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LES STATUTS DE L'ORDRE DE L'HOPITAL DE SAINT JEAN DE JÉRUSALEM PAR J. DELAVILLE LE ROULX Extrait de la Bibliothèque de iÉcole des Chartes, t. XLVIII, 1887. PARIS 4 887

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LES STATUTS

DE

L'ORDRE DE L'HOPITAL

DE SAINT JEAN DE JÉRUSALEM

PAR

J. DELAVILLE LE ROULX

Extrait de la Bibliothèque de iÉcole des Chartes,

t. XLVIII, 1887.

PARIS 4 887

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LES STATUTS

DE L'ORDRE DE L'HOPITAL

DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM1.

Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, comme tous les ordres religieux ou militaires, furent, dès les premières années de leur établissement, régis par une règle à laquelle le temps, sous forme de statuts complémentaires, apporta des modifications et des additions successives, et cet ensemble de dispositions et de prescriptions devint le code et la loi des membres de l'ordre. Moins heureux que les règles du Temple2 et des Teutoniques3, les statuts des Hospitaliers n'ont encore tenté ni la curiosité ni les efforts des érudits ; personne jusqu'ici ne s'est occupé d'en déterminer la formation, de distinguer les additions et les rema­niements qu'ils ont subis, d'en préciser l'époque et les diverses rédactions. Cet examen, cependant, quelque ardu qu'il puisse sembler, n'est pas sans intérêt; en l'entreprenant aujourd'hui, nous avons l'espoir de rendre service à l'histoire, en lui donnant les moyens de pénétrer la vie intérieure de l'ordre, sans laquelle elle ne saurait avoir une conception nette et complète de ce que firent les Hospitaliers.

Trois règles monastiques principales, au témoignage de saint

l. Ce travail a été lu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, le 11 mars 1887.

£. La Règle du Temple, éditée par H. de Curzon pour la Société de l'histoire de France. Paris, 1886, in-8\

3. Hennig, Die Statuten des deutschen Ordens. Kônigsberg, 1806, in-8° (texte allemand) ; — Raymond Duellius, Miscellanea, t. II (Aug. Vindob., 172^, in-4°), p. 12-64 (texte latin).

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2 LES STATUTS DE i/ORDRE DE L'HOPITAL

Bernard1, régissaient, au xie siècle, les établissements religieux de la chrétienté; ce sont celles qui portent les noms de saint Basile, de saint Benoît et de saint Augustin. A laquelle d'entre elles l'Hôpital fut-il soumis à sa naissance ? Ce n'est assurément pas à la première, qui n'avait cours que dans les établissements du rite grec. L'hésitation est permise entre les deux autres, malgré le témoignage unanime des historiens de l'ordre de l'Hôpital, qui assignent la règle augustinienne à l'institution nouvelle. Ne semble-t-il pas naturel, en effet, que les Hospitaliers, dont les origines bénédictines nous paraissent incontestables, aient d'abord vécu sous la loi de saint Benoît? On sait que l'Hôpital a toujours répudié cette filiation et s'est défendu d'avoir succédé à l'hospice amalfitain, établi à Jérusalem au milieu du xie siècle et desservi par des moines noirs2. Il n'est plus douteux cependant, aujour­d'hui, que les établissements latins, fondés en Palestine par saint Grégoire le Grand à la fin du vie siècle et restaurés par Gharle-magne, n'aient subsisté, presque sans interruption, jusqu'à la venue des croisés, et n'aient été aux mains des Bénédictins3. Ces hospices furent le berceau de l'Hôpital, et c'est seulement après la première croisade que celui-ci, s'affranchissant, de la dépendance bénédictine, devint un ordre hospitalier et mili­taire, et subit une transformation complète. S'il avait, avant la croisade, obéi aux prescriptions de saint Benoît, rien n'empêche de placer, au moment de cette reconstitution, l'adoption d'une règle nouvelle que tous les historiens signalent et dont l'usage est certain chez les Hospitaliers à une époque postérieure. Plus il aspirait à l'indépendance, plus il sentait la nécessité de répudier l'ancienne règle, souvenir du passé, et de briser le lien qui l'avait autrefois rattaché à l'observance bénédictine4.

1. De prœcepto et dispensatione c. 2 (éd. d'Horstius, Lyon, 1658, IV, 74). 2. Il est vrai que les Augustins, comme les Bénédictins, étaient vêtus de

noir, mais au moyen âge l'expression de « moines noirs » a toujours été appli­quée aux Bénédictins des anciennes obédiences, par opposition aux moines de l'obédience de Cîteaux, qui portaient la tunique et la coulle blanches.

3. Saint Grégoire le Grand appartenait lui-même à l'ordre de Saint-Benoît ; les moines envoyés d'Amaliî à Jérusalem au milieu du xie siècle étaient certai­nement aussi des Bénédictins.

4. J. Bosio {Dell' istoria délia sacra religione di S, Giov. Gierosolimi-tano, I (Roma, 1594), p. 71) a cru rehausser l'éclat de l'ordre dont il a écrit l'his­toire en émettant l'hypothèse que la règle de l'Hôpital ne procède d'aucune règle antérieure et lui est propre. Cette opinion a été victorieusement réfutée

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DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM. 3

Les frères de Saint-Jean de Jérusalem furent, dès les premières années de la conquête de la Palestine, grâce aux efforts persévé­rants de leur premier chef Gérard (10 -1120), régulièrement organisés en ordre religieux1; mais la première règle que nous connaissions leur fut donnée par le grand maître Raymond du Puy (avant 9 déc. 1125-1157?), successeur immédiat de Gérard2. Celle-ci fut toujours considérée comme la base fondamentale de leurs constitutions et placée, à ce titre, en tête de tous leurs recueils de statuts.

