carnet 8 - octobre 1931, par carlo suarès

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  • 7/30/2019 Carnet 8 - Octobre 1931, par Carlo Suars

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    GRAND MYTHE

    (8 )

    ET TEXTE DE

    B O U S Q U E T

    Etranger : le Na 5 f r

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    C A R N E T

    LA FIN DU GRAND MYTHE (8)

    JOE BOUSQUET

    Chronique : Andr Breton et PaulEluard, LImmacule Conception.

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    Carnets mensu els (sau f aot e t septembr e, soit d ix num ros par an) .

    AGENT GENERAL: JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PARIS.

    Adresser tout ce qui concerne ladministration et la rdaction

    NI. Carlo Suars, 15, Avenue de la Bourdonnais. Paris VI Ie.

    Chques postaux Paris 152573.

    Abonnement pour lanne 1931 :

    France et Colonies : 25 frs. Etranger : 35 frs.

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    LA FIN DU GRAND MYTHE

    VIII

    U n e m t a p h y s i q u e a c t u e l l e

    Trop de philosophes et de mtaphysiciens ont rig des systmessur leurs propres donnes inconscientes, des systmes thoriques,

    abstraits , qui nont aucun lien avec la vie quotidienne. Trop desavants ont accumul des mil l iards dinformations encyclopdiques

    dont nous ne savons que faire parce quel les sont prives de leursignification essentielle. Cest pour cela que nous avons crit, pour

    i l lus t re r la faon immdia te dont notre expos mythique peut set raduire , comment le mouvement mtaphys ique de rabsopt ion set radui t d i rec tement dans la reprsenta t ion inconsc iente que se don-nent les hommes tous les jours. Il est urgent dtablir ce lien entrela mtaphysique et la vie quotidienne la plus lmentaire; entre

    luniversel et la technique. Ce lien est psychologique; sont but est deres t i tuer aux hommes le bonheur . Tout aut re but ne nous in tresse

    pas . Ne nous lassons pa s de r pter que toutes ces quest ions ne nousintressent que dans la mesure o el les sont actuel les ; e t dans lacrainte que le lecteur ne se la isse dis tra ire de notre volont decon s o m m er dans l instant prsent , pour tout le monde, e t dans un

    nouvel ordre social adquat la Vri t , la total i t des expressions

    mythiques , nous lu i demandons de fa i re pour son propre compte aufur e t mesure de notre expos du drame mythique une mise au

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    monde de 1931, dans sa vie quotidienne, ses penses, ses dsirs son tre tout ent ier . I l ne tardera pas sapercevoir que malg

    tout e sa sup riori t dh om m e m oder n e, i l ressem ble tr an gem e lhomme prhis torique; que malgr quelques diffrences de ra

    ports entre les personnages mythiques cest toujours la mme pi

    qui se joue; que malgr leurs noms diffrents , malgr leur aspe

    scientifique et intelligent, malgr quil aient un peu chang, les pesonn ages sont t ou jou rs les m m es depuis le com m en cem ent d

    temps. Enfin il sapercevra de lurgence quil y a construire um on de tout fa i t n ouveau .

    E s p a c e e t T e m p s

    Lexamen scientifique du quelque chose dont est fait lunive

    a about i la con clus ion qu e ce qu elque chose n est pa s un e mtire compacte mais du mouvement. I l nexis te pas plus un tat

    plein compact quil nexiste un tat de nant, pas plus de mati

    que d espri t . Le m ou vemen t dont le m on de est fa i t est , m ta ph ysiqum ent , le ? qu i se pose p ou r se nier, cest dire p ou r se fai

    rabsorber .

    L u n ivers est d on c la r epr sen t a t ion qu e ce ? se don n e luim m e dan s ce but , o coexis tent la pa rfai te srnit de la r un idu commencement e t de la f in dans la total i t absolue de la Vri t

    et la fois les luttes, les souffrances, les rvolutions, tout le dram

    en somme de la reprsentat ion, dans une ral i t absolue o r ien est vr a i.

