[revistasenfrancés] elmensajerointernacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

52
3:HIKNLI=XUXZUV:?l@b@d@t@a; M 03183 - 1139 - F: 3,50 E Espagne L’entreprise qui échappe à la crise Pakistan Musulmane malgré moi Catastrophes Le “Disneyland du secourisme” Afrique CFA : 2 600 FCFA - Algérie : 450 DA Allemagne : 4,00 € - Autriche : 4,00 € - Canada : 5,95 $CAN DOM : 4,20 € - Espagne : 4,00 € - E-U : 5,95 $US - G-B : 3,50 £ Grèce : 4,00 € - Irlande : 4,00 € - Italie : 4,00 € - Japon : 700 ¥ Maroc : 30 DH - Norvège : 50 NOK - Portugal cont. : 4,00 € Suisse : 5,90 CHF - Tunisie : 4,50 DTU - TOM : 700 CFP courrierinternational.com N° 1139 du 30 août au 5 septembre 2012 France 3,50 € Spécial vins Terroirs méconnus de l’ex-URSS Pourquoi il peut perdre Barack Obama prochaine victime de la crise économique, selon la presse américaine

Upload: kgdavid

Post on 22-Jan-2016

43 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

3:HIKNLI=XUXZUV:?l@b@d@t@a;

M 0

3183

- 11

39 -

F: 3

,50

E

EspagneL’entreprise qui échappe à la crise

PakistanMusulmane malgré moi

CatastrophesLe “Disneyland du secourisme” Af

rique

CFA

: 2 6

00 F

CFA

- Al

gérie

: 450

DA

Al

lem

agne

: 4,0

0 €

- Aut

riche

: 4,0

0 €

- Can

ada

: 5,9

5 $C

AND

OM

: 4,2

0 €

- Esp

agne

: 4,0

0 €

- E-U

: 5,9

5 $U

S - G

-B : 3

,50

£G

rèce

: 4,0

0 €

- Irla

nde

: 4,0

0 €

- Ita

lie : 4

,00

€ - J

apon

: 700

¥M

aroc

: 30

DH

- N

orvè

ge : 5

0 N

OK

- Por

tuga

l con

t. : 4

,00

€Su

isse

: 5,9

0 C

HF

- Tun

isie

: 4,5

0 D

TU -

TOM

: 700

CFP

courrierinternational.comN° 1139 � du 30 août au 5 septembre 2012

France3,50 €

Spécial vins Terroirs méconnus de l’ex-URSS

Pourquoi il peut

perdre

Barack Obama prochaine victime

de la crise économique,selon la presse

américaine

Page 2: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 3: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 4: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 5: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Editorial

Moins vite,moins haut,moins fort

Et si l’élection américaine sejouait, ces prochaines semaines,à Vilanova d’Alcolea, 718 âmes,comté de la Plana Alta, dépar-tement de Castellón, commu-nauté autonome de Valence,Espagne ? C’est dans cette com-mune rurale – amandiers, oli-viers, vignes – qu’a été conçu

l’aéroport de Costa Azahar, du temps de la pros-périté de l’Espagne, de sa bulle immobilière, de lamégalomanie de ses élus locaux. Inauguré il y adix-huit mois, il n’a jamais accueilli aucun avion– il ne sert à rien.Imaginons… Bientôt, les collectivités locales, déjàen quasi-faillite, ne peuvent plus faire face auxfrais d’entretien (des dizaines de millions d’eurospar an). La communauté autonome de Valenceréclame une intervention de l’Etat. Madrid, déjàétranglé, se résout à demander de l’aide au fondsde soutien européen et passe sous la tutelle deBruxelles. La zone euro convoque d’urgence unnouveau “sommet de la dernière chance”… le ving-tième du genre depuis le début de la crise grecque– aucun n’a été décisif.Barack Obama le sait : ce jour-là, il aura peut-êtreperdu l’élection, une partie qui se jouera sur lesindicateurs, les anticipations et les prévisions desacteurs économiques. Avant le 6 novembre, unetrès mauvaise nouvelle en provenance d’Europe(premier client commercial des Etats-Unis) oude Chine (troisième client) peut faire basculerles swing states, donc le scrutin. Un scénario demoins en moins hypothétique : les conjoncturesaméricaine et mondiale sont déjà entrées dansune ère postolympique – moins vite, moins haut,moins fort…En 2010, Barack Obama, ne prenant pas la peinede se déplacer, avait snobé un sommet UE - Etats-Unis – oui, ça existe –, le genre de grand-messediplomatique soporifique que l’Europe adore par-fois. D’ici le 6 novembre, il aura au moins un œilrivé sur le Vieux Continent.Jean-Hébert Armengaud

� En couverture : Barack Obama en campagneélectorale à Miami en juin dernier. Photo de Damon Winter/The New York Times

5

Sommaire

6 Planète presse7 Les gens8 A suivre

En couverture12 Pourquoi il peut perdre C’est la loid’airain des élections américaines :depuis 1945 aucun président n’a étéréélu avec un taux de chômage supérieurà 8 %. Ce n’est pas le seul problème du locataire de la Maison-Blanche :conjoncture économique morose,avantage financier des républicains…autant d’éléments qui pourraientfavoriser son rival Mitt Romney. Obama a deux mois pour faire mentir la tradition.

D’un continent à l’autre 18 France Politique “Vive la France, vive les Roms !”Médias Un ramadan un peu tropangéliqueSociété Sous les ponts de Paris, ça parle polonais

20 Europe Royaume-Uni Londres songe à exporterses hôpitauxHongrie Les Libyens adeptes du tourisme médicalEspagne Une utopie devenue réalité en AndalousieAllemagne A quoi bon des ”boîtes à bébés”?24 AmériquesHonduras Sous les palmiers, la révoltedes paysans sans terre26 Asie Chine La fossoyeuse des camps de travailThaïlande Bangkok mise sur le riz Pakistan Musulmane malgré moi 29 Moyen-OrientEgypte Les régimes passent, la censure aboie toujoursLiban L’intifada du haschSyrie La probabilité d’une interventionoccidentale augmenteIsraël-Palestine Les Palestiniens ont vu la plage de Tel-Aviv

32Angola Un eldorado sans avenir

23AllemagneA quoi bon des “boîtesà bébés” ?

32 Afrique Angola Un eldorado sans avenir34 EconomiePrêt-à-porter Zara ne connaît pas la crise36 SciencesInnovation Tous unis pour la recherchemédicaleMédecine Maladie de Machado-Joseph :un traitement prometteur37 EcologieEnergie De l’art de faire cohabiteréoliennes et oiseaux38 MédiasHistoire Révolutions : les leçons du passé

Long courrier40 Récit Bienvenue dans le ”Disneyland du secourisme”44 Spécial vins Les ex-Soviétiquessortent de l’ombre49 Tendance Apportez un livre et prenez-en un !51 Insolites Lettre au présidentturkmène, ou de l’art de la brosse à reluire

DR

38MédiasRévolutions : les leçons du passé

Page 6: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Planète presse6 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Ha’Aretz 80 000 ex., Israël,quotidien. Premier journalpublié en hébreu sous lemandat britannique, en 1919,“Le Pays” est le journal deréférence chez les politiqueset les intellectuels israéliens.Bangkok Post 55 000 ex.,Thaïlande, quotidien. Fondé en 1946, ce journalindépendant en anglais,réalisé par une équipeinternationale, s’adresseà l’élite urbaine et auxexpatriés.Daily Camera Etats-Unis,quotidien. Fondé en 1890, ce journal doit son titre à la volonté de ses créateursd’y inclure de nombreusesillustrations. Au XIXe siècle,les quotidiens américains en étaient pratiquementdépourvus.Dawn 138 000 ex., Pakistan, quotidien. Dawna été créé en 1947 lors

de l’indépendance du Pakistan par MuhammadAli Jinnah, père de la nationet premier président. Un des premiers journauxpakistanais de langueanglaise, il jouit d’un lectorat d’environ800 000 personnes. Il appartient au groupePakistan HeraldPublications, fondéégalement par M. A. Jinnah.El Faro (elfaro.net),Salvador. “Le Phare” est unsite d’information pluralistefondé en 1998. L’excellencede ses enquêtes de terrainconstitue une référence. Les principales signaturesde la presse d’Amériquecentrale et d’Amérique latiney collaborent.Foreign Policy 106 000 ex.,Etats-Unis, bimestriel.Fondé en 1970 dans le butde “stimuler le débat surles questions essentielles de la politique étrangèreaméricaine”, le titre a longtemps été édité parla Fondation Carnegie pour la paix internationaleavant d’être racheté par le groupe Washington Posten 2008.

Gazeta Wyborcza396 000 ex., Pologne,quotidien. “La Gazetteélectorale”, fondée parAdam Michnik en mai 1989,est devenue un grand titremalgré ses faibles moyens.Son ambition est d’offrir un journal informatif et laïc.Son supplément du jeudi,Duzy Format, cultive la tradition du reportagelittéraire à la polonaise.The Guardian 364 600 ex.,Royaume-Uni, quotidien.Depuis 1821, l’indépendance,la qualité et l’engagement à gauche caractérisent ce titre qui abrite certainsdes chroniqueurs les plusrespectés du pays.Al-Hayat 110 000 ex., ArabieSaoudite (siège à Londres),quotidien. “La Vie” est sansdoute le journal de référencede la diaspora arabe et la tribune préférée des intellectuels de gaucheou des libéraux arabes quiveulent s’adresser à un large public.The Independent215 000 ex., Royaume-Uni,quotidien. Créé en 1986,c’est l’un des grands titresde la presse britannique de qualité. Il se distingue de ses concurrents par son indépendance d’esprit,son engagementproeuropéen et ses positions libérales sur les questions de société.Kapital 30 000 ex., Bulgarie,hebdomadaire. Fondé en 1992, ce titre au nomévocateur était destiné à lacommunauté des hommesd’affaires et autres acteurséconomiques du pays. La qualité de ses enquêtes et de ses reportages lui a ouvert un public pluslarge. C’est aujourd’hui l’un des meilleurs magazinesgénéralistes.Nanfang Dushibao1 150 000 ex., Chine,quotidien. Créé en 1997, le Nanfang Dushibaoest le grand succès d’unegénération de “journaux de métropole” apparus à la fin du XXe siècle.Réactif, informé, financé en grande partie par la publicité, il donneà ses lecteurs citadins une gamme d’informationsécrites sur un ton critique.

Nature 50 000 ex.,Royaume-Uni,hebdomadaire. Depuis 1869,cette revue scientifique au prestige mérité accueille– après plusieurs mois de vérifications – les comptes rendus desinnovations majeures. Son âge ne l’empêche pas de rester d’un étonnantdynamisme.The New Republic65 000 ex., Etats-Unis,bimensuel. Fondé en 1914, le titre est une référencedans le paysage médiatiqueaméricain. Jadis vitrine de la gauche intellectuelle, il penche à gauche sur les questions de politiqueintérieure et d’économie,mais affiche des positionsparfois bellicistes en matièrede politique étrangère. Lu par le Tout-Washington,il aime prendre ses lecteursà revers par ses points de vue iconoclastes.Now Lebanon(nowlebanon.com) Liban.Créé en 2007, le site proposeune couverture del’actualité, des analyses et une base documentaire– ainsi que des cartes –concernant la vie politiquedu Liban sur le planintérieur et international.Une version anglaisereprend certaines de ses rubriques.Origo(http://www.origo.hu),Hongrie. Ce sited’information, fondéen 1998, est le plus visité dupays. Sa rédaction, jalousede son indépendance,travaille avec une centainede journalistes et de correspondants. Sa paged’opinion, Komment.hu,donne la parole aux grandessignatures nationales et internationales.El País 392 000 ex.(777 000 ex. le dimanche),Espagne, quotidien. Né en mai 1976, six mois aprèsla mort de Franco, “Le Pays”est une institution. Il est le plus vendu des quotidiensd’information générale et s’est imposé commel’un des vingt meilleursjournaux du monde. Plutôtproche des socialistes,il appartient au groupe de communication Prisa.

Parmi nossources cettesemaine

courrierinternational.com

Courrier international n° 1139Edité par Courrier international SA, société anonyme avecdirectoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 €.Actionnaire Le Monde Publications internationales SA.Directoire Antoine Laporte, président et directeur de la publication ; Eric Chol. Conseil de surveillance Louis Dreyfus, président. Dépôt légal août 2012 Commission paritaire n° 0712C82101. ISSN n° 1 154-516 X - Imprimé en France / Printed in France

Rédaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baïf, 75212 Paris Cedex 13Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax général 33 (0)1 46 46 16 01Fax rédaction 33 (0)1 46 46 16 02Site web www.courrierinternational.comCourriel [email protected] de la rédaction Eric CholRédacteurs en chef Jean-Hébert Armengaud (16 57), Claire Carrard (édition, 16 58), Odile Conseil (web, 16 27)Rédacteurs en chef adjoints Catherine André (16 78), Raymond Clarinard (16 77), Isabelle Lauze (16 54) Assistante Dalila Bounekta (16 16)Rédactrice en chef technique Nathalie Pingaud (16 25)Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31)Directeur de la communication et du développement Alexandre Scher (16 15)Conception graphique Mark Porter AssociatesEurope Catherine André (coordination générale, 16 78), Danièle Renon (chefde service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suisse alémanique, 16 22), ChloéBaker (Royaume-Uni, 19 75), Gerry Feehily (Irlande, 19 70), Lucie Geffroy (Italie,16 86), Daniel Matias (Portugal, 16 34), Iwona Ostapkowicz (Pologne, 16 74),Marie Béloeil (chef de rubrique France, 17 32), Iulia Badea-Guéritée (Roumanie,Moldavie, 19 76), Wineke de Boer (Pays-Bas), Solveig Gram Jensen (Danemark,Norvège), Alexia Kefalas (Grèce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), KristinaRönnqvist (Suède), Mélodine Sommier (Finlande), Alexandre Lévy (Bulgarie,coordination Balkans), Agnès Jarfas (Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie,Kosovo), Miro Miceski (Macédoine), Martina Bulakova (Rép. tchèque,Slovaquie), Kika Curovic (Serbie, Monténégro, Croatie, Bosnie-Herzégovine),Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie) Russie, est del’Europe Laurence Habay (chef de service, 16 36), Alda Engoian (Caucase,Asie centrale), Larissa Kotelevets (Ukraine) Amériques Bérangère Cagnat(chef de service Amérique du Nord, 16 14), Eric Pape (Etats-Unis), Anne Proenza(chef de rubrique Amérique latine, 16 76), Paul Jurgens (Brésil) Asie AgnèsGaudu et Franck Renaud (chefs de service, Chine, Singapour, Taïwan, 16 39),Christine Chaumeau (Asie du Sud-Est, 16 24), Naïké Desquesnes (Asie duSud, 16 51), Ysana Takino (Japon, 16 38), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), ElisabethD. Inandiak (Indonésie), Jeong Eun-jin (Corées), Kazuhiko Yatabe (Japon)Moyen-Orient Marc Saghié (chef de service, 16 69), Hamdam Mostafavi(Iran, 17 33), Hoda Saliby (16 35), Pascal Fenaux (Israël), PhilippeMischkowsky (pays du Golfe), Pierre Vanrie (Turquie) Afrique OusmaneNdiaye (chef de rubrique, 16 29), Hoda Saliby (Maghreb, 16 35), Chawki Amari(Algérie), Sophie Bouillon (Afrique du Sud) Economie Pascale Boyen (chefde service, 16 47) Sciences Anh Hoà Truong (chef de rubrique, 16 40) Longcourrier Isabelle Lauze (16 54), Roman Schmidt Insolites ClaireMaupas (chef de rubrique, 16 60) Ils et elles ont dit Iwona Ostapkowicz(chef de rubrique, 16 74)

Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, 17 33),Catherine Guichard (rédactrice, 16 04), Pierrick Van-Thé (webmestre, 1682), Paul Blondé (rédacteur, 16 65), Mathilde Melot, Albane Salzberg(marketing)

Agence Courrier Sabine Grandadam (chef de service, 16 97)

Traduction Raymond Clarinard (rédacteur en chef adjoint, 16 77), NatalieAmargier (russe), Catherine Baron (anglais, espagnol), Isabelle Boudon(anglais, allemand), Françoise Escande-Boggino (japonais, anglais), CarolineLee (anglais, allemand, coréen), Françoise Lemoine-Minaudier (chinois), JulieMarcot (anglais, espagnol, portugais), Daniel Matias (portugais), Marie-Françoise Monthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais), Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais, espagnol),Danièle Renon (allemand), Mélanie Sinou (anglais, espagnol), Leslie TalagaRévision Jean-Luc Majouret (chef de service, 16 42), Marianne Bonneau,Philippe Czerepak, Fabienne Gérard, Françoise Picon, PhilippePlanche, Emmanuel Tronquart (site Internet)

Photographies, illustrations Pascal Philippe (chef de service, 16 41),Lidwine Kervella (16 10), Stéphanie Saindon (16 53)

Maquette Bernadette Dremière (chef de service), Catherine Doutey,Nathalie Le Dréau, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, DenisScudeller, Jonnathan Renaud-Badet, Alexandre Errichiello, CélineMerrien (colorisation)Cartographie Thierry Gauthé (16 70)Infographie Catherine Doutey (16 66)

Calligraphie Hélène Ho (Chine), Abdollah Kiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon)

Informatique Denis Scudeller (16 84)

Directeur de la production Olivier Mollé Fabrication NathalieCommuneau (direc trice adjointe) et Sarah Tréhin (responsable defabrication) Impression, brochage Maury, 45330 Malesherbes Ont participé à ce numéro Jean-Baptiste Bor, Isabelle Bryskier,Marion Candau, Sophie Courtois, Michèle Cousin, RomanEftimescu, Violette Giang, Julie Guérineau, Nathalie Kantt, VirginieLepetit, Jean-Baptiste Luciani, Carole Lyon, Valentine Morizot,Zaplangues

Secrétaire général Paul Chaine (17 46). Assistantes : NoluennBizien (16 52), Sophie Nézet (Partenariats, 16 99), Sophie Jan GestionJulie Delpech de Frayssinet (responsable, 16 13). Comptabilité : 01 48 8845 02. Responsable des droits Dalila Bounekta (16 16) Ventes aunuméro Responsable publications : Brigitte Billiard. Direction desventes au numéro : Hervé Bonnaud. Chef de produit : Jérôme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40). Diffusion internationale : Franck-OlivierTorro (01 57 28 32 22). Promotion : Christiane MontilletMarketing Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), Véronique Lallemand (16 91),Lucie Torres (17 39), Romaïssa Cherbal (16 89).

Publicité M Publicité, 80, boulevard Blanqui, 75013 Paris, tél. :01 40 39 13 13. Directrice générale : Corinne Mrejen. Directrice déléguée : Brune Le Gall. Directeur de la publicité : EtienneGrassot ([email protected], 38 63). Directrice de clientèle :Hedwige Thaler ([email protected], 38 09). Chef de publicité :Marjorie Couderc ([email protected], 37 97). Assistantecommerciale : Carole Fraschini ([email protected], 36 68).Littérature : Diane Gabeloteau ([email protected]).Régions : Eric Langevin ([email protected], 14 09). Annoncesclassées : Cyril Gardère ([email protected], 13 03). Exécution :Géraldine Doyotte (01 57 28 39 93). Site Internet Alexandre deMontmarin (alexandre.demontmarin@ mpublicite.fr, 01 53 38 46 58).Modifications de services ventes au numéro, réassortsParis 0805 05 01 47, province, banlieue 0 805 05 0146Service clients abonnements : Courrier international, Service abonnements, A2100 - 62066 Arras Cedex 9. Tél. : 03 21 13 04 31 Fax : 01 57 67 44 96 (du lundi au vendredi de 9 heures à 18 heures). Courriel : [email protected] d’anciens numéros Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui, 75013 Paris. Tél. : 01 57 28 27 78

Courrier international, USPS number 013-465, is published weekly 49 timesper year (triple issue in Aug, double issue in Dec), by Courrier InternationalSA c/o USACAN Media Dist. Srv. Corp. at 26 Power Dam Way Suite S1-S3,Plattsburgh, NY 12901. Periodicals Postage paid at Plattsburgh, NY and atadditional mailing Offices. POSTMASTER : Send address changes to CourrierInternational c/o Express Mag, P.O. box 2769, Plattsburgh, NY 12901-0239.

Ce numéro comporte un encart abonnement sur les exemplaireskiosque et un encart FAE Adlpartner sur les exemplaires abonnésFrance métropolitaine.

Sur le w

eb

www.courrier

international.com

Politico 25 000 ex., Etats-Unis, quotidien. Estimantque la presse avait de plusen plus tendance à négligerl’actualité politique, deuxsignatures importantes duWashington Post, JohnF. Harris et Jim VandeHei,ont quitté leur journal pourfonder ce quotidien en lignedont une version papier estdiffusée gratuitement dansla capitale américaine.Popular Mechanics Etats-Unis, mensuel. Né en 1902sous forme d’hebdomadaire,ce magazine dédié auxtechniques, technologies etinventions devient mensuelen septembre 2003. Sesunes sont essentiellementconsacrées aux armes etaux moyens de transport. Ilappartient au groupe Hearst.Público 74 000 ex.,Espagne, quotidien. Par ses contenus et sa maquette très attrayante,ce quotidien lancé enseptembre 2007 cible un public plus jeune et plusà gauche que celui d’El País.Público 70 000 ex.,Portugal, quotidien. Lancéen 1990, “Public” s’est trèsvite imposé, dans la grisaillede la presse portugaise, par son originalité et sa modernité. S’inspirantdes grands quotidienseuropéens, il propose une information de qualitésur le monde.Der Spiegel 1 076 000 ex.,Allemagne, hebdomadaire.Un grand, très grandmagazine d’enquêtes, lancéen 1947, agressivementindépendant et qui a révéléplusieurs scandalespolitiques.USA Today 1 900 000 ex.,Etats-Unis, quotidien. Lancé en 1982, c’est le seulquotidien national du pays,avec The Wall Street Journal.Surnommé le “CNN de la presse écrite”, ce titrepopulaire n’en offre pasmoins des articles de qualité, parfois en avancesur les grands journaux.Uznews.net (uznews.net)Russie. Ce site d’informationindépendant s’affichecomme opposant au régimedu président Islam Karimov.Ce qui lui a valu d’êtreinterdit d’accès en Ouzbékistan.

Rectificatifs

New York Comme nous le signale George Packer,auteur de l’article “Comment je suis devenu l’un des99 % à New York” (CI n° 1138, pp. 18-20), nous avonsfait un raccourci malheureux dans la traduction de son texte. Au lieu de “Kachel passe devant […] les sièges des grands établissements financiersinternationaux responsables de la crise financièremondiale […]”, il fallait lire : “Kachel passe devant[…] le siège de la Chase Manhattan Bank (où il a encore 42 cents sur un compte qu’il avait ouvert chez Washington Mutual avant qu’elle implose et soitrachetée par la Chase), devant la tour AIG […].”Toutes nos excuses à l’auteur et à nos lecteurs.

Géorgie L’encadré “Histoire” qui accompagnaitl’article “Lazika, une ville du futur sortie des marais”(CI n° 1138, p. 15) appelle une précision. La province géorgienne séparatiste d’Abkhazie est indépendante de facto depuis 1994, date de la fin du conflit qui l’a opposée à Tbilissi à partir de 1992. En août 2008, la Géorgie a lancéune offensive contre une autre de ses provincesséparatistes, l’Ossétie du Sud, soutenue par la Russie, qui a riposté aussitôt. Moscou a reconnuofficiellement l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie dans la foulée de ce conflit.

Page 7: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

à l’université, ou au profit des femmes atteintesd’un cancer du sein, et son soutien à l’imaged’un Ouzbékistan “qui ne le cède en rien, sur aucun plan, aux autres Etats”. Goulnara a ses admirateurs, et ils sont plutôt nombreux.L’un des anciens volontaires, anonyme, de la Fondation pour le soutien aux initiativessociales, dirigée par Goulnara Karimova,concède qu’elle séduit ceux qui n’ont pas de préjugés à son égard. Il a ainsi vu beaucoupde jeunes se féliciter aveuglément de la libertéd’expression régnant dans le pays et refuserde voir une réalité faite de journalistesemprisonnés ou contraints à l’exil[l’Ouzbékistan figure à la 157e place sur 179du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières],de projets sociaux réalisés par le biaisd’extorsions de fonds auprèsd’entrepreneurs, tandis que le destin du pays est confondu avec celui d’une seule personne.Cet ancien militant sait bien commentfonctionne l’endoctrinement : “Prenez un jeune de Djizak ou Noukous [deux villesmoyennes], installez-le dans une chambre d’hôtel de la capitale, bourrez-lui le crâned’histoires sur les qualités exceptionnelles de Goulnara Karimova, surchargez-le

de travail pour qu’il ne lui reste ni le temps ni lesforces d’avoir un jugement critique, et promettez-luiqu’elle va résoudre tous les problèmes de sa villed’origine, mais seulement s’il lui apporte son aide.Cela marche à tous les coups.” Les tâches de ces soutiens sont variées. Lorsque les organisateurs de la Semaine de la mode, à New York, ont refusé à Goulnara Karimova le défilé de sa collection, elle a mobilisé lesmembres de sa fondation pour qu’ils rédigentune avalanche de lettres destinées audépartement d’Etat américain afin de vanterses mérites. Dinara, la jeune fan, ne veut pas endémordre : “Je ne crois pas un mot de ce que disentles journalistes occidentaux. Elle est la meilleure !”

Les gens

Googoosha

Fille de tyranet filet de voixUznews.net (extraits) Moscou

A 40 ans, Goulnara Karimova [fille du président ouzbek Islam Karimov, au pouvoirdepuis 1991] contrôle des pansentiers de l’économie, a la hautemain sur les activités caritatives

et culturelles, est créatrice de mode et de bijouxtout en menant une carrière de pop star. Elle a sorti récemment son premier album en anglais, sous son nom de scène, Googoosha. S’il a provoqué des sarcasmes en Occident, il a en revancheconquis certains auditeurs ouzbeks.Sur Amazon, un acheteur juge que les morceauxdonnent l’impression qu’elle a enregistré “les hurlement de malheureux torturés pour avoireu l’audace de mettre en doute la viabilité de la ‘kleptocratie’ totalitaire”. Un autre raille ses qualités vocales : “Depuis quand qualifie-t-onun chuchotement de tessiture mezzo-soprano ?”Mais en Ouzbékistan, les jeunes se régalenten écoutant nouveaux et anciens tubes deleur idole. Dans certains cafés de Tachkent,les clips de Goulnara Karimova tournent enboucle sur de larges écrans, devant lesquels desadolescentes tentent d’imiter les chorégraphiesen fredonnant. Dinara, par exemple, considèreGoulnara comme “la plus grande star au monde”.Pour autant, elle ne s’est pas précipitée pouraller acheter le CD chez Nirvana, une chaîne de magasins contrôlée par Goulnara Karimova.Comme la plupart des jeunes Ouzbeks, elle préfère alimenter son lecteur MP3 en téléchargeant des morceaux gratuitement.Beaucoup de jeunes n’adorent pas que la chanteuse en Goulnara, ils louent aussi la personnalité publique et la femme politique.Ils plébiscitent ses actions en faveur de l’accès

Rafik Abdessalem,ministre des Affairesétrangères de la Tunisie� SophisteLors d’un meetingd’Ennahda, parti islamisteau pouvoir en Tunisie dont il est membre, il s’est engagéà “assainir les paysagespolitique, administratifet médiatique”. Legouvernement “ne cherchepas à contrôler lesmédias, mais en revancheil ne permettra pas que certains médias se transforment en unetribune d’opposition”.(Agence TAP, Tunis)

Tom Head, juge à Lubbock (Texas)� Visionnaire“Je m’attends au pire : des troubles, de la désobéissance civile,peut-être même uneguerre civile”, a-t-il confiéà la chaîne Fox News,réputée prorépublicaine, à propos d’une éventuelleréélection de Barack Obama.Selon lui, l’ONU va envoyerses troupes. “Parfaitementridicule”, a répondu le secrétaire général desNations unies Bai Ki-moon.(The Huffington Post,New York)

He Jing, ex-porte-parole de la police à Guangzhou(Chine)� PenaudEn juin, il avait promis que les forces de l’ordreallaient “intensifier la lutte pour purger la ville de la corruption et du racket pratiqué parles triades”. Le 10 août, il a été arrêté pour “avoirsérieusement enfreint la discipline du Parti”.Il aurait touché des pots-de-vin.(South China Morning Post,Hong Kong)

Garry Kasparov, ex-champion dumonde d’échecs� Sauvé“C’est un tournant.Aujourd’hui nous avonsobtenu une victoireimportante. C’est unsignal pour les autresjuges”, a exulté l’opposantrusse, le 24 août, après l’annonce de sonacquittement. Arrêté le 17 août, jour de l’énoncédu verdict dans le procès du groupe punk Pussy Riot, il était accusé d’avoir morduun policier.(Novaïa Gazeta, Moscou)

Walid Joumblatt, leader druzelibanais

� Amer“Félicitations

aux hôtes du Sommet des non-alignés pour les massacres de Daraya…”Le 16e Sommet des non-alignés, qui s’est tenu du 26 au 31 août dans la capitale iranienne, a accordé son soutien aurégime de Bachar El-Assad.Le 25 août, à Daraya, lesforces de sécurité syriennesont tué 320 personnes.(L’Orient-Le Jour, Beyrouth)

Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud� Faux jeton“Il n’est pas acceptableque des gens meurentalors qu’on peutnégocier”, a-t-il déclaréaux mineurs en grève après que 34 de leurs collègueseurent été tués par la police

sur le site deMarikana,

le 16 août.(CNN,Atlanta)

DR

; DR

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 7

� GoulnaraKarimova, alias Googoosha. Dessin dePismestrovic(Vienne) pour Courrierinternational.

L’aînée du président ouzbek “est la meilleure”pour bien des jeunes

Ils et elles ont dit

Page 8: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

8 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Colombie

Signaux de paix“Les spéculations sont terminées. Le présidentcolombien a confirmé lundi 27 août que son gouvernement avait bien entamé des discussions exploratoires avec les Forcesarmées révolutionnaires de Colombie (Farc)dans le but d’ouvrir un processus de paix”,rapporte le quotidien El Espectador.Depuis plusieurs semaines, les médiasfaisaient état de contacts, à Cuba, entredes représentants des Farc et dugouvernement. Et, peu avant l’annonceofficielle du président Santos, la radioRCN et la chaîne de télévision Tele Sur ont avancé que les pourparlersdébuteraient le 5 octobre à Oslo, enNorvège. Depuis trente ans, ce n’est quela troisième fois qu’un gouvernementannonce officiellement l’ouverture de telles négociations, note le quotidien.En 1982 et 1998, elles avaient échoué.

Canada

Les Québécois appelés aux urnes

Le “printempsérable” aurafinalementprovoqué des élections

législatives anticipées, qui se tiendrontle 4 septembre. La ligne dure adoptéecontre les étudiants a fait gagner des points au Parti libéral, au pouvoirdepuis neuf ans. Mais ce dernier,éclaboussé par des allégations decorruption, risque néanmoins de perdreson pari. Selon les sondages, le Partiquébécois (PQ, centre gauche -indépendantiste) mène la course, suivipar la Coalition Avenir Québec (CAQ,centre droit). Critiqué par le Premierministre, Jean Charest, pour avoir portéle carré rouge – symbole du mouvementétudiant – à l’Assemblée nationale, le chef du PQ, Pauline Marois, pourraitêtre la première femme à diriger la province. “On ne gagne jamais à diviser

A suivre

le Québec. Quand t’es chef d’Etat, tu te bats pas contre ta jeunesse”, plaide-t-elle dans le magazine L’Actualité.

Inde

Les mains noires du Premier ministreDepuis le 20 août, le Parlement est au chômage forcé : l’oppositionbloque la session et exige la démission du Premier ministre, Manmohan Singh,après la révélation par l’auditeur généralaux comptes (le CAG, équivalent de la Cour des comptes française) d’un énorme scandale de corruptiondans le secteur minier. Dans son rapport, le CAG accuse le gouvernement d’avoir faitperdre à l’Etat indien près de27 milliards d’euros, en attribuantentre 2004 et 2009 des permisd’exploitation de mines à des

groupes privés sans les mettre aux enchères. “Pendant cette période,Manmohan Singh a aussi été ministre du Charbon durant trois ans et demi”,rappelle l’hebdomadaire Tehelka,qui reproche à ce dernier d’avoir “cédé à des intérêts privés qui ont pillé la précieuse ressourcenaturelle du pays”. Selon ManmohanSingh, le rapport est “contestable”et “vicié en de nombreux points”.

Ethiopie

La mort de Zenawi fragilisela Corne de l’AfriqueLa disparition, dans la nuit 20 août, du Premier ministre ouvre une périoded’incertitude tant pour l’Ethiopie que pour ses voisins kényan etsomalien. “Les islamistes du mouvementAl-Chebab ont publié un communiquéaffirmant que la mort du dirigeantéthiopien pouvait signer la fin de l’alliancemilitaire régionale”, souligne le DailyNation de Nairobi. En effet, près de 10 000 soldats éthiopiens sontstationnés dans le sud de la Somaliepour soutenir la Mission de l’Unionafricaine en Somalie (Amisom), quilutte contre l’expansion du mouvementislamiste somalien Al-Chebab. En vingt ans de règne, Meles Zenawi,57 ans, avait fait de son pays un maillonstratégique en Afrique de l’Est.

Liban

Les menaces de NétanyahouLe Premier ministre israélien, BenyaminNétanyahou, aurait averti legouvernement libanais que touteprovocation contre Israël menée par le Hezbollah à partir du Liban aurait desconséquences désastreuses sur le pays,révèle Ha’Aretz. C’est un diplomateoccidental en visite à Jérusalem qui a transmis l’avertissement au Premierministre libanais, Najib Miqati.Récemment, le leader du mouvementchiite libanais, Hassan Nasrallah, a déclaré que son parti était capabled’infliger à Israël des pertes énormes.Pour Nétanyahou, le Hezbollah faitpartie de la coalition gouvernementale et le gouvernement libanais estresponsable juridiquement de tout

ce qui se passe sur son territoire. En d’autres termes, touteconfrontation entre le Parti

de Dieu et l’Etat hébreu impliquerala destruction des infrastructures

libanaises : centrales électriques, ports,aéroports et bâtiments administratifs.

31 août Elections générales en Angola (lire aussi p. 32)

2 septembre Ouverture du24e sommet de l’Organisationde coopération économiqueAsie-Pacifique (Apec), à Vladivostok, capitale de l’Extrême-Orient russe. � A l’occasion du bicentenairede la bataille de Borodino(7 septembre 1812),reconstitution, près de Moscou,du célèbre affrontement entreles troupes napoléoniennes et l’armée du tsar. Malgré sa

défaite, l’armée russe avait pu,après un retrait tactique,mettre l’ennemi en déroutequelques semaines plus tard.

4 septembre Conférence des donateurs au Yémen,organisée à Riyad, en ArabieSaoudite ( jusqu’au6 septembre).� A Charlotte (Caroline du Nord), le président sortant Barack Obama est officiellement désignécandidat à la présidentielle denovembre par la convention

nationale du Parti démocrate( jusqu’au 6 septembre).

5 septembre Réunis au Caire,les ministres arabes des Affaires étrangères se prononcent sur le projet du président palestinienMahmoud Abbas de demanderà l’ONU un statut d’Etat non-membre pour la Palestine.� Jugé coupable decorruption en juillet, l’ancienPremier ministre israélienEhoud Olmert devraitconnaître la sentence. G

IUSE

PPE

UN

GAR

I/AN

SA ;

DR

; AN

UPA

M N

ATH

/AP/

SIPA

; AF

P

Italie

Occupation explosive. Le dimanche 26 août, 120 mineurs sesont barricadés avec 350 kilos d’explosifs au fond d’une mine du Sulcis, en Sardaigne, à 400 mètres de profondeur, pour protester contre sa fermeture, rapporte La Repubblica.Ils demandent au gouvernement de débloquer au plus vite leprojet de relance de la filière charbon et se disent “prêts à tout”.