Il est impossible, malgré les efforts tentés par les historiens de Tordre3, de fixer avec certitude à quelle année du long magistère de Raymond du Puy se rapporte la promulgation de cette règle. Le seul point hors de doute, c'est qu'elle fut confirmée par Eugène III et que, par conséquent, elle est antérieure à 1153. Mais il semble peu probable que les Hospitaliers l'aient attendue

par P. A. Paoli, Dell1 origine ed istituto del sacro militar or dîne Gerosolimi-tano (Roma, 1781), p . 52 et suivantes.

1. Nous ne pouvons préciser le moment où Gérard fut mis à la tête de la communauté des Hospitaliers de Saint-Jean; ce fut antérieurement à la pre­mière croisade. Nous croyons avoir rendu ce point hors de doute {De prima origine Hospitalariorum Hierosolijmitanorum. Paris, 1885, passim), malgré l'affirmation contraire de tous les historiens de l'ordre.

2. Bosio {DelV istoria, I, p. 48-65) et d'autres historiens avec lui parlent d'une confirmation de cette règle par Gélase II en 1118, et par Calixte II en 1120; cette première confirmation, aujourd'hui perdue, est inadmissible, car Gérard exerça le magistère jusqu'en 1120, et les bulles de Calixte II du 19 juin 1119 (Jaffé-Lœwenfeld, Reg. pont. Roman., n° 6709) et non 1120, comme l'a cru Bosio, et du 8 janvier 1123 (Jaffé-Lœwenfeld n° 7005) ne visent que les posses­sions des Hospitaliers et non leur règle. Il faudrait supposer qu'il s'agît d'une confirmation postérieure à 1120 et antérieure au mois de décembre 1124 (date de la mort du pontife). Cette hypothèse est d'autant moins admissible que le premier acte connu de Raymond du Puy n'est que du 9 décembre 1125.

3. P. A. Paoli {DelV origine ch. x, 27, p. 218-9) a cité, dans ce but, le témoignage de l'écrivain ferrarais Ricobaldo, qui vivait au commencement du xive siècle, et qui attribue à Innocent II (1130-1143) une confirmation de la Règle (dans Eccard, Corpus historicum, I (Leipzig, 1723), p. 1279, et dans Muratori, Rer. italic. script., IX (Milan, 1726), col. 243). Il est probable que cet auteur a confondu celle-ci avec les bulles de ce pontife, confirmatives des privilèges ou des possessions de l'ordre. On sait qu'à l'avènement de chaque pape, l'Hôpital faisait renouveler les privilèges qu'il tenait des pontifes précé­dents. V. ces bulles dans Bosio, I, 107-8. — Paoli s'est également appuyé sur une note marginale d'un manuscrit du Vatican (n° 3136, fol. 22, et non 21, comme il l'a imprimé par erreur), qui donne la date de 1147 comme celle de la confirmation d'Eugène III; mais on ne saurait attribuer à celte mention, pro­bablement postérieure à la confection du manuscrit, une importance décisive.

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4 LES STATUTS DE L'ORDRE DE L'HOPITAL

si longtemps, et, si l'on tient compte de ce qu'elle renferme deux parties distinctes, dont la seconde semble postérieure à la pre­mière, on peut sans témérité reculer de quelques années l'époque à laquelle Raymond du Puy rendit exécutoires les premières dis­positions réglementaires qu'il avait proposées au chapitre général de l'ordre et fait agréer par lui.

Cette règle se compose de dix-neuf chapitres1, dont les quinze premiers forment un ensemble, tandis que les quatre derniers ont le caractère d'additions postérieures. Elle contient à la fois l'énoncé des devoirs des Hospitaliers, fondés sur le triple vœu de chasteté, d'obéissance et de pauvreté (ch. I-II), leur règlement intérieur dans l'exercice de ces devoirs (ch. III-VII), les prescrip­tions relatives à la nourriture et au vêtement des frères (ch. vin), aux prières dues à ceux-ci après leur mort (ch. xiv) et les peines qu'ils encourent lorsqu'ils enfreignent leurs vœux ou la discipline (ch. IX-XIII). Les derniers chapitres traitent de la réception des malades au couvent (ch. xvi),'de la responsabilité qui incombe à un frère en cas d'accusation calomnieuse (ch. xvm), des répri­mandes amiables entre frères (ch. xvn) et du port de la croix sur le manteau (ch. xix).

En cet état, la Règle était fort incomplète ; on reconnut bientôt qu'elle ne répondait pas à tous les besoins, qu'elle était muette sur plus d'un point et que nombre de cas n'avaient pas été prévus par elle. Ce fut aux chapitres généraux qu'incomba le soin de combler ces lacunes par des décisions successives qui eurent, pour les membres de l'ordre, force de loi après avoir été promul­guées par les grands maîtres ; mais la Règle resta toujours en dehors de ces modifications. Quand Lucius III la confirma, en 11852, cette confirmation ne porta que sur la Règle elle-même, quoique déjà, en 1176, le grand maître Jobert et, en 1181, un chapitre général eussent pris d'importantes dispositions complé­mentaires. On peut ainsi, à l'aide des statuts émanés des divers grands maîtres, suivre le développement donné, depuis le milieu du xiie s. jusqu'à la chute de l'ordre, à la législation des Hospitaliers.

i. Elle nous a été conservée dans un vidimus de Lucius III, Vérone, 22 août 1185, « Quanto per gratiam, » et figure en tête de tous les manuscrits des statuts de l'Hôpital. Elle a été publiée, d'après le ms. 4852 du Vatican, par P. A. Paoli, Dell' origine, etc., append., p. xvm-xxxi. Cf. Jaffé-Loewenfeld, Reg. pont. Roman., n° 15455.

