veut dire supprimer toute restriction à l’utilisation du terminal routier modernisé et agrandi de Faladié à Bamako ; (ii) améliorer l’utilisation interne des fonctions du système SYDONIA++ qui permet de valider automatiquement les déclarations en douane et permet de limiter l’intervention humaine du personnel et de prévoir des contrôles a posteriori pour lutter contre la fraude ; (iii) renforcer le suivi, l’évaluation et le contrôle des activités du personnel, notamment avec des contrôles indépendants de la hiérarchie et revoir la politique salariale et d’incitation ; (iv) améliorer le service rendu aux usagers avec ouvertures des bureaux 24 heures sur 24, ainsi que des perceptions du Trésor public dans les centres de passage en douane ; (v) faire cesser les abus tels que les charges systématiques pour les heures supplémentaires et les escortes, qu’elles existent ou non ; (vi) réimprimer les formulaires défectueux de déclaration en douane.

234 TRIE : Transit routier inter-États, Convention signée à Lomé en 1982 qui permet aux marchandises de traverser un pays sous un statut de suspension des droits de douane.

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2. Il faudrait donner une haute priorité à l’entretien des routes et notamment : (i) il faudrait mobiliser les moyens nécessaires pour l’entretien courant et périodique des routes et des aéroports, en veillant à ce que les charges imposées aux usagers soit vraiment utilisées à cette fin. En particulier, la redevance d’usage de la route sur les produits pétroliers devrait être différente de la TIPP et, dès que perçue, devrait être versée directement au fonds routier de l’Autorité routière, sans passer par un compte du Trésor. La charge de 3 FCFA par litre devrait être fortement accrue pour passer à 53 FCFA en 2009 afin de satisfaire aux besoins d’entretien du réseau routier étendu qui devrait atteindre 25 milliards de FCFA (contre 8,9 milliards en 2005). Ce montant pour 2005 a pu être satisfait en accroissant la part du budget spécial, mais les versements ont été faits pour 25% en 2006, avec des retards qui n’ont pas permis de faire les travaux d’entretien comme requis avant la saison des pluies; (ii) le contrôle de la charge à l’essieu devrait être appliqué strictement avec l’installation de cinq stations de pesage en 2006 pour luter contre le dépassement du maximum de 11,5 tonnes à l’essieu, qui dégrade les routes. Des postes de péage sont prévus, mais ils ne devraient être installés que dans quelques endroits, où leur revenu devrait être suffisant pour couvrir au moins deux fois le coût de la perception ; (iii) il faudrait que le programme de revêtement des routes avance pour permettre, en 2006, d’atteindre le Sénégal et la Guinée sur des routes revêtues sans interruption ; (iv) une étude de faisabilité pour la construction d’un troisième pont à Bamako devrait être réalisée d’urgence. Ce pont permettra de décongestionner la circulation et d’accélérer la rotation des camions qui, actuellement, ne peuvent pas traverser de jour les ponts existants.

3. Il faudrait créer les conditions d’un transport routier plus efficient (de façon à réduire les coûts de transport) et notamment : (i) réaliser une étude de la taxation du secteur du transport routier qui supporte de lourdes charges fiscales créant des distorsions et nuisant à la rentabilité du secteur ; un rajeunissement du parc de véhicules est nécessaire ; il suppose l’achat de camions qui nécessiterait peut-être des incitations, en particulier de camions de transport de conteneurs ; (ii) encourager les organisations professionnelles à aider les transporteurs routiers à surveiller leurs coûts d’exploitation, afin de maîtriser leur gestion et d’être en meilleure position pour négocier leurs prix sans faire de pertes ; (iii) poursuivre le contrôle technique des véhicules pour se débarrasser des camions et des avions dangereux ; (iv) établir une bourse de fret, où l’offre et la demande pourront se rencontrer afin de permettre une saine concurrence et de donner une prime aux prestations de transport de meilleure qualité ; (v) réformer le secteur de façon participative pour pouvoir écouter les groupes organisés (syndicats, groupes de pression).