Agenda

Royaume-Uni

Rebekah Brooks au tribunal

3 septembre L’ex-directrice générale de News International, la maison mère des journauxbritanniques du groupe Murdoch,comparaît pour la première fois devant un tribunal londonien. Rebekah Brooks est l’une des huit personnes inculpées dans le cadre de l’affaire des écoutestéléphoniques pratiquées

par le tabloïd News of The World entre 2000 et 2006.

Page 9: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 10: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 11: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 12: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

En couverture12 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Obama� C’est la loi d’airain des élections américaines  : depuis 1945 aucun président n’a été réélu avec un tauxde chômage supérieur à 8 %. � Ce n’est pas le seulproblème du locataire de la Maison-Blanche :conjoncture économique morose, avantagefinancier des républicains… Des élémentsqui pourraient favoriser son rival MittRomney. � Obama a deux mois pourfaire mentir la tradition.

Pourquoi il peut perdre

LUK

E SH

ARRE

TT/

TH

E N

EW Y

ORK

TIM

ES

Page 13: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Eclatement de la zone euro,détérioration de l’économie locale…Nombreux sont les scénarioscatastrophes qui peuvent jouer contre la réélection du président.

The Washington Post (extraits)Washington

L’élection présidentielle de 2012 va-t-elle confirmer les tendances his-toriques ou des dynamiques pluscomplexes sont-elles à l’œuvre cetteannée ? Traditionnellement, un chô-mage élevé et une croissance écono-

mique poussive ne jouent guère en faveur duprésident sortant. Pourtant Obama reste, jusqu’àprésent, plutôt stable dans les sondages. L’étatde l’économie du pays va-t-il déterminer le résul-tat du scrutin ou la situation économique relati-vement meilleure des Etats clés permettra-t-elled’assurer la réélection d’Obama ?

L’économie américaine continue de croître,mais faiblement. Le PIB a augmenté de 1,5 % audeuxième trimestre et, si la situation de l’emplois’est consolidée cette année, seuls 100 000 nou-veaux emplois ont été créés chaque mois depuisavril. Cela ne suffit pas à faire baisser le taux dechômage. La seule bonne nouvelle, c’est l’em-bellie, encore très modeste, du marché de l’im-mobilier. Les perspectives économiques nedevraient guère s’améliorer jusqu’à l’élection. Lacroissance ne devrait pas dépasser 2 % au troi-sième trimestre, tandis que le chômage ne devraitpas repasser sous la barre des 8 %.

L’aggravation de la crise dans la zone euromet en péril l’économie mondiale. Les taux d’in-térêt imposés à l’Italie et à l’Espagne sont trèssupérieurs à ceux de l’Allemagne, relançant lesspéculations sur la viabilité de la monnaie unique.Ces incertitudes européennes ont conduit leFonds monétaire international (FMI) à revoir àla baisse les prévisions de croissance de la Chineet de l’Inde pour cette année et pour 2013. Parailleurs, les perspectives pour les exportationsaméricaines vers l’Europe et les économiesémergentes ne sont pas bonnes. Mais, surtout, le

pessimisme engendré par la crise européenne nefavorise pas les investissements et les embauches,ce qui devrait encore ralentir la reprise anémiqueconstatée aux Etats-Unis. Que faut-il en conclurepour l’élection ?

N’oublions pas que le président américain estélu au suffrage universel indirect et que l’électionne se joue pas au plan national mais à celui desEtats. Or le résultat de 40 Etats peut déjà être préditavec certitude. Cette année, les commentateursne devraient donc pas se focaliser sur les chiffresdu chômage à l’échelle nationale mais plutôt passerà la loupe les indicateurs économique des dix Etatsoù le résultat devrait être serré : le Nevada, le Colo-rado, l’Iowa, le Wisconsin, l’Ohio, le New Hamp-shire, la Pennsylvanie, la Virginie, la Caroline duNord et la Floride. La plupart de ces Etats clés affi-chent de meilleurs résultats économiques que lepays dans son ensemble. Dans l’Ohio, par exemple,le taux de chômage est de 7,2 %, soit inférieur deplus de 1 point à la moyenne nationale. Et lesrécents sondages dans plusieurs de ces Etats clésdonnent à Obama une légère avance.

La plus grande menace pour Obama serait uneremontée tardive de son rival républicain MittRomney, qui pourrait être provoquée par un effon-drement de la zone euro et une nouvelle dégrada-tion de l’économie. Quand la situation économiquese détériore, les électeurs qui se décident à la der-nière minute choisissent généralement le nouveaucandidat s’il est suffisamment crédible. L’équiped’Obama doit donc s’assurer une avance confor-table dès maintenant. Les présidents qui ne réus-sissent pas à prendre l’avantage suffisamment tôtfinissent généralement par perdre, comme ce futle cas pour Bush père en 1992.

Et donc oui, “It’s the economy, stupid” [C’estl’économie, imbécile, citation de James Carville,conseiller de Bill Clinton, utilisée par le candidatdémocrate lors de sa campagne victorieuseen 1992]. Obama n’a donc plus qu’à espérer quel’économie de ces Etats clés ne se mette pas àflancher et que les mauvaises nouvelles en pro-venance de l’étranger ne se manifestent qu’aprèsle 6 novembre. Darrell West, Ted Gayer etDomenico Lombardi** Chercheurs à la Brookings Institution, un think tankde centre gauche.

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 13

Otage de la crise

� Meetingélectoral deBarack Obama, le 13 juillet, dans un lycée de Hampton(Virginie).

D’après une étude del’université du Colorado qui prédit avec justesse les résultats des électionsaméricaines depuis 1980,Mitt Romney serait le grandfavori de cette élection,notamment grâce auxélecteurs du Colorado.Kenneth Bickers et MichaelBerry, tous deux professeursde sciences politiques,estiment en effet que la mauvaise santé de l’économie va nuire à la réélection du président.

Les deux professeurs ontprocédé à une minutieuseanalyse Etat par Etat en prenant en compte de nombreux paramètreséconomiques, notammentles chiffres du chômage.D’après les résultats de leuranalyse, Obama obtiendrait218 voix des grandsélecteurs alors qu’il lui enfaudrait 270 pour être réélu.En outre, les deuxpolitologues prédisent queRomney remportera 52,9 %du vote populaire, contre

47,1 % pour Obama. “Si la situation économiquen’était que médiocre, nous donnerions Obamagagnant, mais c’est loind’être le cas et il a du souci à se faire”, affirme KennethBickers. Le politologueestime que ce scrutinprésente des analogies avec celui de 1980, quandl’économie était exsangueet que l’inflation atteignaitdes sommets. Résultat : les électeurs préférèrentReagan à Carter. Selon

les universitaires, Obamarisque de perdre presquetous les Etats indécis. Les prévisions de ce modèled’analyse politique se sontrévélées exactes lors des huit dernières élections.Cette étude sera publiée ce mois-ci dans PS: PoliticalScience & Politics,une revue académique,avec une dizaine d’autresmodélisations électorales.Brittany AnasDaily Camera(extraits) Boulder

Prévision

Une défaite annoncée

Page 14: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Obama n’a pas su prendre les décisions qui s’imposaient ni faireface à la crise. Sous sa présidence, les Etats-Unis ont reculé, martèlel’historien Niall Ferguson dans un article qui a suscité la polémique.

Newsweek (extraits) New York

J’ai été bon perdant il y a quatre ans.Alors même que j’avais été unconseiller du candidat républicainJohn McCain, je reconnaissais lesqualités remarquables de son adver-saire : sa superbe éloquence, son

calme olympien, sa stratégie de campagne presquesans faille. Aujourd’hui, pour les Américains, laquestion n’est plus de savoir qui était le meilleurcandidat il y a quatre ans, mais si le gagnant a tenuses promesses. Or force est de constater que non.

Dans son discours inaugural, Obama pro-mettait “non seulement de créer des emplois, maisaussi de jeter de nouvelles bases pour la croissance”.Sur ce point comme sur d’autres, le bilan du pré-sident est pitoyable.

Il y a quelques mois, dans un moment d’inat- tention, le président a lâché que le secteur privése portait “à merveille”. Certes, les cours de laBourse sont nettement meilleurs (+ 74 %) que cequ’ils étaient le jour de son investiture, le 20 jan-vier 2009. Mais les emplois dans le secteur privésont encore à 4,3 millions en deçà de leur niveaumaximal de janvier 2008. Entre-temps, depuis2008, pas moins de 3,6 millions d’Américains sup-plémentaires ont été inscrits au programme d’as-surance-invalidité de la Social Security [régimede retraite et d’invalidité]. Il s’agit là d’un desnombreux moyens de dissimuler le chômage.

Dans son budget 2010, le premier qu’il ait pré-senté, le président prévoyait une croissance de3,2 % en 2010, de 4 % en 2011 et de 4,6 % en 2012.Les chiffres effectifs ont été de 2,4 % en 2010 etde 1,8 % en 2011, et peu de prévisionnistes s’at-tendent à ce que la croissance dépasse 2,3 % cetteannée. Quant au chômage, il n’était pas censédépasser 6 % cette année. Il a atteint 8,2 % enmoyenne, jusqu’ici.

Le pays “moitié-moitié”Bienvenue dans l’Amérique d’Obama : près de lamoitié de la population n’est pas imposable – soitexactement la même proportion que ceux quiappartiennent à un foyer dont au moins unmembre perçoit une allocation, quelle qu’elle soit.Nous sommes en passe de devenir le pays “moitié-moitié” : la moitié d’entre nous paie les impôts,l’autre moitié touche les allocations.

Et ce en dépit d’une hausse de la dette fédé-rale bien plus forte que ce qu’on nous avait promis.Le taux de la dette par rapport aux recettes [fis-cales] est monté en flèche, passant de 165 % en2008 à 262 % cette année. Parmi les économiesdéveloppées, seules l’Irlande et l’Espagne ontconnu une détérioration plus grave.

Les partisans du président vous diront, biensûr, qu’il ne peut pas être tenu pour responsabledes mauvais résultats économiques. Ils préfèrentpointer du doigt son prédécesseur, ses conseillerséconomiques, Wall Street, voire l’Europe

– n’importe qui sauf le locataire de la Maison-Blanche. Certes, ils n’ont pas entièrement tort.Il était très difficile de prévoir l’évolution de l’éco-nomie dans les années qui ont suivi 2008. Maison peut légitimement attribuer au président laresponsabilité des erreurs politiques commisesces quatre dernières années. Car enfin, c’est à luide diriger l’exécutif et c’est bien dans ce domaineque son échec a été le plus retentissant.

La crise financière a débuté il y a cinq ans,mais les problèmes de fond – concentrationfinancière et effet de levier financier exces-sifs – n’ont pas été traités. Aujourd’hui, dix ins-titutions financières “trop importantes pour fairefaillite” gèrent les trois quarts des actifs finan-ciers des Etats-Unis. Et il manque 50 milliardsde dollars de liquidités aux plus grandes banquesdu pays selon les critères des accords de Bâle III[qui définissent le montant des capitaux desti-nés à couvrir les risques].

Et puis il y a eu la réforme du système de santé,réforme certes indispensable aux yeux de tous.Mais l’Affordable Care Act de 2010 [ACA, loi surla protection des patients et les soins abordables]n’a rien fait pour régler les défauts fondamen-taux du système : l’explosion des coûts à longterme de Medicare [système d’assurance-santépour les personnes âgées], le paiement à l’acte,qui encourage l’inflation des prestations de santé,

et le lien entre emploi et assurance, qui expliquepourquoi tant d’Américains ne sont pas couverts.

Les échecs de la politique économique et bud-gétaire d’Obama au cours des quatre dernièresannées ont eu des conséquences géopolitiques.La Banque mondiale s’attend à ce que la crois-sance des Etats-Unis ne dépasse pas 2 % en 2012.Celle de la Chine sera quatre fois plus forte, cellede l’Inde trois fois plus importante. En 2017, selonles prévisions du FMI, le PIB de la Chine dépas-sera celui des Etats-Unis.

Superpuissance en retraitEntre-temps, le déraillement budgétaire a déjàpour conséquence une réduction du budget dela défense, alors même que le monde n’est pasdevenu plus sûr – notamment au Moyen-Orient.Les Etats-Unis, sous ce président, sont une super-puissance en retrait, si ce n’est à la retraite. Dèslors, rien d’étonnant si 46 % des Américains – et63 % des Chinois – estiment que la Chine a déjàsupplanté les Etats-Unis en tant que premièrepuissance mondiale, ou finira par le faire.

Le meilleur argument d’Obama en faveur desa réélection, c’est d’affirmer que Mitt Romneyne devrait pas être président. C’est dire s’il a perdule fil de son “grand récit”. Aujourd’hui, Obama vadevoir affronter son ennemi juré : un homme poli-tique qui croit davantage aux réformes qu’aux

En couverture Pourquoi il peut perdre14 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

“Le bilan du président est pitoyable”

Sondage

Barack Obama

46,7 %

45,7 %Mitt Romney

Intentions de vote à la date du 27 août 2012 (Real Clear Politics).

Des résultats décevantsTaux de croissance du PIB (en %, en dollars constants, en PPA)

Taux de chômage (en %)

4

6

8

10

2008 2009 2010 2011 2012 2008 2009 2010 2011 2012 Sour

ces :

Bur

eau

of L

abor

Sta

tistic

s, Ba

nque

mon

dial

e

– 2

– 3

– 4

– 1

0

+ 1

+ 2

+ 3

Prév

ision

� “Toujours aucun signede reprise économique.”Dessin de Heng parudans Lianhe Zaobao,Singapour.

GET

TY

CAI

-NYT

Page 15: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

discours. Ces derniers jours, on a beaucoup écritsur le député du Wisconsin [et président de laCommission du budget de la Chambre des repré-sentants] Paul Ryan, l’homme choisi par Romneypour être son colistier. Je connais Paul Ryan et jel’admire. Pour moi, il est clair qu’il fait partie desrares hommes politiques de Washington à êtrevraiment sincère quand il parle de s’attaquer à lacrise budgétaire de notre pays.

Ces dernières années, le “Chemin vers la pros-périté” [le contre-programme budgétaire pré-senté par Ryan en avril] a évolué, mais sesidées-forces sont restées les mêmes : remplacerMedicare [système d’assurance-santé pour lespersonnes âgées] par un système de bons pourceux qui ont maintenant moins de 55 ans, trans-former Medicaid [système d’assurance-santé pourles personnes à faibles revenus] et surtout sim-plifier le droit fiscal et réduire les taux d’imposi-tion afin de tenter d’insuffler un peu de relancedans le secteur privé américain. Ryan ne prônepas l’austérité. Il prône la croissance.

Une chose est sûre, Ryan déstabilise Obama.Et s’il déstabilise Obama, c’est que contraire-ment à lui il a un plan pour notre pays. Les élec-teurs américains sont maintenant confrontés àun choix difficile. Soit ils laissent Obama res-sasser son grand récit, auquel cas ils finiront parse retrouver dans une Amérique à l’européenne,avec une faible croissance, un chômage impor-tant, une dette encore plus élevée – et un vraidéclin géopolitique. Soit ils optent pour un vraichangement qui mettra fin à quatre ans de mau-vais résultats économiques, stoppera un endet-tement terrifiant et rétablira des financespubliques saines. J’ai été bon perdant il y a quatreans. Mais cette année, j’ai furieusement envie degagner. Niall Ferguson

Les Américains sont déçus par la gestion du locataire de la Maison-Blanche. Ils n’ont plus foi en Obama…sans pour autant croire en Romney.

USA Today (extraits) McLean

Il y a quatre ans, Barack Obama, premierAfricain-Américain à accéder à la prési-dence des Etats-Unis, entrait dans l’His-toire. S’il était réélu en novembre, ilrelèverait un nouveau défi : remporter unsecond mandat alors que la plupart des

Américains disent que leur vie ne s’est pas amé-liorée depuis son arrivée dans le Bureau ovale.

“Vivez-vous mieux aujourd’hui qu’il y a quatreans ?” Depuis l’affrontement entre Ronald Reaganet Jimmy Carter, il y a plus de trente ans, cettequestion est devenue incontournable. Et aujour-d’hui la réponse est non. En tout cas pour 56 %des électeurs des douze Etats clés [et 55 % dansl’ensemble du pays], selon le dernier sondage USAToday/Gallup. Même si cette question n’a pas étésystématiquement posée au cours des campagnesde réélection de présidents récents, les chiffresactuels sont les plus mauvais depuis la défaite deJimmy Carter, en 1980.

C’est le médiocre bilan économique du pré-sident qui ouvre la voie à une élection sanction,soulignent les analystes de tous bords. Selon lesondage, les électeurs ont perdu une bonne partiede leur confiance en la capacité d’Obama à amé-liorer la situation économique. Mais ils n’accor-dent pas pour autant leur confiance à Romney.Pour les rallier à sa cause, le candidat républicaincompte sur la Convention nationale du Particonservateur et sur les débats présidentiels dumois d’octobre.

Un vote Romney sans enthousiasme“Je suis vraiment partagée, et contente de ne pas avoirà voter aujourd’hui”, reconnaît Kerry O’Hearn,55 ans, de Grandville (Michigan). “Il y a quelquechose chez Romney que je ne suis pas certaine d’ap-précier.” Elle a voté pour Obama il y a quatre ansmais, si elle devait le noter aujourd’hui sur l’éco-nomie, elle lui mettrait un D [une très mauvaisenote]. Reste que, pour l’instant, Kerry O’Hearnvoterait quand même pour lui. “Je suis prête àdonner une autre chance à Obama. Mais est-ce quel’économie irait mieux avec Romney ? Je ne sais pas.”Elle va désormais être plus attentive aux spotstélévisés qui inondent le Michigan et va aller surInternet se renseigner sur le candidat républi-cain, affirme-t-elle.

Greg Miller, 54 ans, de Sugarcreek (Ohio),prévoit, lui, de voter pour Romney, mais sansenthousiasme. Il veut en savoir plus sur les solu-tions préconisées par l’ex-gouverneur du Massa-chusetts. “Nous, à la campagne, on a l’impression

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 15

Zéro pointé en économied’avoir plein de problèmes qui ne sont jamais évoqués,explique Miller. La pénurie d’emplois est difficile àvivre. J’ai l’impression que nous avons perdu confiancenon seulement en notre système politique, mais aussien notre système financier.”

Lors de la table ronde qui s’est tenue lasemaine dernière dans le cadre d’une série de ren-contres organisées par l’Annenberg Public PolicyCenter de l’université de Pennsylvanie, leséchanges entre douze femmes venues de la ban-lieue résidentielle de Milwaukee ont clairementreflété les résultats de l’enquête de l’institut desondage Gallup.

“Il a fait tellement de promesses !”On leur a demandé de décrire l’économie actuelleen termes météorologiques, et aucune n’a vu lamoindre parcelle de ciel bleu. “Pluie”, a répondula première. “Brouillard”, “Tsunami”, “Nuages”,“Séisme”, “Tempête”, ont ajouté les autres. Cesfemmes, qui ne militent pour aucun des candi-dats, ont pour la plupart vu leur entourage prochesecoué par des turbulences avec des licencie-ments, une saisie immobilière et la faillite d’uneentreprise familiale. Dix des douze participantesavaient voté pour Obama en 2008, mais huit affir-ment être aujourd’hui indécises, dont deux pen-cheraient plutôt pour le président.

Elles sont déçues par la présidence d’Obama.“Il a fait tellement de promesses !” regrette MichelleWienke, 31 ans, mère de trois enfants. Elle a perduson travail dans une usine Harley-Davidson il y atrois ans et n’a pu trouver que des emplois d’in-térimaire depuis. Elle est bien consciente de lasituation de crise dont a hérité Obama, maisdéplore que rien ne change. Aujourd’hui, elledoute même de la possibilité d’une évolution : “Jene pense pas que je serai encore en vie quand les chosesreviendront à ce qu’elles étaient avant.”

Ces femmes admirent le sens des affaires deRomney, mais elles ne le connaissent pas beau-coup et n’apprécient pas vraiment ce qu’ellessavent de lui : il serait distant et élitiste – commeun voisin capable d’apporter du homard lorsd’un repas à la bonne franquette, plaisante l’uned’elles. Elles s’interrogent : ne cherche-t-il pasà cacher quelque chose en refusant de dévoilerses déclarations d’impôt au-delà des deux der-nières années ?

Pour la majorité des personnes interrogéespar Gallup, Obama n’a pas aussi bien géré les diffi-cultés économiques qu’on aurait pu s’y attendre.Parmi ceux qui disent ne pas mieux vivre aujour-d’hui qu’il y a quatre ans, six sur dix estimentqu’Obama en est responsable.

Et pour les quatre prochaines années ? LesAméricains sont optimistes, mais seulement si lecandidat qu’ils soutiennent l’emporte. Parmi lespartisans d’Obama, 81 % prédisent qu’ils vivrontmieux dans quatre ans si le président est réélu  et84 % des partisans de Romney déclarent qu’ilsvivront mieux dans quatre ans si ce dernier l’em-porte. Toutefois, aucun des deux candidats n’ob-tient la confiance de la moitié de l’électorat global.Et lorsque les électeurs sont forcés de choisir entreles deux adversaires sur la question “Avec quel pré-sident leurs familles ont-elles le plus de chances demieux vivre en 2016 ?” le résultat ne fait que sou-ligner à quel point l’élection reste serrée : Obama44 %, Romney 44 %. Susan Page

A la une

“Taille la route,Barack. Pourquoi nousavons besoin d’unnouveau président”.Ce titre del’hebdomadaireNewsweek est un clind’œil au standard de Ray Charles Hit the road Jack.

Parmi ceux qui disent ne pasmieux vivre aujourd’hui qu’il y aquatre ans, six sur dix estimentqu’Obama en est responsable

Cet appel enflammé de l’historienbritannique Niall Ferguson à chasser BarackObama de la Maison-Blanche publié dansl’hebdomadaire Newsweek a déclenché une avalanche de réactions. Alors que des dizaines de milliers d’utilisateurs deFacebook ont “aimé” son article et que plusde 15 000 commentaires ont été postés surle site du magazine, toute une série de grandsnoms de la presse mettent en cause le professionnalisme de Ferguson. JamesFallows, journaliste diplômé de Harvard, où enseigne Ferguson, écrit : “Son article esttellement mauvais et peu convaincant que je me demande comment il peut prétendrejuger le travail de ses étudiants.” De l’avis de Paul Krugman, éditorialiste au New YorkTimes et Prix Nobel d’économie, Fergusoncommet dans son appel de telles erreurs à propos du Bureau du budget du Congrèsaméricain et du creusement des déficits que Newsweek devrait publier un rectificatif.Le magazine s’est laissé entraîner dans unemanœuvre de “désinformation des lecteurs”,conclut-il. De l’autre côté de l’échiquierpolitique, le journaliste de Forbes JamesPoulos estime que cet article est une preuve supplémentaire que Mitt Romneyn’a plus qu’à “convaincre les Américainsqu’un leadership républicain est une choseacceptable” pour l’emporter.

Polémique

Un article décrié

Page 16: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Face aux milliardaires soutenant le candidat républicain, les petits donateurs d’Obama ne font pas le poids.

Politico (extraits) Arlington

Au mois de juillet, Susan Daolea fait un don de 100  dollars[80 euros] à la campagne deBarack Obama avec l’intentionde contrecarrer les millions quereçoit Mitt Romney de ses par-

tisans. “Je pense que ma contribution, mêmemodeste, a tout autant d’importance que les millionsdes riches donateurs”, assure cette bibliothécairede 63 ans qui vit à Lexington, dans le Kentucky.“J’espère vraiment que mon argent aidera Obamaà se faire réélire.”

Désolé, Susan, mais il faudrait 100 000 per-sonnes comme vous pour compenser les 10 mil-lions de dollars que Sheldon Adelson – le magnatdes casinos – a versés au super PAC [comité d’action politique]* de Romney en une seule foisau mois de juin. Pourtant, les Etats-Unis ne man-quent pas de citoyens comme Susan Daole cetteannée : environ 2,5 millions de personnes ontdonné jusqu’à 200 dollars aux différents comi-tés qui soutiennent les candidats. Tous ces gens,toutefois, n’ont contribué à la campagne qu’àhauteur de 18 %, pour un total de 148 millionsde dollars [118 millions d’euros]. On est loin des200 millions rassemblés par les 2 100 donateursqui ont versé au moins 50  000  dollars[40 000 euros] aux comités de campagne ou auxsuper PAC de Barack Obama et de Mitt Romney.En d’autres termes, alors que cette élection étaitcensée être dominée par les préoccupations éco-nomiques de la classe moyenne, 0,07 % des dona-teurs ont eu plus de poids que 86 % des pluspetits donateurs rassemblés.

Et ces contributions ne sont rien par rapportà l’ensemble des sommes versées pour soutenirles campagnes des deux candidats. L’essentieldu milliard de dollars que les républicains ontl’intention de dépenser en vue du scrutin du

En couverture Pourquoi il peut perdre16 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

David contre Goliath6 novembre sera constitué des aides considé-rables et secrètes collectées par les super PACet par des organisations à but non lucratif, quipeuvent accepter autant de chèques qu’ils le sou-haitent sans même à avoir à publier les nomsdes généreux donateurs.

Les frères Koch [deux magnats milliardairesà la tête d’un conglomérat industriel] ont versé400 millions de dollars [320 millions d’euros]dans l’arène politique et l’usage fait de cet argentne sera jamais détaillé. Il en va de même pourl’essentiel des 300 millions de dollars [240 mil-lions d’euros] de dépenses que prévoit Ameri-can Crossroads, le super PAC de soutien à MittRomney. Les démocrates tentent également decollecter de grosses sommes, mais avec moinsde succès pour l’instant.

Pendant plus d’un siècle, la réglementationrelative au financement des campagnes électo-rales fut fondée sur l’idée que les entreprises, lessyndicats et les personnes fortunées ne devaientpas pouvoir utiliser leurs comptes en banquepleins à craquer pour influencer les élections defaçon disproportionnée. Il fut un temps où lapopulation semblait tenir les rênes des financeslors des campagnes présidentielles. Puis, il y aquatre ans, Barack Obama s’est servi d’Internetpour récolter des sommes d’argent considérablesauprès de petits donateurs, qui l’ont aidé à battreun record en termes de collecte de fonds et àouvrir la voie à “une nouvelle façon de faire de lapolitique”. Toutefois, cette révolution qui a faittant de bruit semble aujourd’hui terminée.

Aline Kultgen, une enseignante à la retraitequi vit à Columbia, dans le Missouri, a bien sentila différence. En 2008, elle a donné 200 dollars[160 euros] à Obama, mais cette année, parcequ’elle n’était pas “aussi enthousiaste”, elle a réduitsa contribution. Elle maintient qu’elle “espèrequand même que [son] argent aura un impact”, maisajoute qu’elle ne peut pas “concurrencer Koch etcompagnie. Et c’est très mauvais signe pour la démo-cratie américaine.” Kenneth P. Vogel

* Les super PAC sont des comités d’action politiqued’un nouveau genre, qui sont apparus en 2010 à lafaveur d’une décision de la Cour suprême et peuventrecevoir des dons sans limites.

A la une

“Dommage. La présidence ratéed’Obama”, titrait Der Spiegel au débutdu mois de juin. Pour l’hebdomadaireallemand, c’est un “triste bilan”qu’il faut tirer de son premier mandat.Contrairement à ses promesses, il n’apas su guérir les plaiesde la nation. Bloquépar le Congrès, haï parla moitié conservatricede l’Amérique, il faitl’effet d’un hommecondamné à l’échec.”Cela dit, le candidatrépublicain Mitt Romney ferait-ilun meilleur président ?“Certainement pas”,répond sans ambiguïtéle magazine deHambourg.

� Dessin de Hachfeldparu dans NeuesDeutschland, Berlin.Sheldon Adelson

Age : 79 ansFortune : 24,9 milliards

de dollarsCe magnat des casinos,dont la fortune est estimée

à 24,9 milliards de dollars, se classe

à la huitième place de la liste des 400 personnalités

les plus riches des Etats-Unis du magazineForbes. C’est, de loin, le plus gros bailleur de fonds du camp républicain.

Les frères KochCharles Koch. Age : 76 ans

Fortune : 25 milliards de dollars

David Koch. Age : 72 ansFortune : 25 milliardsde dollars

Magnats de l’industrie,les frères David

et Charles Koch sontdevenus la bête noire des

démocrates. Outre leursdons aux super PACrépublicains, ilsinjectent égalementdes millions de dollars

dans leur propreorganisation, baptisée

Americans for Prosperity,avec laquelle ils comptent peser de tout leurpoids dans la campagne électorale 2012.

Harold SimmonsAge : 81 ans

Fortune : 9,8 milliards de dollars

Avec une fortuneestimée à 9,8 milliardsde dollars, cet homme

d’affaires texan seclasse au trente-

troisième rang de la listedes 400 personnalités les plus

riches des Etats-Unis. Depuis le début de lacampagne électorale, il a versé 16,7 millionsde dollars pour soutenir le camp républicain.(D’après Forbes et Rolling Stone)

Portraits

De généreuxsoutiens

� Dessin de Kal parudans The Economist,Londres.

DR

Page 17: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 17

Moins à l’aise que leurs homologuesconservateurs, les progressistesfortunés rechignent à mettre la main au portefeuille.

The New Republic (extraits)Washington

Amesure que les semaines pas-sent, la panique gagne lesdémocrates, inquiets à l’idéed’être engloutis sous la mon-tagne d’argent amassée parleurs opposants républicains.

Après avoir récolté seulement 10,6 millions dedollars jusqu’en avril, le super PAC démocratePriorities USA Action n’a engrangé que 9 mil-lions depuis. De son côté, la machine financièredu Parti républicain a juré de dépenser 1 milliardde dollars d’ici au 6 novembre. On aurait pu croireque ce déferlement républicain allait piquer auvif les riches donateurs démocrates, mais l’heureest plutôt aux atermoiements.

Pour comprendre la raison de ce retard, unsimple coup d’œil au classement des 400 plusgrosses fortunes de Forbes suffit. “Ils ont plus defric que nous. C’est aussi simple que ça”, expliqueJohn Morgan, un avocat de Floride dont la sociétéa versé 50 000 dollars [près de 40 000 euros] àPriorities USA Action.

Les fidèles partisans boudentIl existe de toute évidence des démocrates for-tunés, mais ceux qui ont soutenu Obama en2008 sont remarquablement absents de la cam-pagne. Certains fidèles partisans boudent. Ceuxde Wall Street qui avaient soutenu Obama à ladernière élection ont retourné leur veste. Lesdémocrates comptent sur la Silicon Valley pourcombler leur retard, mais les géants des nou-velles technologies n’ont pour l’instant fait quedes nanodons à la campagne d’Obama.  Et,même si les démocrates peuvent encore comp-ter sur Hollywood, la plupart des progressistesde Los Angeles préfèrent assister aux dîners de

gala avec le président pour parfaire leur imageplutôt que d’ouvrir grand leur portefeuille. Biensûr, il y a encore deux mois avant l’élection et ilfaut s’attendre à ce que les sympathisants démo-crates les plus fortunés finissent par se réveiller.Michael Kempner, un spécialiste en relationspubliques qui a récolté plus de 700 000 dollarspour Obama cette année et qui a donné50 000 dollars à Priorities USA Action, préditque les riches donateurs vont contribuer ausuper-pac sur le tard. “Même ceux qui ne croientpas à cette nouvelle forme de financement politiqueseront là le moment venu”, assure-t-il.

“Merde, Obama ne doit pas perdre !”Steve Rosenthal, qui a supervisé les dépensesde la campagne démocrate en 2004, estconvaincu qu’une peur salutaire va saisir lesdonateurs à mesure que le jour J approchera.“Peut-être l’alarme va-t-elle se mettre à sonner encette fin d’été et peut-être vont-ils commencer à se

dire : ‘Merde, Obama ne doit pas perdre !’” Maisil sera peut-être déjà trop tard. Les super-pacsdoivent en effet réserver à l’avance des tempsd’antenne pour diffuser leurs spots publicitaires.Et, si Priorities USA Action n’arrive pas à récol-ter rapidement de l’argent, il sera incapable decontrecarrer le déluge de spots républicains àvenir. Par ailleurs, des groupes conservateurssont déjà en train de lancer leur offensive dansdes Etats clés comme le Michigan, que doit abso-lument remporter Obama, sans que les démo-crates réagissent. “Croire que le président peutgagner tout seul est une erreur, poursuit Burton.Si lui et les gens qui le soutiennent ne disposent pasdes moyens dont ils ont besoin, alors Obama ne serapas réélu.”Alec MacGillis

Mais où sont passés les riches démocrates ?

1. Un cercle trop restreint de conseillersIls étaient déjà là avant queBarack Obama soit éluprésident, en novembre 2008,et ils sont toujours là aujourd’hui. “Ils”, ce sont les six conseillers de choc du président, dontDavid Plouffe et Robert Gibbs.Ce sont eux qui ont l’oreille du président et leur aviscompte par-dessus tout, ce qui ne va pas sans créer des tensions au sein de l’équipe de campagnedédiée à la réélectiond’Obama.

2. Son QG de campagne à ChicagoEn choisissant d’installer sonQG de campagne à Chicago– comme en 2008 –, Obama afait un mauvais calcul. Sonéquipe se trouve trop éloignéede la Maison-Blanche et àl’écart du cœur politique dupays, la capitale fédéraleWashington.

3. Un vice-présidentencombrantGaffeur invétéré, le vice-président Joe Biden a multipliéles bourdes depuis le début dela campagne. Non seulement il

a court-circuité Obama sur la question du mariage gay,en mai dernier, mais il arécemment déclaré devant un parterre de supportersafricains-américains lors d’unmeeting en Virginie que “les républicains n’avaient pourambition que de les enchaînerà nouveau”, comme du tempsde l’esclavage.

4. Une mésentente avec les démocrates du CongrèsCe n’est un secret pourpersonne : Obama n’a jamaisentretenu de bonnes relationsavec les élus démocrates du

Congrès de Washington. Une mésentente qui pourraitlui coûter des voix lors de l’élection présidentielle du 6 novembre.

5. La fin de l’obamaniaFini “l’espoir et le changement”et l’enthousiasme de 2008.Aujourd’hui, l’équipe du candidat peine à remplirles stades lors des meetingsd’Obama. Le ton de lacampagne a également bienchangé. Champion de laréconciliation et des grandsidéaux en 2008, Obama et sonéquipe multiplient aujourd’hui

les attaques contre MittRomney et le Parti républicaindans son ensemble.

6. Une famille trop protégéeMentionnez l’une ou l’autre de ses filles et le présidentmontre les dents. A force de trop vouloir protégerson épouse Michelle et sa progéniture Sasha (11 ans)et Malia (14 ans), Obamarenvoie une image agressive etse prive d’un atout de taille– une famille jeune etphotogénique – dans la courseà la Maison-Blanche.(D’après Politico)

Campagne

Six autres handicaps

A la une

“A vendre. Prix demandé : 2,5 milliards de dollars.Comment acheter la Maison-Blanche ?”s’interroge le magazine Time,qui revient sur les changementssurvenus dans le financement des campagnesélectorales.

� “En avant !” Slogan de campagne de Barack Obamapour 2012. Dessin d’Oliver paru dans Der Standard,Vienne.

Page 18: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

18 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

C’est avec ce titre, en françaisdans le texte, que le plusinfluent hebdomadaireéconomique de Sofia a saluéla décision de Paris d’assouplirl’accès des ressortissantsbulgares et roumains au marché du travail.