2. Voir la note précédente.

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DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM. 5

La Règle et les statuts subséquents, commentaires de celle-ci, furent primitivement rédigés en latin ; mais, parmi les chevaliers, plus habitués à manier Fépée que la plume, la connaissance de cette langue était, dès la fin du xne siècle, si peu répandue qu'une ordonnance capitulaire du grand maître Alphonse de Portugal (vers 1201) prescrivit la traduction des privilèges et statuts en langue vulgaire ; cet usage se maintint dans la suite, et quelques essais de retour au latin1 durent être, pour les mêmes causes, promptement abandonnés.

Cependant, à la fin du xve siècle, la multiplicité des ordon­nances capitulaires rendues pendant près de trois cents ans avait apporté quelques confusions, souvent même quelques contra­dictions dans l'interprétation et l'application des statuts; les Hospitaliers, peu familiers avec la science juridique, avaient souvent peine à dégager, au milieu de ces réglementations suc­cessives, la doctrine en vigueur et la solution afférente à tel ou tel point particulier. La nécessité d'une revision des statuts s'im­posait ; elle eut lieu sous le magistère de Pierre d'Aubusson (1489) et fut établie d'après un plan méthodique et une classification par ordre de matières ; ce groupement fut maintenu dans la suite jusqu'à la chute de l'ordre, dans de nombreuses éditions refondues et tenues à jour par les soins de la chancellerie de l'Hôpital2.

1. Le§ premiers datent du milieu du xive siècle et du xve. Deux manuscrits des statuts, compilés à ces époques, sont en latin, ceux de Malte (1358, div. I, vol, 69) et de Florence (Bibl. nat., cl. XXXÏI, cod. 37), tandis que nous connais­sons des mêmes statuts vingt-deux manuscrits antérieurs à 1489 (dont le lec­teur trouvera la liste plus bas) écrits en diverses langues. Un nouvel essai eut lieu au moment où Pierre d'Aubusson ordonna la formation d'un recueil de statuts par ordre de matières (1489); mais, dès le 5 août 1493, le chapitre géné­ral de Rhodes ordonna la traduction de ceux-ci en langue commune. (V. De prima origine, p. 44.)

2. 1° Pierre d'Aubusson. Manuscrits : français, Paris, Bibl. nat., franc. 5645, 13532, 23133; Toulouse,

Arch. départ., S. Jean, cart. n° 2; —italiens, Milan, Brera AF, X, 10; Londres, Lambeth Palace, n° 177; — espagnols, Madrid, Bibl. nac, D. 83, et D. 84 (ce dernier avec des additions jusqu'en 1539); Londres, Brit. Muséum, adcl. mss. 22554; — latins, Middlehill, n°s 1773, 5807.

Imprimés : Stabilimenta Rhodiorum militum sacri ordinis S. Joannis Hiero-solymitani, composita a Guil. Caoursin... S. 1., 1493, in-fol. — Volumen stabi-limentorum Venetiis, 1495, in-fol. — Stabilimenta militum hierosolymita-norum Ulme, 1496, in-fol. — Volumen stabilimentorum (S. 1. (Paris, Petit Laurens ou Pierre Levet), in-fol., 1499 ? (traduction française). — Le Livre

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6 LES STATUTS DE L'ORDRE DE L'HOPITAL

Mais, avant la réforme de Pierre d'Aubusson, des tentatives de classification et de codification des statuts s'étaient produites. Ne fallait-il pas réunir en un seul corps les décisions capitulaires

des establissements et statuts des chevaliers Rhodiens, traduit du latin de Caoursin. S. 1. 1499, in-fol.

2° Philippe Villiers de llsle-Adam. Imprimé : Stabilimenta militum sacri ordinis divi Joannis Salamantiee,

1534, in-fol., édition due à Alvaro Perez de Grado. 3° Claude de la Sengle. Manuscrits : français, Paris, Bibl. nat., fr. 1781, daté de 1557; Londres,

Brit. Muséum, add. mss. 27938. Imprimés: Statuta ordinis domus hospitaîis Hierusalem. Romse, 1556, in-fol.,

édition due à Diego Rodriguez. — Régula hospitalariorum et militiee Ordinis S. Joan. Bapt. jussu Fr. Claudii de la Sengle Fr. Didacus Rodriguez aedi cura-vit. Romee, 1556, in-8°. — Statuta ordinis domus hospitaîis Hierusalem. Romse, 1556, in-8°.

4° Jean de La Valette. Imprimés : Statut! délia religione de' Cavalieri Gierosolimitani tradotti di

latino in lingua toscana dal R. F. Paolo del Rosso Firenze, 1567, in-8°. — Id., Firenze, 1570, in-8°.

5° Jean Levesque de la Cassière. Manuscrit : espagnol, Madrid, Bibl. nac , D. 110. Imprimé : Nova statutorum ordinis Sancti Joannis Hierosolymitani seditio,

Madriti, 1577, in-fol. 6° Hugues de Loubenx de Verdale. Imprimés : Statuta Hospitaîis Hierusalem. S. 1. (Romœ), s. d. (1588), in-fol.,

édition de Rondinelli et de Veltronius. — Gli statuti délia sacra religione tradotti di latino in volgare da Jacomo Bosio. Roma, 1589, in-4°.

7° Martin Garzes. Imprimés : Gli statuti délia sacra religione... tradotti... da Jacomo Bosio,...

Roma, 1597, in-4°. 8° Alof de Wignacourt. Manuscrit: français, Paris, Bibl. nat., franc. 9781. Imprimés : Gli statuti délia sacra religione di S. Gio. Gerosolimitano con le

ordinazioni del Capitolo Générale celebrato nell' anno 1603. Roma, 1609, in-4°. —• Ordonnances du chapitre général de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, célébré en 1612 sous Alof de Wignacourt. S. 1. n. d., in-4°.

9° Antoine de Paule. Imprimé : Ordinationes Capituli generalis, anno 1631 celebrati Taurini,

1634, in-fol. 10° Raphaël Cotoner. Manuscrit : italien. Vienne, Bibl. imp., n° 5745. IL0 Nicolas Cotoner. Imprimé : Volume che contiene li statuti Borgo Novo, 1676, in-fol. 12° Raymond Perellos. Imprimé : Volume che contiene Borgo Novo, 1719, in-fol. (Réimpression

de l'édition de 1676.)