    Ce qui est vrai dans chaque lment du drame cest son essencson pourquoi , de sorte que cet te reprsentat ion nest pas en-deho

    de la vrit, dans le sens dextrieure, mais endehors dans le sequel le l entoure comme une graine entoure son propre germe. de m m e que le gra in d oi t m ou r i r , doit cesser dexis te r p o

    librer la vie quil portait en lui, et qui, si on voulait lexaminer amicroscope se droberai t indfiniment, de mme chaque lment

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    autre forme qui son tour devra mouri r . La na issance e t la mort ,vues com m e de lintr ieur de la sve sont des phn om nes extrieurs ,des ph n om n es simp lemen t de su r face. Lessentiel est d e sident ifier la sve et non pas aux formes qui meurent .

    T o u t e s t r e l

    La vri t es t , nous le rptons, le pourquoi de chaque lment,cestdire sa ngation dans son affirmation. Cette affirmationnga-

    tion (qu en ter m es soum is au tem ps et lespa ce n ous som m es obligs

    dappeler de cette faon antinomique) se rsout en fin de compte

    en u ne affirm a tion, du sim ple fa it qu il y a qu elque chose ainsique nous lavons vu au dbut de cet expos. Quil y ait quelque chose,

    que ce quelque chose soi t totalement, absolument rel, et que desmillions dhommes en soient chaque instant les prisonniers, est

    un e con sta ta tion viden te car m m e si ce qu elque ch ose ntait

    qu u n e gigan t esqu e Maya don t il fa u t sort ir, la sou ffra n ce d ecelui qui ne sait pas en sortir est , pour lui, relle par dessus tout,et la faim de celui qui na pas manger est galement relle, et sa

    lassitude est relle, et lordre de choses que dfendent avec achar-nement les suppts du Grand Mythe est en toute ralit goste,cruel, assassin.

    Oui, quand mme tout ceci ne serai t quune formidable i l lus ion,

    el le nous bouscule assez aujourdhui , chacun de nous individuelle -ment , pour n ous obliger la con qu r ir au l ieu d e la fuir . Au x valeur s

    mythiques doivent succder des valeurs vraies . Les grands mots

    dont les avoca ts du Mythe tissent leur s in n om br a bles discou r s officielsny feront rien : les problmes travail , consommation, famille, sexe,

    etc... ne seront r solus q u en t erm es rels d e tr ava il, de con somm a t ion ,

    de famille, de sexe, etc... Il ne sagit ni de religion, ni de morale, ni

    de tradition, ni daucun quilibre tabli sur les donnes incons-

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    visager ensuite tous les problmes matrie ls dun point de vuniquement technique, car la technique base sur la conscien

    intgrale aura le loisir de sorienter directement vers une solutiohumaine et relle.

    L a f o n c t i o n d u j e

    Notre point de vue mtaphys ique permet t ra chacun de dcovr ir la vr ita ble sign ifica tion de son je ind ividu el. Un jou r

    deviendra donc impossible de baser l exis tence humaine sur ufa u sse significa tion d e ce je . Ce je a u n e fon ction r em plir, u

    but atteindre. Cela aussi cest une question de technique aussit

    que lon a compris le problme fondamental dont le je n equ un des ter mes. Quil sagisse dun in dividu h u m a in ou q u il sagisdune machine le problme fondamenta l rsoudre es t le mmeil sagit de savoir pourquoi cette machine est l, ce que cest quu

    homm e, et de les m ettr e en tat de fon ctionn er selon leur vri tabessence.

    Le rle dun je individuel est de se consumer, de se dissouddans sa propre reprsentat ion, e t non pas de souffr ir dans ureprsentat ion mythique qui lui impose un rle impossible com

    pr en dr e. Le Myth e a ffirm e la r alit des je in dividu els en lmaintenant dans un tat dirral i t complte . Si au contraire l

    j e individu els r ta blissaient leur r al it vri ta ble , ils ne poura ient qu e m our ir pou r don n er des fru its . Ainsi un e socit bas

    sur la propr i t a f f i rme que les je sont matr ie l lement vrapuisquils sont capables de possder; et parce quils sidentifient

    leur s possessions ces je per den t le sens de leu r r a ison dtre. I

    sont fausss parce qui ls croient pouvoir possder, parce que le

    qu a tion originelle, n on r solu e, lqu a t ion jecela les a co

    damns se perdre, parce quils ne savent pas qui i ls sont, quils font pourquoi ils sont l

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    la cration dans le temps et lespace se rabsorbe ellemme enramassant en un point de conscience le temps et lespace tout en-

    tiers. Toutes les recherches, les luttes, les angoisses, les souffrancesdu Mythe humain, toutes les croyances, les folles inventions reli -gieuses de linconscient ne sont que la lente et douloureuse rab-

    sorption du temps et de lespace en un seul point la fois universelet inexistant.