Kapital (extraits) Sofia

�V ous vous souvenez toujours,n’est-ce pas, de ces images quimontraient des policiers fran-

çais en train de démanteler des campe-ments tsiganes avant de renvoyer leursoccupants chez eux, en Bulgarie et en Rou-manie ? C’était il y a deux ans, à l’été 2010 ;le président français de l’époque, NicolasSarkozy, avait ordonné l’évacuation dedizaines de ghettos illégaux habités essen-tiellement par des Roms originaires deces deux pays.

Ces jours-ci, après l’évacuation par lapolice de quelques-uns de ces campe-ments, le nouveau président, FrançoisHollande, et son Premier mi nistre, Jean-Marc Ayrault, ont voulu prouver aux yeuxde l’opinion publique qu’ils étaient diffé-rents de leurs prédécesseurs. Le gouver-nement français a donc décidé d’assouplirl’accès des ressortissants bulgares et rou-mains au marché du travail en France. Ilsemble même très probable que les res-trictions existantes soient très vite sup-primées, purement et simplement.

Pour un peu, on en viendrait presqueà remercier les Roms d’avoir par leur existence ouvert un marché européen de

France

plus à leurs compatriotes. Mais ce seraitjuste, de façon certes amusante, sous-esti-mer l’importance de la décision française.

Cette mesure ne va certainement pasrégler tous les problèmes : les emploisauxquels peuvent prétendre la plupart desRoms en France leur étaient de toutefaçon déjà accessibles. Mais c’est le prin-cipe qui importe. Premièrement, Parisadmet que le respect des règles du marchéa plus de sens que les restrictions admi-nistratives ; il reconnaît également que,si l’on peut imaginer un jour résoudre leproblème rom, il fau dra en passer parl’intégration et non par la ségrégation.Deuxièmement, les nouveaux dirigeantsfrançais ne manqueront pas d’insister, à

chaque réunion du Conseil européen,pour que soient suivis attentivement lesefforts – ou l’absence d’efforts – déployéspar la Bulgarie, la Roumanie et la Hongriepour intégrer leurs ressortissants roms.Il s’agit d’un critère presque aussi impor-tant, voire plus important, que le respectdes critères de [l’espace de libre circula-tion européen]Schengen. Troisièmement,l’Etat français montre qu’il comptedéfendre les valeurs que la Républiqueincarne. Ce n’est pas rien. Et c’est uneexcellente leçon pour tous les dirigeantseuropéens. La France vient d’apporter lapreuve que le populisme n’est pas la seuleréponse à des causes aussi impopulairesque celle des Roms en Europe. �

Politique

“Vive la France, vive les Roms !”

des Roumains et des Bulgares. Le 22 août, une série de mesures a été annoncée : suppression du permis de travail obligatoire et de la taxe due par les employeurs, élargissement

Contexte. Critiqué pour avoirpoursuivi, tout au long de l’été, la politique d’expulsion dugouvernement Sarkozy, Matignon a décidé d’assouplir les conditionsd’entrée sur le marché du travail

“D’anciens militants socialistes se sontpincés pour y croire, raconte Le Tempsde Genève. Le week-end des 25 et26 août, à l’université du PS, le discoursenflammé de Manuel Valls sur lapolitique de sécurité, le rétablissementde ‘l’ordre républicain’ en France etl’évacuation des camps de Roms a étél’un des plus ovationnés.” Le 27 août, le ministre de l’Intérieur a suivi sur salancée : invité à Europe 1, il a justifiél’expulsion de Roms intervenue à l’aube,dans son fief d’Evry, par “des conditionsde vie insupportables”, et il a annoncéson intention de se rendre à la mi-septembre en Roumanie et en Bulgarie,afin de “comprendre pourquoi despolitiques d’insertion puissantes ne sontpas menées dans ces pays pour intégrerles populations roms”. La décision de Paris d’assouplir les conditionsd’entrée sur le marché du travail pour les Bulgares et les Roumains a été plutôtbien accueillie en Roumanie. Cité par le quotidien România Libera,Titus Corlatean, le ministre des Affairesétrangères, y voit un signal “très positif” :“S’il est vrai que des solutions pourintégrer les Roms doivent être trouvéesau plan national, elles doivent aussis’inscrire dans un contexte européen,avec le soutien de Bruxelles.”

Rentrée

Manuel Valls en voyage

� Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Suisse.

Médias

Un ramadan un peu trop angéliqueA trop vouloir embellir la réalité,on la trahit. Ce quotidienpanarabe dénonce la façon dont les journalistes ont couvertle mois saint des musulmans.

Al-Hayat Londres

�L es musulmans de France n’ontplus besoin de se tourner versdes médias arabes pour

connaître les dates du mois de ramadan oude la fête du sacrifice [Aïd-el-Kébir ou Aïd-el-Adha]. Les médias français remplissentdésormais largement cette mission. Depuisquelques années, en effet, radios et télé- visions se mobilisent à chaque début dumois de jeûne, précisant qu’il dure du leverau coucher du soleil, qu’il est le mois des

rassemblements familiaux, du pardon, etbien sûr aussi des tables croulant sous lesvictuailles. Ils n’oublient pas non plusd’agrémenter leurs journaux d’une minuteet demie de reportage chez une famillede Français musulmans, présentant saculture et ses valeurs, insistant sur la notionde “solidarité” entre les individus au coursde ce mois. Puis, à la fin du ramadan, c’estla fête de la rupture du jeûne, “la fête la plusimportante de l’islam”. On montre alorscomment cela se passe, de Marseille à labanlieue parisienne. Certains médias agré-mentent ces exposés d’une enquête dansun pays musulman.

A l’instar du discours officiel qui a coursà Paris, les médias font ainsi preuve d’unevolonté de plus en plus évidente de donnerune image respectable des musulmans.Cela obéit au désir de rapprocher les

cultures qui cohabitent en France et defaire connaître “l’autre”, quitte à verserdans les simplifications, à rester à la sur-face des choses et à laisser de côté les ques-tions essentielles. Mais cette vision necorrespond pas à celle qui est le plus lar-gement partagée, et qui traite les musul-mans avec un mélange d’indifférence, demé fiance et d’hostilité.

Afin de rendre l’islam acceptable à l’opi-nion française, les médias posent uneflopée de questions. Pourquoi les Français[non musulmans], et plus généralementles Occidentaux, sont-ils de plus en plushostiles aux musulmans ? Pourquoi cer-tains Français en ont-ils assez de cette foca-lisation sur des fêtes qu’ils considèrentcomme une manifestation religieuse [dansun pays laïc] ? Suffit-il vraiment de mon-trer l’aspect folklorique des choses, avec

thé à la menthe, gâteaux (au miel) maisonet plats caloriques pour améliorer l’imagesérieusement écornée de l’islam ?

Les médias sont souvent accusés derefléter le point de vue de certaines caté-gories de la population vivant dans lesgrandes villes sans exprimer l’inquiétudequi taraude les habitants des banlieues etde la province. Le fait de taire ce que beau-coup de gens pensent tout bas répond peut-être au souci de préserver la paix civile,mais en réalité cela ne fait qu’alimenterl’idée qu’il y aurait des choses qu’on n’a pasle droit de dire. Or le rôle des médias estde refléter le réel, surtout quand celaconcerne un point sensible. Il y a mani-festement contradiction entre la réalité etle désir des médias de donner une imagepositive des musulmans. Nada Al-Azhari

de la liste des métiers accessibles.Les quelque 15 000 Roms présentssur le sol français, originaires en majorité de Roumanie et de Bulgarie, devraient logiquementprofiter de ces mesures.

Page 19: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Les SDF venus de Pologne sontde plus en plus nombreux dansla capitale. Rongés par l’alcool,ils n’ont souvent plus que laforce de survivre. Reportage.

Gazeta Wyborcza (extraits)Varsovie

�S i un jour vous vous trouvez àParis et que vous avez le ventrevide, n’importe quel SDF polo-

nais saura vous indiquer, moyennant2 euros, les portes vertes de l’Œuvre desaint Casimir, une maison d’accueil franco-polonaise située rue du Chevaleret, dansle XIIIe arrondissement de Paris. Sur place,les sœurs de saint Vincent de Paul vousaccueilleront et vous nourriront gratuite-ment. Dans leur belle maison donnant surun grand jardin, elles hébergent une dizainede personnes âgées, des Français. Mais, sivous arrivez sur le coup de midi, vous lestrouverez débordées : c’est l’heure où lesPolonais qui vivent dans la rue ont faim. Ala porte, on sonne sans arrêt. Une sœurâgée se dépêche d’aller ouvrir. “Y a-t-ilquelque chose à manger ?” demande un jeuneen tee-shirt blanc.

“Nous ne leur rendons pas service, déplorela sœur Weronika. Parce qu’ils sont sûrs dese remplir le ventre, ils boivent tout leur soûl lereste de la journée au lieu de chercher du tra-vail. Et ils dépendent encore plus de nous, c’estun cercle infernal.” Les sœurs ne perçoiventaucune subvention. “Nous nous privons pourpartager notre nourriture avec ces SDF. Maisd’année en année leur nombre augmente”,poursuit la religieuse. Chaque jour, ils sontentre 15 et 30 à venir chercher leur repas.

En France depuis trente ans, la sœurWeronika ne cache pas son indignation. “Jesuis fâchée contre la Pologne. Ces gens de -vraient travailler là-bas, et non mendier ici.C’est une honte pour notre pays.” Elle hochela tête avec dégoût et s’éloigne pour ouvrirà un autre nécessiteux, un de plus.

“Une honte pour la Pologne”Pour les Polonais qui viennent frapper à laporte de l’Œuvre de saint Casimir, le scé-nario est souvent le même. Ils sont venustravailler en France ou en Allemagne. Ilsont rapidement quitté leur emploi, soitparce que leur chef était trop exigeant(interdiction de boire pendant le travail),soit parce que leur salaire n’était pas à lahauteur (8 euros de l’heure au lieu des 10promis). Pour bon nombre d’entre eux, cemotif suffisait pour abandonner le travail.Mais, si aujourd’hui ils restent à Paris, c’estqu’ils sont souvent recherchés par la policepolonaise. “J’ai tabassé un voisin qui collaittrop ma femme pendant mon absence”, révèleMichal, rencontré à la gare du Nord. A enentendre certains, tout vaut mieux queretourner en Pologne se tuer au travail dans

en Allemagne : une vinasse peu chère, lapossibilité de manger gratis et, avec unzeste de débrouille, celle de percevoir uneaide sociale.

Robert Marcinkowski, 43 ans, originairede Torun, en Poméranie, vit dans la ruedepuis sept ans. Nous le rencontrons prèsde Châtelet, une des plus grandes stationsde métro de Paris. Cheveux en bataille,barbe rousse, ses copains le surnommentRobocop, à cause de sa démarche raide – unproblème aux jambes. Pour tout bien, ilpossède un sac de couchage et un chariotde supermarché, sur lequel il s’appuie pourmarcher.

Après le bac, en Pologne, il a travaillédans une centrale thermique. “Le boulotétait bien payé, mais il ne m’intéressait pas. Laroutine, très peu pour moi. Au bout de deuxsemaines, j’ai commencé à présenter de fauxarrêts de maladie”, raconte-t-il. Après sonlicenciement, sa famille a insisté pour qu’ilne reste pas au pays sans rien faire. Il estdonc parti en Grèce. “J’ai fait la récolte desolives, j’ai travaillé dans une cimenterie”, sesouvient-il. La bonne passe a duré jusqu’en2002, date de l’adhésion de la Grèce à lazone euro. “Du coup, plus rien n’était ren-table. La vie est devenue plus chère.”

De retour en Pologne, il a voulu utili-ser ses économies pour commencer unenouvelle vie. Mais il n’en a rien fait, buvantavec ses copains tout l’argent mis de côté.“On m’a conseillé d’aller en Hongrie ou en

Société

Sous les ponts de Paris, ça parle polonais

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 19

� Dessin d’Umberto Mischi, Italie.

Lisez le meilleur de la presseeuropéenne en dix langues.

et participez à la conversationgrâce à la traduction

automatique des commentaires.

www.presseurop.eu

POLITIQUE, SOCIÉTÉ, DÉBATS

un emploi salarié. Pour manger, il y en aqui négocient. Tadeusz, par exemple, atrouvé un arrangement avec un épicieralgérien qui lui cède des produits périmés.“En échange, je l’aide à chasser les SDF fran-çais qui traînent aux alentours du magasin,explique-t-il. Et si un Polonais veut boiredevant la porte, je lui botte le cul. Il ne faut pasfaire peur à la clientèle ! Je les ai à l’œil, tousces nouveaux arrivés sans le sou qui volent àl’étalage. Je leur fais une clé de bras et les forceà rendre la marchandise. Et l’Algérien me fileun bonus.”

Tadeusz a de plus en plus à fairedevant l’étal de l’épicerie. Il y a deux ans,les SDF polonais étaient environ 5 000 àParis. Aujourd’hui, ils seraient 7 000, à encroire les associations. Dans deux ans, leurnom bre pourrait atteindre les 10 000.Depuis l’ouverture du marché du travailallemand aux Polonais, en mai 2011, ilssont de plus en plus nombreux à venir àParis après un détour par Berlin. Ils trou-vent en France ce qu’ils ne trouvaient pas

“Et si un Polonais veutboire devant le magasin,je lui botte le cul. Il nefaut pas faire peur à la clientèle ! Je les ai àl’œil, tous les nouveaux”

France. J’ai choisi la France, car parler le fran-çais n’était pas nécessaire pour se débrouiller.”Arrivé sur place, il a choisi la facilité : il s’estimmédiatement installé dans la rue. “Pouracheter mon vin, je n’ai pas besoin de beau-coup d’argent. Je n’ai pas cherché à travailler,j’ai appris à mendier, et j’ai récolté jusqu’à50 euros par jour. Puis, rapidement, j’ai étélas d’accoster les touristes. Aujourd’hui, je mecontente de 10 euros. De quoi acheter quelquesbouteilles. Pourquoi me fatiguer ?”

Peu d’espoir de s’en sortirLa vie des SDF polonais se concentreautour de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, rue Saint-Honoré. Une bâ -tisse imposante avec de grands escaliers,où plusieurs associations tiennent unepermanence à l’intention des sans-abri.Pomost-Passerelle, Parabole, Concord…elles sont toutes représentées.

“Il n’y a pas si longtemps, les employeursvenaient en camionnette, annonçaient unsalaire et embarquaient les Polonais pour untravail. Quelque chose a changé, ils ne vien-nent plus très souvent. Peut-être parce que peude Polonais étaient disposés à faire le travailqu’ils demandaient ?” s’interroge Pawel Osi-kowski, rédacteur en chef de Glos Katolicki[“La Voix catholique”]. Le journal, quiparaît depuis 1959, publie quelques offresd’emploi. Mais il faut débourser 1,55 euro,c’est pourquoi peu de SDF l’achètent.

Parabole s’occupe de réinsertion. “Noustâchons d’aider ces SDF à se reconstruire, cequi n’est pas évident car ils n’ont plus envie derien. Une adresse de cantine gratuite leursuffit”, explique Jadwiga Juchniewicz, quidirige l’association. Elle en connaît qui ontréussi à s’en sortir. Mais pour y parvenir ilfaut le vouloir .

Pomost-Passerelle, financée par leconsulat polonais à Paris, a elle aussi sonbureau dans l’église. De toutes les asso-ciations, c’est elle qui fait le meilleur tra-vail. Elle va à la rencontre des clochardsdans la rue. Elle fait tout pour les con -vaincre de rentrer au pays. Elle les nour-rit, les soigne, les recense. “D’une année àl’autre, nous avons toujours plus de travail,toujours plus de personnes à prendre encharge”, soupire Maria Warunek, res- ponsable de Pomost-Passerelle.Jacek Kowalskiet Marta Leszczynska

Page 20: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

20 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Le gouvernement britanniqueveut favoriser l’implantation de filiales de ses hôpitaux enAsie ou dans les pays du Golfe. Il compte ainsi renflouer les caisses du National HealthService.

The Independent (extraits) Londres

�L e gouvernement souhaite quequelques-uns des meilleurshôpitaux du pays exportent la

“mar que NHS” [National Health Service,service national de santé] dans le monde.Ces établissements créeront donc desfiliales à l’étranger qui leur permettrontd’augmenter leurs revenus. Dans le cadred’un ambitieux projet qui sera lancé àl’automne, une sorte de “service de ren-con tres”, composé de fonctionnaires duministère de la Santé et de membres de UKTrade and Investment (agence officielle depromotion du commerce et des investis-sements au Royaume-Uni), sera chargé demettre en rapport les hôpitaux qui sou-haitent se développer à l’étranger et lesEtats intéressés par les services médicauxbritanniques.

La mesure devrait permettre à desinstitutions réputées comme GreatOrmond Street, Royal Marsden et Guy’sand St Thomas’ de s’implanter aux quatrecoins du monde. Ces hôpitaux publics auto-nomes seraient tenus de rapatrier auRoyaume-Uni tous les bénéfices réalisés àl’étranger. Les contrées de la planète lesplus propices à la réussite du projet com-

Europe

prennent le golfe Persique, où la qualitédes marques médicales britanniques estreconnue, ainsi que la Chine, le Brésil, laLibye et l’Inde. L’hôpital londonien Moor-fields Eye a d’ores et déjà établi une têtede pont à Dubaï, tandis qu’Imperial gèredeux centres prospères spécialisés dans letraitement du diabète à Abou Dhabi.

Mais, dans le secteur de la santé, d’au-cuns estiment qu’en ces temps de sévèresrestrictions financières les hôpitaux publicsne devraient pas se laisser distraire deleur tâche au Royaume-Uni par la re cher -che d’investissements à l’étranger aussi

complexes que risqués. “Le NHS devraitavant tout s’assurer que les soins apportés auxpatients et leur issue priment sur les profits”,soutient Katherine Murphy, directrice dela Patients Association. “Alors que le sys-tème de santé subit de profonds bouleverse-ments, que les délais d’attente pour unrendez-vous ne cessent de s’allonger et que leshôpitaux se voient demander de faire 20 mil-liards de livres d’économies, on va encore sedisperser dangereusement avec ce projet. Lapriorité pour l’Etat, l’hôpital public et les méde-cins, ce sont les patients du NHS.” Le projetest né de la conviction qu’à l’avenir les

habitants du golfe Persique et les richescitoyens des pays en développement pré-féreront se faire soigner sur place plutôtqu’à l’étranger. De crainte de perdre lesprécieux revenus procurés par ces patientsprivés, les hôpitaux ont décidé d’agir avantque d’autres groupes privés n’entrent enscène pour combler le vide.

Londres est déjà un centre mondiale-ment reconnu pour la qualité de son ensei-gnement médical. Il est à espérer que lerecrutement, pour le nouveau projet, desmédecins formés au Royaume-Uni nedétourne pas des ressources nécessairesau pays. Des responsables des servicesambulanciers britanniques se sont rendusré cem ment en Libye pour conseiller lesautorités sur les urgences médicales. Lesresponsables commerciaux voient deschances de décrocher des contrats de ges-tion ou de conseil sur tous les aspects de lasanté en Libye, notamment la possibilitépour les hôpitaux britanniques de recons-truire le système de soins secondaires.

“C’est une bonne chose pour les patientsdu NHS”, assure Anne Milton, la sous-secré-taire d’Etat chargée de la Santé publique,“qui bénéficieront de meilleurs services dansleur hôpital local grâce au travail effectué parle NHS à l’étranger et aux investissements sup-plémentaires que cela entraînera.”

L’hôpital Moorfields Eye se félicite poursa part du succès de ses activités dans lesEmirats arabes unis, assure Chris Canning,le directeur médical qui en a la charge.“Nous réalisons maintenant un chiffre d’af-faires de 5 millions de livres par an, pour envi-ron 500 000 livres de bénéfices, qui vont à nosactivités au Royaume-Uni”, se réjouit-il.Oliver Wright

Royaume-Uni

Londres se refait une santé à l’étranger

L’Inde possède un réseaud’hôpitaux privés florissant et de nombreux Britanniques se rendent dans le pays pour y être opérés. Le NHS compte nouer des partenariats avec ces hôpitaux

Stratégie Déjà présent en Libye, oùles infrastructures médicales ont été détruites pendant la guerre, et en Arabie Saoudite, le NHSsouhaite également exporter sa marque en Inde et en Chine.

Hongrie

Les Libyens adeptes du tourisme médicalAlléchés par d’importantsprofits, les établissements de santé hongrois accueillentvolontiers les patients venus de Libye. Mais la prise en chargedes frais médicaux est souventobjet de litige.

Origo (extraits) Budapest

�S ur le bureau de Mohamed AliBoud, à Budapest, s’amoncellentdocuments en langue arabe et

copies de passeports libyens, tandis que dejeunes hommes défilent avec des comptesrendus médicaux. C’est ici, au bureau del’Association de l’amitié hungaro-libyenne,que sont traités les dossiers d’hospitalisa-tion des insurgés. Hospitalisations qui

apportent la guérison aux combattantsblessés et des pétrodollars à la Hongrie.

Mohamed Boud, fonctionnaire libyenqui a émigré en Hongrie il y a près de trenteans, est content des résultats du projet.“Les hôpitaux hongrois travaillent bien, tousnos malades sont satisfaits, dit-il dans un hon-grois parfait. En plus, les soins coûtent moinscher ici qu’en Allemagne, en Italie ou ailleurs.”

Pour la Libye, extraordinairement richegrâce à son pétrole, où le régime de Muam-mar Kadhafi a été renversé dans des luttessanglantes, la tâche la plus importantemaintenant est d’apporter des soins auxinsurgés blessés. Si l’Etat libyen fait soi-gner la majorité des blessés à l’étranger,c’est parce que ses infrastructures sani-taires sont gravement endommagées etque les grands blessés ne peuvent pas êtresoignés sur place. Depuis décembre 2011,

des milliers de blessés se sont envolés versles pays arabes, européens et d’outre-Atlantique, qui, considérant la bourse biengarnie du gouvernement libyen, ontaccueilli ces malades avec joie. En rejoi-gnant les rangs de ces pays en avril dernier,la Hongrie espérait encaisser d’énormesprofits. Selon nos informations, l’affairecomportait tout de même des écueils.

Les 10 premiers blessés ont été soignésà l’hôpital des Armées aux frais de l’Etathongrois. János Martonyi, le ministredes Affaires étrangères, avait offert cetteaide fin 2011 afin d’établir de bonnes rela-tions avec le nouveau régime. Le minis-tère de la Défense dit avoir déboursé10 millions de forints [35 000 euros] pources soins gratuits.

Si le gouvernement reste muet sur lesprofits que pourrait générer la venue de

ces blessés, des diplomates libyens nousont précisé que leur pays avait réservéentre 1 et 1,5 milliard de dollars pour lessoins de leurs blessés à l’étranger et qu’ilssouhaitaient en envoyer beaucoup en Hon-grie. Les exemples des autres pays prou-vent que l’affaire peut être lucrative.D’après le magazine Der Spiegel, l’Alle-magne a accueilli 600 blessés et a perçu60 millions de dollars de l’Etat libyen.

Un fonctionnaire jordanien a déclaréà l’Agence France-Presse que la Tunisie,la Turquie, l’Italie et la Grèce avaientsoigné au total 50 000 blessés pour 1,4 mil-liard de dollars et que c’était la Jordanie,dotée d’un système sanitaire très déve-loppé, qui en avait accueilli le plus : 55 000en six mois.

En Hongrie cependant – malgré l’en-thousiasme du président de l’Association

� Dessin de Tiounine paru dans Kommersant, Moscou.

pour profiter d’un marché très lucratif. Les Britanniques ont aussi l’intention de proposer leur expertise à la Chine, dont le gouvernement veut moderniserles centres de chirurgie générale.

Page 21: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

de l’amitié hungaro-libyenne –, le businessdes blessés n’a pas explosé. Après les10 patients soignés gratuitement, seule-ment 68 sont arrivés jusqu’à la période duramadan [qui a pris fin le 19 août]. D’aprèsMohamed Boud, d’autres devraient venir,mais seulement par groupes de 20 à 30. Ilpréfère “y aller doucement” et ne pas perdrele contrôle des opérations, pour éviter lechaos qu’ont connu d’autres pays. Car,comme la Libye s’est investie avec beau-coup d’argent mais peu d’organisation,patients et services de santé ont essayé detirer profit du désordre.

Selon le ministère de la Santé libyen,beaucoup voudraient se faire rembourserdes soins alors qu’ils ne se sont pas rendusà l’étranger dans le cadre organisé parl’Etat et qu’ils ne se sont pas battus contreKadhafi. D’après les rumeurs, certains ontessayé de faire financer par l’Etat libyendes actes de chirurgie esthétique, desfécondations in vitro et d’autres inter-ventions qui ne peuvent être liées auxcombats. Et pourtant, dans l’espoir d’im-portants profits, les hôpitaux étrangersn’ont pas hésité à pratiquer ces actes.

L’Etat libyen doit régler non seulement lessoins hospitaliers, mais aussi les notesd’hôtel, puisqu’il a promis de réglerces frais annexes et même d’allouer del’argent de poche à ses ressortissants[60 euros par mois, selon Der Spiegel]. Rienqu’en Jordanie, ces dettes s’élèvent à200 millions de dollars.

Quel profit tirent les hôpitaux hon-grois des patients libyens ? Ni MohamedBoud ni les responsables hospitaliers neveulent le dire. A l’hôpital Péterfy, onévoque le secret commercial ; quant auxLibyens, ils disent ne pas connaître lechiffre exact. Selon nos informations, l’hô-pital Uzsoki a encaissé 13  millions deforints [44 000 euros]. Au Péterfy, quiaccueille nettement plus de Libyens, lebénéfice doit être supérieur. En tout cas,plusieurs responsables hospitaliers nousont confirmé que l’accord prévoyait untarif plus élevé pour les malades libyensque pour les malades hongrois. Mais, vuson faible volume d’activité, ce projet n’estpas une affaire rentable. “Je peux vous direque nous n’allons pas nous enrichir avec ça”,affirme un responsable.

Les soins prodigués aux blessés peu-vent cependant, à long terme, rapportergros à la Hongrie. Le secrétaire d’Etat auxAffaires étrangères, Zsolt Németh, a notéen avril que l’aide médicale à la Libyereprésentait “une ouverture”, qui pouvaitêtre suivie de coopérations économiques,pédagogiques et politiques. MohamedBoud le confirme : “La Libye n’oubliera pasceux qui l’ont aidée en ces temps difficiles. Lemoment venu, la Hongrie recevra sûrementune part du gâteau.” Péter Visnovitz

“Le moment venu,la Hongrie recevra une part du gâteau”

Page 22: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

22 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Marinaleda est une ville sans chômage et aux loyersmodiques. Alors que la politiqued’austérité bat son plein en Espagne, le maire, Juan Manuel Sánchez Gordillo, a pris la tête d’un mouvementde résistance populaire.

Público (extraits) Madrid

�J uan Manuel Sánchez Gordillo afait la une des journaux ces der-niers jours pour avoir mené une

“expropriation forcée” de produits ali-mentaires dans plusieurs supermarchés,avec ses camarades du Syndicat andaloudes travailleurs (SAT), afin de les distri-buer aux plus défavorisés. C’est dire sicet homme est un dirigeant singulier ausein de la classe politique espagnole. Anti- conformiste, il a été critiqué pour ses der-nières actions, y compris dans les rangs dela coalition Gauche unie [IU, l’équivalentdu Front de gauche français] dont son orga-nisation, le Collectif unitaire des travail -leurs-Bloc andalou de gauche, fait partie.

Sánchez Gordillo est un dirigeanthistorique du Syndicat des ouvriers agri-coles (SOC), colonne vertébrale de l’ac-tuel SAT. Depuis 1979, il est maire deMarinaleda, une petite localité [de près de3 000 habitants] de la région de Séville.Là, grâce à la participation et au soutiendes habitants, il a lancé une expériencepolitique et économique originale qui afait de ce village une sorte d’îlot socialistedans la campagne andalouse.

Avec la crise économique, Marinaledaa eu l’occasion de prouver l’efficacité et laviabilité de son utopie sur 25 kilomètrescarrés face au marché. Son actuel taux dechômage est de 0 % [il est de 33,92 % enAndalousie]. Une bonne partie des habi-tants sont employés par la coopérativeHumar-Marinaleda, créée par les ouvriersagricoles eux-mêmes après des années delutte. Les paysans ont maintes fois occupéles terres de l’exploitation agricole Humoso,où se trouve aujourd’hui la coopérative, etchaque fois ils étaient dispersés par la Guar-dia civil [la gendarmerie espagnole]. “Laterre est à ceux qui la travaillent”, clamaient-ils. En 1992, ils ont fini par obtenir gain decause : ils sont désormais propriétaires del’exploitation. Sur leur site web, ils préci-sent que leur objectif “n’est pas de faire desbénéfices, mais de créer des emplois par la ventede produits agricoles sains et de qualité”.

Ils produisent des fèves, des artichauts,des poivrons et de l’huile d’olive. Les tra-vailleurs eux-mêmes contrôlent toutes lesphases de la production. L’exploitationcomprend une conserverie, un moulin àhuile, des serres, des équipements d’éle-vage, un magasin. Quel que soit leur poste,les travailleurs reçoivent tous un salaire de

Europe

47 euros par jour et travaillent six jours parsemaine, soit 1 128 euros par mois pourtrente-cinq heures par semaine [le salaireminimal est de 641 euros]. En pleine saison,la coopérative emploie environ 400 per-sonnes et, hors saison, ils sont une cen-taine à travailler. Mais les postes ne sontpas attribués définitivement à tel ou telhabitant : un roulement permet à chacunde s’assurer un revenu. “Travailler moinspour que tous aient du travail”, tel est leprincipe. Par ailleurs, certains cultivent depetites parcelles dont ils sont propriétaires.Le reste de la vie économique est constituépar des boutiques, des services de base etdes activités sportives.

Des loyers à 15 eurosTous les habitants du village touchent pra-tiquement autant que les travailleurs de lacoopérative. Il y a un mois, Gordillo évo-quait les répercussions de la crise sur Mari-naleda. “Elle se fait un peu sentir dans les prixdes produits agricoles, dans le financement.Nous avons des problèmes de trésorerie, maisnous vendons bien les produits. D’une façongénérale, la crise a été moins sensible dansl’agriculture et l’alimentation, souligne-t-il.Ce qui se passe, c’est que les gens qui ont quittéla campagne pour travailler dans le bâtimentreviennent et cherchent du travail. Résultat,il faut non seulement maintenir l’emploi exis-tant, mais le développer, tout en sachant quel’agriculture biologique crée plus d’emplois quel’agriculture traditionnelle. Pour sauver l’agri-culture de la crise et de l’enchérissement desmoyens de production, nous essayons un com-merce horizontal, avec un dialogue de coopé-rative à coopérative, et nous établissons desrelations avec d’autres pays où il existe desexpériences de ce type.”

Pendant les dernières décennies, dansune Espagne en proie au “boom de l’im-mobilier”, la spéculation s’est emparée dubâtiment. Marinaleda a décidé d’aller réso-lument à contre-courant. Il est possible d’ylouer une maison en bon état de 90 mètrescarrés, avec terrasse, pour 15 euros parmois. Seule condition : chacun doit parti-ciper à la construction de son logement,suivant la philosophie horizontale qui pré-side à toutes les activités de Marinaleda.La municipalité a obtenu des lotissementsen alternant achats et expropriations. Ainsi,elle propose des terrains et fournit le maté-riel nécessaire à la construction du loge-ment. Celle-ci est confiée aux habitantseux-mêmes, à moins que ces derniers nerémunèrent quelqu’un pour faire le travailà leur place. Par ailleurs, la mairie emploiedes maçons professionnels pour qu’ils

conseillent les habitants et réalisent lestravaux les plus compliqués. Dernier point,les futurs locataires ne savent pas d’avancequel logement va leur être attribué, ce quifavorise l’entraide.

Démocratie participative“Quand on travaille à construire une maison,on est payé 800 euros par mois”, note JuanJosé Sancho, un habitant de Marinaleda.“La moitié du salaire est mise de côté pour payerle logement.” Du haut de ses 21 ans, ce jeunehomme fait déjà partie du “groupe d’ac-tion” de la municipalité, dont la mission,via l’assemblée, est de gérer les affaires cou-rantes. Selon lui, “cette mesure a été prise pourqu’on ne puisse pas spéculer sur l’immobilier”.

Autrefois, une grande partie desouvriers agricoles savaient à peine écrire.Ils disposent aujourd’hui d’une maternelle,d’une école primaire et d’un établissementqui va jusqu’en seconde. La cantine necoûte que 15 euros par mois. Toutefois, auxdires de Sancho, “le taux d’échec scolaire estun peu élevé. Les gens ont un logement et untravail assurés, si bien que beaucoup ne voientpas l’intérêt de faire des études. C’est l’un despoints à améliorer.”

L’engagement citoyen et la consciencepolitique des habitants de Marinaledadépassent ceux de n’importe quel autre vil-lage de la région. “C’est aussi quelque chosede très présent parmi les jeunes, assureSancho. Mais nous ne sommes tout de mêmepas aussi engagés que nos parents à leurépoque. Eux, ils ont tout donné pour conqué-rir ce que nous avons.”

A Marinaleda, il n’y a pas de police, etles décisions politiques et budgétaires sontprises par une assemblée à laquelle tousles habitants sont appelés à participer. �

Espagne

Une utopie devenue réalité en Andalousie

Contexte Après la forte mobilisationdes travailleurs des mines decharbon ces derniers mois – toujoursen lutte contre la réduction de 63 %des aides publiques –, c’est au tourdes ouvriers agricoles andalous de dénoncer la politique économique

du gouvernement et les mesuresd’austérité. Menés par Juan ManuelSánchez Gordillo (protégé par l’immunité parlementaire), ils sont passés à l’offensive débutaoût en procédant de manière non violente à des réquisitions dans

� Dessin de Martirena, Cuba.

Revendications

Le Syndicat des travailleurs andalous,soutenu par un collectif composé d’autressyndicats, de partis, d’associations,d’intellectuels et d’artistes, réclame entreautres les mesures suivantes : non-paiementde la dette ; refus de la socialisation des pertes du secteur privé ; interdiction des expulsions et des licenciements ;nationalisation des secteurs stratégiquespour une meilleure répartition des richesses ; 35 heures de travailhebdomadaires et retraite à 60 ans pour une meilleure répartition du travail ; planspublics d’emploi garantissant au minimum 2 mois de travail à tous les chômeurs ;revenu minimum pour les chômeurs en finde droits ; cession des terres publiques à des coopératives ouvrières ; facilitésd’accès à des prêts à taux bas pour les petites entreprises.

des supermarchés, en campant sur des terres agricoles appartenantau ministère de la Défense et en occupant brièvement des banques. Le 16 août, ils ontentamé une marche de seize joursjusqu’à Séville.

Page 23: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Dans une centaine de villesallemandes, il existedepuis 2000 un dispositifanonyme pour abandonner un enfant sans risque. Une nouvelle loi doit en préciserle cadre juridique.

Der Spiegel (extraits) Hambourg

�L a “boîte à bébés” sauve des vies,disent les uns. Elle ne fait quecréer des orphelins, disent les

autres. Depuis la mi-mars, la ville d’Erbach,dans la Hesse, a elle aussi sa boîte à bébés.Le support du couffin a été fait sur mesure,une alarme et un chauffage sont là pourassurer la survie de l’enfant. Sur le plantechnique, tout a été prévu pour qu’unemère ou un père de la région de l’Odenwaldpuisse donner son nouveau-né anonyme-ment. Et pourtant, jusqu’à présent, la boîteà bébés est restée fermée, le chauffage éteint.Le dispositif entrera-t-il un jour en fonc-tion ? La réponse reste incertaine. “Nous nesavons pas quoi faire”, explique la directriceadjointe de la clinique d’Erbach, ChristianeKarnovsky, 53 ans. “Nous ne savons même plussi de tels dispositifs sont légaux.”