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DE SAINT-JEÀN DE JERUSALEM. 7

pour les mettre entre les mains des dignitaires chargés de leur exécution? Ainsi se formèrent des recueils de statuts, dont un grand nombre sont parvenus jusqu'à nous, et dont il est intéres­sant d'étudier la composition1.

Le plus ancien de ces recueils date des dernières années du xme siècle et nous a été conservé dans un manuscrit du Vatican2, Il a été écrit postérieurement à 1287, puisqu'il contient les déci­sions capitulaires rendues à cette date, mais antérieurement à la perte de la terre sainte par les chrétiens en 1290, puisqu'il repro­duit la Règle d'après la confirmation de Lucius III et non d'après celle de Boniface VIII, obtenue à latsuite de l'abandon de la Palestine par les Hospitaliers.

L'auteur, Guillaume de Saint-Estène, était frère de l'Hôpital ; il résidait au prieuré de Lombardie et devint ensuite commandeur de Chypre3. Malgré la forme française sous laquelle son nom nous est parvenu, il semble avoir été de famille italienne. Quelques années plus tard (1315), en effet, ce nom était porté par un autre frère de l'Hôpital, Daniel de Saint-Estène, lieutenant du visitateur général de Lombardie, et inscrit en tête d'une nou­velle compilation des statuts. Est-il téméraire, en présence de cette similitude de séjour et d'études juridiques, de rattacher ces

13° Marc-Antoine Zondadari. Manuscrit : italien, Paris, Arsenal, 8548. 14° Emmanuel de Rohan. Imprimé : Codice del Sacro Militare ordine Gerosolimitano Malta, 1781,

in-fol. 1. Voici la liste des manuscrits, antérieurs à Pierre d'Aubusson, dont nous

connaissons l'existence : français, Paris, Bibl. nat., f. français 6049, 1978, 13531, 1079, 1080, 17255, 1979; Montpellier, Fac. de médecine, 372; Turin, Université, LV, 45 ; Toulouse, Arch. départ., cartul. de Saint-Jean, n° 1 ; Londres, Musée britannique, Galba, A, 17 (incomplet); Rome, Vatican, 3136 et 4852; Marseille, Arch. départ., H. boîte 6, liasse 53; Dijon, Arcli. départ., H. n° 111 ; —- latins, Malte, Archives, div. I, vol. 69; Florence, Bibl. nat., cl. XXXII, 37; — provençaux, Toulouse, Arch. départ., cart. de Saint-Jean, n08 3, 4, 5, 6; bibl. du marquis d'Aulan ; — catalans, Alcala de Henarès, cartul. 1 et 2 ; — italiens, Vienne, Bibl. imp., n° 3323.

2. Vatican, n° 4852. 141 feuillets de parchemin, d'une écriture peu soignée; hauteur 0m150, largeur 0m112, quinze lignes à la page; les titres des chapitres sont écrits à l'encre rouge. Le manuscrit est incomplet d'au moins un feuillet (entre les fol. 64 et 65); il a été publié partiellement par P. A. Paoli [DélV origine app. p. xvm-xxxi, XL-L).

3. Il remplissait cette charge en mai 1299 (Bibl. nat., franc., 6049, fol. 144 v°), mais, en 1303, il était remplacé par fr. Simon le Rat (id., fol. 201 et 204 v°).

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8 LES STATUTS DE L'ORDRE DE I/HOPITAL

deux personnages à une même famille, de leur attribuer une ori­gine italienne et le nom de S. Stefano?

L'œuvre de Guillaume de S. Stefano aie caractère d'un recueil officiel ; l'ordre avait confié les documents originaux à l'auteur, qui s'est efforcé de donner à son travail une authenticité indiscutable en citant avec la plus scrupuleuse exactitude les sources aux­quelles il a puisé*. Il a eu à sa disposition, —- ce sont ses propres paroles, — « ra escriz boules de plomb, si comme se contient « desseurement : le premier est de la boule dou pape (confirmation « de la règle par Lucius III), le second de maistre Amphos (sta-« tuts de Jobert, de Roger de Molins et d'Alphonse de Portugal), « le tiers de maistre Revel ; mais Tescrit de maistre Hugue est en « il Chartres, une grant (chapitres de 1262,1265, 1266) et autre « petite (chapitre de 1270), et envers la fin de la petite boulée des « coinz de maistre Hugue sont les establissemenz que maistre « Nichole fist la première année (chapitre de 1278) ainz que ses « coins furent fait2. » C'est à l'aide de ces documents, auxquels il a ajouté divers éléments postérieurs, qu'il a composé sa com­pilation.

Celle-ci comprend : 1° La Règle de Raymond du Puy (fol. 1-18 v°)3. 2° Un privilège de 1177 par lequel le grand maître Jobert

affecte les revenus de deux casaux, ceux de Sainte-Marie et de Caphaer, à fournir du pain blanc aux malades de l'Hôpital (fol. 18v°-19v0)4.

3° Les usages de l'Hôpital de Jérusalem ; c'est un règlement du service divin et du cérémonial religieux ; il vise spécialement les prières et offices en l'honneur des morts. On peut, d'après le rang que ces usages occupent dans le manuscrit, en fixer rétablisse­ment entre les années 1177 et 1181 (fol. 20-23 v0)5.

1. A la suite de la confirmation de Lucius III, il décrit minutieusement la rota et les bulles de plomb (Vat. 4852, fol. 15 v°) qui scellent l'acte.

2. Id., fol. 82; cf. fol. 73. 3. Ed. P. A. Paoli, Dell1 origine, appencl., p. XVIII-XXXI (texte français),

d'après le ms. 4852 du Vatican, et S. Pauli, Cod. diplomatico, I, p. 223-6 (texte latin), d'après un bullaire des archives de Malte.