    Une entit h u m ain e in dividu elle n est qu e la possibilit ' de

    rabsorber une il lusion, de se dtruire en saccomplissant, de re-

    trouver luniversel en cessant dexister.Lhistoire entire du mythe est lhistoire de cette terrible rab-

    sorption du temps et de lespace par des points de conscience, descentres individuels , qui refusent de mourir , mais qui ne peuvent

    remplir leur destine quen mourant. Ces millions dacteurs, devenus

    fous, ne quit tent plus un seul instant leurs dguisements : la terreest devenu e un vast e asile d alins o ch acun , d guis en m on-

    s ie u r , en d a m e , en capi ta l is te , en h om m e dEta t , en sa lar ien intellectuel, ne sait pas ce que cest quun homme.

    R v o l u t i o n e t c u l t u r e

    Tant que le Mythe tai t vivant les hommes construisaient , surdes valeurs inconscientes, un ordre religieux et social qui avait une

    signification, une certaine vie : ils jouaient une pice qui avait uneraison dtre, qui voluait suivant un dterminisme au sein duquellan goisse h u m a ine tait su pport able. Au jou r d hu i le ridea u est

    tomb, les quinquets sont teints; les meilleurs dentre nous ont tpouvants de se rveil ler dans une sanglante mascarade qui ,

    humainement, na plus aucune raison de continuer; les autres , frap-ps de terreur goste, se htent de rpter les mots et les gestes

    du pass, en esprant arrter les assauts de la rvolution. Danscette crise totale o tout est en jeu on en est encore faire une

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    comme si les mots matire e t espri t pouvaient par miracle se t i reindemnes du chaos.. .

    Avant d a border a vec quelques dta i ls certa ines scnes du dr a m

    m yth ique des totmisat ions, i l nous semble indispensa ble ici de n ouar r te r un ins tan t pour marquer no t re vo lon t de base r tou te t entat ive de cet te nature sur la connaissance de la Vri t .

    II n e peu t pa s exister de cu ltu r e si lon n a r ien cu ltiver

    Aux poques mythiques on avait cul t iver l quation non rsoluesur laquelle sappuyaient , en se reposant confortablement, tous leesprits qui, parce quils faisaient partie du Mythe, ne discernaien

    pas ce que leur position comportait dinconscient non explor.Linvraisemblable quanti t de fai ts quun James George Frazer

    par exemple a accumuls en douze volumes pour expl iquer pour

    quoi les prtres de Nemi ne pouvaient se succder quen tuant leursprdcesseurs , ne nous apprend s t r ic tement r ien du point de vue

    de la ralit mythique de ces faits . Ces douze volumes du R am eaudOr sont assez r eprsen ta tifs de la failli te dun e cu ltu re qu

    n est qu e lexpres sion ba r ba r e de savant s qu i m a lgr leu r importance nont pas plus rsolu leur propre quation mythiqueque les sauvages quils tudient.

    Mais la vision juste de ceux qui se sont recrs dans la Vrit

    peut en quelques instants replacer dans le thme gnral du Mythelpisode de Nemi, comme tout autre pisode du mythe, e t le com-prendre profondment , ce que Frazer na jamais pu fa i re . Nousverrons ailleurs que lexplication de cet pisode est trs simple.

    Cette comprhension aura l immense avantage de rendre aussi ac -tuelle et vivante lhistoire des prtres de Nemi que le sont, ainsi

    que nous lavons vu, les histoires de Can et Abel, dAdam etEve, etc. . . Ainsi par cet exemple nous voyons que la culture peutredevenir actuelle, et tre rhabilite.