Cette question préoccupe de nom-breuses personnes, et pas seulement dansla Hesse. Aujourd’hui, il existerait en Alle-magne entre 80 et 90 boîtes à bébés – per-sonne n’en connaît le nombre exact. Ellessoulèvent des questions d’ordre juridique,mais avant tout éthique. Faut-il mettre ensourdine le droit d’un enfant à avoir accèsà ses origines pour, peut-être, sauver unevie ? Quid des droits du père lorsqu’unemère donne leur enfant sans l’en avertir ?Ces boîtes à bébés incitent-elles desfemmes à abandonner “simplement” leurenfant ? Favorisent-elles certains types decriminalité, comme le trafic d’enfants ?

Depuis que la première boîte a été ins-tallée, il y a douze ans, elles sont gérées enl’absence de tout cadre légal. Pour certainsexperts, la procédure à suivre ensuite avecles enfants déposés est tout aussi obscure.

Dans une étude, l’Institut allemandpour la jeunesse (Deutsches Jugendinsti-tut) invite le gouvernement à élaborerenfin un cadre juridique clair. Ses conclu-sions ont été largement discutées au prin-temps et, peu après, la clinique d’Erbach arenoncé à son projet.

“Naissance confidentielle”Kristina Schröder (CDU), ministre chrétienne-démocrate de la Famille, a elleaussi conscience du problème : oui, il existeune “zone d’ombre juridique”, a-t-ellere connu au printemps. Les experts de sonministère planchent déjà sur un projetde loi qu’elle souhaite présenter d’ici àl’automne. Point clé du texte, le nouveauprincipe de “naissance confidentielle” doit

permettre à toutes les femmes enceintesqui le souhaitent de mettre au monde leurenfant sans décliner leur identité, puis dele donner en vue d’une adoption.

L’identité de la mère doit être conser-vée dans un endroit neutre, par exempleune structure de conseil, sous pli scellé, etmise à la disposition de l’enfant à ses 16 ans.Les psychologues estiment qu’il est impor-tant pour les enfants de pouvoir un jourprendre contact avec leur mère. Il existeailleurs des dispositifs similaires. La loi deKristina Schröder devrait apporter unesécurité juridique aux intervenants, auxmères et aux enfants.

La ministre se félicite d’avoir trouvé“une législation équilibrée”, qui “respecte lavolonté des mères souhaitant garder l’anony-mat et le droit des enfants à connaître leurpropre identité”. Et les boîtes à bébés ? “L’ob-jectif est que les femmes utilisent à leur placele dispositif de naissance confidentielle. Lesboîtes à bébés doivent devenir superflues”,explique-t-elle. En attendant, elle ne pré-cise pas concrètement le mode de gestiondes boîtes existantes. Une chose est cer-taine, c’est que dans leur publicité lesgérants de ces boîtes devront préciser“Danger de mort pour les mères et les enfants” :les futures mères doivent savoir qu’il estmieux d’accepter l’aide de professionnelsplutôt que d’accoucher à la maison ou dansles bois pour ensuite déposer son nourris-son dans une boîte à bébés.

De nouvelles affaires attisent sans cessele débat. Début juillet, un bébé d’à peinequelques heures a été déposé devant unposte de police en Basse-Saxe. Peu avant,un nouveau-né avait été trouvé dans uneboîte à bébés près de Hambourg, avant quela mère se ravise et demande à récupérerson enfant. De tels drames chargent encoredavantage le débat d’émotion. Les contro-verses ne divisent d’ailleurs pas unique-ment les partis ; elles tiraillent aussi les

institutions et les associations qui gèrentles boîtes à bébés. Comme le Service socialdes femmes catholiques, qui appartient àCaritas (Secours catholique).

Ni questions ni témoinsAu bureau local de l’association de Fulda,Gisela Buhl, sa présidente, est pour lesboîtes à bébés. Cette femme d’une cin-quantaine d’années parle beaucoup desenfants et de leur vie après l’abandon. Cesonze dernières années, 13 nouveau-nés ontété trouvés dans les berceaux des trois dis-positifs de l’évêché gérés par l’association.Gisela Buhl souhaite même voir davantagede boîtes à bébés – au moins une danschaque grande ville d’Allemagne. Devantelle, un album avec des photos de bébés,d’enfants en bas âge et d’écoliers qui jouentavec leurs parents adoptifs. “Je ne sais passi ces garçons et ces filles seraient encore en vieet ce qu’ils seraient devenus sans ces boîtes àbébés, s’interroge-t-elle. Mais je sais que grâceà elles, maintenant, ils vivent bien.”

A 70 kilomètres de Fulda, dans un autrebureau de Caritas, on entend un son decloche différent. Yvonne Fritz, 46  ans,dirige une entreprise à Giessen. Elle nousparle d’histoires bouleversantes de femmesenceintes dont le compagnon, violent, neveut pas d’enfant, de femmes toxicomanes,qui n’arrivent déjà pas à gérer leur proprevie. “On n’aidera ces femmes que si on peutleur parler, estime-t-elle, et souvent on n’al’occasion de leur parler que s’il n’y a pas deboîte à bébés. C’est parfois difficile mais, jus-qu’à présent, nous sommes toujours parvenuesà trouver avec ces femmes d’autres issues.”

Les maisons de femmes, les foyersmère-enfant, au besoin une adoption clas-sique, dont la famille de la mère ne saitrien. L’essentiel, toutefois, c’est que l’ac-couchement, anonyme ou non, se passesous contrôle médical. “Autrement, c’estimprudent et pour la mère et pour l’enfant.”

De telles réflexions ont du mal à s’im-poser face au lobby des boîtes à bébés, quifait parfois beaucoup de bruit. “Pas de ques-tions, pas de témoins, pas de policiers”, ainsil’association de Hambourg SterniParkvante-t-elle ses services de conseil et sesboîtes à bébés, avec le soutien de journauxà sensation. SterniPark a installé le pre-mier dispositif de ce genre en Allemagne.Aujourd’hui, elle en possède trois et affirmeavoir “sauvé” 41 enfants.

D’après l’Institut allemand pour la jeu-nesse, en Allemagne, entre l’an 2000 et lemois de mai 2010, 278 enfants auraient ététrouvés dans ces boîtes. Toutefois, tous lesintervenants n’ont pas répondu à l’enquête.Bref, personne ne sait exactement com-bien d’enfants ont été déposés dans lesboîtes à bébés au cours des douze dernièresannées, ni ce qu’ils sont devenus.

Pour le ministère de la Famille, on déci-dera de l’avenir de ces boîtes lorsque lafuture loi sur la naissance confidentielleaura fait ses preuves –  dans quelquesannées. Matthias Bartsch, CatalinaSchröder et Antje Windmann

Allemagne

A quoi bon des “boîtes à bébés” ?

l’ONU a réagi à cette évolution etappelé au respect de la Conventiondes droits de l’enfant. Celui-ci doitnotamment pouvoir savoir qui sontses parents biologiques (article 7).La loi allemande devrait tendre vers cette exigence.

aux idées reçues, relate le quotidienberlinois Die Tageszeitung,“les utilisatrices ne sont pas queprostituées ou droguées. Elles formentune population très hétérogène, par leur âge, leur qualification et leurs revenus.” En juin dernier,

Droits de l’enfant A la fin des années 1990, il n’existaitpratiquement plus de “boîtesà bébés” en Europe. Le dispositif a resurgi en Allemagne en 2000, puis s’est étendu à dix autres paysmembres de l’UE. Contrairement

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 23

Vu d’ailleurs

En direct vendredi à 17 h 10,

et samedi 12 h 10 et 21 h 10,dimanche 14 h 10 et 17 h 10

L’actualité française vue de l’étranger chaque semaine avec

avec Christophe Moulin

� L’une des quatre “boîtes à bébés” de Berlin, sur la façade extérieured’un hôpital du quartier de Neukölln.

GEI

LERT

/CAR

O/S

IPA

Page 24: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

24 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Amériques Un grand propriétaire SelonEl Faro, Miguel Facussé, 85 ans,est un des hommes d’affaires les plus riches du Honduras et d’Amérique centrale. Dans les années 1990, il a racheté

Il y a trois ans, des paysans ont commencé à occuper desterres dans la vallée de l’Aguán.Face aux grands producteursd’huile de palme, qui tentaientde les déloger par la force, ils se sont organisés et armés.

El Faro (extraits) San Salvador

�L a vallée de l’Aguán est unimmense tapis de verdure quis’étend sur les communes de

Tocoa et de Trujillo, sur la côte caraïbe duHonduras. Dans ce paradis agricole coha-bitent des multinationales, comme la Stan-dard Fruit Company, dont les fourgonssillonnent jour et nuit la route panaméri-caine ; de puissants propriétaires terriens,à l’image de Miguel Facussé, qui possèdeplus de 16 000 hectares ; une armée degardes privés pour surveiller la route et lesexploitations, et plus de 3 000 paysanspauvres et sans terre.

En mai 2009, au cours d’une révoltepacifique et inattendue, un millier de pay-sans ont occupé l’usine El Chile, l’un dessites de traitement de l’huile de palmeafricaine du groupe Dinant, la plus célèbreentreprise de Miguel Facussé. Cette occu-pation a entraîné de très lourdes pertespour Dinant car, dans un monde souffrantde plus en plus de la crise énergétique, lesdérivés de la palme africaine génèrentchaque jour des millions de dollars dechiffre d’affaires. L’huile de palme est lequatrième produit le plus exporté au Honduras et le pays est devenu l’un desdix principaux producteurs dans lemonde. Mais au-delà des considérationséconomiques, ce qui s’est produit en 2009revêt une valeur hautement symbolique :pour la deuxième fois en dix ans, les pay-sans de cette région ont exigé que l’onprenne les terres aux riches pour lesdonner aux pauvres.

Ils se sont inspirés de la première occu-pation des terres de l’Aguán, en 2000. Acette époque, la région essayait de seremettre des dégâts provoqués par le pas-sage de l’ouragan Mitch, en 1998 – plus de1  million de sinistrés, 5  000  morts et8 000 disparus. Le Honduras, pays le plustouché par l’ouragan, avait faim et froid.Et d’un peu partout une marée de paysansavait convergé vers la vallée de l’Aguán, cetancien éden de productivité agricole, d’em-ploi, de stabilité, bouleversé depuis dix anspar un système complexe d’opérationsimmobilières et la faillite de coopérativesagricoles escroquées ou soudoyées. Lespaysans étaient bien conscients de cettesituation. Mais ils s’étaient tout de même

Honduras

Sous les palmiers, la révolte des paysans sans terre

Tegucigalpa

GUATEMALA

SALVADOR

HONDURAS

NICARAGUA

BELIZE

250 km

MER DESCARAÏBES

Cour

rier i

nter

natio

nal

Aguán

Trujillo

La Ceiba

TocoaCOLÓN

50 km

Jacquerie aux Caraïbes

Bajo Aguán

mis en route, avec leurs machettes, leursvêtements, leurs animaux de basse-cour etleurs enfants. Ils disaient que si la terreavait appartenu aux paysans, elle devaitrevenir aux paysans. Ils s’installèrent surles terres de l’ancien Centre régional d’en-traînement militaire (CEM), le camp danslequel les Etats-Unis avaient, dans lesannées 1980, initié les armées d’Amériquecentrale aux tactiques de contre-insurrec-tion. Ils s’installèrent avec dans l’idée dene plus s’en aller. Après des mois des négo-ciations, ils acceptèrent de s’établir sur unterrain suffisamment vaste pour qu’y trou-vent place des champs, des bâtiments etmême une troisième génération de colons.

Les paysans arrivés en 2009, regrou-pés au sein du Movimiento unificado cam-pesino del Aguán [Mouvement paysanunifié de l’Aguán] (Muca), inspirés de cesoccupations, ont ajouté une nuance : ils sesont armés. Manuel Zelaya, alors présidentdu Honduras [élu en novembre 2005, il futdéposé par un coup d’Etat le 28 juin 2009],a essayé de réagir et d’apaiser le mouve-ment en acceptant ses revendications, ennégociant des cessions partielles de terreset en promettant de trouver des solutions,mais le coup d’Etat qui l’a renversé a renduimpossible tout accord.

Un mur de sacs de sableLe mouvement s’est développé et organisé.Au premier semestre 2010, 23 exploitationsétaient déjà occupées, dans le cadre d’uneopération qui paralysa la production surplus de 20 000 hectares. Le gouvernementde Porfirio Lobo, élu fin 2009 et entré enfonction le 27 janvier 2010, s’est retrouvéalors face à un phénomène incontrôlable.Les occupations se succédaient. Le nou-veau président eut toutes les peines dumonde à s’interposer entre les paysans etles propriétaires terriens emmenés parMiguel  Facussé, qui possédait 12 des23 exploitations occupées. La médiationest seulement parvenue à convaincre lespaysans de rendre la majorité des terres àleurs propriétaires et de se contenter d’unpeu moins de 4 000 hectares, en échangede promesses de mises en vente, de rééva-luations et d’actions judiciaires qui éta-bliraient s’il était légal qu’un petit groupede propriétaires concentre autant de terresentre leurs mains. Mais les balles ont conti-nué de fuser et les corps de tomber. Plusde 60 personnes ont été assassinées entrois ans. Des paysans pour la plupart. Lesautorités n’ont jamais arrêté personne.Miguel Facussé a déclaré en mai 2012 queles paysans devaient évacuer les 4 000 hec-tares sur lesquels ils s’étaient repliés dansl’attente d’une action convaincante du gouvernement… Ces derniers ont répondu

qu’on ne les expulserait pas vivants de ces terres.

Nous traversons La Confianza, le campde paysans le plus organisé du Bajo Aguán,et nous nous retrouvons nez à nez avec laclôture qui sépare l’exploitation San Isidrodes terres que les partisans du Muca appel-lent dans leur rhétorique révolutionnairele “territoire libéré”. La route se transformeen un T qui fend un océan de palmiers. Agauche, nous explique Vitalino, c’est la“zone chaude”, où veillent les milicesarmées. Ici, personne n’entre, dit-il. Adroite, c’est le secteur de Sinaloa, avec lesinstallations de l’Instituto nacional agra-rio [Institut agraire national] (INA) et lechemin vers l’exploitation La Aurora, tousdeux aux mains des paysans. En face,50 mètres après la clôture qui protège l’ex-ploitation San Isidro, on distingue une bar-ricade. Un mur de sacs de sable s’élève sousles palmiers. On dirait qu’il n’y a personne,mais nous nous sentons tout de mêmeobservés. Face à nous se trouve le terri-toire occupé par les hommes de Facussé.

Vitalino nous invite à prendre un cafédans un cabanon situé entre les territoiresennemis. Ici, il y a un an seulement, lesgardes et les paysans se retrouvaient àl’heure du déjeuner. Aujourd’hui, les ran-cœurs accumulées sont trop nombreusespour que cela se reproduise.

Les gardes des exploitations ont acquisune mauvaise réputation bien méritéeparmi les paysans et les ONG qui veillentau respect des droits humains au Hondu-ras. La semaine où Miguel Facussé a lancéson ultimatum, des ONG ont instauré untribunal symbolique à Tocoa, qui a recueilliplus de 15 témoignages sur des assassinats,des mauvais traitements, des enlèvementset des persécutions perpétrés par cesgardes. Des centaines d’habitants des com-munes de la région et des campements du

Muca étaient présents. A la table d’hon-neur, ils ont réussi à faire siéger un repré-sentant de la Commission interaméricainedes droits de l’homme de l’Organisationdes Etats américains (OEA).

Au début du conflit, les principaux jour-naux du Honduras, le gouvernement et unebonne partie de la société ne parlaient quede la terreur provoquée par les “guérillasde paysans” quand ils évoquaient la guerredans le Bajo Aguán.

Trois ans, soixante mortsLa violence exercée par les milices de gardesarmés qui protègent les exploitations despropriétaires terriens n’avait droit de citéni en une des journaux ni dans les discourspolitiques. Selon les autorités, les gardesagissaient presque toujours en état de légi-time défense. Il a fallu attendre trois ans,et plus de soixante morts, pour que les pay-sans cessent d’être des victimes abstraitesde “la violence” de ce pays dévasté par ladélinquance, dont le taux d’homicides estle plus élevé du monde. Les journaux ontalors commencé à se demander qui assas-sinait les paysans de l’Aguán et à exiger uneréaction du groupe Dinant. Mais Dinants’en est lavé les mains. Il reproche au gou-vernement de ne pas réussir à rétablirl’ordre dans la région. Et l’entreprise deFacussé affirme qu’elle ne se consacre pasà l’élimination systématique d’individus.

Si les enjeux n’étaient pas aussi impor-tants, les morts du Bajo Aguán n’auraientsans doute pas représenté grand-chose auHonduras. En 2011, le taux d’homicidess’élevait à 82 pour 100 000 habitants. Diluésdans ces chiffres, les assassinats liés auconflit auraient pu passer inaperçus. Maisil s’agit de millions de dollars, de milliersd’hectares plantés de palme africaine. Etc’est aussi un projet politique qui est en jeu.

En juin 2009, Manuel Zelaya, fils d’unexploitant originaire de la région d’élevaged’Olancho, tournant le dos à l’aile tradi-tionnelle du Parti libéral qui l’avait conduità la présidence, s’allie au président véné-zuélien Hugo Chávez. Il se présente égale-ment comme un défenseur populiste descauses paysannes au Honduras. Le 17 juin2009, lors d’une réunion avec un millier depaysans du Bajo Aguán dans la ville deTocoa, Zelaya lance une bombe : il prometde réévaluer les terres des grands proprié-taires et de remettre les excédents hors laloi, ainsi que d’autres terres en jachère, àenviron 100 000 paysans qui réclament desterres à à cultiver. Les leaders du Muca quiparticipent à la signature de cet accord sontaux anges. Le conflit du Bajo Aguán sembleréglé. Mais la joie des paysans est de courtedurée. Onze jours après cette promesse, ledimanche 28  juin, l’armée, après s’être

Page 25: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Frente nacional de resistencia popular [Frontnational de résistance populaire, FNRP],un mouvement regroupant un nombreincalculable de corporations, d’ONG etd’associations constituées de défenseursdes droits humains, d’enseignants, de syndicalistes, d’étudiants, d’ouvriers,d’hommes politiques et de paysans oppo-

sés au coup d’Etat. Le FNRP était une nou-velle gauche visible et souhaitait le retourde Zelaya. En août 2009, il était déjà évi-dent qu’il ne parviendrait pas à l’obtenir.Les paysans ont alors décidé d’agir.

Nous entrons dans La Confianza, etdes dizaines de ranchos de manaca (commeon appelle ici les huttes faites de branches

de palme africaine liées par du nylon etrecouvertes de boue), des hommes, desfemmes et des enfants nous observent,curieux. Les paysans rêvent que tout celase transforme un jour en une jolie muni-cipalité. Les rues sont déjà tracées, il y aune école avec un toit en tôle, une églisecatholique, un temple évangélique, les fon-dations d’une maison communale etl’herbe pour un terrain de football. L’ar-gent vient de la vente de palme africaine,récoltée dans les exploitations saisies. Aucours de la seule année 2011, les leaders duMuca estiment leur production à 114 mil-lions de lempiras [4,6 millions d’euros]. Larépartition de ces fonds revient à uneassemblée communautaire. Les membresdu Muca sont devenus pour ainsi dire mil-lionnaires. Sur les terres occupées, ils four-nissent du travail à des centaines defamilles, et avec les bénéfices, ils paient dessalaires autour de 1 300 lempiras la semaine[52 euros] pour huit heures de travail.Contre les 30 euros par semaine qu’ilsgagnaient en travaillant pour les grandspropriétaires sur ces mêmes exploitations,avec des journées de plus de douze heures,les paysans se disent satisfaits.

Armes à feuLe Muca assure que le paiement des salairesa englouti 60 % de ce que le mouvement agagné en 2011. Le reste a été investi pourpoursuivre la construction de La Confianzaet la gestion de l’organisation. Gestion quipasse par l’achat d’armes. La police aentendu des rumeurs affirmant que lesarmes des paysans tapissaient le lit del’Aguán. Mais personne n’a pêché aucunearme de guerre.

Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui,à La Confianza, Vitalino porte une cas-quette sur la tête, un sac à dos sur lesépaules et un pistolet neuf millimètres àla ceinture, sous sa chemise. “Je suis enrègle”, affirme-t-il. Ce qui signifie que l’armeest déclarée et enregistrée à son nom.

Le délai pour que les paysans signentun accord de vente avec Facussé ou éva-cuent les terres est arrivé à son terme le4 juin 2012. La police avait déjà reçu lesavis d’expulsion, mais, conformément auxordres du gouvernement, elle n’a pas agi.Le Muca, acculé, a annoncé qu’il signeraitl’accord et achèterait finalement les terresusurpées. Mais personne n’a fait la fête.La logique aurait voulu que les représen-tants du Muca soient heureux, carLa Confianza et plus de 4 000 hectares deterres seront bientôt à eux ; il n’y aura plusde menace d’expulsion, les papiers serontà leur nom et le conflit sera, en théorie,résolu. Le 1er août, le Congrès honduriena ainsi approuvé une interdiction desarmes à feu dans la région de l’Aguán. Maisl’interdiction ne s’applique pas aux agentsde sécurité privés, aux gardes des grandspropriétaires. Huit jours plus tard, troispaysans ont été criblés de balles par ungroupe armé dans les environs de l’ex-ploitation Paso Aguán. Et comme avant,personne n’a été arrêté. Daniel Valencia Caravantes

concertée avec l’élite économique du payset avec la majorité du Congrès, expulseZelaya de chez lui tôt le matin et le met dansun avion à destination du Costa Rica [voirCI n° 974 du 29 juin 2009].

Que s’est-il passé alors dans leBajo Aguán ? Jusqu’en août 2009, les pay-sans n’ont rien entrepris. Ils ont rejoint le

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 25

à bas prix près de 16 000 hectares de terres dans le Bajo Aguán. Son entreprise, Dinant, produit et exporte de nombreuxproduits agro-industriels, dont de l’huile de palme. Il a investi

avec succès dans lesagrocarburants. Son neveu, Carlos Flores Facussé, a gouverné le pays de 1998 à 2002, d’où lesurnom de Miguel Facussé : Oncle Mike. Reprenant une

information révélée par WikiLeaks, El Faro affirme que des avions appartenant à des narcotrafiquants ont atterri dans ses plantations du Bajo Aguán.

� En haut : des gardes privés surveillent une exploitation. En bas : une assemblée de paysans menacés.

EDU

PO

NC

ES/E

LFAR

O.N

ET/R

UID

O P

HO

TO

Page 26: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

26 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Cette femme réclamait la peinede mort pour ceux qui avaientenlevé sa fille et l’avaient forcéeà se prostituer. Pour la fairetaire, les autorités l’ont expédiéedans un centre de rééducation.

Nanfang Dushibao (extraits)Canton

�C es dernières semaines, la libertéd’une femme a focalisé l’atten-tion en Chine. Il s’agit de Tang

Hui, une habitante de Yongzhou [dans laprovince du Hunan, dans le centre-sud],condamnée le 2 août à être envoyée dansun centre de rééducation par le travail àplus de 280 kilomètres de son domicile,pour avoir demandé réparation en hautlieu à maintes reprises après l’enlèvementde sa fille [à l’âge de 11 ans, en 2006], forcéeà se prostituer [elle avait été séquestréedans une maison de passe durant troismois, avant d’être sauvée par sa mère].

Cependant, les autorités locales étaientloin de s’imaginer que l’opinion publiquesur Internet allait prendre fait et cause pourcette femme et presser la municipalité deYongzhou de la libérer. Finalement, neufjours plus tard, la décision d’envoyerTang Hui en centre de rééducation par letravail a été cassée à l’issue d’un recoursadministratif [et elle a été immédiatementlibérée]. Au mois de juin, le verdict finalavait été rendu dans l’affaire de l’enlève-ment de sa fille Lele. Le tribunal populairesupérieur de la province du Hunan main-tenait le jugement de première instance :la peine de mort pour deux des accusés, laréclusion à perpétuité [pour quatre de leurscomparses] et la condamnation à quinzeans de prison [pour le dernier accusé]. MaisTang Hui, en tant que mère, n’était passatisfaite ; elle aurait souhaité que tous lesaccusés soient condamnés à mort.

Son cas a posé problème aux autori-tés de Yongzhou : à leurs yeux, une mèrequi ose dévoiler au grand jour les agres-sions sexuelles dont a été victime sa filledans cette région très traditionnelle doitforcément avoir des mobiles inavouables.Les pouvoirs publics ont usé de différentsstratagèmes pour qu’elle abandonne l’idéede porter plainte en haut lieu, mais tou-jours en vain.

Incarcérée à deux reprisesLa bourgade de Fujiaqiao [où vit sa famille],qui compte moins de 50 000 habitants, anotamment dépensé plusieurs centainesde milliers de yuans [1 yuan équivaut à0,12 euro] pour tenter d’apaiser la vindictede Tang Hui, ce qui constitue une lourdecharge financière. Mais Tang Hui n’a paspour autant renoncé à son action. Enfévrier et mars 2010, les services de laSécurité publique [la police] avaient estimé

Asie

que Tang Hui perturbait l’ordre public [elleavait à plusieurs reprises bloqué les voi-tures d’officiels locaux] et l’avaient placéeen détention provisoire à deux reprises,pour huit et cinq jours.

En juin 2010, une fusillade avait éclatédans le tribunal de la préfecture de Lin-gling dépendant de Yongzhou. Un mal-faiteur avait fait irruption dans le palaisde justice et ouvert le feu, tuant troisjuges. Après cet incident, on avait vu appa-raître dans les rues des graffitis félicitantle criminel. Les soupçons de la polices’étaient alors portés sur la famille deTang Hui, qui avait été placée en déten-tion pénale durant trente-sept jours carelle connaissait le tueur.

Pour maîtriser Tang Hui, les autoritésde Yongzhou ayant ainsi tout essayé à l’ex-ception du centre de rééducation par letravail, cette dernière solution est finale-ment apparue comme la seule indiquée.

Selon les Dispositions provisoires rela-tives à la rééducation par le travail, pu -bliées en 1982 par le Conseil des affairesde l’Etat [instance qui a la haute main surles ministères] et par le département dela Sécurité publique, les organisations gou-vernementales populaires des différentesprovinces, régions autonomes, moyenneset grandes villes, dont celles de rang pro-vincial, ont mis en place des commissionschargées de diriger les centres de réédu-cation par le travail et d’en contrôler lesconditions d’admission.

La police à la manœuvreThéoriquement, elles regroupent les diri-geants des différents échelons hiérarchi -ques gouvernementaux. Mais, “en réalité,les arrêts concernant les placements en centrede rééducation par le travail sont bien souventdirectement pris par le secrétariat permanentdes commissions”, nous explique un spécia-liste du droit pénal au Hunan. Ces secré-tariats, installés au sein des services de laSécurité publique et sans réels pouvoirs audépart, sont devenus peu à peu des ins-tances décisionnaires, qui, dans bien descas, sont contrôlées par les services de laSécurité publique. Les centres de réédu-cation par le travail sont finalement deve-nus le choix le plus pratique pour materdes “casse-pieds” comme Tang Hui.

Au sein des pouvoirs publics à Yong -zhou, personne n’ose dire ouvertementqui a pris cette décision. Selon un membredu conseil municipal, cette condamnationà un séjour en centre de rééducation parle travail devait être un simple avertisse-ment : “Au départ, elle ne devait y rester quequelques jours, puis on l’aurait relâchée…”

En tout état de cause, la décision deplacement a produit l’effet escompté.“C’était vraiment horrible ! Quand on estplacé en détention provisoire, on sait que c’estpour une durée limitée et qu’on sortira au boutde quelques jours, mais en centre de rééduca-tion, on y est placé pour longtemps ; cela peutaller jusqu’à quatre ans  !” se souvientTang Hui. Cela aurait pu également lapousser à commettre l’irréparable : si ellen’avait pu sortir qu’au bout de dix-huitmois, elle n’aurait jamais revu sa mèreet qui sait ce qu’il serait advenu de safille…“J’en aurais été réduite à me barderd’explosifs…”, dit-elle.Zhang Zhouyi et Chen Hui

Le mot de la semaine

“laojiao”Rééducation par le travailLes mots laojiao et laogai sont similaires.Lao signifiant “travail” et jiao“éducation”, laojiao désigne la rééducation par le travail, et laogaila réforme par le travail. Selon laréglementation administrative, il y aune différence de taille : pour envoyer un coupable au camp de réforme par le travail (laogai), il faut passer par une procédure judiciaire, alors que pour placer un citoyen en camp derééducation (laojiao) une décisionpolicière suffit. Au bon vieux temps du maoïsme, peu de gens cherchaient àsaisir la nuance. Aujourd’hui, la décisiond’une administration locale d’envoyerune plaignante au laojiao fait scandale,bien que la pratique soit encore monnaiecourante. Cette évolution souligne, d’un côté, le réveil d’une société civile qui réclame haut et fort l’établissementd’un Etat de droit et, de l’autre, l’aspectanachronique d’un système politique qui n’est plus en phase avec ses citoyens.Aujourd’hui, des termes comme“rééducation” ou “réforme de la pensée”suscitent un sentiment de mépris, sinonde rejet. Dans la pratique, le Parti a perdutoute crédibilité morale et politique pour exercer son rôle d’éducateur. Face aux inégalités, aux injustices et à lacorruption généralisée, les gouvernantsn’ont d’autre réponse que la répressionet le cynisme. Depuis une dizained’années, grâce à Internet, les leadersd’opinion parlent de faire rééduquer les dirigeants du Parti par les citoyens. A l’occasion de l’affaire Tang Hui (lire ci-contre), des avocats, relayés par lapresse officielle, demandent aujourd’huil’abolition de cette pratique. Combien detemps le Parti pourra-t-il encore résisterà l’exigence d’une société en révolte ?Chen Yan. Calligraphie d’Hélène Ho

� Dessin de David Gothard paru dans The Wall Street Journal, New York.

C’est la mobilisation surInternet qui a permis de faire libérer Tang Hui

Chine

La fossoyeuse des camps de travail

Page 27: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

L’achat par l’Etat de la céréale à des prix élevés va faire perdre au pays sa première placed’exportateur. Une politiquetrès critiquée par l’opposition,mais qui, à long terme, pourrait être profitable.

Bangkok Post Bangkok

�L ’année dernière, à l’issue de lapremière récolte de riz, le gou-vernement a mis fin au système

d’achat qu’avait créé le gouvernement duParti démocrate assurant aux agriculteursdes prix honnêtes correspondant au coursdu marché. Le Parti Pheu Thai, vainqueurdes élections en juillet 2011, a tenu l’unede ses promesses électorales en achetantle riz deux fois plus cher que ne l’imposele marché.

Il y a une certaine logique derrière cettefolie, du moins en théorie. Toutefois, lathéorie n’a pas encore rejoint la réalité dumarché et ce nouveau système coûte extrê-mement cher aux contribuables. A terme,l’Etat pourra peut-être rentrer dans sesfrais ou même faire des bénéfices. Il estégalement possible que cette politiquetransforme une perte énorme en gouffre.Dans l’immédiat, le programme d’achat dugouvernement lui a permis de stocker desquantités de riz sans précédent. Pour cetteraison, la Thaïlande n’est plus le premierpays exportateur [devancée par le Viet-nam], mais reste celui qui perçoit le plusde revenus, car le riz au jasmin [variététhaïlandaise très prisée sur les marchésinternationaux] est devenu plus onéreux.

Une corruption généraliséeLe nouveau système attise les critiques – ouplutôt les foudres – de nombreux écono-mistes, de tous les opposants au gouver-nement et, bien sûr, des démocrates et deleur “gouvernement fantôme” [une struc-ture de l’opposition qui lui permet de suivreles décisions de l’administration]. Le gou-vernement américain aurait déclaré quel’achat par l’Etat du riz à des prix élevéséquivaut à une subvention commerciale,pratique illégale au regard des règlementsde l’Organisation mondiale du commerce.

Et ce n’est pas tout. Début août, dansl’indifférence générale, l’autorité thaïlan-daise chargée des enquêtes spéciales aexpliqué en détail comment les baronsnationaux du vol – heu, excusez-nous… lesmarchands de riz – pompent, manipulent,bricolent, falsifient la comptabilité, fontdu trafic ou tout simplement volent du rizet de l’argent. Et ce grâce à un mécanismeconçu pour aider les riziculteurs, mais quiprofite en réalité aux intermédiaires, quis’enrichissent plus que jamais.

Au Parlement, le gourou de l’économieKittirat Na-Ranong [ministre des Finances]

a surpris tout le monde par son honnê-teté – une attitude nouvelle et rafraîchis-sante – lorsqu’il a noté : “Je suis convaincuque ce programme est gangrené par une cor-ruption généralisée.”

Il est intéressant de noter qu’il a choisiChalerm Yubamrung, vice-Premier mi -nistre, pour faire la chasse aux coupableset autres arnaqueurs. Toutefois, il n’a pasprécisé si cette nouvelle mission était prio-ritaire. En effet, Chalerm Yubamrung estégalement chargé de la lutte contre ladrogue et le terrorisme.

Bien sûr, ces fichus démocrates nefaisaient que chercher les ennuis en révé-lant que le système d’achat du riz souffrede corruption, a ajouté Kittirat Na-Ranong.Après tout, “le gouvernement n’a jamaisaffirmé que ce programme était exempt decorruption”.

Toutefois, il est bien possible que lesévénements à venir finissent par faire taireles critiques et fassent brièvement du gou-vernement un véritable génie. La crise ali-mentaire à laquelle la planète devra faireface ne fait que commencer.

L’ONU prévoit une pénurieSelon l’Organisation des Nations uniespour l’alimentation et l’agriculture, en2013 la pénurie et les prix pourraientatteindre les niveaux de 2007 et de 2008,période à laquelle des émeutes de la faimavaient éclaté. Le prix des céréales, dontle riz, risque d’augmenter d’au moins20 % en 2013. Ne serait-ce qu’en juil -let 2012, les prix de l’alimentation ontgrimpé de 6 %.

La production de blé en Russie est àpeine suffisante. Le ministère américain

de l’Agriculture a publié un communiquéde presse le 10 août dans la soirée (sûre-ment pour faire le moins de bruit pos-sible), qui annonçait les récoltes de maïsles plus faibles depuis dix-sept ans, maisqui soulignait des prix en hausse.

D’ici à la fin de l’année 2012, les 17 mil-lions de tonnes de riz stockées dans plu-sieurs régions thaïlandaises – desquellesil faut déduire ce que les voleurs, euh…pardon, les marchands, ont subtilisé –pourraient voir leur valeur doubler, voiretripler. Il n’est pas politiquement correctde sourire à l’approche d’une période defamine, mais pour ceux qui possèdentbeaucoup de nourriture il est logique dese préparer à augmenter les prix, surtoutsi c’est la seule solution, à court terme,pour maintenir un système populisted’achat du riz. �

Thaïlande

Bangkok mise sur le riz

ThaïlandeVietnam

4

2

0

6

8

10

2008 2009 2010 2011 2012

CompétitionVolume des exportations de riz (en millions de tonnes)

Sources : Association des exportateurs de riz thaïlandais, Bureau vietnamien des statistiques,ministère américain de l’Agriculture

Prévisions

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 27

� Dessin de Liza Donnelly paru dans The New Yorker, Etats-Unis.