4. Ed. P. A. Paoli, p. XL-XLI. Ce document figure dans le ms. avec la date de 1176; nous l'avons publié (Les Archives de Malte, p. 126-7) d'après le texte du manuscrit de Malte (Div. I, vol. 69), dans lequel il est daté de 1177.

5. Ed. P. A. Paoli, append., p. XLIII-XLIV.

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DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM. 9

4° Les statuts promulgués au chapitre général de 1181 (14 mars) et connus sous le pom de constitutions du grand maître Roger de Molins (fol. 24-32) K

5° Les statuts promulgués au chapitre général de Margat (après 1201), sous le magistère d'Alphonse de Portugal (fol. 32 v°-49 v°).

6° Les statuts promulgués en 1262 (19 septembre, asherherges près de Cesaire et de Japhe et d'Acre à la Vigne-Neuve), en 1265 (Acre, 5 septembre)2, en 1266 (Acre, 26 septembre)3, en 1270 (Acre, 15 juin)4, sous le magistère d'Hugues Revel (fol. 49-79).

7° Les statuts promulgués en 1278 (4 août) sous le magistère de Nicolas Lorgue (fol. 79 v°-83)5.

8° Les statuts promulgués en 1287 (Acre, 2 octobre)6, sous le magistère de Jean de Villiers (fol. 83-122 v°).

9° Et enfin une rédaction des Esgards, dont nous aurons occa­sion de parler plus bas avec détails (fol. 122 v°-140 v°).

Quelques années plus tard, les événements dont la terre sainte avait été le théâtre et qui avaient déterminé la retraite des Hos­pitaliers rendirent une nouvelle rédaction nécessaire. L'original, en effet, de la Règle de Raymond du Puy, confirmé par Lucius III, avait été perdu à la prise d'Acre ; les statuts de Jobert, de Roger de Molins, d'Alphonse de Portugal avaient également disparu. L'ordre se hâta de faire reconstituer ces documents et d'obtenir de Bonilace VIII une seconde confirmation de la Règle ; on peut, sans témérité, supposer que le recueil de Guillaume de S. Stefano fut envoyé comme pièce justificative à Rome, lorsque cette con­firmation fut sollicitée, et expliquer de la sorte la présence du manuscrit dans la bibliothèque Vaticane.

Nous connaissons ces détails par Guillaume de S. Stefano lui-même ; il les a consignés dans une seconde compilation, rédigée

1. Ed. P. A. Paoli, p. XLV-L. 2. Deux autres manuscrits des statuts (Bibl. nat., fr. 13531, et Turin, Àthen.,

LV, 45) donnent la date du 30 septembre 1265. 3. Ce chapitre est daté dans d'autres manuscrits du 30 septembre 1267 (Malte,

div. I, vol. 69) et du 30 septembre 1268 (Bibl. nat., franc. 13531). Le manuscrit de Turin (Athen., LV, 45) donne aussi la date de 1268.

4. 25 juin 1270, d'après le manuscrit de Malte (div. I, vol. 69). 5. Le compilateur a omis les statuts promulgués par Nicolas Lorgue à la

suite du chapitre général de 1283. 6. 28 octobre 1288 (ms. du marquis d'Aulan) ; 28 décembre 1288 (manuscrit

de Malte, div. I, vol. 69).

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10 LES STATUTS DE i/ORDRE DE L'HOPITAL

vers 1303S et dans laquelle il a pris soin, pour ne laisser place à aucun doute, d'insister sur le sort des documents auxquels il avait emprunté les éléments de son premier recueil2.

1. Bibl. nat., franc. 6049, pareil. in-8°, 305 feuillets. Ce manuscrit a appar­tenu à frère Jean Quentin, docteur en droit et professeur ordinaire à Paris. Nous croyons pouvoir attribuer la confection de cette compilation à l'année 1303, quoique à la fin du manuscrit figurent les chapitres généraux de 1311 (Rhodes, 22 avril) et de 1330 (Montpellier, 24 octobre). Ces additions sont de la même main que le reste du manuscrit ; mais la place qu'ils occupent à la fin clu volume montre que, si la transcription du recueil est postérieure à 1330, le corps de la compilation appartient à l'année 1303 ; la transcription, sur le feuil­let de garde, d'un fragment des statuts émanés du chapitre général de Limisso en 1304 (24 novembre) vient confirmer la date de 1303 que nous indiquons; si la composition du recueil eût été postérieure à 1303, ce fragment eût été inséré dans le corps de l'ouvrage.

2. <( Ci fenist la recordation et les establimens dou Margat. — Ci testi-« moingne le conpileor de cest lieure que il vit cestes choses, bulles soute la « bule de Lucius pape et de maistre Anfons. Et devise aucunes coustumes et « ajostances, qui furent jointes par aucun leuc de règle au Margat.

« Se sont les ordenemens de sus escris, si corne la règle et les autres orde-« nemens. Je vis et tins en mes mains bulles de plomb, ce est assavoir la « Règle, si corne vous l'avé oye devant, qui estoit bullée de la bulle apostolial, « et de l'apostoille Lucius, et estoit en latin. Et puis la feis translater et mètre « en francès, si corne est dite et translatée devant le cotrescrit en latin en latin « (sic). Quant je parti dou priouré de Lombardie, demoralà les autres choses ensi « avant : c'est le previlege que maistre Jobert fit de pein blanc, et les autres « ordenations que il fist. Et celés qui vienent après de maistre Rogier de Molix, « et puis la recordacion dou Margat atresi, je vis et tins et oys proprement « por faire contrescrire, et estoit bullée de la bulle de plomb dou nom de « maistre Anfons, lesquels je fis contrescrire autresi en latin. Et ce lieure fu « compilé. Je aucé le dit contescrit, qui proprement fu pris de sous la bulle « de maistre Anfons, et l'a [n] voie en Chipre.