4. Il faudrait faire prendre conscience aux entreprises et aux négociants maliens des problèmes de gestion logistique et pousser à des améliorations de capacité en la matière. Il faudrait notamment : (i) sensibiliser la CMDT à l’importance de la réorganisation des exportations de coton : celui-ci devrait être vendu FOB aux usines, stocké dans des conteneurs et exporté par rail via Dakar pour bénéficier d’un stockage gratuit et du transport rapide et bon marché offert par le rail. Cela permettrait de libérer la CMDT de sa façon actuelle coûteuse et inefficiente de transporter et stocker son coton, avant sa vente FOB aux ports ; (ii) il faudrait encourager le renforcement de la logistique des exportations de mangues grâce à une meilleure sélection des produits, au stockage frigorifique, à la certification de la qualité et au transport frigorifique par rail et par avion ; (iii) il faudrait encourager les organisations professionnelles à adopter d’autres types de transport (camions à plateau,

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conteneurs - frigorifiques ou non) en vue d’aider les sous-secteurs du coton, des mangues et de l’élevage à obtenir une plus forte valeur ajoutée en transformant une part de leurs produits dans le Mali et à expédier des chargements plus lourds et plus importants et donc de façon plus économique ; (iv) il faudrait, enfin, promouvoir le transport multimodal pour les produits agricoles de façon à bénéficier de la sûreté du rail et de tarifs plus compétitifs et de permettre le transport de charges plus lourdes de façon à pouvoir renforcer les liens entre producteurs et exportateurs afin d’éliminer des intermédiaires et leur coûteuse et inutiles commissions.

5. Il faudrait renforcer la facilitation des échanges commerciaux et des institutions s’y rapportant aux niveaux national et régional

(a) Au niveau national. Il faudrait prendre les mesures suivantes : (i) s’appuyer sur l’existence de statistiques brutes à la DNSI pour diffuser aux autres administrations les données dont elles ont besoin. Ce service devrait être confié au privé par voie de concession, à la suite d’un appel d’offres ; (ii) assurer la circulation des informations grâce à l’interconnexion des différentes bases de données, au niveau national et au niveau international. Il faudrait en particulier étendre le système SYDONIA++ à d’autres usagers ayant besoin de données fiables, usagers qui pourront vérifier les données reçues en les croisant avec d’autres sources ; (iii) dynamiser le fonctionnement du Comité national de facilitation qui devrait mettre en œuvre les éléments nationaux des projets régional et national pour la facilitation du transport et du transit ; (iv) moderniser les fonctions de contrôle du service des douanes, en se fondant sur les conclusions d’un audit, désigner une agence chargée des contrôles douaniers et éviter la duplication des tâches ainsi que l’accroissement du fardeau supporté par les importateurs ; (v) suivre la mise en œuvre de la législation et imposer des sanctions en cas de fraude ou de corruption ; (vi) établir un plan social en faveur du personnel qui sera éliminé au cours de l’exécution des réformes de facilitation du transit ; (vii) assurer une liaison active entre les États afin d’harmoniser l’exécution des mesures relatives à la facilitation du transit et des échanges. (b) Au niveau régional : CEDEAO et UEMOA Il faudrait prendre les mesures suivantes : (i) aider les institutions à vérifier le respect des conventions et traités, notamment l’exécution du contrôle de la charge maximale à l’essieu de 11,5 tonnes ; (ii) assurer la mise en commun des données de la base de données à créer pour suivre l’activité de transit, afin de lutter contre la fraude et obtenir des statistiques plus fiables sur la valeur et le volume des échanges ; (iii) fixer une limite au niveau des droits perçus par ces institutions, en plus du TEC, droits qui semblent excessifs (par exemple, redevance statistique fixée à 5%)235 ; (iv) assurer que le Triptyque et l’assurance unique seront mis en application comme prévu ; le suivi devrait être fait par les observatoires des pratiques anormales ; (v) publier les règles de fonctionnement des BCNJ pour assurer la transparence voulue et qu’il n’y ait plus d’abus par les contrôleurs ; (vi) surveiller l’utilisation et la gestion des contributions financières par les opérateurs – dans l’idéal il devrait y avoir un budget proposé, puis approuvé par les pays contributeurs et un audit certifié de l’utilisation effective des fonds.

235 Cette redevance statistique du Bénin est en fait une taxe unilatérale de transit appliquée en violation de l’accord régional

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wb263668 M:\Safiatou Ba\CEM\Mali CEM Vol 2 -sector chapters FR.doc 11/10/2006 09:25:00