Le Vietnam est au coude à coude avecl’Inde pour supplanter la Thaïlandecomme premier pays exportateur de riz en volume en 2012. Mais, selon le Dr Le Van Banh, directeur de l’Institut de recherche du riz du delta du Mékong,cité par le quotidien Nguoi Lao Dông,“les paysans ont des revenus quidemeurent faibles car ils vendentleurs produits à bas prix”. L’intérêt pourle Vietnam n’est pas d’être en tête des pays exportateurs, mais d’assurerune augmentation des recettes des agriculteurs et des entreprises,soulignent plusieurs analystes dans le même article. Il faudrait notammentdonner les moyens aux entreprises de construire des entrepôts pourstocker le riz. Le vice-ministre de l’Agriculture et du Développementrural, Bui Ba Bong, estime qu’une tellemesure profiterait aux intermédiaires privés plutôt qu’aux agriculteurs.Par ailleurs, le quotidien de Bangkok The Nation note que la Thaïlande, leVietnam, le Laos, le Cambodge et leMyanmar garantissent les deux tiers desventes mondiales de riz, qui s’élèvent à 30 millions de tonnes. Les ministres du Commerce des cinq pays entendentdiscuter de la mise en place d’unefédération régionale afin de peser surles tarifs de la céréale et d’obtenir uneaugmentation de 10 % des prix par an.Une mesure contestée par l’Associationthaïlandaise des exportateurs de riz, quisouhaite que les efforts se concentrentsur la qualité de la production et la promotion du riz biologique.

Stratégie

Garantir des prix élevés

Page 28: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

28 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Des centaines d’hindouspakistanais tentent de gagnerl’Inde pour échapper auxpersécutions religieuses. La journaliste Faiza Mirzaraconte comment, adolescente, elle fut kidnappée et convertiede force à l’islam.

Dawn (extraits) Karachi, Lahore,Islamabad

�J ’ai grandi dans la peur. Je suisd’ailleurs à peu près certaine quela première expression sur le

visage de mes parents lorsqu’ils m’ont vuenaître – moi, petite fille née de parentshindous vivant à Kandhkot [province duSind, dans le sud du Pakistan] – étaitempreinte d’effroi. Pourquoi étais-je unetelle source d’angoisse ?

Avant même d’avoir élucidé l’énigme,je me suis retrouvée sur les bancs del’école. J’aimais y aller, même si j’avais lesentiment d’être une étrangère qui n’ar-rivait pas à s’intégrer. Les re marques sour-noises et les discriminations dont j’étaisvictime devaient me pousser à penser queje n’étais pas comme les autres enfants.Personne ne voulait manger avec moi etencore moins boire dans la tasse que j’avaisutilisée. A la maison, ma mère me posaitun tas de questions sur ma vie à l’école etattendait des réponses qu’elle espérait denature à la délivrer de cette angoisse dontj’ignorais tout. Craignant de la décevoir,je me rendis compte très tôt qu’elle nepourrait jamais être ma confidente.

Et puis c’est arrivé. Les craintes de mamère se sont confirmées. Alors que j’étaissur l’un des plus grands marchés de Kandhkot, je me suis fait enlever par unhomme que je connaissais très bien. Iln’était rien de moins que le gardien chargéde la surveillance de nos temples. Commeil était loin d’être un inconnu, je suis montéedans sa voiture. Mais, au lieu de me rame-ner chez moi, il a tourné dans une ruelle

Asie

que je ne connaissais pas. Effrayée, j’ai com-mencé à crier, mais mon ravisseur s’est misà crier encore plus fort et à me menacer. Jen’ai plus bougé jusqu’à notre arrivée dansune petite maison abandonnée.

Mes pensées se sont alors bousculéesdans ma tête et les récentes histoires d’en-lèvements et de conversions forcées des

jeunes filles hindoues me sont revenues àl’esprit. Assise là, frissonnant de tout moncorps, je compris enfin. Mes peurs se sontconfirmées lorsqu’un homme coiffé d’unturban est entré dans la pièce pour m’en-seigner une religion dont j’avais toujoursentendu parler sans jamais éprouver lebesoin de la pratiquer ou de l’adopter.

Voyant que je ne l’écoutais pas, il finit parpartir en me priant de réfléchir à la meil -leure des religions.

Je me suis alors demandé pourquoi mesparents n’avaient pas profité de la premièreoccasion pour fuir dans un autre pays.Pourquoi continuaient-ils à vivre dans l’an-goisse à attendre l’inévitable alors qu’ilspouvaient habiter dans un environnementplus serein ?

Le rituel de prédication a duré des jourset des jours, et j’ai fini par perdre la notiondu temps. Comme je restais insensibleaux prêches, mon ravisseur m’a menacée.Chaque jour, les menaces succédaient àl’endoctrinement, la colère de ce Dieu quis’abattrait sur les non-croyants alternaitavec la présentation des merveilles du para-dis. Je ne cessais de me demander : neprions-nous pas tous le même Dieu, unDieu qui se manifeste dans la nature, lescouleurs, la joie et l’amour ? Pourquoi ceDieu me punirait-il d’être hindoue ?

Puis arriva ce moment où mon ravis-seur menaça de s’en prendre à ma famille.Je finis alors par céder. On organisa unepetite cérémonie au cours de laquelle jefus forcée d’adopter l’islam et mariée à unmusulman. Après la cérémonie, on m’es-corta jusqu’à un tribunal où un juge musul-man enregistra ma conversion et monmariage devant la loi.

La nouvelle s’en répandit comme unetraînée de poudre. Je redoutai le momentoù j’allai retrouver mes parents. Lorsquema mère a levé les yeux sur moi, j’auraisvoulu être morte. Je voulais lui dire que jel’aimais et que je m’étais convertie pour sasécurité. Je voulais dire à mon père de pro-téger mes sœurs. Je voulais dire à mon frèrede quitter le pays. Je voulais dire beaucoupplus de choses mais, à les voir souffrir ensilence, j’ai pensé simplement : si seule-ment je n’étais pas une fille, si seulementje n’étais pas née au Pakistan, si seulementj’avais le droit d’être moi-même et de pra-tiquer ma foi sans être poussée vers unereligion que je ne comprends pas. Mon his-toire est unique, mais c’est aussi celle debien d’autres  : Rachna Kumari, RinkleKumari, Manisha Kumari [respectivementâgées de 16, 17 et 14 ans, victimes de conver-sions forcées en 2012] et toutes ces jeunesfilles hindoues contraintes de se convertirà l’islam au Pakistan.

J’incarne les angoisses de leurs familleset leur calvaire quotidien. J’incarne le sup-plice de ces filles qui meurent à petit feu,victimes de l’injustice. J’incarne la douleurd’une minorité forcée de vivre dans unesociété intolérante. Faiza Mirza

Pakistan

Musulmane malgré moi

PENDJAB

SIND

Karachi

Kandhkot

INDE

400 km

PAKISTAN

Début août, 200 hindouspakistanais ont passé la frontière indienne pour serendre à un festival religieuxen espérant ne jamais rentrerchez eux. Interceptés par les autorités d’Islamabad, ils ont été forcés de signer des documents qui les engageaient à retourner auPakistan. Quelques jours plustard, 300 hindous ont tenté lamême traversée. Soixante ans

après la création du Pakistan,le “pays des purs”, une nationqui devait permettrel’autodétermination desmusulmans de l’empire desIndes au sein d’une nation nonthéocratique, l’intolérancereligieuse persiste.Plusieurs cas de conversionsforcées ont fait les titres desjournaux au printemps 2012,en particulier dans la provinceméridionale du Sind, où vit

la majorité des 4,2 millionsd’hindous que compte le Pakistan – sur un total de 180 millions d’habitants.“Selon les ONG, on recenseenviron 25 cas de conversionsforcées par mois”, précise le quotidien The ExpressTribune. Dans un textepublié par l’hebdomadaireindien Tehelka, la sociologuepakistanaise Ayesha Siddiqaexplique : “Dans la province

du Sind, les groupesislamistes armés sontdevenus de plus en plusinfluents, s’alliant à des partisreligieux radicaux et mêmeau parti au pouvoir, pourtantnon religieux. De plus, on observe l’émergence d’une nouvelle classemoyenne autoritaire qui nerespecte plus la tradition deprotection des leaders issusde minorités religieuses.”

Exil

De plus en plus d’hindous fuient le Pakistan

� Dessin de Martin Haake paru dans The New York Times Book Review, New York.

“J’incarne le supplice de ces filles qui meurentà petit feu”

Page 29: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

La chute d’Hosni Moubarak n’a pas mis fin à la censure. Dansun pays dirigé par les islamistes,l’intellectuel a peur de l’accusation de blasphème.

Al-Hayat (extraits) Londres

�L a question de la liberté d’expres-sion n’est pas nouvelle en Egypte,notamment dans le domaine

culturel. Sous le règne d’Hosni Moubarakdéjà [1981-2011], elle accaparait l’énergiedes intellectuels, obligés de résister auxattaques incessantes. Cela ne concernaitpas seulement les islamistes, comme on lepense parfois, même s’il est vrai que cesderniers étaient souvent la principale cibledes interdictions. Le bureau de la censurepouvait confisquer des livres, arrêter desprogrammes à la télévision, fermer unerevue et emprisonner un poète.

C’est ainsi que de nombreux romans,y compris certains du Prix Nobel de litté-rature égyptien Naguib Mahfouz et desœuvres historiques comme Les Mille etUne Nuits, ont été interdits, sans parler del’affaire la plus emblématique de l’histoirede la censure, celle de l’intellectuel NasrHamid Abu Zayd*.

Les intellectuels ont réagi à la censureavec les moyens limités dont ils disposaientdans les conditions politiques de l’époque.L’affrontement se déroulait généralementsur le terrain juridique, puis à travers despétitions et des conférences organisées aunom de la défense des libertés. Ainsi, lesintellectuels suivaient toujours le mêmescénario. Mais le régime Moubarak gardaitlui aussi toujours la même attitude. Dansun premier temps, il assistait en specta-teur à la montée des tensions. Puis, quandla crise était là, il se décidait à intervenir,toujours avec les mêmes méthodes uséesjusqu’à la corde. Il prétendait défendre “lesbonnes mœurs”, “la bienséance”, “le bon goût”,“les valeurs de la société” et d’autres sor-nettes encore qui ne servent qu’à vider laliberté de création de tout contenu, aban-donnant celle-ci aux rapports des forcesdans la société. Chaque fois aussi, le régimesacrifiait un bouc émissaire. Cela lui per-mettait de donner un satisfecit à la classemoyenne pieuse, qui voit d’un mauvais œil“l’art dévoyé”.

Le régime réussissait à désamorcer lacrise tout en permettant à l’intellectuel d’ensortir indemne – au sens purement phy-sique du terme. Car, dans le même temps,c’était une façon de lui rappeler qu’il pou-vait à tout instant tomber entre les griffesde ses ennemis et que seul l’Etat pouvaitl’en arracher. Le régime ne le faisaitd’ailleurs pas par amour de la culture, maisparce qu’il pouvait ainsi faire de l’intellec-tuel une carte à jouer au moment oppor-tun, pour le laisser retomber dans l’oubli

Moyen-Orient

aussitôt ses objectifs atteints. Tout celaétait parfaitement rodé, chaque acteurjouant fidèlement sa partition. Prenonsl’exemple où tel ou tel député des Frèresmusulmans dénonçait un roman pour ses“passages érotiques”. Il pouvait toucher unlarge public en ajoutant que ce livre était“imprimé avec l’argent du contribuable” [pardes maisons d’édition d’Etat]. L’auteurincriminé réagissait alors en invoquantles libertés publiques. Ensuite, c’était lamosquée d’Al-Azhar qui s’en mêlait. Toutce charivari se terminait généralementavec une sanction infligée par le régime àquelques fonctionnaires. L’affaire étaitclose. Puis la même histoire recommen-çait autour d’une autre œuvre…

Mais aujourd’hui, depuis la chute del’ancien régime de Moubarak, l’intellec-tuel se retrouve seul face aux différentestendances islamistes. Depuis la périodedite “de transition”, l’intellectuel conti-nue de se disperser entre son rôle public

et sa défense contre les accusations qui leconcernent directement. Il n’a pas falluun mois depuis l’investiture du nouveauprésident, Mohamed Morsi [membre desFrères musulmans, élu en juin 2012], pourque la censure recommence à apparaîtrecomme une épée de Damoclès. Toutefois,alors que Moubarak laissait la porteouverte à une certaine liberté de paroledans la presse, comme une soupape desécurité, et s’appuyait sur des conseilsd’administration et des directeurs demédia qui avaient suffisamment bienexpérimenté les méthodes de répressionpour pouvoir les reproduire à leur tour,le nouveau régime adopte de nouvellesméthodes. Enfin, pas si nouvelles que cela.Plutôt très anciennes même, bien que lagénération des révolutionnaires soit tropjeune pour les avoir connues.

On n’a pas tardé à utiliser l’accusationd’insulte au président, à fermer une chaînede télévision [Al-Faraeen], puis à censurer

de grands journalistes. Un journal [Al-Akhbar] a même tout simplement supprimésa page Opinion. De même, les lieux cul-turels n’ont pas tardé à retrouver leurs vieuxréflexes. Ainsi, un théâtre s’est opposé au“contenu politique” des chansons du groupeShakawi [Doléances], avant de l’empêcherde se produire. Un ouvrage en anglais surl’histoire du Moyen-Orient a été interditen Egypte [A History of the Modern MiddleEast, écrit par deux universitaires cana-diens, William  L.  Cleveland et MartinBunton]. On a relevé beaucoup d’autrescas semblables, toujours sous couvert dereligion. Cela ne devrait pas tellement nousétonner, puisque nous savons que le pou-voir demeure le pouvoir, brutal et ne souf-frant aucune contradiction.

L’intellectuel vit dans le sentiment dudanger. Il ne s’est pas préparé à être sansrecours face aux menaces. Il pense en plusque le pire est à venir, que l’accusation deblasphème finira par avoir raison de sondroit d’écrire, de peindre, de chanter, defaire du théâtre, ou simplement de penser.Il ne s’attendait pas non plus à ce que larévolution aboutît à faire de lui un anti-révolutionnaire. En tout état de cause,l’intellectuel a l’impression qu’on lui tirepetit à petit le tapis sous les pieds, de laperte de sa légitimité à être le déposi-taire de la révolution jusqu’à la mono-polisation du discours médiatique etl’accaparement des instances d’élabora-tion de la nouvelle Constitution égyp-tienne par le pouvoir. [Paradoxalement],c’est peut-être le moment opportun pourun travail collectif, le moment décisif oùl’intellectuel réalise que l’abattement etle désespoir peuvent être le moteur pourtrouver une issue.

Or le véritable choc, c’est de se rendrecompte de la mentalité qui règne dans lesinstitutions, ce qu’on appelle “l’Etat pro-fond” et qu’on devrait peut-être appeler“Etat sans fond” tant il manque d’imagi-nation. Le nouveau ministre de l’Informa-tion, par exemple, est certes membre desFrères musulmans, mais cela ne signifiepas que les hauts fonctionnaires du minis-tère le soient aussi, puisque la plupartd’entre eux étaient déjà là sous l’ancienrégime. Comment ces hauts fonctionnairesont-ils pu se mettre aussi vite à la censured’articles de presse ? On dirait qu’ils l’ontfait par réflexe, un réflexe qui consiste à semettre en phase avec la nouvelle réalitépolitique. Ils n’auraient pas pu faire preuved’un tel talent d’anticipation des deside-rata du pouvoir s’ils n’avaient été à l’écoledu régime de Moubarak trente annéesdurant. Shereen Abou El-Naga

* Théologien musulman libéral. En 1994, en raisond’une polémique sur ses écrits il dut répondre d’uneaccusation d’apostasie, qui aboutit à l’annulationforcée de son mariage, car une musulmane ne peutpas épouser un apostat. Menacé de mort par lesintégristes, il s’est enfui aux Pays-Bas, où il est restéjusqu’à son décès, en 2010.

Egypte

Les régimes passent, la censure aboie toujours

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 29

� Dessin de Haddad paru dans Al-Hayat, Londres.

“La manifestation contreles Frères musulmansorganisée au Caire le 24 août n’a rassembléque 5 000 personnes,tout au plus. La cause de cet échec, c’est d’avoireu la prétention derefaire une miliyoniya[manifestation de 1 million de personnes] et de galvauder le terme‘révolution’ en cherchantà la faire passer pour une révolution bis”, écrit Al-Masri Al-Youm,

le quotidien libéral du Caire.Pourtant, l’oppositionlaïque avait beaucoupcompté sur cettemanifestation, annoncéede longue date, poursecouer quelque peu le pouvoir désormaispresque sans partagedes Frères musulmans en Egypte. Elle intervenaiten plein procès de deuxjournalistes très critiquesà l’égard des Frères, dontle rédacteur en chef du quotidien Al-Dustour,

nostalgique de l’ancienrégime, qui avait étéplacé en détentionprovisoire, mais libéré sur ordre du président de la République,Mohamed Morsi, à laveille de la manifestation.“L’opposition a tort de croire qu’elle pourrarenverser un présidentdémocratiquement élu.Surtout si elle persistedans son incapacité à formuler une solutionpolitique”, juge le journal.

Désillusion

L’échec d’une manifestation

Page 30: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

30 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Un village libanais menace de se révolter si l’Etat détruitses champs de cannabis.

Now Lebanon Beyrouth

�L a révolution de la vie”. C’est ainsique les habitants du village deYammouné [plaine de la Bekaa]

appellent leur mouvement. Motif de leurmobilisation ? La défense de leurs champsde cannabis. Dans cette région à l’écart detout développement, la “révolution” estdonc en marche, irrémédiablement. Toutest parti des difficultés pour subvenir auxbesoins de la vie quotidienne, de la peurde ne pas pouvoir nourrir ses enfants… etde la conviction qu’il faut faire du bruitpour que l’Etat écoute le peuple.

Abou Mohammad, un chiite de 40 ans,ne saurait pas comment nourrir ses troisenfants s’il ne cultivait pas de cannabis. Ilinsiste pour dire que les habitants de larégion en ont bien le droit, puisque “c’estla seule chose qui marche ici”. Il accuse l’Etatde vouloir “l’extinction de l’espèce humainedans cette région”, une vraie politique delimitation des naissances. Car sans champde cannabis, “impossible de fonder unefamille”. Lui-même a hérité du champ deson père, mais il le cultive non pas “pourconstruire une villa”, mais pour permettreà ses enfants d’étudier, “afin qu’ils n’aientpas la même vie que moi”.

Ses voisins et lui affirment égalementque le haschich ne nuit pas à la santé, sur-tout pas à celle des Libanais, puisque 95 %

de la production sont exportés, notam-ment aux Pays-Bas et au Canada. Ce sontdes hommes d’affaires locaux qui se char-gent du trafic par voie terrestre, via la Syrieet la Turquie. “Si l’Etat était digne de ce nom,il légaliserait le haschich, qui ne fait de malà personne, même s’il est vendu au Liban,et s’attaquerait à l’héroïne et à la cocaïne !”s’exclame Abou Mohammad.

Tous jurent qu’ils ne reculeront pas de-vant les menaces et défendront leurs droits.“Pas d’alternative au haschich autre que le haschich. Et nous serons les plus forts  !” clament-ils. Et de poursuivre : “Si le Premier ministre, Najib Mikati, dit qu’en tant quesunnite il ne peut pas ne pas financer le tribunal international [chargéde juger les assassinsde son prédécesseur,Rafic Hariri, tué début2005], alors nous luidisons qu’en tant quechiites nous ne pouvonspas ne pas cultiver de cannabis. Cette plante a permis de tisser desliens d’amitié entre les communautés liba-naises et nous a empêchés de basculer dansla guerre civile confessionnelle.”

Le maire, Jamal Charif, craint lui aussique les choses ne prennent un tour confes-sionnel, étant donné que la plupart des cultivateurs sont chiites ou chrétiens, alorsque les sunnites sont majoritaires dans lesservices chargés de la répression du traficde stupéfiants. Il fait partie des élus quinégocient avec le gouvernement, mais nevoit guère d’issue au problème. L’Etat libanais

se serait adressé à l’Arabie Saoudite et auQatar afin d’obtenir des sommes permet-tant de détruire les champs de cannabis.Jamal Charif tient aussi le Hezbollah et lemouvement Amal [deux mouvements poli-tiques chiites] pour responsables du faitque la région soit délaissée : “Les députésde ces deux mouvements ne nous ont pas défen-dus et n’ont pas écouté nos doléances. A partirde maintenant, on ne leur permettra plus demettre les pieds au village.”

A destination du ministre de l’Agri - culture, Hussein Al-Hajj  Hassan [du Hezbollah], Charif tonne : “Soit tu te consi-dères comme le ministre du Haschich, soit tu

rentres à la maison, parce que tu seras devenu persona non grata  !” Et

d’ajouter en s’emportant : “Lamoindre des choses, c’est qu’avantd’arracher les cultures il vien-ne nous écouter et discuter.

Eux, les politiciens, ils veulentqu’on fasse la claque pour eux,mais qu’ils ne nous prennent

pas pour des imbéciles.

A partir d’aujourd’hui, on ne les applaudira pluset on ne votera pas non plus pour eux.”

A Yammouné, on en veut beaucoup auxvillages voisins, qui n’ont pas moufté contrela destruction des cultures. On s’étonneégalement de l’indifférence du Hezbollah.Selon Charif, “les responsables régionauxdu Hezbollah sont des voleurs. Ils ne nous soutiennent pas”. Et les députés ? “Ils se cou-chent comme les pièces d’un jeu de dominos.”Il en veut surtout au député maroniteEmile Rahmé, qui “a été élu grâce à nos voix”.“Pourtant, lui n’est pas obligé de prendre lesmêmes précautions que le Hezbollah, qui esten fait accusé de trafic de drogue, s’étonne-t-il.Le jour où l’armée est venue pour détruirequelques champs de cannabis, le député Rahméavait éteint son téléphone portable pour éviterde nous parler.”

Pour la suite des événements de la“révolution de la vie”, nom que les villa-geois de Yammouné ont préféré à celui de“révolution du haschich”, le maire prévoitd’entrer en contact avec les communes voi-sines afin de préparer “une intifada” : “Nousvoulons faire front commun afin d’obtenir satis-faction.” Et les méthodes de lutte serontpacifiques, “sauf si nous n’obtenons pas satis-faction. Dans ce cas, le choix sera de prendredes députés en otage. Mais nous n’entreronspas dans un affrontement avec l’armée, carelle est le rempart du pays.” Et Charif d’ap-peler les villageois à “faire front comme unseul homme. Car, c’est bien connu, l’union faitla force.” Veronica Khachan

Moyen-Orient

Je choisis de régler par :chèque bancaire à l’ordre de Courrier internationalcarte bancaire N° :

Expire fin : Cryptogramme :

Offre valable pour un premier abonnement, dans la limite des stocks disponibles, en Francemétropolitaine jusqu’au 31/12/2012. En application de la loi Informatique et Libertés, vousdisposez d’un droit d’accès et de modification des informations vous concernant. Celles-ci sontindispensables à l’enregistrement de votre commande et peuvent être cédées aux partenaires deCourrier international. Si vous ne le souhaitez pas, merci de contacter notre service abonnement.

Date et signature obligatoires :

RCS

Paris

344

761 8

61 0

00 4

8OUI, je m’abonne à Courrier international pendant 1 an pour 75 €.Je recevrai en cadeau la pochette Courrier international.INCLUS dans mon abonnement : l’intégralité du site et l’application iPhone/iPad.

BULLETIN D’ABONNEMENTÀ retourner sous une enveloppe affranchie à : Courrier international - A2100 - 62066 Arras Cedex 9

Mes coordonnées RCO1200PBA003

Monsieur Madame Mademoiselle

Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CP Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Liban

L’intifada du hasch

� Dessin de Faber paru dans Le Jeudi,Luxembourg.

Page 31: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 31

En évoquant son arsenalchimique et en exportant sa guerre vers les paysfrontaliers, le régime de Bachar El-Assad est en train de pousser les Occidentaux à intervenir.

Al-Hayat Londres

�D epuis un mois environ, lessignaux se multiplient quant àla possibilité d’une intervention

étrangère dans la crise syrienne. Certainsdiront sans doute : “Est-ce par amour pourla Syrie ?” La réponse est non, bien évi-demment, et le problème n’a rien à voiravec l’amour ou la haine. Mais, du fait quel’affaire n’est plus exclusivement syrienne,les chances d’une intervention étrangèreaugmentent. Car, si la question libyennese limitait à la Libye et la tunisienne à laseule Tunisie, dans le cas de la Syrie c’estle Moyen-Orient, le monde postottomantout entier [les pays nés de la fin de l’Em-pire ottoman, en 1920] qui est en cause.Le régime syrien, passé maître dans lemaniement des “cartes” régionales, aabusé de ce jeu, qui se retourne contre lui.

La première nouveauté – et la plusimportante  – concerne les armes chi-miques. Le régime a cru malin de révélerqu’il en possédait, sans comprendre qu’ildéplaçait ainsi le débat à un niveau alar-mant. La deuxième question récemmentsoulevée est celle du Parti des travailleursdu Kurdistan (PKK), avec ses activités etson influence. Là encore, le régime a vouluexploiter habilement cette “carte”, mais

voilà qu’Ankara accuse Damas d’être der-rière les attentats contre ses forces àGazantiep [le 21 août : 9 morts et 70 bles-sés]. La troisième nouveauté concerne l’af-flux de réfugiés – leur nombre approche100 000 – vers la Turquie : le problèmedevient turc autant que syrien. Autrementdit, la probabilité d’une intervention

augmente à mesure que la crise débordedes frontières de la Syrie. Les mises engarde de la France contre l’embrasementdu Liban vont dans ce sens.

On peut en relever divers indices cesderniers jours, notamment la déclara-tion du ministre de la Défense français,Jean-Yves Le Drian, évoquant une zone

d’exclusion aérienne, la création par lesEtats-Unis et la Turquie d’un “mécanismede coordination complet sur la Syrie”, l’ap-pel de l’Italie à une réunion de ses alliéspour examiner l’“après-Assad” ou encorele retour du porte-avions USS John C. Sten-nis dans le Golfe.

Il ne faut cependant pas oublier lessérieux obstacles à une intervention mili-taire, à commencer par les réactions russeet iranienne, en passant par la peur que sus-cite Al-Qaida en Occident, le calendrier del’élection américaine [le 6 novembre], lasituation des économies occidentales oules expériences traumatisantes en Irakou en Afghanistan, et enfin la situationde l’opposition syrienne et la capacité del’Armée syrienne libre (ASL) à accueillirune intervention étrangère.

Mais le plus important est que lerégime syrien, en manipulant ce qu’ilconsidère comme ses “cartes”, est en trainde précipiter une confrontation inévitable.La violence sauvage de la répression etle nombre des morts, qui approche les25 000, sans parler des blessés, des défi-gurés, des détenus et des 3 millions deréfugiés ou déplacés, rendent l’issue deplus en plus difficile.

Les dirigeants de Damas ont tenu àpousser leur jeu politique et diploma-tique à l’extrême, en entraînant la Russieet l’Iran, tandis que militairement ilsusent sans retenue de leurs forces ter-restres et aériennes. Quel abus politiqueet militaire plus évident que le bombar-dement par un avion syrien de son peupleréfugié sur le territoire irakien  ? Lemonde ne pourra le supporter.Hazem Saghieh

Syrie

La probabilité d’une intervention occidentale augmente

Israël-Palestine

Les Palestiniens ont vu la plage de Tel-AvivLes autorités israéliennes ont permis à des milliers de Palestiniens de Cisjordaniede rendre visite à leur famille en Israël.

Ha’Aretz (extraits) Tel-Aviv

�A l’occasion des célébrations del’Aïd-el-Fitr [fête de la rupturedu jeûne après le mois du rama-

dan], Israël a autorisé l’accès de son ter-ritoire à quelque 130 000 Palestiniens.Des dizaines de milliers d’habitants deCisjordanie ont eu la rare opportunité derendre visite à leur famille d’Israël, de sebaigner dans la Méditerranée et de visi-ter le pays. Le Gouvernement militaireet l’Administration civile [organismes

israéliens en charge des Territoires pales-tiniens occupés] ont ainsi pris une initia-tive courageuse qui, même s’ils ont tentéde la cacher au grand public israélien,mérite d’être saluée.

L’opération s’est déroulée sans accrocs.Elle a permis aux habitants des Territoiresde quitter leur prison géante, ne serait-ceque pour un moment, et de humer unparfum de liberté malgré l’occupationisraélienne et l’interdition qui en découlepour eux. Cette fête a donné un peu debonheur aux dizaines de milliers de per-sonnes qui ont pu se baigner dans la merpour la première fois, rencontrer leurfamille et prendre des vacances, commedes êtres humains. Pour une fois, la vuedes plages de Tel-Aviv, vers lesquelles desmilliers de Palestiniens se sont rués, avaitquelque chose d’émouvant.

Malgré les protestations des colons etdes militants de la droite dure, Israël a cesdernières années quelque peu assoupli sonemprise cruelle sur les Territoires occu-pés. Des dizaines de barrages militaires ontété supprimés, des routes ont été ouvertesà la circulation [des Palestiniens] et lenombre d’habitants de Cisjordanie auto-risés à entrer en Israël pour y travailler alégèrement augmenté. Ces mesures n’onten aucune façon compromis notre sécu-rité. Mais elles ne peuvent suffire. Comptetenu de la relative accalmie qui prévautdepuis quelques années, Israël doit déve-lopper considérablement cette politique.Plutôt que de leur jeter un os à l’occasiond’une fête, il faut mettre en place une ouver-ture contrôlée des portes d’Israël aux Pales-tiniens, une mesure nécessaire nonseulement d’un point de vue moral, mais

aussi pour le bien de nos deux peuples.Après de nombreuses années où toutcontact entre les deux pays a été bloqué,Israël doit entamer un rétablissement pro-gressif de la liberté de circulation entre laCisjordanie et Israël. Cela permettrad’améliorer les conditions de vie dans lesTerritoires, d’atténuer quelque peu les sen-timents de désespoir des deux côtés et derapprocher les deux peuples. Rares, et pourainsi dire surréalistes en Israël, les scènesdont nous avons été les témoins devraientdevenir une routine. Surtout maintenantque la foi en la paix a complètement dis-paru, il est vital pour Israël d’ouvrir sesportes tant qu’il n’y a pas de terrorisme. Lesdizaines de milliers de Palestiniens qui setrouvaient en Israël cette semaine sont ren-trés chez eux heureux. Puisse leur bonheurêtre également celui des Israéliens.

� Dessin de Schot, Pays-Bas.

Page 32: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

L’achat par l’Etat de la céréale à des prix élevés va faire perdre au pays sa première placed’exportateur. Une politiquetrès critiquée par l’opposition,mais qui, à long terme, pourrait être profitable.

Bangkok Post Bangkok

�L ’année dernière, à l’issue de lapremière récolte de riz, le gou-vernement a mis fin au système

d’achat qu’avait créé le gouvernement duParti démocrate assurant aux agriculteursdes prix honnêtes correspondant au coursdu marché. Le Parti Pheu Thai, vainqueurdes élections en juillet 2011, a tenu l’unede ses promesses électorales en achetantle riz deux fois plus cher que ne l’imposele marché.

Il y a une certaine logique derrière cettefolie, du moins en théorie. Toutefois, lathéorie n’a pas encore rejoint la réalité dumarché et ce nouveau système coûte extrê-mement cher aux contribuables. A terme,l’Etat pourra peut-être rentrer dans sesfrais ou même faire des bénéfices. Il estégalement possible que cette politiquetransforme une perte énorme en gouffre.Dans l’immédiat, le programme d’achat dugouvernement lui a permis de stocker desquantités de riz sans précédent. Pour cetteraison, la Thaïlande n’est plus le premierpays exportateur [devancée par le Viet-nam], mais reste celui qui perçoit le plusde revenus, car le riz au jasmin [variététhaïlandaise très prisée sur les marchésinternationaux] est devenu plus onéreux.

Une corruption généraliséeLe nouveau système attise les critiques – ouplutôt les foudres – de nombreux écono-mistes, de tous les opposants au gouver-nement et, bien sûr, des démocrates et deleur “gouvernement fantôme” [une struc-ture de l’opposition qui lui permet de suivreles décisions de l’administration]. Le gou-vernement américain aurait déclaré quel’achat par l’Etat du riz à des prix élevéséquivaut à une subvention commerciale,pratique illégale au regard des règlementsde l’Organisation mondiale du commerce.

Et ce n’est pas tout. Début août, dansl’indifférence générale, l’autorité thaïlan-daise chargée des enquêtes spéciales aexpliqué en détail comment les baronsnationaux du vol – heu, excusez-nous… lesmarchands de riz – pompent, manipulent,bricolent, falsifient la comptabilité, fontdu trafic ou tout simplement volent du rizet de l’argent. Et ce grâce à un mécanismeconçu pour aider les riziculteurs, mais quiprofite en réalité aux intermédiaires, quis’enrichissent plus que jamais.

Au Parlement, le gourou de l’économieKittirat Na-Ranong [ministre des Finances]

a surpris tout le monde par son honnê-teté – une attitude nouvelle et rafraîchis-sante – lorsqu’il a noté : “Je suis convaincuque ce programme est gangrené par une cor-ruption généralisée.”

Il est intéressant de noter qu’il a choisiChalerm Yubamrung, vice-Premier mi -nistre, pour faire la chasse aux coupableset autres arnaqueurs. Toutefois, il n’a pasprécisé si cette nouvelle mission était prio-ritaire. En effet, Chalerm Yubamrung estégalement chargé de la lutte contre ladrogue et le terrorisme.

Bien sûr, ces fichus démocrates nefaisaient que chercher les ennuis en révé-lant que le système d’achat du riz souffrede corruption, a ajouté Kittirat Na-Ranong.Après tout, “le gouvernement n’a jamaisaffirmé que ce programme était exempt decorruption”.

Toutefois, il est bien possible que lesévénements à venir finissent par faire taireles critiques et fassent brièvement du gou-vernement un véritable génie. La crise ali-mentaire à laquelle la planète devra faireface ne fait que commencer.

L’ONU prévoit une pénurieSelon l’Organisation des Nations uniespour l’alimentation et l’agriculture, en2013 la pénurie et les prix pourraientatteindre les niveaux de 2007 et de 2008,période à laquelle des émeutes de la faimavaient éclaté. Le prix des céréales, dontle riz, risque d’augmenter d’au moins20 % en 2013. Ne serait-ce qu’en juil -let 2012, les prix de l’alimentation ontgrimpé de 6 %.

La production de blé en Russie est àpeine suffisante. Le ministère américain

de l’Agriculture a publié un communiquéde presse le 10 août dans la soirée (sûre-ment pour faire le moins de bruit pos-sible), qui annonçait les récoltes de maïsles plus faibles depuis dix-sept ans, maisqui soulignait des prix en hausse.

D’ici à la fin de l’année 2012, les 17 mil-lions de tonnes de riz stockées dans plu-sieurs régions thaïlandaises – desquellesil faut déduire ce que les voleurs, euh…pardon, les marchands, ont subtilisé –pourraient voir leur valeur doubler, voiretripler. Il n’est pas politiquement correctde sourire à l’approche d’une période defamine, mais pour ceux qui possèdentbeaucoup de nourriture il est logique dese préparer à augmenter les prix, surtoutsi c’est la seule solution, à court terme,pour maintenir un système populisted’achat du riz. �

Thaïlande

Bangkok mise sur le riz

ThaïlandeVietnam

4

2

0

6

8

10

2008 2009 2010 2011 2012

CompétitionVolume des exportations de riz (en millions de tonnes)

Sources : Association des exportateurs de riz thaïlandais, Bureau vietnamien des statistiques,ministère américain de l’Agriculture

Prévisions

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 27

� Dessin de Liza Donnelly paru dans The New Yorker, Etats-Unis.