« Cestes choses ay ci dit porce que la dite règle, qui estoit bullée de la bulle « de l'apostoly, et les autres choses que estoient soute la bulle de maistre « Anfons, furent perdues à la perte d'Acre; si que, au lor {sic, Usez jor) que « cest livre fut conpilé, nous non avions règle bullée dou pape, ne les choses « desus escrites, recordées et confermées au Margat, non avions nous sous nule « bulle. Et por ce que elles ne fussent mises en obli par négligence, ou que autre « error non fust per aucuns escris descordables des escris qui les frères ont, ay « je dit là où la vérité seroit trovée. Et qui le eusse la Règle contescrite sous « la bulle dou pape et les ordenements de sus dis bulles sous la bulle de « maistre Anfons, je trais à testimoingne frère Brun *, qui estoit tresourier au « jour, et avoit la dite règle et escrit fait au Margat en sa garde, qui les presta « por faire contre-escrire.

* Le nom de ce frère figure parmi ceux des témoins d'une donation faite aux Hospitaliers en 1204. (Pauli, Cod. dipl, I, p. 93.)

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DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM. w Si la première compilation offre tous les caractères d'une rédac­

tion officielle, la seconde semble, en revanche, une œuvre toute personnelle; à côté des documents authentiques contenus dans celle-là et complétés jusqu'en 1302, elle renferme sur l'origine de l'Hôpital, sur les légendes dont on a entouré son berceau, sur les affaires de l'ordre et sur celles de terre sainte au commencement du xive siècle, les renseignements les plus précis et les plus curieux. Elle dénote un esprit critique et perspicace, une sûreté et une abondance d'informations qu'explique la position occupée à Chypre par l'auteur au centre des événements qui se déroulaient dans le Levant et auxquels les chevaliers de Saint-Jean étaient activement mêlés. C'est un document des plus précieux, non seu­lement pour l'histoire des Hospitaliers, mais aussi pour celle de l'Orient latin.

On y trouve, à côté de la Règle et des statuts transcrits dans la première compilation, les Etablissements ou ordonnances capitulaires postérieures à celle-ci jusqu'en 13021, une chronologie des grands maîtres (fol. 142 v°-143), des renseignements fort circonstanciés sur les négociations relatives au chapitre tenu à Avignon en 1300 (fol. 144-183), le projet du roi Charles II de Sicile pour reconquérir la Palestine (fol. 183 v°-190)2, des gloses sur la Règle et les usages de l'ordre, avec exemples historiques à l'appui (fol. 294-217) et un abrégé dans lequel Guillaume de

« De ce meismes. — Meismes as diz escritz fais au Margat contenoit la règle, « laquai règle et tous les escritz de sus ditz estoient en une chartre, bulléé « souz la bulle de plomb au nom doudit maistre Anfons.

« De ce maismes. — Aucunes choses ajusteront lois à la droite escripture de « la règle, laquai ajostance tient leuc solement d'establiment, non pais de « règle. Et non avons pas juste user de toutz selonc celés ajostances. Car où « la règle parole de in choses que l'en doit prometre, l'ajostance par la main « dou prestre et por livre, mas Fusance si est que le bailli ou autre des frères « qui facent aucun frère tiegne en ses mains le livre sur lequel cil qui doivent « estre frère prometent. Et puis le porte sur Fauter, et le reporte au bailli se « il le feit frère, ou à autre des frères qui l'aura fait frère. Encore un chan­ce gement yst » (Bibl. nat, fonds français 6049, fol. 240 et 241.)

1. Établissements des chapitres généraux de Limisso, des 8 octobre 1292 et 20 octobre 1293 (ou 1294 d'après certains manuscrits), sous Jean de Villiers; des 30 septembre 1294 et 3 décembre (ou 12 septembre d'après le ms. d'Au-lan) 1395, sous Eudes des Pins; du 5 novembre 1301, du 22 septembre 1301, du 28 octobre (septembre d'après le ms. fr. 13531) 1302, sous Guillaume de Villaret (fol. 42 à 144).

2. Cf. Delaville Le Roulx, La France en Orient, I, p. 16-18.

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\2 LES STATUTS DE L'ORDRE DE L'HOPITAL

S. Stefano a, sous le titre de Livre saltérian, résumé les prin­cipes généraux du droit naturel, de la coutume et de la loi d'après le décret de Gratien, Cicéron, Isidore de Séville, saint Augustin et d'autres auteurs (fol. 265 v^OS)1.

Ces additions suffiraient à elles seules à justifier l'importance que présente l'oeuvre de G. de Stefano; il nous reste à dire quelques mots de l'insertion dans ce même recueil de trois traités dont l'intérêt est capital pour l'histoire des statuts de l'Hôpital. Us apparaissent là, en effet, pour la première fois2, et nous les retrouverons dans la plupart des manuscrits postérieurs des Éta­blissements.

Le premier, sous le nom d'Usances des Esgars (fol. 121-142), est un recueil des décisions disciplinaires prises par l'ordre contre ses membres coupables. C'est, à proprement parler, le code pénal de l'Hôpital ; il devint, par la suite, le complément indis­pensable des Etablissements et de la Règle.

Le second contient l'histoire fabuleuse des origines de l'Hôpital ; ces Miracles, que l'imagination populaire et le besoin d'encou­rager les aumônes des fidèles en faveur de l'institution nouvelle3

placèrent à son berceau, sont représentés dans la compilation de G. de S. Stefano par deux rédactions différentes4. Nous assistons ainsi à la formation et au développement d'une légende dont la diffusion fut assez rapide pour figurer, dès le commencement du xive siècle, en tête de la plupart des recueils de statuts, au mépris de la vérité historique à laquelle elle s'était substituée et dont elle ne devait pas tarder à effacer même le souvenir5.

1. Ce résumé fut écrit à Chypre en 1296 (fr. 6049, fol. 298). L'auteur l'analyse lui-même de la sorte : « Mas la sagonde partie districte les manières de droit, et parle de jugement, et traite de justice, car cestes choses, que sont estranges de nous escrit, sont nécessaires et coveignables à estre coneues en nostre religion » (fol. 265 v°).

2. Sauf les esgars, qui figurent déjà dans le manuscrit du Vatican n° 4852, fol. 122 v°-140 v°.

3. « Mais je esme que questeors por mieaus gaignier troverent celés choses. » (Bibl. nat., franc. 6049, fol. 55; — Turin, Athenaeum, LV, 45, fol. 5.)

4. Fol. 2-4 v° et 4v°-10. Le texte de ces miracles est publié dans notre ouvrage : De prima origine p. 97-115. Pour tout ce qui concerne Fâge, les manuscrits, les diverses rédactions et la composition de cette légende, voir notre ouvrage, p. 44-55.

5. Il est vrai qu'Innocent IV, par une bulle du 9 avril 1254, avait légitimé une partie de cette légende en proclamant que la maison de l'Hôpital avait été

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DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM. 43

Cet oubli, cependant, dont les véritables origines de l'ordre étaient menacées, ne se produisit pas sans protestations ; Guillaume de S. Stefano lui-même, — dans le dernier des traités dont nous venons de parler, — a pris soin de nous mettre en garde contre la véracité des Miracles, Sa dissertation1 révèle des qualités de saga­cité et d'érudition de premier ordre; elle tend à réduire la légende à des proportions plus justes et plus voisines de la vérité, et nous fait connaître l'origine historique de l'Hôpital, celle qui le rattache à une fondation amalphitaine antérieure aux croisades, celle que Guillaume de Tyr avait indiquée et que les historiens de Tordre ont toujours été intéressés à suspecter. S'il n'a pas su faire jus­tice de toutes les erreurs et invraisemblances contenues dans les miracles, il faut lui savoir gré des efforts qu'il a tentés et du sens critique qu'il a déployé. Doit-on lui reprocher d'avoir de bonne foi étayé son argumentation sur une prétendue donation de Gode-froy de Bouillon, qui, en réalité, appartient à Godefroy III, duc de Brabant (1183)? L'erreur est excusable2. Il n'en subsiste pas moins que l'auteur a confirmé le témoignage de Guillaume de Tyr et détruit la légende qui faisait remonter l'Hôpital au temps des Macchabées. Sous sa plume, ces courageuses révélations sont significatives; elles témoignent d'un esprit assez ferme pour ne pas sacrifier la vérité aux préjugés et à l'intérêt de l'ordre auquel il appartenait3.

Cette dissertation, cependant, malgré des qualités et un mérite indiscutables, n'a été insérée que dans un petit nombre des manus­crits des statuts et n'a jamais joui de la popularité des Miracles. Aussi avait-elle jusqu'à présent passé inaperçue, et ceux mêmes

honorée de la présence du Sauveur et de celle de la Vierge après l'Ascension. (Bibl. de Munich, lai. 4620, fol. 131-2.)

1. Nous lui avons donné le nom ftExordium hospilalis; on en trouvera le texte dans notre ouvrage De prima origine, p. 119-128. Nous n'avons pas la preuve absolue que G. de S. Stefano soit l'auteur de YExordium, mais rien n'est plus vraisemblable. Nous ne connaissons que cinq manuscrits qui le con­tiennent (tandis que les miracles figurent dans seize des vingt-quatre manus­crits des statuts que nous avons étudiés), et de ces cinq manuscrits, l'un est la compilation même de G. de S. Stefano, dont nous parlons ici, et l'autre émane d'un parent de Guillaume, Daniel de S. Stefano. (Bibl. nat., fr. 1978.)

2. Elle a été partagée par Bosio, Dell' istoria (3e éd. Venise, 1695), I, 18. V. le texte de cette donation dans notre ouvrage, p. 126-7.

3. Pour tout ce qui concerne YExordium, v. notre ouvrage De prima origine^ p. 55-66.

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u LES STATUTS DE L'ORDRE DE Ï /HÔPITAL

des historiens de l'Hôpital qui l'avaient connue1 n'en avaient-ils pas soupçonné l'importance historique.

De tout ce qui précède, il est facile de dégager le rôle de Guillaume de S. Stefano dans la confection des recueils de statuts ; c'est lui qui en a été le premier et le principal instigateur, qui a rassemblé les matériaux auxquels ses successeurs ont donné une forme définitive, et qui a fourni à ceux-ci les éléments de la com­pilation officielle dont l'usage a été constant dans l'ordre pendant près de deux siècles. Il y aurait injustice à ne pas rendre aux efforts, à la préoccupation incessante d'exactitude et de vérité dont Guillaume de S. Stefano n'a cessé de donner des preuves l'hom­mage qu'ils méritent2.

Cette forme définitive des recueils de statuts a été atteinte vers le milieu du xive siècle ; à partir de cette époque, les manuscrits s'ouvrent invariablement par le texte des Miracles3 et con­tiennent la Règle et les Établissements promulgués jusqu'au jour de leur confection. Très souvent enfin ils renferment, dans une seconde partie, les Esgards4, quelquefois une chronologie des grands maîtres5, rarement la dissertation de Guillaume de S. Ste­fano 6.

1. Bosio (Dell' istoria, ï, 18) a donné la traduction italienne de la prétendue donation de Godefroy de Bouillon d'après deux manuscrits des statuts; P. A. Paoli {Dell' origine, append., p. xxxv-xxxvn) l'a également publiée d'après le ms. de Vienne, n° 3323 ; mais aucun d'eux n'a songé à examiner la dissertation dont ils l'ont extraite.