Le Vietnam est au coude à coude avecl’Inde pour supplanter la Thaïlandecomme premier pays exportateur de riz en volume en 2012. Mais, selon le Dr Le Van Banh, directeur de l’Institut de recherche du riz du delta du Mékong,cité par le quotidien Nguoi Lao Dông,“les paysans ont des revenus quidemeurent faibles car ils vendentleurs produits à bas prix”. L’intérêt pourle Vietnam n’est pas d’être en tête des pays exportateurs, mais d’assurerune augmentation des recettes des agriculteurs et des entreprises,soulignent plusieurs analystes dans le même article. Il faudrait notammentdonner les moyens aux entreprises de construire des entrepôts pourstocker le riz. Le vice-ministre de l’Agriculture et du Développementrural, Bui Ba Bong, estime qu’une tellemesure profiterait aux intermédiaires privés plutôt qu’aux agriculteurs.Par ailleurs, le quotidien de Bangkok The Nation note que la Thaïlande, leVietnam, le Laos, le Cambodge et leMyanmar garantissent les deux tiers desventes mondiales de riz, qui s’élèvent à 30 millions de tonnes. Les ministres du Commerce des cinq pays entendentdiscuter de la mise en place d’unefédération régionale afin de peser surles tarifs de la céréale et d’obtenir uneaugmentation de 10 % des prix par an.Une mesure contestée par l’Associationthaïlandaise des exportateurs de riz, quisouhaite que les efforts se concentrentsur la qualité de la production et la promotion du riz biologique.

Stratégie

Garantir des prix élevés

Page 33: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

MCK, le parcours de MCK, et la réponsedes autorités à MCK, c’est une histoireangolaise. L’Angola d’aujourd’hui.

Pour le lancement officiel de l’albumau Portugal, MCK était présent dans unegrande enseigne culturelle. Un audito-rium bondé l’attendait. La présentation aété un mélange de conférence politiqueet de session musicale, ce qui a tout sonsens si l’on prend garde à ses paroles : “Jeparle beaucoup de politique/[alors que] Jepourrais chanter des futilités pour distrairele peuple.” Lors de cette session, MCK aété très applaudi lorsqu’il a interprétéAtrás do prejuízo [Pas d’autre choix], untitre qui nous entraîne au cœur de la viequotidienne des habitants des musseques[bidonvilles ; le mot d’origine kimbudusignifie “dans le rouge”, en référence à lacouleur de la terre à Luanda ; ce terme fututilisé ensuite par les colons portugaispour désigner les quartiers noirs de laville], ou quand il a entonné No país do paiBanana [Au pays du père Banane], la des-cription d’une dépendance et d’une révé-rence – imposées mais déjà ancrées dansla conscience collective angolaise  – àl’égard de l’homme providentiel exemptde toute critique (qui peut être le patron,le président de la République).

Cet accueil chaleureux représente sansdoute un aboutissement pour ce fils d’unchauffeur et d’une femme de ménage, ben-jamin d’une famille de huit enfants, né àLuanda. Quand ses parents se sont sépa-rés, il a suivi sa mère à Catambor, “l’une desbanlieues les plus violentes de la capitale”.Avant de déménager à nouveau “dans unquartier encore plus difficile”, à Margoso.L’éducation religieuse qu’il a reçue de samère, témoin de Jéhovah, lui a servi de pro-tection. Sinon, il aurait fini “délinquant oualcoolique”. Son parcours universitaire estfrénétique : titulaire d’une maîtrise de phi-losophie et détenteur d’une formation debase de kinésithérapeute, il étudie actuel-lement le droit public. Soif de connais-sance ? Certainement. Mais pas seulement.“La pauvreté t’oblige à essayer un peu tout.

Tu fais ce que tu peux et non pas ce que tuveux”, confesse-t-il. Ce n’est pas un hasards’il se sent dans la peau d’un vainqueur :“Bien que j’aie grandi dans ce chaos, cette pro-miscuité qui rend presque impossible la possi-bilité de survivre honnêtement, j’ai réussi àpréserver l’éthique et le sens d’une vie intègre.Et j’ai contribué à la construction de cet espritau sein de la communauté angolaise. Parve-nir à survivre sans finir corrompu, c’est déjàune victoire.”

C’est dans sa jeunesse que MCK acroisé la musique. D’abord, la breakdance.Puis Run DMC, Public Enemy [groupes derap américains], et un peu plus tard les Bré-siliens Racionais MCs et Gabriel O Pensa-dor, sans oublier le rap portugais [voirCourrier n° 1138 : “Sous les pavés, le rap”].Quand il est entré en contact avec la litté-rature des indépendances africaines, lesidéaux du panafricanisme et la “renais-sance” de la communauté afro-américaine,tout s’est mis en place. “L’idée directrice étaitde favoriser une véritable valorisation cultu-relle, une vision plus intégrante et un plus grandrespect de ce qu’est le patriotisme. J’ai associécela au fait que l’oralité était l’élément le plusfort de la transmission du savoir que nousavions en Angola. Cela a créé du lien et impliqueque la musique n’est pas seulement de lamusique. C’est un instrument de lutte, de par-tage éducatif, un passage de témoin.” Son iden-tité musicale était définie  : le hip-hop.Ensuite, la réalité de la société angolaiselui a donné les paroles.

En 2002, il lance son premier album,Trincheira de ideais [Tranchée d’idées].En 2006, c’est au tour de Nutrição espiri-tual [Nourriture spirituelle]. Et aujour-d’hui, Proibido Ouvir Isto. A première vue,pour qui prétend s’engager autant dans laréalité angolaise, l’écart entre les albumssemble important. Mais MCK n’entre pasdans cette logique. Il ne vit pas de lamusique. Le rappeur travaille dans uneentreprise de transports, développe desprojets en communication et marketingcomme travailleur indépendant, étudie ledroit la nuit et gère un modeste label. D’où

la difficulté de “trouver 60 000 dollars” pourlancer un album – “je corresponds un peu àce qu’est le modèle angolais actuel, un labora-toire de  survie”. MCK voit ses disquescomme des “interprétations” du temps quia passé et de ce qui a changé dans la société.En ce sens, “cinq ans est un laps de temps cor-rect que l’on offre à n’importe quel pouvoirdémocratiquement élu”.

Depuis 2002, il a vu la paix arriver pourde bon et, avec elle, surgir enfin la possi-bilité de penser à autre chose qu’à la survieau jour le jour. Mais il a également assistéau “boom” du pétrole et a tout ce que celaa signifié sur le plan économique et social.MCK critique la culture matérialiste, celle“du pétrole et du diamant”, qui domine lamentalité angolaise, et il condamne le pou-voir pour sa corruption endémique et leculte de la personnalité autour du prési-dent – “on doit faire partie des rares pays quiont un président vivant sur leurs billets debanque”. Il n’épargne pas non plus leconformisme de beaucoup, qui protestentavec force sur leur canapé mais qui sur laplace publique, comme le dit l’une de sesnouvelles chansons, ne voient pas de res-ponsable de tout cela (“pas de chef”). Laresponsabilité des gouvernements occi-dentaux n’échappe pas à la critique, notam-ment celle du Portugal, qui ne s’interroge

pas sur les investissements massifs en pro-venance de l’Angola [que ce soit dans lesecteur bancaire, les sociétés pétrolières,l’agroalimentaire ou encore les médias,notamment via des sociétés appartenantà la fille aînée du président, Isabel dosSantos]. Cela n’empêche pas MCK de sous-crire à l’idée d’une fraternité lusophone.D’ailleurs, elle se concrétise sur le planartistique  : ainsi son label distribue enAngola les rappeurs portugais Sam The Kidet Valete. Mais il se dit offensé en tantqu’Angolais en s’apercevant que nombrede Portugais voient uniquement dans l’an-cienne colonie “le pays où l’on se fait de l’ar-gent facile”, sans chercher à approfondirdes liens autres que commerciaux. Il n’estpas plus indulgent avec les Angolais qui seglorifient aujourd’hui d’être des “colons auPortugal”, parce qu’ils “achètent des maisonsoù ils veulent et achètent tous ceux qu’ils veu-lent”. Le rappeur n’y voit pas un désir defraternité et de connaissance mutuelle. Nila possibilité d’un avenir radieux.

MCK appartient à une nouvelle géné-ration d’Angolais qui espère un autre pays.Les manifestations de ces derniers moisont montré la face la plus visible d’unecontestation des inégalités et de l’autori-tarisme de l’Etat que les amateurs de hip-hop connaissaient déjà. “Ce sont desmoments d’apprentissage pour tout lemonde.” Un autre avenir verra le jour. EtMCK sera là pour le chanter.Mário Lopes

lui a-t-on dit –, et il a fait l’objet de nom-breuses autres menaces. Il porte en lui lamort d’Arsénio Sebastião “Cherokee”, unlaveur de voitures de 27  ans assassinéen 2003 par des membres de la Garde pré-sidentielle pour avoir chanté A Téknika, askausas e as konsekuências, une critiquedirecte du pouvoir angolais.

L’Angola n’est pas l’eldorado. MaisMCK n’est pas seul à le dire. Des artistesmilitants comme Ikonoklasta ou Carbonoamplifient des mots d’ordre comme “le paysn’a pas de propriétaire, l’Angola est à noustous” ou, en référence aux années de pré-sidence de José Eduardo dos Santos,“trente-trois, c’est trop”. Des slogans enten-dus dans la bouche des personnes sortiesdans la rue manifester pour une plus grandeliberté d’expression ou pour la fin de lapauvreté extrême, affrontant l’agressivitéde la police et, à plusieurs reprises, les affresde l’emprisonnement. Que la voix s’élèveou non dans un disque ou dans des mani-festations, que l’on parle de gens qui sontnés et ont toujours vécu en Angola ou deceux qui ont eu le privilège de sortir pourétudier et découvrir le reste du monde, ledésir d’avenir, de construction est indé-niable chez cette génération.

L’artiste multifacette Nástio Mos-quito, qui se décrit comme “un vagabondcréatif aux préoccupations socio-écono-miques”, vivait à Londres quand la paixs’est installée en Angola [en 2002, aprèsplus de vingt-sept ans de guerre civile],le poussant à revenir. Aujourd’hui, lors-qu’il observe dans son pays les contra-dictions entre un pouvoir économiqueen plein essor et l’incapacité d’en fairebénéficier l’ensemble de la société, Mos-quito déclare : “Nous avons beaucoup àapprendre et si on se focalise sur des chosesjustes, nous aurons des arguments pour récla-mer avec force de nouvelles solutions pourune vie meilleure.” Selon lui, ces contra-dictions ne sont pas particulièrement dis-tinctes des réalités en cours en Occident.“La différence, c’est qu’ici le contraste estbeaucoup plus manifeste.” Pour lui la portéede la voix de MCK –  qui a largement

dépassé les frontières du hip-hop – n’estpas surprenante. On prétend que seschansons sont plus écoutées et plusimportantes politiquement que les dis-cours à l’Assemblée nationale angolaise.“Il n’est pas étonnant que quelqu’un d’élo-quent comme MCK, issu des classes popu-laires, ait un impact plus grand sur le peuplequ’une Assemblée endormie et éloignée de cequi se passe dans la rue. Mais est-ce si diffé-rent au Portugal ?” s’interroge Mosquito.Le décalage entre les agissements de laclasse politique et la réalité de la rue ainsique la méfiance – quand ce n’est pas l’in-différence – que celle-ci suscite font éga-lement partie de la réalité portugaise. Mais

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 33

PIB par habitant (en PPA**, 2011) :6 825 dollars (France : 35 195)Taux de croissance : 6,5 % (2011)Ressources : l’Angola est le 2e paysproducteur de pétrole d’Afrique,après le Nigeria.

Les hydrocarbures représentent40 % du PIB du pays et 2/3 des recettes de l’Etat. Par ailleurs,l’Angola produit 7 millions de caratsde diamant par an. Le pays disposeégalement de nombreux gisements

de cuivre, de manganèse, de phosphate et d’uranium.(Sources : FMI, Pnud, FranceDiplomatie.)* Indice de développement humain.** En parité de pouvoir d’achat.

Au pouvoir depuistrente-trois ans, JoséEduardo dos Santos a verrouillé le systèmepolitique angolais.Malgré la protestationqui gronde, il devrait être reconduit à l’issuedu scrutin du 31 août. A 70 ans, le présidentdos Santos met en avantla reconstruction des infrastructures du pays et s’engage à poursuivre dans cettevoie en distribuantmieux les richesses.

Grand favori du scrutin, il mène campagne avec son numéro deux, Manuel Vicente, l’ancien patron de la compagnie nationalepétrolièreSonangol,présentécommesonpossiblesuccesseur.

L’opposition estmuselée et divisée.Surfant sur l’actuel vent de contestation, l’Unita entend incarner le changement et lutter contre les inégalités. Son président, Isaías

Samakuva, espère que ce vote feraoublier sa sévère

déroute auxlégislatives de 2008[81 % pour le MPLA

au pouvoir, 10 % pourl’Unita].

Présidentielle

Le dauphinat en jeu

54 % des Angolais vivent avec moins de un euro par jour

MCK critique la culturematérialiste qui s’est emparée du pays

Page 34: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

34 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Economie

Le groupe textile espagnolInditex, qui exploite notammentla marque Zara, est devenu l’une des coqueluches de la Bourse de Madrid. Résultat : son discret fondateur est aujourd’hui le troisièmehomme le plus riche du monde.

El País Madrid

�E n avril 2011, la presse locale rela-tait la visite d’Amancio Ortega àMarineda City, un centre com-

mercial de la périphérie de La Corogne [enGalice, nord-ouest de l’Espagne]. Le fon-dateur [et premier actionnaire] du groupe[leader mondial du secteur] Inditex avaitpassé plusieurs heures à parcourir les bou-tiques du groupe – ses boutiques. A midi, ilavait fait une halte au café du coin pourconsommer un sandwich crudités, unebière et un café sucrette, un repas que lescommentateurs avaient trouvé frugal pourun homme qui était à ce moment-là la hui-tième fortune du monde. Ce que personnene savait à l’époque, c’est que la visite d’Or-tega avait un autre objectif. Le patron tenaità voir de ses yeux ce que donnait et com-ment fonctionnait le nouveau concept deboutique que préparait Zara, et qui, un anplus tard, serait inauguré en grande pompesur la 5e Avenue, à New York.

Une façon de procéder tout à fait dansle genre de la maison, et dans le genred’Ortega, et plus globalement dans le genrede tous ceux qui travaillent avec lui. Ausiège d’Arteixo [à 15  kilomètres de LaCorogne], le naturel et la discrétion sontde mise – de même que l’opacité. Nonqu’Inditex ait encore beaucoup de secrets(c’est l’une des entreprises les plus étu-diées dans les grandes écoles de com-merce), mais elle reste experte dans l’artde ne révéler que ce qu’elle veut révéler.Pour une entreprise qui n’utilise pas lapublicité (en tout cas, elle n’a pas de budgetpour) et qui pourtant fait en permanenceparler d’elle, c’est le comble de la réussite.

Esthétique de l’épureMarineda City était, en fait, une expériencede laboratoire. Mais personne ne l’a su plustôt que nécessaire. Personne ne s’étaitrendu compte que cette boutique était dif-férente. Et pourquoi cette boutique, et pasune autre ? Parce que c’était la plus prochedu siège social, qu’elle se trouve entreArteixo et La Corogne, où vivent AmancioOrtega, Pablo Isla, le PDG d’Inditex, et lesautres cadres dirigeants de l’entreprise.

Un an plus tard, le 14  mars 2012, Inditex invitait un groupe de journalistes

du monde entier à l’inauguration de sonnouveau magasin Zara, à New York, au 666de la 5eAvenue. Les médias se firent l’échode ce nouveau concept de boutique. Dansun style plus ou moins inspiré, ils détaillè-rent les vertus de cette esthétique de

l’épure, toute de gris et de blanc, de pleinset de vides, d’ombre et de lumière, le toutpensé pour faire impression sur la clien-tèle et la pousser à l’achat. Et un chiffre

n’est pas passé inaperçu : Inditex avaitacheté le local commercial pour quelque247 millions d’euros. Les spécialistes dusecteur y ont vu un changement notabledans les habitudes de l’entreprise, pluscoutumière du bail. Alors, caprice de mul-tinationale ou décision stratégique  ?“Acheter les meilleurs emplacements sur lesmeilleures artères des meilleures villes, c’estse constituer un patrimoine qui prend 30 %quand actuellement, sur le marché immobi-lier, beaucoup de locaux commerciaux per-dent 30 %”, explique un expert.

Amancio Ortega, comme à son habi-tude, n’était pas présent à l’inauguration.A ce moment-là, il était déjà la cinquièmefortune mondiale. Et début août l’agenced’information financière Bloomberg l’aclassé à la troisième place, avec un patri-moine estimé à 37,5  milliards d’euros,devant le magicien de la finance Warren

Buffett [en réalité les deux hommes se dis-putent la troisième place au jour le jour, augré de la cotation de leurs actions] et unautre grand nom de la distribution, IngvarKamprad, le fondateur d’Ikea.

Certes Bill Gates et Carlos Slim, numé-ros un et deux respectivement, sont encoreloin devant. Mais au-delà de l’aspect anec-dotique de cette danse des chiffres entremilliardaires reste une certitude : Aman-cio Ortega illustre un phénomène qui n’enfinit pas de surprendre, qui donne tort auxanalystes et reste inimitable trente-septans après la naissance d’Inditex.

Toujours plus de magasinsDe nombreux auteurs ont tenté de décor-tiquer les raisons du succès d’Inditex (oude Zara, sa marque phare, qui assure prèsde 70 % du chiffre d’affaires du groupe),une multinationale qui, contrairement àses concurrents, a su garder le cap enpleine tourmente économique mondiale.Cette société qui a son siège en Espagnene semble absolument pas touchée par laconjoncture nationale : les chiffres dupremier trimestre 2012 indiquent unbénéfice en hausse de 30 % par rapport àla même période de 2011. L’effondrementde la Bourse espagnole, où sont cotéesles actions Inditex, a épargné le groupe,qui a même vu son cours multiplié partrois depuis 2008 et est actuellement lasociété espagnole la mieux cotée, devantTelefónica et les deux grandes banquesSantander et BBVA. En outre, le nombrede points de vente ne cesse d’augmenter,à raison de 1 000 magasins supplémen-taires tous les deux ans, crise ou pas crise.Ainsi, Valence a accueilli en 2006 la3 000e boutique, Tokyo en 2008 la 4 000e,Rome en 2010 la 5 000e. La 6 000e devraitdonc ouvrir à la fin de cette année. Maisoù ? Certains parlent de la Chine, mais cene sont que des conjectures.

La Chine. Inditex y compte déjà300 magasins et y fabrique déjà une partiede ses articles. Mais, contrairement à l’opi-nion répandue, qui considère la Chinecomme l’incontournable planche de saluten temps de crise, certains faits laissentpenser que le groupe est en train de seretirer du pays, où les coûts de fabrica-tion ne sont plus si bas, pour relocaliserla production plus près de l’Espagne, enAfrique, en Turquie, et même au Portu-gal. Autrement dit, quand certains par-tent seulement, Inditex revient déjà. Etlà, précisément, est l’une des clés de saréussite : la rapidité de réaction.

“Inditex, c’est le plus résistant de tous lesmodèles existants”, résume José Luis Nueno,professeur à l’IESE Business School del’université de Navarre, auteur d’une des

Prêt-à-porter

Zara ne connaît pas la crise

� “Est-ce que vous avez des bikinis à capuche ?” Dessin de Tute, Argentine.

Le groupe est en train de se retirer de Chine, oùles coûts de fabricationne sont plus si bas, pourrelocaliser la productionplus près de l’Espagne

Page 35: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

nombreuses études de cas sur Inditex des-tinées aux écoles de commerce. “Naturel-lement, ils ont tous essayé d’imiter ce modèle,certains y arrivent à 10 %, ou à 20 %, maisjamais complètement. Personne n’est capablede faire ce qu’ils font et comme ils le font.”

Une mode mondialiséeDes vêtements qui plaisent, à des prix abor-dables, pour classes moyennes aux goûtsconvergents. C’est ainsi que les spécialistesdéfinissent la mode que produit Inditex,signifiant par là que le groupe peut aussibien, selon les endroits, habiller les classespopulaires et moyennes que les classessupérieures. Pourtant, Inditex n’a pas l’apa-nage de ce concept de mode mondialisée.Des stylistes capables de flairer les ten-dances, de s’inspirer de tout ce qu’ils voient,dans n’importe quelle rue de n’importequelle grande ville, Zara et ses marquessœurs n’en ont pas l’exclusivité. Savoirobserver le marché, copier ce qui est pré-senté dans les défilés, d’autres multina-tionales le font aussi. Et, pourtant, Inditexa une longueur d’avance.

La légende veut que, quand la météoannonce de la pluie dans une ville, les para-pluies sont déjà dans les boutiques Zara.Cette image éclaire ce qui fait l’essence del’entreprise. Inditex crée du prêt-à-porter,certes, mais surtout c’est un groupe effi-cace. Entre la prise de décision et l’exé-cution, le délai est extrêmement court.Et cela Inditex le doit à un processusindustriel très avancé, une logistiqueimpressionnante associée à un haut niveautechno logique. “Pour ça, ce sont des cracks”,insiste José Luis Nueno. Les chiffres sont

connus : Inditex fabrique 840 millions d’ar-ticles de confection chaque année, répar-tis sur près de 40 000 références. Personnen’en fait autant. Le groupe fabrique simul-tanément des vêtements d’hiver et d’été,pour hommes et pour femmes, pourenfants, ados et adultes, pour les Chinoiset pour les Américains, pour les pays où leréassort le plus fréquent porte sur les taillesS et M et pour ceux où les plus demandéessont le L et le XL. Inditex, c’est la grandeenseigne planétaire. Tout cela, on le sait.Ce qui étonne vraiment, c’est la capacitédu groupe à s’adapter à tout à la vitessegrand V. Si un tee-shirt ne se vend pas, l’en-treprise le sait aussitôt, et il est retiré desrayons et recyclé – car chez Inditex rien nese perd. “On imprime un message dessus, onle reteint et il repart en magasin”, expliqueun cadre. Et en cas de plainte pour copie ?“Le vêtement est immédiatement retiré, sansdiscussion. Le client peut encore choisir parmi40 000 autres références.” L’important, c’est

qu’il n’y ait pas de stocks. C’est simple : ilfaut vendre tout ce qui est fabriqué.

Inditex est une entreprise espagnole.Comment une entreprise basée enEspagne, où elle possède sa logistique et1 900 magasins, continue-t-elle d’afficherdes bénéfices aussi coquets ces dernièresannées, dans un pays où la consommationest en berne et qui semble à deux doigtsdu plan de sauvetage ? Une fois encore,ce miracle apparent s’explique par lesexcellents réflexes d’Inditex. Le groupen’ouvre quasiment plus de magasins enEspagne, il en a même fermé. Mais il y amaintenu son chiffre d’affaires et mêmeenregistré une hausse modeste de 1 % en2011 alors que tous ses concurrents, eux,reculaient. Autre spécificité, le groupen’exploite pas la “marque” Espagne : dansbien des pays, les clients n’associent pasZara à l’Espagne.

En 2009, quand les analystes ont prédità Inditex ses premières difficultés dans unmonde en crise, le groupe a immédiate-ment pris des mesures, avec la prudencequi le caractérise. Un de ses cadres s’ensouvient : “On s’est mis à produire plus devêtements ‘basiques’ et à mettre davantage l’accent sur le service en magasin. Avant,les employés se contentaient de replier lesvêtements, aujourd’hui ils doivent s’occu-per des clients : personne ne doit partir sansavoir acheté quelque chose.” L’avantage desbasiques ? Ils sont moins chers. Sans le dire,Inditex a donc baissé ses prix.

Indifférent aux convulsions des mar-chés, le groupe a poursuivi son petit bon-homme de chemin. Il a continué à ouvrirdes magasins, mais de préférence dans les

pays émergents. Comme si les événementsdu monde ne faisaient que l’effleurer,Inditex présente à New York un nouveauconcept store Zara, dont le modèle va êtreappliqué à des centaines de points devente. Et il annonce de nouveaux inves-tissements. Quels sont les atouts de latransformation des magasins Zara ? Uncadre nous éclaire : “Si étonnant que celapuisse paraître, on fait tenir plus de vêtementssur des tringles que présentés sur des tables.”Deuxième avantage, des vitrines minima-listes. Car une vitrine presque vide, c’estun concept esthétique, certes, mais ce sontaussi des économies.

En pleine crise, Amancio Ortega aannoncé qu’il cédait la direction d’Inditexà Pablo Isla, qui en est devenu le président

[en juillet 2011]. En désignant son succes-seur, il levait tous les doutes sur le rôledévolu à sa fille Marta et séparait la pro-priété de la gestion. Certains observateursont estimé que le moment n’était pas pro-pice à l’annonce d’une succession, mais ladécision était prise. On ne savait pas grand-chose de Pablo Isla, un pur produit Indi-tex, tout aussi discret qu’Amancio Ortega.Isla n’accorde pas d’interviews. Tout justepeut-on l’entendre une fois par an, lors-qu’il s’adresse aux actionnaires lors de l’as-semblée générale. Pour certains, c’est àPablo Isla que l’on doit l’entrée d’Inditexdans la vente en ligne, et l’acquisition d’im-meubles comme celui de la 5e Avenue.

La tendance est au rougeDes décisions sont prises, et rapidementmises en œuvre. Ainsi, l’enseigne MassimoDutti s’est lancée à l’assaut du marchéaméricain. La marque y arrive avec unecollection spécialement conçue et quiconcurrencera les grandes marques locales.Des articles qu’on ne verra pas en Espagne,ce qui va à l’encontre de l’idée (fausse)selon laquelle Inditex vendrait la mêmechose dans le monde entier. Au siège dela filiale, à Barcelone, le personnel de Massimo Dutti a des consignes à mettreen œuvre début septembre  : dans lesvitrines, le rouge doit prédominer et toutdoit être pensé au millimètre. “S’il faitchaud, on ne doit plus voir un parapluie envitrine, comme c’était le cas jusqu’ici.” Et pour-quoi du rouge ? “C’est la tendance. C’était enune de Vogue”, explique-t-on chez Dutti.

Inditex va poursuivre son expansion.Les prochains chiffres sont attendus en sep-tembre, mais il ne fait guère de doute qu’ilsseront bons. Amancio Ortega continuerade voir sa fortune augmenter maintenantqu’il est censé être à la retraite, même s’ilse rend de temps en temps au siège d’Arteixo, qu’il passe des heures au bureaude style de Zara femmes, son coin préféré,et déjeune encore à la cantine du person-nel. Le troisième homme le plus riche dumonde continuera à refuser les interviewset, surtout, à refuser d’expliquer commentil a conçu un modèle qui reste inimitabletrente-sept ans plus tard. Luis Gómez

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 35

EXPOSITION AU CHÂTEAU DE TOURS

EXPOSITION AU CHÂTEAU DE TOURS

EXPOSITION AU CHÂTEAU DE TOURS

, mécène principal.Il bénéficie du soutien depar le Le Jeu de Paume est subventionné

en collaboration avec le Jeu de Paume et la Ville de Tours.Exposition organisée et produite par Camera Austria et la Fondation Bourdieu

En partenariat avec

EXPOSITION AU CHÂTEAU DE TOURS

, mécène principal..

en collaboration avec le Jeu de Paume et la Ville de Tours.Exposition organisée et produite par Camera Austria et la Fondation Bourdieu

Sources : “El País”, “Financial Times”

Chiffre d’affaires et bénéfices du groupe(en milliards d’euros)

Cours de l’action Inditex et indice Ibex 35 de la Bourse de Madrid (évolution, en %)

Une santé insolente

Inditex

indice Ibex 35

Chiffre d’affairesBénéfices

LE GROUPE INDITEX COMPTE PLUS DE 5 000 BOUTIQUES DANS 85 PAYS

0

3

6

9

12

15

2001 20052003 2007 2009 2011

Mai 2001 : introduction en Bourse

1,93

13,79

0

+ 100

– 100

+ 200

+ 300

+ 400

2001 2004 2007 2010 2012

1 659 827 757 699 584 492 315 89

Nombre de points de vente par marque

Si un tee-shirt ne se vend pas, l’entreprisele sait aussitôt. Il estretiré des rayons et recyclé – car chezInditex rien ne se perd

Page 36: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

36 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Inspirés par la philosophie deslogiciels libres, de plus en plusd’universitaires et delaboratoires pharmaceutiquesmettent en commun leur savoirpour concevoir de nouveauxtraitements.

The Guardian (extraits) Londres

�L e crowdsourcing, ou mutualisa-tion des connaissances, est unphénomène qui prend de plus en

plus d’ampleur dans la recherche médicale.Des partenariats voient ainsi le jour entreles laboratoires pharmaceutiques, les cher-cheurs universitaires, les représentants despatients atteints de maladies graves, etmême le grand public.

Alors que les financements en recher che-développement se font de plus en plusrares, tout comme les généreux donateurs,les acteurs de la santé mondiale sontcontraints de repenser leurs modes defonctionnement et leurs processus d’in-novation. “Cela fait des années que les labo-ratoires pharmaceutiques et les instituts derecherche contribuent à la lutte contre les mala-dies tropicales négligées par la recherche phar-maceutique, mais ils agissent souvent de façonindépendante, ou grâce à de petits partena-riats”, explique Don Joseph, directeur del’ONG californienne Bio Ventures forGlobal Health, qui encourage les entre-prises de biotechnologie à mettre au pointdes médicaments, des vaccins et desmoyens de diagnostic pour ces maladiestropicales.

Sciences

Trouver un traitement sans l’aide depersonne permet certes d’en récolter seulles fruits, mais implique également desefforts de recherche-développement surle long terme et un plus grand risque finan-cier. “En général, la mise au point d’un médi-cament est très longue et très coûteuse, et laplupart des tentatives sont vouées à l’échec”,explique Don Joseph. Un pari de plus enplus risqué, notamment avec la hausse ducoût des essais cliniques, qui a augmentéde plus de 70 % entre 2008 et 2011. Les par-tenariats permettraient une meilleurerépartition des risques.

De plus en plus d’organismes, par-fois d’anciens concurrents, mutualisentleurs compétences, leurs droits de pro-

priété intellectuelle et leurs finance-ments. Henry Chesbrough a forgé l’ex-pression “inno-vation ouverte” en 2003.Directeur du programme d’innovationouverte à l’université de Californie, ilexpliquait en 2011 : “Avant, on partait duprincipe selon lequel on n’était jamais mieuxservi que par soi-même. Ce nouveau conceptd’innovation ouverte change complètementla donne.”

Afin de répondre aux enjeux sanitairesde manière plus rapide et moins onéreuse,de plus en plus d’organismes se tournentvers le crowdsourcing. En 2009, la revuescientifique internationale Nature s’estassociée à InnoCentive afin de trouverdes solutions à des problèmes médicaux

et scientifiques grâce au crowdsourcing enligne. L’entreprise de télécommunicationsNokia et l’ONG californienne X PrizeFoundation se sont récemment associéespour offrir un prix de 2,25 millions de dol-lars [1,8 million d’euros] afin d’encoura-ger la création de solutions innovantes enlien avec les nouvelles technologies,notamment le développement d’applica-tions mobiles ayant trait à la santé. “Ceconcours va nous permettre de mesurer toutle potentiel des appareils mobiles dotés de cap-teurs et de progresser dans ce domaine, ce quipourrait changer la vie de milliards de per-sonnes à travers le monde”, a déclaré HenryTirri, vice-président et directeur tech-nique de Nokia. La technologie des cap-teurs sensoriels permet de déceler desmaladies et d’évaluer les paramètresvitaux tels que la température et la pres-sion artérielle.

Dans le développement de produits,la diversité des domaines d’expertise, desfinancements et des motivations des par-tenaires peut entraîner des conflits. Ledéveloppement de produits a toujours étéconditionné par les contraintes dumarché, comme le respect des droits depropriété intellectuelle. Or les nouveauxpartenariats ne respectent pas toujoursces garanties. “Les craintes selon lesquellesle respect de la propriété intellectuelle consti-tuerait un frein à la mise au point participa-tive de médicaments et de vaccins nousparaissent exagérées, assure Don Joseph.Pour l’instant, Il semblerait que l’innovationouverte accélère la mise au point de nouveauxproduits, mais nous n’en sommes qu’au début.L’avenir nous le dira.” �

Innovation

Tous unis pour la recherche médicale

Médecine

Maladie de Machado-Joseph : un traitement prometteurDes scientifiques portugais ontréussi à freiner chez le rat laprogression de cette maladieneurodégénérative rare.

Público (extraits) Lisbonne

�U ne équipe de scientifiques del’université de Coimbra (Portu-gal) a réussi à identifier et à inhi-

ber, chez le rat, un des mécanismes de baseresponsables de la dégénérescence céré-brale qui caractérise la terrible maladie deMachado-Joseph. Ses résultats pourraientouvrir la voie au premier traitement effi-cace de cette maladie génétique, relative-ment rare, mais qui affecte une personnesur 4 000 d’ascendance portugaise en Nou-velle-Angleterre [région composée de sixEtats, dans le nord-est des Etats-Unis] et

qui sévit principalement sur l’île de Flores,aux Açores, touchant une personnesur 140. Depuis 1972, les noms de famillede deux Açoriens sont liés pour toujoursà cette maladie qui atteint le cervelet– structure de la partie postérieure de l’en-céphale essentielle pour la coordinationmotrice, le tonus musculaire et le contrôlede l’équilibre.

La maladie de Machado-Joseph, égale-ment connue sous le nom d’ataxie spino-cérébelleuse de type 3, est progressive etincurable. Elle est due à la mutation d’unseul gène et il suffit que l’un des parentsen soit porteur pour que les enfants aientune probabilité de 50 % d’être atteints decette maladie. Elle peut surgir à n’importequel moment de l’existence et présente dessymptômes plus ou moins graves. En géné-ral, elle entraîne la perte de contrôle desmembres et une rigidité musculaire.

D’autres manifestations sont possibles–  spasmes musculaires, problèmes dedéglutition, troubles de la vision, du som-meil ou encore problèmes cognitifs. Enoutre, la gravité de la maladie augmente degénération en génération.

Le gène muté à l’origine de la maladieprésente une répétition anormalementélevée d’une petite séquence d’ADN, cequi donne naissance à une protéine anor-male –  l’ataxine-3. Celle-ci forme desdépôts dans les neurones, entraînant leurdégénérescence. Les spécialistes suspec-taient déjà que la protéine mutée, en sefragmentant, provoquait la formation des

dépôts. Désormais, l’équipe de Coimbra aréussi à confirmer que ce processus et ladégénérescence cérébrale sont liés. Plusprécisément, les scientifiques ont montréque l’ataxine-3 mutante est découpée enmorceaux par une molécule appelée cal-païne. Lorsqu’elle est inactivée, les frag-ments neurotoxiques disparaissent et ladestruction cérébrale est stoppée – ce quipeut signifier la découverte potentielled’un moyen de freiner ce processus. “Mêmesi nous ne parvenons pas à prévenir totale-ment la fragmentation de l’ataxine-3, le faitqu’elle soit ralentie pourrait être suffisant pourempêcher que la maladie surgisse au cours del’existence d’un malade, ce qui représenteraitune incroyable victoire”, affirme Luís Per-eira de Almeida, responsable de l’équipedu Centre de neurosciences de l’univer-sité, qui vient de publier son travail dansla revue Brain. Ana Gerschenfeld

“Cela pourrait êtresuffisant pour empêcherla maladie d’apparaître”

� Dessin de Joe Magee paru dans The Observer, Londres.

Page 37: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Ces appareils constituant unemenace pour de nombreusesespèces protégées, chercheurset entreprises tentent detrouver des moyens pour limiterles dégâts.