2. Nous signalerons ici un manuscrit qui peut être considéré comme formant la transition entre les compilations de Guillaume de S. Stefano et la rédaction définitive des recueils de statuts (Bibl. nat, franc. 1978, parch. 215 if.). Il a été écrit par ordre de Daniel de S. Stefano entre 1305 et 1315, et comprend la Règle, les Établissements jusqu'en 1305 (avec quelques additions, d'une main postérieure, s'étendant jusqu'en 1315) et les Esgards.

3. Ce texte est celui d'une rédaction un peu différente de celle de la deuxième compilation de Guillaume de S. Stefano. V. notre ouvrage, p. 97-115.

4. Nous ne connaissons que quatre exceptions; les Égards manquent dans un manuscrit d'Àlcala de Hénarès, dont les Établissements s'arrêtent à 1314, dans un manuscrit de Paris (fr. 17255) du xve siècle, dans un manuscrit des Arch. départ, de Toulouse (cart. Saint-Jean, n° 5) du xive siècle, et dans un rouleau des Archives de Marseille (série H, boîte 6, liasse 53) qui date de la fin du xme ou des premières années du xive siècle, alors que l'usage de joindre les égards aux statuts n'était pas encore établi.

5. Dans dix manuscrits, sur vingt-quatre que nous avons étudiés. 6. Paris, Bibl. nat., franc. 6049; -— idem, franc. 1978;—Vienne, Bibl. imp.,

3323; — Rome, Vatican, 3136; — Turin, Athenseum, LV, 45.

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DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM. 15

Cette composition des recueils se maintint sans changements jusqu'à la réforme de Pierre d'Aubusson, dont nous avons parlé plus haut. L'ordre chronologique cède alors la place à Tordre méthodique ; Établissements et Égards sont confondus et rangés sous quatre grandes divisions. La première traite des origines et de la règle de la religion et de la façon dont on y est admis ; la seconde, des divers conseils et organes de l'ordre ; dans la troi­sième sont groupés les devoirs, attributions et prérogatives des membres; la quatrième se réfère à l'administration intérieure (élections, collations, aliénations, arrentements). Un remanie­ment abrégé et défiguré des Miracles, sans valeur historique, sert d'introduction au recueil1. C'est sous cette forme et avec les seules additions apportées par les chapitres généraux postérieurs que les statuts se sont maintenus jusqu'à la fin du XVIII6 siècle ; la publication du code Rohan, faite à la veille de la perte de l'île de Malte2, procède du même principe et atteste la vitalité de la réforme de Pierre d'Aubusson.

Il n'est pas sans intérêt, au terme de cette étude, de résumer les conclusions qu'elle a fournies et les points qu'elle a, croyons-nous, mis en lumière. Doté d'une règle par les soins de Raymond du Puy, avant le milieu du xne siècle, l'Hôpital a complété, par des décisions capitulaires successives, les lacunes de sa première réglementation, et, jusqu'à sa chute, ne s'est jamais départi de cette pratique. A aucune époque il n'a introduit dans sa législation d'autres additions, d'autres modifications que celles qui, d'abord consacrées par l'usage, ont été sanctionnées par l'autorité des chapitres généraux et promulguées par les grands maîtres. Cette codification n'est pas Fœuvre d'un ou de plusieurs jurisconsultes: chacune des générations qui ont fait partie de Tordre pendant sept siècles a contribué à la constituer.

Les recueils de statuts, disposés par ordre chronologique avant

1. Voir le texte de cette introduction dans notre ouvrage : De prima ori­gine , p. 129-132.

2. Codice del Sacro Militare Ordine Gerosolimitano, riordinato per comanda-mento del Sacro Générale Capitolo celebrato nell' anno 1776, sotto gli auspici di S. A. E. il Grau Maestro Fra Emanuele de Rohan. Malta, Giovanni Mallia, 1782, in-fol. — A cette édition sont joints : 1° Privilegi délia Sacra Religione di S. Giovanni Gerosolimitano, con un indice volgare. Malta, Mallia, 1777, in-fol.; 2° Compendio délie materie contenute nel Codice del Sacro Militare Ordine Gerosolimitano. Malta, Mallia, 1783, in-fol.

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4 6 L'ORDRE DE L'HÔPITAL DE SAINT-JEAN DE JERUSALEM.

1489, et suivant Tordre méthodique après cette date, témoignent de cette transformation lente et continue ; le nom de Guillaume de S. Stefano est intimement lié à leur naissance et éveille le sou­venir d'un esprit élevé, d'une critique éclairée et d'une impartia­lité sans réserve.

Il ne nous appartient pas d'aborder ici l'examen minutieux de ces compilations ; ce serait dépasser les limites de la présente étude. Cette tâche cependant est, pour l'historien, fertile en révé­lations. Il y trouvera la matière de curieuses comparaisons avec les règlements des ordres militaires créés à l'exemple de l'Hôpital. Ceux-ci, comme celui-là, ne sont-ils pas nés du même besoin de défendre la terre sainte contre l'islamisme menaçant? C'est dans les anciens statuts des Hospitaliers qu'il devra chercher l'organi­sation intérieure de l'ordre, le fonctionnement régulier des rouages administratifs qui transmettaient le mouvement à tous ses membres. Réduite aux événements militaires et politiques, au souvenir des coups d'épée reçus ou donnés, l'histoire des cheva­liers de Saint-Jean de Jérusalem serait forcément incomplète. Elle est inséparable de leur hiérarchie administrative, de leur code pénal, de leur cérémonial, de leurs devoirs journaliers, de leur recrutement, de leurs institutions charitables et financières, et c'est l'étude de leurs Établissements et de leurs Esgards qui seule peut répondre à ces diverses questions et faire revivre à nos yeux la vie intime et conventuelle des Hospitaliers.

Nogent-le-Rotrou, imprimerie DAUPELEY-GOUVERNEUR.