Nature (extraits) Londres

�D ans les collines calcaires, à lapointe sud de l’Espagne, MarcBechard scrute le ciel d’un œil

inquiet. Chaque automne, des milliers devautours fauves (Gyps fulvus) – ainsi quedes oiseaux d’autres espèces menacées –s’envolent vers le détroit de Gibraltar endirection de l’Afrique. Or, avant d’arriverà destination, il leur faut naviguer dans unespace aérien particulièrement dangereux :de chaque côté du détroit, le paysage esthérissé d’éoliennes qui font jusqu’à170 mètres de haut et qui sont armées delames qui fendent l’air à 270 km/h.

Depuis octobre 2008, ce biologistevenu de la Boise State University, dansl’Idaho, et d’autres scientifiques de la sta-tion biologique de Doñana, près de Séville,sont chargés d’aider les oiseaux à traver-ser en sécurité 13 champs d’éoliennes ins-tallés dans la province de Cadix. Chaquefois qu’ils en voient un se diriger vers uneéolienne, les chercheurs appellent la tourde contrôle du parc. En quelques minutes,les pales ralentissent avant de s’arrêtercomplètement, permettant ainsi de sauverun oiseau migrateur. Juste après, le moteurrepart de plus belle.

Remplacer certaines machinesQuand ils ne regardent pas en l’air, les bio-logistes parcourent le terrain pour récu-pérer les carcasses de vautours fauves etd’aigles ibériques (Aquila adalberti), entreautres. Selon la Société ornithologiqueespagnole, de 6 à 18 millions d’oiseaux etde chauves-souris seraient tués chaqueannée par les éoliennes. “Une pale peutcouper un vautour fauve en deux, expliqueMarc Bechard. Il m’est arrivé de voir des bêtesdécapitées.”

D’une manière générale, les éoliennestuent moins d’oiseaux chaque année quela plupart des autres périls liés à l’acti-vité humaine, comme les chats domes-tiques ou les collisions avec des vitres[voir graphe]. Les parcs éoliens consti-tuent néanmoins un danger considérablepour certaines espèces qui sont déjà envoie de disparition, comme l’aigle royalaméricain (Aquila chrysaetos canadensis).A l’heure où les éoliennes sont qualifiéesde “mixeurs à oiseaux” par leurs détrac-teurs, des gouvernements, des entre-prises et des chercheurs ont décidé des’associer pour remédier au problème.La province de Cadix, par exemple,contraint tous les projets éoliens à tenir

compte de différents facteurs écolo-giques et contribue aux recherches visantà limiter les dégâts.

D’après les premiers résultats de cesinitiatives, il semble possible de fairecoexister énergie éolienne et animaux sau-vages. Marc Bechard et ses collègues, parexemple, ont réussi à faire baisser le tauxde mortalité de 50 % dans les parcs éoliensdu sud de l’Espagne, avec une perte d’éner-gie de 0,07 % seulement.

A Cadix, arrêter les éoliennes pendantquelques instants s’est avéré efficace, carles machines menacent surtout les oiseauxmigrateurs, qui n’empruntent ce cheminque de temps en temps. Des méthodessimilaires pourraient réduire le taux demortalité dans les couloirs migratoires enAmérique centrale, en Europe et en Asie.

Cette stratégie, toutefois, ne convien-drait pas à certains parcs, comme celui quiest installé au col d’Altamont, en Califor-nie, car si cette montagne se trouve surune route migratoire, elle abrite aussi desoiseaux qui y demeurent tout au long del’année. De ce fait, les entreprises localesont choisi de remplacer les éoliennes lesplus petites et les plus anciennes par unnombre réduit de nouvelles machines plusgrandes.

Parfois, modifier légèrement le fonc-tionnement des machines a des consé-quences non négligeables. Par exemple, laplupart des éoliennes sont prévues pourse mettre en marche lorsque la vitesse duvent atteint 4 m/s. Toutefois, lorsque l’en-treprise Iberdrola Renewables, dans lecadre de son projet situé dans le comté deSomerset, en Pennsylvanie, a porté ce seuil

à 5,50  m/s, le taux de mortalité deschauves-souris (qui sortent moins pargrand vent) a chuté de 93 %, tandis que laproduction d’énergie n’a baissé que de 1 %,explique Ed Arnett, qui a mené une étudesur ce site pour Bat Conservation Inter-national, un organisme installé à Austin(Texas) et consacré à la protection deschauves-souris.

Certaines entreprises comptent quantà elles sur les nouvelles technologies. Lesradars Merlin, conçus par DeTect (PanamaCity, Floride), scrutent l’espace aérien sur6,5 kilomètres à la ronde et se servent d’al-gorithmes pour détecter l’arrivée d’un vold’oiseaux, mais aussi d’individus isolés,affirme Gary Andrews, PDG de la société.

Des données à partagerSelon Iberdrola Renewables, le dangers’accroît en cas de brouillard ou de faiblevisibilité, c’est pourquoi le site de Peñas-cal (Texas) arrête toutes ses machineslorsque la météo est mauvaise, à moinsque le radar n’indique aucun oiseau à l’approche. D’une manière générale, lesradars montrent toutefois que les oiseauxarrivent à éviter les éoliennes d’eux-mêmes. “Nous avons des quantités phé noménales de données qui décrivent com-ment les bêtes réagissent face aux parcséoliens”, assure Stu Webster, d’IberdrolaRenewables. Les chercheurs aimeraientconsulter ces informations, mais jusqu’àprésent ils n’ont pu y avoir accès. “Aucunrésultat n’a été publié, avertit Ed Arnett.Pour moi, la surveillance par radar resteune méthode non vérifiée.”

Les entreprises craignent que la publi-cation des données issues du contrôle del’espace aérien ne permette à des orga-nismes de défense de l’environnement deles poursuivre en justice ou au lobby dusecteur pétrolier de les attaquer poursaborder le secteur éolien. L’AmericanWind Wildlife Institute, basé à Washing-ton DC, rassemble des organisations deprotection et des entreprises. Il tenteactuellement de résoudre le problèmegrâce à la création d’une base de donnéesdont l’accès serait limité et sur laquelle lessociétés pourraient télécharger des infor-mations, sans pour autant porter atteinteà leur politique de confidentialité.

Les différentes stratégies semblentfonctionner à Cadix, mais, aujourd’huiencore, Marc Bechard s’inquiète lorsqu’ilvoit des vautours. “C’est toujours angois-sant, on ne sait jamais si les éoliennes s’ar-rêteront à temps”, dit-il. Quand les oiseauxpoursuivent leur trajet sans encombre,il soupire de soulagement. Les parcséoliens sont toutefois de plus en répan-dus dans le monde et il se fait du soucien pensant à toutes les menaces quedevront affronter les oiseaux après avoirdisparu à l’horizon.Meera Subramanian

Energie

De l’art de faire cohabiter éoliennes et oiseaux

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 37

Ecologie

Source : “Nature”

Principales causes de mortalité non naturelle chez les volatiles aux Etats-Unis et nombre d’individus tués par an. (Seules sont présentées les estimationsles plus élevées.)

Tueurs d’oiseaux

175 millions

6,8 millions

80 millions

90 millions

1 milliard

1 milliard

440 000Eoliennes

Tours detélécommunication

Automobiles

Pesticides

Câblesélectriques

(collisions,électrocutions)

Immeubles(de verre,

éclairés)

Chats(domestiques,

harets)

� Dessin de Lynda Barry paru dans Windtoons.com, Etats-Unis.

Les archives

www.courrier

international.comOffshore Contre toute attente, un parcd’éoliennes situé au large des Pays-Basabrite une nature foisonnante. “Leséoliennes offshore, ces paradis marins”,un article du journal De Volkskrantpublié dans le n° 1090 de CI, le 20octobre 2011, à retrouver sur notre site.

Page 38: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

et d’Ecosse.” Conscients du fait que leCongrès américain se cherchait des alliésen Europe, d’autres s’inquiétaient que lesrivaux de la Grande-Bretagne, en particu-lier la France et l’Espagne, profitent de laguerre d’indépendance américaine pourétendre leurs empires respectifs.

Alors qu’on se préoccupe aujourd’huidu sort des minorités au Moyen-Orient,il est utile de rappeler que les Américainsont à l’époque essuyé des critiques viru-lentes concernant le traitement qu’ilsréservaient aux Noirs et aux autochtones.Dans Taxation No Tyranny, publié en1775, Samuel Johnson, un écrivain bri-tannique influent, donnait le ton endemandant aux lecteurs comment il sefaisait “que ceux qui réclam[ai]ent le plus fortla liberté soient des esclavagistes”. Au coursde la guerre d’indépendance américaine,certaines nations amérindiennes parmi lesplus puissantes d’Amérique du Nord com-prirent où se situaient leurs intérêts et serallièrent à la Grande-Bretagne. Dans desEtats comme la Virginie et les Carolines,des dizaines de milliers d’Africains-Amé-ricains, encouragés par les promesses deliberté des Britanniques, fuirent pourprendre les armes au côté des forces duroi. Lorsque les Britanniques évacuèrentNew York, en 1783, ils en ramenèrent plusde 3  000  avec eux. L’un d’eux, Harry

Washington [l’esclave de George Washing-ton], s’installa finalement dans la colonieafricaine de Sierra Leone.

Selon la plupart des écrivains britan-niques, toutefois, la plus grande incerti-tude de l’époque s’exprimait dans cettequestion : les Etats-Unis pourront-ils unjour devenir un partenaire fiable pour laGrande-Bretagne et les autres pays euro-péens ? Si Thomas Jefferson promettaitdans la Déclaration d’indépendance queles anciennes colonies se conduiraient enhonnêtes citoyens de la communauté inter-nationale, les Etats-Unis sont surtoutpassés pour un Etat-voyou. La presse bri-tannique de l’époque mettait en effet l’ac-cent sur les biens confisqués aux loyalistespar les gouvernements des Etats améri-cains après l’indépendance. On a calculéqu’au moins 60 000 personnes avaientperdu leurs biens et quitté les Etats-Unis.Quels que soient les chiffres exacts, leCongrès n’avait pas le pouvoir de dédom-mager les victimes britanniques de laguerre, et les Etats refusèrent de le faire.Au début des années 1780, les journaux bri-tanniques foisonnaient de récits décrivantles souffrances endurées par les loyalistes,le mécontentement populaire envers les

38 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Il y a deux cents ans, comme le “printemps arabe“ aujourd’hui,le soulèvement américaincontre la couronne britanniqueétait perçu par les médiascomme une menace – à tort.

Foreign Policy (extraits) Washington

�A lors que le “printemps arabe”agite le Moyen-Orient et que lesespoirs de réforme se mêlent aux

craintes de trahison de ses idéaux, il estutile de rappeler que nous avons déjà connuune situation semblable il y a plus de deuxcents ans. La révolution américaine avaitalors attiré l’attention du monde entier,comme l’ont fait les événements survenusen Egypte, en Libye et en Syrie cette année.Comme aujourd’hui, les médias étaient laprincipale source d’information. S’il s’agis-sait surtout, à la fin du XVIIIe siècle, de tracts,de revues et de journaux – contrairementà l’époque actuelle où les sources numé-riques prédominent –, le résultat était lemême : si certaines informations étaientexactes, une grande partie étaient erronées.L’information provenait essentiellementde Grande-Bretagne. La presse britanniqueétant la plus libre du monde à cette époque-là, les points de vue exprimés au sujet de larévolution étaient des plus variés. Pour ceuxqui étaient relégués en marge de la vie poli-tique britannique – les industriels des villesqui n’étaient pas représentées au Parle-ment, les hommes et les femmes ordinaires,qui avaient supporté la majeure partie dufardeau fiscal de la guerre –, la révolutionaméricaine était un événement digne d’êtrecélébré et offrait un exemple à suivre.

Si les médias qui accordaient leur sou-tien aux révolutionnaires étaient rares,plusieurs journaux parmi les plus popu-laires du pays exprimèrent leur sympathiepour ceux que le Westminster Chronicleappelait “nos frères” d’Amérique. George Washington faisait l’objet d’une admirationparticulière, et même des journaux hos-tiles à la révolution, comme The Scots Maga-zine d’Edimbourg, le dépeignaient comme“un homme sensé et d’une grande intégrité”.Dans un tract largement diffusé en 1783,Thomas Pownall, ancien gouverneur bri-tannique du Massachusetts, qualifiait lesAméricains de “peuple élu” de l’Amérique.

De nombreux Britanniques n’étaientpas du même avis. Comme le “printempsarabe” aujourd’hui, la révolution améri-caine était parfois perçue comme unemenace. Cela s’explique en partie par lefait que les Américains souhaitaient renverser l’ordre sous lequel la métropoleavait prospéré. Selon l’auteur d’un tractpublié en 1776, la perte de l’Amérique marquerait le début du démembrementde l’Empire britannique : “Nous serons cantonnés aux mers d’Angleterre, d’Irlande

Médias

tionner ce qu’a accompli cette jeune nation.Si les Américains ont reconnu l’existencede nombreux problèmes soulevés par lapresse britannique, les années qui ont suivila révolution ont également été marquéespar l’innovation et la créativité. En 1787,dix ans après avoir proclamé l’indépen-dance, les leaders de la nation se réunirentà Philadelphie afin de tirer les leçons dupassé et d’ébaucher une charte pour “uneunion plus parfaite”, selon les mots

employés dans le préam-bule de la Constitution.

Comme la Grande-Bretagneelle-même finira par le recon-

naître, ce changement permit auxEtats-Unis de franchir une étape impor-

tante dans la construction de la nation res-ponsable promise au monde par Jefferson.

Quelles leçons peut-on tirer de cesréflexions ? On peut d’abord saisir à quelpoint il est difficile pour un pays de com-prendre ce qui se produit ailleurs. Si lesprévisions de la presse britannique dansles années qui ont suivi la révolution sesont souvent révélées justes, elles ont toutaussi souvent été démenties. On peut supposer qu’il en sera de même pour le“printemps arabe”. Enfin, ce qui est plusimportant encore, c’est que la révolutionaméricaine nous rappelle que, quel quesoit le résultat des soulèvements qui agi-tent le Moyen-Orient, c’est le peuplearabe qui décidera de son sort, et non pasles observateurs occidentaux.

Personne n’est mieux placé pour façon-ner le cours de l’histoire d’une nation queceux qui sont les plus directement impli-qués – et qui ont le plus à perdre ou à gagner.Aujourd’hui, les Américains semblent par-fois avoir du mal à se souvenir de cette leçond’il y a deux cents ans. Eliga H. Gould

� Dessin d’Ares, Cuba.

Lire aussi l’article sur les intellectuels face à la censure en Egypte p. 29

Histoire

Révolutions : les leçons du passé

“Ceux qui réclamaient le plus fort la libertéétaient des esclavagistes”

Le peuple arabe déciderade son sort, et non pas lesobservateurs occidentaux

gouvernements des Etats et le départ denombreux Américains vers le Canada.

Les écrivains de la métropole ont éga-lement souligné de quelle façon les articlesde la Confédération – le premier texteconstitutionnel du pays – paralysaient lepays dans ses relations avec les autres puis-sances. Les journaux se sont moqués desefforts de Jefferson et de ses collèguesdiplomates pour conclure des accordscommerciaux.

Ces accusations semblaient injustes àJefferson en 1784, et elles le sont proba-blement encore aux yeux de nombreuxAméricains d’aujourd’hui. Les journaux dela métropole ont exagéré les faiblesses dela révolution américaine et négligé de men-

Page 39: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Spécial vins

Secourisme

Tendance

Insolites

Des aires d

e jeux pour les seniors —

p. 51

L’entraînement ex

trême de sauvete

urs américa

ins — p. 4

0A la découverte des cr

us de l’e

x-URSS —

p. 44

Long

courri

er

Ces micr

obibliothèques q

ui resserrent le

lien so

cial —

p. 49

Page 40: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

40 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Long

courri

er

Page 41: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 41

Récit

Bienvenue dans le “Disneyland du secourisme”Attaques bactériologiques, tremblements de terre, carambolages… Les sauveteurs américains s’entraînent à réagir aux pires catastrophesdans un tunnel routier désaffecté de l’Etat de Virginie-Occidentale. Une journaliste un peu casse-cou a servi de cobaye.

Une mission très spécialeDes membres de la 300e unité du génie chimique de l’arméeaméricaine en manœuvre dans les décombres d’un faux attentat.

JASO

N A

ND

REW

Page 42: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Popular Mechanics New York

L es secouristes arrivent. Cela fait uneheure que je suis emmurée sous desgravats de béton, à la suite d’une vio-lente explosion dans un parking sou-terrain. Enfin, une voix se faitentendre dans l’obscurité : “Il y a quel-

qu’un ?” Je lance un “à l’aide !” étouffé, tout enessayant d’apercevoir quelque chose à travers lesdécombres poussiéreux. On ne voit qu’obscuritéet fumée et, vingt mètres plus loin, le rayon ras-surant de lampes torches.

Je lance un nouvel appel à l’aide. “Je suis là !”“On arrive, madame, hurle une voix féminine

dans le noir. Il y a quelqu’un avec vous ?— Oui, une personne !”Un corps sans vie est étendu à côté de moi

dans la poussière, les jambes disloquées. Au loin,j’entends des voix de plus en plus fortes ainsi quele grondement des marteaux-piqueurs et le bruitdu métal qui percute la roche. “Silence”, s’écrietout à coup une voix. “Silence”, répondent à l’unis-son plusieurs dizaines d’autres voix. Le calmeretombe.

“Madame, est-ce que vous nous entendez tou-jours ? hurle à nouveau la jeune femme.

— Ma sœur !— Est-ce que votre sœur est en vie ?— Je ne sais pas !— D’accord. Restez calme. Madame, nous fai-

sons partie des troupes de réserve. Nous sommeslà pour vous aider. On sera bientôt là !”

La fumée, la poussière et les cris sont réels,mais ma sœur est en réalité un mannequin envinyle et ma caverne dans les décombres faitpartie d’un décor. Je me trouve au Center forNational Response (CNR), à Gallagher, en Virgi-nie-Occidentale, là où les sauveteurs s’entraînentà réagir à des catastrophes dans un tunnel rou-tier désaffecté. De nombreux corps – garde natio-nale américaine, gardes-côtes, armée de l’air,police, pompiers – s’entraînent sur ce site uniqueen son genre pour apprendre à gérer toutessortes de situations : tremblements de terre,attentats à la bombe, déraillements ferroviaires,accidents de la route.

Ce jour-là, ce sont des militaires, desmembres de la 300e unité du génie chimiquede l’armée américaine, qui suivent la formation.J’ai passé les jours précédents à les regarder

s’entraîner sous la direction de Dave Under-wood, un ancien capitaine des pompiers. Cessoldats ne seront probablement pas les pre-miers sur les lieux en cas de catastrophe, maisils apporteront les moyens humains et maté-riels nécessaires à la poursuite de l’interven-tion une fois que les équipes d’interventiond’urgence auront épuisé leurs capacités.

L’armée américaine dispose de dizaines deterrains d’entraînement spécialisés dans tous les

42 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Derrière moi, il n’y a quedes montagnes de gravats,jonchés de corps mutilés.C’est un décor savamment construit”

Jouer à la victimeLa journaliste Kalee Thompsonparticipe à une simulation de catastrophe en milieu urbain.

Le bout du tunnelLe Center for National Response a étéétabli dans une mine désaffectée.

JASO

N A

ND

REW

JASO

N A

ND

REW

Etats-Unis, mais aucun d’eux ne se prête à autantd’usages que le CNR pour préparer aux catas-trophes pouvant survenir sur le territoire natio-nal. Durant le temps que j’ai passé dans lecomplexe, plusieurs personnes m’en ont parlécomme du “Disneyland des secouristes”. Sur le sitese trouve une forêt de 4 000 hectares, qui cacheun faux laboratoire de méthamphétamine etquelques vieux avions monomoteurs rouillés, uti-lisés dans les simulations de catastrophesaériennes. Il y a un terrain encombré d’épaves devoitures et de camions, et une montagne de blocsde béton et d’armatures. Tout ce matériel sert àla dizaine d’instructeurs du centre. L’atout prin-cipal du CNR, toutefois, est son tunnel.

Le Memorial Tunnel a été creusé dans lesannées 1950, en plein pays minier de Virginie-Occidentale et abandonné dans les années 1980lors de la construction d’un nouvel axe routier àproximité. En l’an 2000, les terrains ont été rache-tés par la garde nationale de Virginie-Occiden-tale, puis transformés en centre d’entraînement.Aujourd’hui, dans le tunnel, il y a un faux quai degare, plusieurs laboratoires de stupéfiants, desvéhicules accidentés dont un semi-remorque plié,une grotte en plâtre reproduisant les planquesdes montagnes afghanes, et deux rames de métro.

Dix semaines de cours intensifsA l’extrémité du tunnel se trouve l’imposant tasde béton sous lequel je me suis volontairementlaissé emprisonner. Des machines fumigènes cra-chent des nuages d’air moite et poussiéreux, quebrassent les immenses ventilateurs installésdepuis l’origine dans le tunnel. Des lampes à inten-sité variable obligent les sauveteurs à travaillerdans la pénombre. Il fait froid et sombre. Je voisdes groupes de secouristes en formation avancervers moi depuis l’avant du tas de décombres. Der-rière moi, il n’y a que des montagnes de gravats,jonchés de corps mutilés. C’est un décor savam-ment construit. “On peut créer tous les éclairagesque l’on veut, explique Dave Underwood. On peutfaire du vent. On peut enfumer le tunnel ou utiliserdes lance-flammes. Tout est là pour produire des simu-lations extrêmement réalistes.” Une bonne partiede ces soldats n’ont aucune expérience de terrainet n’ont jamais vécu de catastrophe de grandeampleur. L’objectif des exercices qui ont lieu dansle tunnel est de les préparer le mieux possible àune situation réelle.

Les unités du génie chimique de l’armée ontété constituées pendant la Première Guerre mon-diale, avec pour mission de produire des écransde fumée destinés à dissimuler les mouvementsde troupes et la construction et la démolitionde ponts – des tactiques de guerre convention-nelle tombées aujourd’hui en désuétude. Enjanvier 2011, la plupart de ces unités chimiquesont été officiellement rebaptisées CBRN – pourchimiques, bactériologiques, radiologiqueset nucléaires – et se sont vu confier une nouvellemission : la recherche et la désincarcération enmilieu urbain. Ces formations s’inscrivent dansle cadre d’une initiative de grande ampleur quia pour but d’apprendre aux forces armées, outreleurs missions dans les zones de conflit, à réagiraux catastrophes sur le sol national.

“Notre objectif est de renforcer le soutien quenous pouvons apporter, dans un contexte civil, auxpompiers et aux équipes d’intervention d’urgencequi travaillent au niveau local, lorsqu’ils en ontbesoin, explique le capitaine Whinston Antion.Ces soldats pénètrent dans des bâtiments effondrés,vont sauver des personnes piégées dans desimmeubles, sortent des gens coincés dans des véhi-cules.” La 300e unité CBRN est le premier groupede ce genre à suivre pendant dix semaines uncours intensif de recherche et de désincarcéra-tion. Cette semaine, trois des quatre sections

Page 43: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

L’achat par l’Etat de la céréale à des prix élevés va faire perdre au pays sa première placed’exportateur. Une politiquetrès critiquée par l’opposition,mais qui, à long terme, pourrait être profitable.

Bangkok Post Bangkok

�L ’année dernière, à l’issue de lapremière récolte de riz, le gou-vernement a mis fin au système

d’achat qu’avait créé le gouvernement duParti démocrate assurant aux agriculteursdes prix honnêtes correspondant au coursdu marché. Le Parti Pheu Thai, vainqueurdes élections en juillet 2011, a tenu l’unede ses promesses électorales en achetantle riz deux fois plus cher que ne l’imposele marché.

Il y a une certaine logique derrière cettefolie, du moins en théorie. Toutefois, lathéorie n’a pas encore rejoint la réalité dumarché et ce nouveau système coûte extrê-mement cher aux contribuables. A terme,l’Etat pourra peut-être rentrer dans sesfrais ou même faire des bénéfices. Il estégalement possible que cette politiquetransforme une perte énorme en gouffre.Dans l’immédiat, le programme d’achat dugouvernement lui a permis de stocker desquantités de riz sans précédent. Pour cetteraison, la Thaïlande n’est plus le premierpays exportateur [devancée par le Viet-nam], mais reste celui qui perçoit le plusde revenus, car le riz au jasmin [variététhaïlandaise très prisée sur les marchésinternationaux] est devenu plus onéreux.

Une corruption généraliséeLe nouveau système attise les critiques – ouplutôt les foudres – de nombreux écono-mistes, de tous les opposants au gouver-nement et, bien sûr, des démocrates et deleur “gouvernement fantôme” [une struc-ture de l’opposition qui lui permet de suivreles décisions de l’administration]. Le gou-vernement américain aurait déclaré quel’achat par l’Etat du riz à des prix élevéséquivaut à une subvention commerciale,pratique illégale au regard des règlementsde l’Organisation mondiale du commerce.

Et ce n’est pas tout. Début août, dansl’indifférence générale, l’autorité thaïlan-daise chargée des enquêtes spéciales aexpliqué en détail comment les baronsnationaux du vol – heu, excusez-nous… lesmarchands de riz – pompent, manipulent,bricolent, falsifient la comptabilité, fontdu trafic ou tout simplement volent du rizet de l’argent. Et ce grâce à un mécanismeconçu pour aider les riziculteurs, mais quiprofite en réalité aux intermédiaires, quis’enrichissent plus que jamais.

Au Parlement, le gourou de l’économieKittirat Na-Ranong [ministre des Finances]

a surpris tout le monde par son honnê-teté – une attitude nouvelle et rafraîchis-sante – lorsqu’il a noté : “Je suis convaincuque ce programme est gangrené par une cor-ruption généralisée.”

Il est intéressant de noter qu’il a choisiChalerm Yubamrung, vice-Premier mi -nistre, pour faire la chasse aux coupableset autres arnaqueurs. Toutefois, il n’a pasprécisé si cette nouvelle mission était prio-ritaire. En effet, Chalerm Yubamrung estégalement chargé de la lutte contre ladrogue et le terrorisme.

Bien sûr, ces fichus démocrates nefaisaient que chercher les ennuis en révé-lant que le système d’achat du riz souffrede corruption, a ajouté Kittirat Na-Ranong.Après tout, “le gouvernement n’a jamaisaffirmé que ce programme était exempt decorruption”.

Toutefois, il est bien possible que lesévénements à venir finissent par faire taireles critiques et fassent brièvement du gou-vernement un véritable génie. La crise ali-mentaire à laquelle la planète devra faireface ne fait que commencer.

L’ONU prévoit une pénurieSelon l’Organisation des Nations uniespour l’alimentation et l’agriculture, en2013 la pénurie et les prix pourraientatteindre les niveaux de 2007 et de 2008,période à laquelle des émeutes de la faimavaient éclaté. Le prix des céréales, dontle riz, risque d’augmenter d’au moins20 % en 2013. Ne serait-ce qu’en juil -let 2012, les prix de l’alimentation ontgrimpé de 6 %.

La production de blé en Russie est àpeine suffisante. Le ministère américain

de l’Agriculture a publié un communiquéde presse le 10 août dans la soirée (sûre-ment pour faire le moins de bruit pos-sible), qui annonçait les récoltes de maïsles plus faibles depuis dix-sept ans, maisqui soulignait des prix en hausse.

D’ici à la fin de l’année 2012, les 17 mil-lions de tonnes de riz stockées dans plu-sieurs régions thaïlandaises – desquellesil faut déduire ce que les voleurs, euh…pardon, les marchands, ont subtilisé –pourraient voir leur valeur doubler, voiretripler. Il n’est pas politiquement correctde sourire à l’approche d’une période defamine, mais pour ceux qui possèdentbeaucoup de nourriture il est logique dese préparer à augmenter les prix, surtoutsi c’est la seule solution, à court terme,pour maintenir un système populisted’achat du riz. �

Thaïlande

Bangkok mise sur le riz

ThaïlandeVietnam

4

2

0

6

8

10

2008 2009 2010 2011 2012

CompétitionVolume des exportations de riz (en millions de tonnes)

Sources : Association des exportateurs de riz thaïlandais, Bureau vietnamien des statistiques,ministère américain de l’Agriculture

Prévisions

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 27

� Dessin de Liza Donnelly paru dans The New Yorker, Etats-Unis.

Le Vietnam est au coude à coude avecl’Inde pour supplanter la Thaïlandecomme premier pays exportateur de riz en volume en 2012. Mais, selon le Dr Le Van Banh, directeur de l’Institut de recherche du riz du delta du Mékong,cité par le quotidien Nguoi Lao Dông,“les paysans ont des revenus quidemeurent faibles car ils vendentleurs produits à bas prix”. L’intérêt pourle Vietnam n’est pas d’être en tête des pays exportateurs, mais d’assurerune augmentation des recettes des agriculteurs et des entreprises,soulignent plusieurs analystes dans le même article. Il faudrait notammentdonner les moyens aux entreprises de construire des entrepôts pourstocker le riz. Le vice-ministre de l’Agriculture et du Développementrural, Bui Ba Bong, estime qu’une tellemesure profiterait aux intermédiaires privés plutôt qu’aux agriculteurs.Par ailleurs, le quotidien de Bangkok The Nation note que la Thaïlande, leVietnam, le Laos, le Cambodge et leMyanmar garantissent les deux tiers desventes mondiales de riz, qui s’élèvent à 30 millions de tonnes. Les ministres du Commerce des cinq pays entendentdiscuter de la mise en place d’unefédération régionale afin de peser surles tarifs de la céréale et d’obtenir uneaugmentation de 10 % des prix par an.Une mesure contestée par l’Associationthaïlandaise des exportateurs de riz, quisouhaite que les efforts se concentrentsur la qualité de la production et la promotion du riz biologique.

Stratégie

Garantir des prix élevés

Page 44: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Newsweek New York

C e week-end de l’automne 2011, unépais nuage d’arômes enveloppela place pavée où se dresse lacathédrale Svetitskhoveli, àMtskheta, la capitale historiquede la Géorgie. De grosses miches

de pain et des torsades de fromage salé voisinentavec des raviolis à la viande et des chachlik (bro-chettes) de veau. Des bouteilles de vin couleur

La Géorgie et sesdivins “marani”Paradoxalement, l’embargo décrété par Moscou à partir de 2006 a contribuéà la renaissance de la viticulture danscette ancienne république soviétique du Caucase. Dégustation.

Spécial vins

Les ex-Soviétiquessortent de l’ombreLa dissolution de l’URSS aurait pu être fatale à la viticulture dans les anciennes républiques comme la Géorgie, la Moldavie ou l’Arménie.Mais la perte du marché russe s’est révélée parfois salutaire, les obligeant à moderniser leurs installations et à améliorer la qualité de leur production. L’Occident commence tout juste à découvrir ces vins trop longtemps ignorés.

Long

courri

er

44 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Vendanges en GéorgieLes ouvrières font la pause dans les vignobles de Tsinandali.

JAN

IS P

IPAR

S/AN

ZEN

BERG

ER/A

SK IM

AGES

Page 45: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 45

Histoire

Une traditionplurimillénairePour les Géorgiens, le vin est sacré, et pour cause. Ce sont leurs ancêtres qui ont domestiqué la vigne et c’est dans leur pays que l’on a trouvé les plusanciennes traces de vinification, vieilles de quelque 8 000 ans. Sur 4 000 cépagesrecensés à ce jour dans le monde,500 variétés ont pour patrie la Géorgie.Elles ont pour nom aladastouri, mtsvane,krakhouna, odjalechi, rkatsiteli, tsitska,tzolikoouri, saperavi, khikhvi, tchkhaveri,pour ne citer que les plus connues. Les vignobles géorgiens sont répartis,depuis la nuit de temps, entre sixprincipales zones de production [voir carte].La culture de la vigne dans la Géorgie antiqueest évoquée par plusieurs auteurs grecscomme Homère, Apollonios de Rhodes,Xénophon et Strabon. Plus tard, avecl’adoption du christianisme, au IVe siècle, la production de vin a encore gagné enimportance, contribuant à l’unité du pays.La triade Eglise-vignobles-canauxd’irrigation a permis, en effet, de créer de petites unités administratives, avec, à leur tête, un pouvoir théocratique.L’Eglise est ainsi devenue le premierproducteur de vin. Dans le marani, ou cave, du monastère de Nekressi, en Kakhétie, par exemple, les moines,répartis sur cinq pressoirs, pouvaienttraiter jusqu’à dix tonnes de raisin à la fois.Des invasions musulmanes interrompirentun temps la production de vin, qui connutun renouveau dès le XVIe siècle. De nouveauxmarani apparurent et le commerce du vin se développa avec les pays voisins.A partir des années 1830, trente ans aprèsl’intégration de la Géorgie dans l’Empirerusse, les méthodes de productioneuropéennes commencent à remplacerles méthodes typiquement géorgiennes.Désormais, on presse les grappes de raisin sans les feuilles et le vin est conservé non plus comme jadis dans des kvevri, amphores en terre cuiteenfouies dans la terre, mais dans des tonneaux, pour ensuite être mis en bouteille. Du temps de l’Unionsoviétique, 80 % des vins de marque disponibles sur le marché sont originaires de Géorgie. A l’époque, la Géorgie produit 20 millionsd’hectolitres de vin, rouge et blanc, par an. Malheureusement, la quantité prime sur la qualité.A partir de 1997, après des années de crisepolitique et économique consécutives à la chute de l’URSS, un nouveau chapitres’ouvre dans l’histoire du vin géorgien. Des marani modernes font leurapparition, tout comme les premiers vinsbio. Même l’embargo sur les importationsde vin géorgien décrété en 2006 par la Russie ne parvient pas à freinercette avancée. Bien au contraire, les vignerons se focalisent sur la qualité,pour mieux exporter sur de nouveauxmarchés. Et c’est une réussite.Marani* (extraits), Tbilissi* Site géorgien consacré au vin (www.vinoge.com).

rubis, or et ambre luisent dans les doux rayonsdu soleil, s’offrant aux regards de la foule des ama-teurs de vin. Les touristes, qui s’expriment enanglais, en français et en chinois, ne tarissent pasd’éloges sur l’hospitalité géorgienne. “C’est le para-dis du vin”, assure Conor Mills, un homme d’af-faires londonien venu pour la traditionnelle fêtede rtveli, qui marque la fin des vendanges, lorsqueles vignerons descendent dans leurs caves pourdéboucher bouteilles et amphores en terre cuitedestinées aux festins les plus somptueux.

“Vins de la liberté”La fête rend hommage à l’ensemble de la Géor-gie viticole, des régions de Kakhétie, d’Imérétieet de Kartli aux hauts plateaux de Ratcha en pas-sant par Gouria, en bord de mer. Les vins géor-giens se font peu à peu connaître des œnophilesdu monde entier. Ainsi, en 2011, ils se sont expor-tés vers 48 pays, soit une augmentation de 30 %depuis 2007. Les vignerons ont connu des ven-danges exceptionnelles à l’automne dernier, cequi leur a permis de quasiment doubler la pro-duction (en volume) en 2012. Pour célébrer leurbonne fortune, les paysans entonnent des poly-phonies et portent avec émotion des toasts auredressement de la viticulture en Géorgie. Lefait est que le secteur s’est retrouvé il y aquelques années au bord du précipice.

Le vin géorgien a été la première victime sym-bolique du conflit entre Moscou et Tbilissi qui amérqué les années 2000. En 2006, prétextant sa“qualité inacceptable”, la Russie en a interdit tota-lement l’importation. Les Russes qui regrettaientle goût de sous-bois d’un bon saperavi, lepiquant rafraîchissant d’un tsinandali ou les notessoyeuses de framboise d’un khvanchkara de choix(le préféré de Staline), ont dû acheter du vin passéen contrebande via l’Ukraine, l’Azerbaïdjan ou laBiélorussie. A part ça, le merlot et le sauvignonchiliens sont rapidement venus remplir les rayonsvides des cavistes russes.

L’embargo a failli provoquer la ruine des viti-culteurs géorgiens. L’année de son entrée envigueur, ils avaient déjà produit près de 68 mil-lions de bouteilles destinées au marché russe,près de 90 % des exportations de vin du pays. Leprincipal exportateur, Telavi Wine Cellar, a dûprocéder à des dizaines de licenciements. Maisd’autres producteurs, comme Badagoni, Tbilvinoet Kindzmarauli Marani, ont vu là l’occasion d’in-nover et de moderniser des méthodes de travailobsolètes. En guise de pied de nez aux Russes,ils ont surnommé leurs produits “vins de la liberté”.Ils ont construit des installations vinicolesmodernes, remplaçant les fûts rouillés et les ton-neaux de métal hérités de l’époque soviétique par

le nec plus ultra du matériel occidental. Ils ontégalement fait venir des œnologues français etitaliens pour les aider à transformer le pays enun paradis pour les touristes amateurs de vins.

450 litres par personnePari plus que réussi, puisqu’en 2011 le tourismeœnologique a fait un bond de 39 % par rapport àl’année précédente. Les paysages et l’architecturedu pays viticole rappellent la Toscane, mais avecmoins de touristes et des restaurants bien meilleurmarché. De vieux monastères ponctuent levignoble – eux-mêmes anciennes caves, où les reli-gieux élaboraient un vin de messe appelé “routedorée”. Une nouvelle autoroute, bordée de syco-mores et de vignes rouges, entaille d’est en ouestla plus célèbre région viticole, la Kakhétie.

Le long de cette voie, le visiteur peut s’arrê-ter pour déguster de délicieuses bouteilles,comme le traditionnel alaverdi fruité, le château-mukhrani, vin blanc du cépage autochtone mts-vane, au nez de mirabelle et de mûre, ou le kakhetinoble, à l’arôme floral. Les rouges accompagnentparfaitement la traditionnelle tchourtchkhela,une confiserie à base de jus de raisin, de noix etde farine. Au domaine viticole de Khareba, à Kva-reli, doté d’un luxueux restaurant de sept étages,d’un hôtel installé dans une ancienne usine sovié-tique et perdu dans les montagnes, les visiteurspeuvent admirer depuis la véranda les vignoblesqui s’étendent à perte de vue et prononcer un toastgéorgien traditionnel : “Avec ce petit verre et unegrande âme, buvons à la santé de ceux qui ne sont pasici pour jouir de toute cette beauté avec nous.” Un peu plus loin sur la route, on tombe sur lemonastère d’Alaverdi, construit au XIe siècle, oùles moines servent un vin couleur d’ambre, vieillidans des amphores géantes enfouies dans

Chaîne du Grand Caucase

O.S.*

AdjarieKakhétieKartli

Iméréti

Ratcha

GouriaMer

Noire

ARMÉNIE AZERB.TURQUIE

FÉDÉRATION DE RUSSIE

Tbilissi

Mtskheta

100 km

ABKHAZIE*

Cour

rier i

nter

natio

nal

* Provinces géorgiennes séparatistes, indépendantes de facto. (O.S. Ossétie du Sud)

La Géorgie viticole

Principales régionsproductrices de vin

� 46

Retrouvez sur“Télématin” la chronique de Marie Mamgioglouaux côtés de Willliam Leymergie, sur le vin en Géorgie,le samedi 1er septembre à 7 h 15 et 9 h 05.

JAN

IS P

IPAR

S/AN

ZEN

BERG

ER/A

SK IM

AGES

Art de vivre

Le tamada (chef detable) est une véritableinstitution en Géorgie.Choisi par le maître de maison ou les convives pour ses qualités humaines,ses talents d’orateur et son sens de l’humour, maisaussi pour ses qualitésde buveur et souventde chanteur, il présidele repas traditionnel,arrosé de vin, qui peut durer plusieursheures. Il scande les agapes par unesérie de toasts qu’ilprononce toujoursdebout, et peut se faireseconder par unadjoint, mais égalementpar tous les convivesdésireux de parler.Personne ne peut couper le tamadalorsqu’il parle. Et, selon la coutume,on arrête de mangerpour l’écouterrespectueusement.

Les moines innoventUn des frères pose devant les cuvesflambant neuves au monastèred’Alaverdi, en Géorgie.

Page 46: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

la terre. A proximité se trouve la boulan-gerie-pâtisserie de Jean-Jacques Jacob. Installéici depuis cinq ans, le boulanger* français espèreapprendre les secrets du traditionnel pain géor-gien au levain. De nombreuses familles de Kakhé-tie offrent des dégustations gratuites de vin, leshabitants de la région possédant généralementun marani (une cave à vins) personnel, où ilsconservent en moyenne 450 litres par per-sonne. Les grandes entreprises viticoles en pro-posent également, dans des bâtiments quiressemblent à des ovnis de verre et d’acier per-chés sur les sommets enneigés du Caucase.

On remercie l’embargo russeLe spectacle est saisissant, surtout si l’on sesouvient que, jusqu’en 2003, une fois sorti de lacapitale régionale, Telavi, le touriste ne trouvaitrien d’autre que quelques cabanes obscures oùles babouchkas locales, avec leur tablier en plas-tique, lavaient les bouteilles à l’aide de brossesusées, avant de les remplir d’un vin riche et vif (ilétait acheminé dans des tuyaux en caoutchoucqui serpentaient à travers des flaques de boue).Aujourd’hui, moins d’une décennie plus tard,le domaine de Kindzmarauli Marani produit sonvin sur un site ultramoderne, équipé d’un ruti-lant matériel Della Toffola et comptant uneclientèle internationale. Il exporte 2 millions debouteilles de sec et de demi-sec par an, valantentre 15 et 20 euros l’unité, vers l’Ukraine, laChine, la Pologne, le Canada, le Royaume-Uni, laBiélorussie et les Etats-Unis. Quelques kilomètresplus loin, le chai de Badagoni, à capitaux géor-giens et italiens, est une merveille architecturale,qui exporte 18 crus vers 12 pays européens.

Aujourd’hui, les viticulteurs géorgiens remer-cient l’embargo russe de les avoir poussés à amé-liorer leurs méthodes de production. Néanmoins,la plupart aimeraient reconquérir les consom-mateurs russes, avec des vins de qualité plutôtqu’avec de la piquette produite en quantité indus-trielle. “Si les Russes attendent encore deux ou troisans pour lever l’embargo, nos meilleurs vins iront enChine, au Canada, en Europe et aux Etats-Unis”,prédit Dimitri Lebanidzé, directeur du site deKindzmarauli Marani. Mais, à la différence desproducteurs privés, les autorités n’ont aucuneenvie de retourner sur le marché russe s’il ne subitpas de profondes réformes. “Ce serait faire un pasen arrière”, commente Bakour Kvezereli, ancienministre de l’Agriculture. Anna Nemtsova* En français dans le texte.

Revue de presse

L a culture de la vigne en Arménie remonteaux temps préhistoriques”, rappelle lejournal arménien Golos Armenii. En2011, une équipe d’archéologuesarméno-américano-irlandais a mis aujour dans une grotte de la région viti-

cole de Vaïots Dzor, frontalière avec l’Iran et laTurquie, les vestiges de la plus ancienne unité deproduction de vin connue à ce jour, qui aurait plusde 6 000 ans.

L’historien grec Hérodote ne tarissait pasd’éloges sur le vin arménien. A partir des IIe etIer siècles avant notre ère, la production atteintun niveau élevé et le vin s’exporte à travers laMéditerranée. Un autre historien grec, Xénophon,raconte dans le livre de l’Anabase que ses sol-dats se régalaient de vin arménien “fort” car “lesArméniens ne le diluent pas avec de l’eau commele font les Grecs”.

L’Arménie devient en 301 le premier Etatofficiellement chrétien. La culture du vin y estdésormais étroitement liée à l’avènement duchristianisme, puisque le vin est “le sang duChrist”. A la chute du royaume d’Arménie, auVIIe siècle, les nouveaux maîtres arabes interdi-sent la consommation de vin. Les invasions desTurcs seldjoukides au XIe siècle, puis le contrôletantôt ottoman, tantôt perse du pays interrom-pent la production durant des siècles. “Dansaucune autre région du monde, aucun peuple n’aautant défendu la culture de la vigne et le vin malgréles risques encourus, comme ce fut le cas en Arméniedurant dix siècles, poursuit Golos Armenii. Mais iln’a pu qu’assurer la survie de sa tradition viticole,sans parvenir à la développer.”

Après l’incorporation de l’Arménie dans l’Em-pire russe en 1828, la viticulture cesse d’être uneactivité strictement domestique et monastique,pour devenir une industrie. La construction en1902 d’une ligne de chemin de fer vers la Russie

permet d’exporter vin et brandy arméniens versla Russie et l’Europe. Dans les pages du magazineYerkramas, le président de l’Union des viticul-teurs d’Arménie, Avag Aroutiounian, rappellequ’au cours du dernier siècle “le pays a connu sixpériodes de crise” au cours desquelles la traditionviticole a dû faire face à des changements géo-politiques radicaux. La Première Guerre mon-diale a notamment privé l’Arménie d’une partiede son territoire, et une grande partie desvignobles de la vallée d’Ararat s’est retrouvée enterritoire turc.

La soviétisation de l’Arménie et la nationali-sation des vignobles ont porté un coup dur au sec-teur bien que, dans les années 1930, les volumesde production aient augmenté, tendance inter-rompue par la Seconde Guerre mondiale. La cam-pagne contre l’alcoolisme lancée par MikhaïlGorbatchev en 1985 a été une dure épreuve.“Les vignobles ont été saccagés massivement etsans pitié”, réduisant de moitié, soit à 45 millionsde litres, la production de vin en Arménie.

Dans les années 1990, marquées par une criseéconomique postsoviétique et par la guerrepour l’indépendance du Haut-Karabakh, la super-ficie des vignobles a fortement diminué, “divisantpar vingt la production de vin”. Le vin arméniena “rarement connu une crise aussi profonde”, duenotamment au blocus du pays par la Turquie etl’Azerbaïdjan. La fermeture des voies de com-munication interdisait les exportations, dont 97 %étaient destinées à la Russie et à l’Ukraine, elles-mêmes en crise économique.

Même si, à partir de 1998, la production a com-mencé à croître, le vin arménien “n’était pasconforme aux normes internationales et souffrait d’uneimage négative”. Une situation due notamment àla “division du travail” au sein de l’Empire russepuis de l’URSS : la Géorgie était essentiellementle pays du vin, l’Arménie celui du brandy [assu-rant 25 % de la production de brandy en URSS, laYerevan Brandy Company a reçu, lors de l’Expo-sition universelle de 1900 à Paris, le droit d’ap-peler son brandy “cognac”. Elle est devenue unefiliale du groupe français Pernod-Ricard en 1999].Aujourd’hui, les producteurs de vins arméniensne bénéficient d’aucun soutien de l’Etat et subis-sent les prix prohibitifs du transport (en raisondu blocus du pays), ainsi que le manque de spé-cialistes qualifiés.

Vaghé Keouchgouerian, producteur interrogépar le magazine économique arménien Express,ne perd pas espoir : “Les vins sont aujourd’hui divi-sés en deux groupes : ceux de l’Ancien Monde (Europe)et ceux du Nouveau Monde (Amériques, Afrique duSud, Nouvelle-Zélande, Australie). L’Arménie n’enfait pas partie. Sachant que la production de vin dansnotre pays a une histoire six fois millénaire, nousdevons nous créer une niche et persuader le mondeque l’Arménie mérite une place dans l’histoire mon-diale du vin.” �

L’Arménievictime de la géopolitique Avec une histoire six fois millénaire, la viticulture du plus ancien Etatchrétien mérite une place de choix.

45 �

Erevan

Cour

rier i

nter

natio

nal

GÉORGIE

TURQ

UIE

IRAN

AZERB.

100 km

ARMÉNIE

NA.*

VaïotsDzor

Régionsproductrices de vin* Nakhitchevan (Az.)

ArchéologieLa plus ancienne cave à vinau monde a été découverteà Areni, en Arménie. Elle a 6 100 ans.

ARM

EN M

ARG

ARIA

N/T

IGER

’S C

REST

PH

OT

OG

RAPH

Y

Bouquets

“Les vins arménienssont fins et contiennenttout ce qu’on peutressentir sans pouvoirl’expliquer avec lesmots…”, disait, selon le site Armenia Online,Charles Aznavour, le plus célèbre desArméniens. Cultivésdans quatre régions– la vallée d’Ararat,Aragotsotn, VaïotsDzor, Tavouch –, les vignobles, géréspar une trentaine de sociétés, occupentun territoire de17 000 hectares etdonnent des crus telsque l’areni, le nerkeniet le voskeat. Vingtpour cent de la récoltesont consacrés à la production de vin,le reste au cognac. “Le vin arménien a un avenir prometteur”,estime une responsabledu producteur italienQuerciabella, interrogéepar le site russespécialisé Alconews.ru.

Ex-URSS

Crimée, Kouban, CaucaseL’Ukraine, la Russie, l’Azerbaïdjan sont également des producteursde vin. Sur la presqu’île de Crimée, dans le sud de l’Ukraine, le prince Lev Golitsyne développa au XIXe siècle une viticulture quidevint prospère. En 1889, il remporta la médaille d’or à l’Expositionuniverselle de Paris dans la catégorie “vins pétillants”. Un festivalinternational du vin a lieu l’été à Yalta. Lors de l’édition 2012, des producteurs d’Ukraine, de Russie, de Biélorussie, de Géorgie, de Moldavie, d’Ouzbékistan et d’Azerbaïdjan étaient présents, nous informe le journal russophone de Yalta Ioujnaïa Gazeta.L’Etat ukrainien a débloqué en trois ans 500 millions de grivnas(400 millions d’euros) pour soutenir ce secteur d’activité. En Russie,les régions méridionales de Rostov et de Krasnodar (Kouban)perpétuent leur tradition viticole. Certains domaines comme celui d’Abraou-Diourso, près de Novorossiisk, sont célèbres. “Ils font la fierté de la Russie”, considère Vladimir Tsapelik, président du Club indépendant du vin russe, cité dans le magazine russe de l’hôtellerie HoReCa. Il surnomme l’ex-URSS le “nouvel ancien monde”. Selon lui, “un vin de qualité commence à y être produit”, issu de cépages variés et originaux :krasnostop zolotovski, sibirkovy, tsimlianski noir.

Long

courri

er

46 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Page 47: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

�� �������� �� �� � ������ ��� � ��

���� ���� ��� ��������� ������ ������ �� ����

���� ������ � ������ ������� ���� ������

��� �� �������� �

�!�������" ��" ����� ���� ����� ��

������#���� !� ��� � �� ����� ��� ����� �����

� ����� ����� �� ������ ���� �� ���� $����

% ��������� ��� ����� ������

����������� �����

�!����

&'����

#�� �!

����

���!

���

Page 48: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

andreialbu.com Baia Mare

L ’un des plus grands acteurs roumainsde tous les temps, Florin Piersic, décla-rait récemment dans une interviewavoir vu durant sa vie bon nombre delieux admirables, mais seulement deuxréellement impressionnants  : les

chutes du Niagara et la ville souterraine de Cri-cova, en Moldavie, tout entière consacrée au vin.C’est ce qui m’a décidé à entreprendre la visitede l’une des plus vieilles caves du monde.

Je suis l’un des premiers visiteurs de la jour-née. La cave sommeille encore dans le noir. J’aigaré ma voiture dans une des rues souterraineset j’aborde, avec mes compagnons de route, lessalles de dégustation. Mais laquelle choisir ?L’Européenne, avec ses vitraux colorés et sadécoration mettant en scène la vigne au longdes quatre saisons ? La Présidentielle, qui peutaccueillir plus de 50 personnes à la fois ? LaBleue, avec son plafond taillé dans le calcaire,preuve tangible que ces endroits gisaient jadisau fond de la mer des Sarmates ? La Petite,intime, qui peut accueillir 6 à 8 personnes autourd’une cheminée ? Ou bien la Traditionnelle,ornée de bas-reliefs et d’éléments de décora-tion typiques ? Eh bien, n’importe laquelle.Allons-y au hasard, du moment que nous visi-tons le tout l’estomac bien rempli et avec labénédiction du cosmonaute Iouri Gagarine,

En Moldavie, du vin au kilomètrePetite excursion privée dans les grandioses caves de Cricova, où vieillissent quelques trésors du patrimoine vinicole mondial.

visiteur lui aussi conquis à jamais par Cricovacomme en témoigne sa photo encadrée.

A vrai dire, nous commençons par la fin, carla dégustation est normalement l’étape finale del’excursion. Bien nous en prend. Le festin est cou-ronné par deux types de vin de la collection Pres-tige : un blanc, à l’arôme floral, et un rouge augoût de prune, le tout accompagné de biscuitsmaison et de noix.

Une fois toutes les salles de dégustation visi-tées, après l’inévitable photo-souvenir, à la tableoù furent signés tous les traités importants dupays, et après une halte aux toilettes souterraines(saisissantes par leur luxe et leur décoration), capvers les caves, enfin. Celles-ci abritent la plusvaste et la plus riche collection de vins du pays,mais aussi quelques trésors venus d’ailleurs.

La collection nationale est conservée dansdes galeries sans fin, au cœur de niches sertiesdans les murs, qui gardent jalousement dans leurintimité sombre et moite des milliers et des mil-liers de bouteilles, dont 2 000 de la collection per-sonnelle d’Hermann Göring, attribuée à l’URSScomme butin de guerre à la fin de la SecondeGuerre mondiale. La plus ancienne bouteille dela collection est un vin liquoreux Ian Beher datantde 1902. Tout ici laisse bouche bée, jusqu’à laforme de la vinothèque – un verre dans lequel sepromènent les visiteurs, une coupe immense,ornée de statues de Dionysos, divers vases utili-sés au bon vieillissement du vin…

Autour de la vinothèque, des rues souter-raines, qui portent les noms des meilleurs cépageseuropéens et moldaves – rue Cabernet, rue Char-donnay, rue Feteasca, Sauvignon, Rkatsiteli,Codru… Sidéré, le visiteur ne sait plus que penserdevant les interminables rangées de fûts et debouteilles qui tapissent les parois du labyrinthe.Le vin, chez les Moldaves, se mesurerait-il nonpas en litres, comme partout ailleurs dans lemonde, mais plutôt en kilomètres ? Au total, cesrues sont longues de 120 kilomètres.

J’ai donc vu les caves de Cricova et je les quitteavec la ferme conviction que, dans l’éventualitéd’une guerre nucléaire (Dieu nous en garde !), aumoins la moitié de la population moldave trou-verait ici un abri antiatomique – et serait bienheureuse d’en profiter !Andreï Albu** Blogueur primé en 2011 par le jury du concours “Des blogspour la Bessarabie”, www.andreialbu.com

48 � Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012

Chisinau

Cricova

100 km UKRAINE

ROUMANIE

MOLDAVIE

Régionsproductrices de vin

Cour

rier i

nter

natio

nal

Contexte

Des grands crusen sursisLe vin est, au côté du chocolat et de la bière,le produit phare de la république de Moldavie. Celui qui fait entrer le plusd’argent dans les caisses de l’Etat et qui emploie plus de 250 000 personnes,“soit un Moldave sur quatre”, écrit le quotidien Timpul. Il s’agit d’une tradition ancestrale car, déjà au temps des Daces, le poète Ovide (43 av. J.-C.–17 apr. J.-C.) s’étonnait de la méthode locale de “solidification” du vin [les Daces congelaient le vin afin d’empêcher sa fermentation et le “mangeaient” pendant l’hiver].Plus tard, au XVIe siècle, les princesmoldaves ont fait du vin leur premierproduit d’exportation, mais aussi l’objet de toutes les convoitises… et de tous leschantages. En effet, peu après la création du poste de paharnic (“celui qui tient le verre”,grand échanson chargé en fait de superviserla production de vin) par le roi Etienne le Grand,la province de Moldavie est devenue vassalede l’Empire ottoman qui interdisait la viticulture. Le retour aux traditionsse fait après 1812, lorsque toute la région est annexée par la Russie. Le tsar, soucieuxde faire plaisir à la noblesse russe, encouragefortement la plantation de cépages locaux– rara neagra, plavai, galbena, zghiharda,batuta neagra, feteasca alba, feteascaneagra – et, par la suite, l’importation de cépages français.Vers 1837, la région de Purcari jouit déjàd’une renommée internationale et, en 1914,la Moldavie possède le plus vaste vignoblede l’empire. Hélas, la Russie se révèlealternativement, au fil du temps, la protectriceet la destructrice du vin moldave. Si, en 1985, la “loi sèche” promulguée parMikhaïl Gorbatchev pour lutter contrel’alcoolisme s’avère une tragédie nationalepour la Moldavie (obligée d’arracher lesvignes et de détruire les vins), le vin est restéjusqu’aujourd’hui un objet de chantage de la part de la Russie. Quand les relations sontau beau fixe entre la Moldavie et la Russie,les exportations de vin moldave sontflorissantes. Quand rien ne va plus entre les deux pays, le vin moldave est déclaré“non conforme aux normes sanitaires”, comme ce fut le cas en 2006-2007.Les vins moldaves sont partis à l’assaut du marché européen et mondial. Le negru et le purpuriu de Purcari, le blanc de Radacini font beaucoup parler d’eux. Les caves souterraines de Cricova et de Milestii Mici, anciennes carrières de calcaire dont les tunnels ont ététransformés dans les années 1950 en cavesà la température et à l’hygrométrie parfaites,véritables villes qui s’étendent sur des centaines de kilomètres, comptent parmi les fournisseurs officiels de la reine d’Angleterre qui fait servir à sa table du vin de Purcari depuis 1974,révèle le mensuel roumain VIP. Enfin, la Moldavie, pays dont on dit qu’il a la forme d’une grappe de raisin, figure aujourd’huiparmi les dix premiers producteursmondiaux de vin. �T

HE

TRA

VEL

GU

IDE

TO

MO

LDO

VA

Le labyrinthe de CricovaDans ce domaine moldave, le vin vieillit dans l’ancienne mine de pierre. Les galeries s’étalent sur 100 kilomètres.

Page 49: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

Los Angeles Times (extraits) Los Angeles

Jonathan Beggs cherchait une façonsimple d’échanger des livres avec sesvoisins. Avec des chutes de panneauxde fibres et de planches de pin, cetentrepreneur en bâtiment à la retraitea bricolé une boîte de la taille d’une

maison de poupée et l’a coiffée d’un toit en bar-deaux de cèdre et de cuivre. Derrière une porterouge vif se cachent trois étagères remplies delivres de Joyce Carol Oates, Tony Hillerman,James Michener et d’autres. Un écriteau au-dessous de la boîte indique : “Prenez un livre ouapportez-en un, ou les deux”.

En six mois d’existence, cette microbiblio-thèque gratuite que Jonathan Beggs a perchéesur un poteau devant sa maison de ShermanOaks, à Los Angeles, est devenue bien plusqu’une bourse aux livres. Elle a permis à desgens qui ne se connaissaient pas de lier amitiéet a transformé un quartier parfois imperson-nel en véritable communauté. Elle est devenuecomme une place de village où les gens seretrouvent pour parler de Sherlock Holmes, dedéveloppement durable et de généalogie. “J’airencontré plus de voisins au cours des trois pre-mières semaines qu’en trente ans”, se réjouit Jona-than Beggs. Le septuagénaire avait entenduparler des microbibliothèques par un membredu groupe sur l’autosuffisance auquel il appar-tient. “L’idée m’a tellement plu que j’en ai construitune”, explique-t-il. Sa microbibliothèque s’ins-crit dans un mouvement qui a démarré dans le

Wisconsin et qui commence à se répandre enCalifornie du Sud. Dans les grandes villes etles petites localités, dans les banlieues rési-dentielles et en milieu rural, les partisans decette initiative s’enthousiasment à pouvoirainsi transmettre des livres aux lecteurspetits et grands.

Comme le souligne Dana Cuff, professeureà l’université de Californie à Los Angeles(UCLA), les gens aiment faire circuler leurslivres favoris parce que cela répond à leur désird’établir un contact humain réel à une époqueoù la communication se fait souvent par SMSou par Facebook. “Faire partager à petite échelleune chose qui nous est chère, c’est comme emprun-ter du sucre à son voisin et lui apporter des tomatesen échange. Cela permet d’établir des relations avecles personnes qui vivent autour de nous.”

3 000 microbibliothèquesLe mouvement Little Free Library est une idéede Todd  Bol, 56 ans. A l’automne 2009, cetentrepreneur social a voulu rendre hommageà sa défunte mère, une enseignante passionnéede littérature. Il a fabriqué une école miniatureen bois qu’il a installée devant sa maison deHudson, dans le Wisconsin, et remplie de livres.Même les jours de pluie, ses amis et ses voi-sins venaient y choisir et y déposer des livres,ou le complimenter sur sa jolie bibliothèque.Todd Bol a demandé à Rick Brooks, 64 ans,spécialiste de l’action sociale, de l’aider à faireconnaître son projet. Ces deux dernièresannées, près de 1 800 gestionnaires de biblio-thèque, comme les appelle Bol, ont rejoint lemouvement, dans environ 45 Etats des Etats-Unis et des dizaines de pays, dont le Ghana,le Royaume-Uni et l’Allemagne. Chaque biblio-thécaire verse 25 dollars [21 euros] à l’asso-ciation Little Free Library, qui lui fournit unepancarte et un numéro d’immatriculation.Sur le site Internet de l’association [little-freelibrary.org], une carte permet de locali-ser les quelque 3 000 microbibliothèquesmembres du réseau.

Celle de Susan et de David Dworski n’yfigure pas. Après avoir vu un reportage surLittle Free Library à la télévision, le couple aembauché un homme à tout faire pour trans-former une vieille caisse de bières en petitrefuge qui trône désormais sur leur clôture en

bois, dans une rue piétonne du quartier deVenice, à Los Angeles. Depuis l’ouverture deleur bibliothèque miniature, le 12 mai dernier,ils entendent régulièrement les pas de quel-qu’un qui s’approche, s’éloigne, puis revient.Le bruit du loquet que l’on soulève. Puis plusrien. Un ami ou un inconnu est en train d’ins-pecter les livres de la boîte, le plus souvent desbiographies, des romans policiers et desouvrages de développement personnel. “Je metsun point d’honneur à ne pas déranger les genslorsqu’ils parcourent la bibliothèque”, confieSusan Dworski, graphiste, écrivaine et créa-trice de bijoux. “J’entends des gens parler autourde la boîte, mais je vois aussi quelques personnesqui viennent seules apporter des livres ou enprendre, plutôt furtivement. Je crois que les gensont un peu l’impression de voler quelque chose.”Elle adore observer quels livres apparaissentou disparaissent, et à quelle vitesse. “C’est unpeu comme aller tous les matins au poulailler pourvoir quelles poules ont pondu des œufs tout chauds,cachés dans la paille.”

Créativité et bricolageBeaucoup de bibliothécaires font assaut de créa-tivité : certains fabriquent des boîtes qui ont laforme d’une ruche, d’autres utilisent des planchesde contreplaqué peintes par des artistes et del’écorce de bouleau provenant des bois alentour.On trouve même une microbibliothèque sur l’îleHoney Bee, au cœur de l’archipel des Mille-Iles,sur le fleuve Saint-Laurent, au Canada. Todd Bola aussi entendu parler d’un homme qui voyageavec sa microbibliothèque dans son camping-car,et l’installe sur le pare-chocs lorsqu’il s’arrêtequelque part pour la nuit. A La Nouvelle-Orléans,des bénévoles ont construit dix bibliothèques enutilisant des matériaux récupérés après le pas-sage de l’ouragan Katrina.

Todd Bol a également pensé à ceux qui sontallergiques au bricolage et vend des modèles enbois recyclé qui coûtent entre 250 et 1 000 dol-lars [entre 200 et 820 euros]. Il propose aussides kits de construction et des maisonnettes àpeindre soi-même.

Après deux ans passés à mettre en route leuractivité avec des moyens limités, Todd Bol et RickBrooks se versent désormais un salaire modiqueet emploient huit personnes.Martha Groves

Tendance

Apportez un livre etprenez-en un !Pour faire connaissance avec ses voisins et créer une véritable vie de quartier, rien de mieux que d’aménager devant chez soi une microbibliothèque. C’est ce qu’ont déjà fait aux Etats-Unis les quelques milliers de personnesaffiliées au réseau Little Free Library.

A La Nouvelle-Orléans, des bénévolesont construit dix bibliothèquesen utilisant des matériauxrécupérés après le passagede l’ouraganKatrina.”

“LI

TT

LE F

REE

LIBR

ARY

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 49

Long

courri

er

BibliophilieLa microbibliothèque de PattOpdyke à Portland, Oregon.

Page 50: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre
Page 51: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre

35 200 euros : telle est la somme qu’arapportée en un an la prostitution à la ville de Bonn. L’ancienne capitalede l’Allemagne de l’Ouest a instauré enaoût dernier un système d’horodateurspour tapineuses. Ces dames doivents’acquitter d’une taxe de 6 euros parnuit pour vendre leurs charmes sur lestrottoirs de la ville. Elles paient leur écoten introduisant des pièces dans un

Insolites

Pétition pour une génialerestauration ratéeCecilia Giménez a massacré le Christ. Etc’est tant mieux, à en croire la pétitionlancée pour défendre la restauration trèspersonnelle de l’octogénaire espagnole.En voulant retoucher l’Ecce homo de sonéglise, Mme Giménez, paroissienne pleinede bonnes intentions, s’est un peu lâchée.Le Christ du Sanctuaire de la miséricordede Borja, en Aragon, est désormais mécon-naissable, à mille lieues de l’œuvre initialepeinte au début du XXe siècle. Faut-il luirendre son aspect originel ? Surtout pas !estime l’internaute Javier Domingo, dontla pétition réclame le maintien en l’état dela nouvelle version. Le surprenant travailde la restauratrice improvisée “est un acte

Lettre au président turkmène, ou de l’art de la brosse à reluireExtraits d’un message publié par troisdignitaires religieux dans le journalNeïtralny Tourkmenistan(Turkménistan neutre), à l’adresse duprésident, à l’occasion de l’Oraz Baïramy,la fête qui marque la fin du ramadan.

Nous vous souhaitons du fond du cœurune heureuse fête d’Oraz Baïramy,journée bénie et solennellement célébréeen cette ère de puissance et de bonheurdans notre pays bien-aimé ! Qu’Allahtout-puissant accueille les prières à luiadressées en ce mois sacré et accordeà notre Protecteur et chef héroïquesanté, prospérité, grandes réussitesdans ses nobles entreprises, et une vieheureuse à notre peuple et à l’ensemblede l’humanité ! Notre peuple respectueuxdes bonnes mœurs, qui jouit sousvotre direction d’une existence stable,pacifique et heureuse, peut librementobserver les usages musulmanstraditionnels, et se perfectionnerphysiquement et spirituellement. Le mois sacré d’Oraz a été pour notreheureux peuple un mois de joie et deferveur. L’une des raisons de cette joiea été la publication en turkmène et enrusse de l’ouvrage Un bon fils de la patrie,retraçant la vie et l’œuvre de votrepère Mialikgouly Berdymoukhammedov,à l’occasion de ses 80 ans. Ce précieuxouvrage offre à travers la longue vie de votre père, marquée par

un dévouement sans faille à la patrie,un merveilleux exemple à suivre pourtous les citoyens. Sous l’effet de votretravail et de votre vision à long terme,chaque journée est pour notre Etat un événement grandiose et inoubliable.Notre peuple se réjouit sans limites de l’existence libre, prospèreet heureuse que vous avez créée. Pour cela, nous, les dignitairesreligieux, qui sommes fermement unisautour de vous, vous assurons que nous ne ménagerons pas nos forcesni notre énergie pour éduquer la génération montante dans l’espritdes traditions spirituelles élevées et immémoriales de nos aïeux.Cher Protecteur Gourbangouly hadj !Nous vous souhaitons encore une foisde tout cœur un heureux Oraz Baïramy.Que cette fête bénie pour toutel’humanité exalte l’inspiration du peupledu Turkménistan indépendant et neutre qui mène une vie si heureuse !Nous vous souhaitons une bonne santé,de longues années de vie, la prospérité.Heureuse fête, cher Président !Avec notre profond respect,Au nom de tous les croyants du Turkménistan,Les dirigeants du Conseil des affairesreligieuses auprès du Président du Turkménistan,T. Serïaïev, I. Khodjagoulyev, G. Noursakhatov

Heureux Finlandais ! Les retraités d’Hel-sinki ont désormais un parc de jeux inter-actif conçu spécialement pour le troisièmeâge. Appuyez sur un bouton et c’est parti :l’ordinateur se met en route, une caméracontrôle vos déplacements et un haut-parleur égrène des numéros de case,hop, hooooop, hooooooop, allez !, onpasse du 3 au 6 et du 6 au 8. Les jeuxproposés permettent de s’autoévalueret font travailler la vitesse, la force,la souplesse, la mémoire et l’équi-libre, note le quotidien finlandais

Hufvudstadsbladet. A défaut d’aire dejeux ad hoc, les seniors peuvent toujoursgarder la forme à domicile. Des exercices

simples comme se tenir sur unejambe ou transférer son poidsd’un côté à l’autre du corps peu-vent réduire de près d’un tiersles chutes chez les personnesâgées, montre un programme

mis au point par l’universitéde Sydney et cité par TheDaily Telegraph.

Home sweet hom

e Les acheteurs

potentiels du Heath Hall, la demeure

la plus chère sur le m

arché en

Grande-Bretagne, devront débourser

2 000 livres (2 500 euros) pour

obtenir la brochure de présentation

de l’édifice. U

ne broutill

e par rapport

aux 100 m

illions de liv

res demandés

pour cette propriété située

dans le très huppé quartier

de Hampstead, à Londres.

(Daily M

ail, Londres)

Votre pelouse est brûlée par la sécheresse ? Peignez-la. En ces temps de canicule, de plus en plus d’Amé-ricains font teindre leur gazon jauni en vert, rapporteThe Leader-Post. Le colorant, à base de tourbe,s’applique au jet. Il est biodégradable, sans odeur,

non toxique et résiste plusieurs mois jusqu’à la tonte,assure la société Grass is Greener Lawn Painting. Un

atout supplémentaire : même en cas d’orage violent,votre pelouse ne déteint pas.

Une aire de jeux pour le troisième âge

Courrier international | n° 1139 | du 30 août au 5 septembre 2012 � 51

Le tapin renfloue les caisses de Bonnparcmètre qui délivre un ticket à produireen cas de contrôle. La présidente del’association des travailleuses du sexeBufas dénonce cette “taxe sur le sexe”qui s’ajoute à l’impôt sur le revenu déjàversé par les péripatéticiennes. “C’estun plaisir pour les clients. Pourquoi est-ce ce n’est pas eux qui paient ?”s’insurge Mechtild Eickel dans lequotidien Frankfurter Rundschau.

Peindre sa pelouse

DR

GLE

NT

REE/

SWN

S.C

OM

DR

SIPA

d’amour touchant”, assure-t-il. “Le résultatde l’intervention combine intelligemment l’ex-pressionnisme primitif de Goya et celui defigures comme Ensor, Munch, Modiglianiou le groupe Die Brücke”, s’enflamme-t-il.Le Christ revu et corrigé a été vu plus de20 000 fois sur la Toile. L’infortunée res-tauratrice supporte mal sa soudaine noto-riété : elle est aujourd’hui sous calmants,note El País. Selon des sources du dio-cèse de Tarazona, citées par El Heraldode Aragón, “on a exagéré l’affaire, surtoutquand on sait que dans n’importe village desfemmes retouchent les dorures des retables avecles meilleures intentions du monde, sans se rendrecompte qu’elles ne le font pas bien”.

Page 52: [RevistasEnFrancés] ElMensajeroInternacional2012 - n°1139 del 30 de agosto al 5 de septiembre