    On a galement vu que la mtaphysique, loin dtre un jeu

    stri le e t purement abstrai t , peut tre s ingulirement vivante e tactuelle. Oui, au moment o tous les ples se rejoignent, une mta-

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    physique vraiment humaine doit runir ces deux ples de lant i -n om ie m yth ique : le con cr et et labstra it . E lle les ru n it com m e

    toutes les synthses que nous tablissons : positivement et utilement.Labstrait nexiste pas plus que lEsprit , le concret pas plus que la

    Mat ire : tout est m ouvem en t. Mais pu isqu la fin du Myth e la

    naissance provient de la matire , nhsi tons pas aff irmer que laVrit surgit du concret, de la manifestation. Transfiguration du

    m ond e : la Vr it a bsolu e est lacte pu r de lh om m e p lein em enthumain. Il ny a pas dautre Vrit.

    L e n f a n t e m e n t e t l a m a t i r e

    Le dveloppement du Mythe et son droulement his torique nous

    conduiront comprendre certa ins fai ts his toriques contemporains ,et ddu ire de leur exa m en lorient at ion que doit fa ta lem ent pr endr e

    lhistoire. Ainsi le dterminisme de linconscient se superposera audterminisme historique, et sexpliquera en fonction de lquation

    humaine pr imordia le , en cons ta tant na ture l lement que les vne -ment s un e fois dclenchs subissent leur pr opr e dterm inism e,

    comme subit le s ien une pierre lance du haut dune pente .

    Nous verrons plus loin comment le thme mythique gyptiengrecojudochrt ien, tant dest in aboutir une nouvelle naissance sest droul en vue de la rendre possible. Ce thme, exprim

    pa r l incon scient sous des form es dra m at iques , sym boliques , pr oph -tiques, etc... doit tre compris des registres diffrents, et cest pour

    cela que nous nous sommes tendus sur la dfini t ion des person-

    nages les plus importants du Mythe.

    La F em m e tant la personn ificat ion du p ersonn age Matire (dans

    la dualit) cest, depuis lorigine des temps, la matire qui taitdest ine enfanter lhu m ain non mythique, cestdire mettrefin au Mythe. La spirit u a lit et t out le r este d e la ga m m e cleste

    ne pouvait en aucune faon, jamais , donner naissance l humain;

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    trahir ou se faire crucifier; les suppts de lEternel ne pouvaientque re tarder l enfantement ; les Egl ises ne pouvaient que lu t te rcontre lavnement.

    A p o c a l y p s e e t c o m m u n i s m e

    Au dbut de ce dernier acte dra m at ique dont n ous vou lons a u jou r -dhui marquer la fin, un grand voyant, Jean, lauteur du 4 Evangileet de lApocalypse, avait la fois vu cette fin et bien montr comment

    cette fin ntait pas encore arrive ce momentl.

    Cette fin, selon linluclable dterminisme du Mythe, devaitapporter, daprs Jean, lcroulement des Eglises, labsorption totaledu d iv in pa r l h u m a in , et la d liv ran ce hu m aine pa r la

    Femme, cestdire par la Matire. Nous verrons plus loin que ces

    affirmations, bien que surprenantes , seront pleinement vrif ies par

    la simple lecture des textes, tout comme nous lavons fait en dautres

    occasions.

    Lavnement de lApocalypse devait la fin du Mythe, entremil le autres manifestat ions , contraindre la Femme (la matire , lamachine, lanalyse) proclamer, d e son p oin t d e vu e m atrialiste,

    que la vrit matrielle de la vie matrielle nest pas base sur la

    possession individuelle. (Une fois pour toutes, nous spcifions quedans cet expos nous employons le mot matria l isme non pas dans

    son sens vu lga ire qui pou r n ous est aussi ra ctionn a ire et r eta r-

    dat eur que t out ce que n ous con da m n on s ici , m ais dan s son sensrvolut ionnaire . Nous arr iverons ainsi dcouvrir une mthode

    dialectique en psychologie , qui permettra la dialect ique matria -

    l iste de sa pp r ofond ir jus qu au x questions ultimes au sujet de l'essence

    de lh om m e, questions qu elle a laisses ju sq u ce jou r sans r pons e).

    La dl ivrance apocalyptique sociale doit annoncer (ce fut dj

    fait dans lU.R.S.S.) la fin de la lutte millnaire entre lhomme et la

    fem m e pa r l avnem ent dun t rois im e lment , l h u m a in; (don c m ised t d Di l P t d t t t l fi

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    de la grande crucifixion du Fils , fin de lhumiliation de la Femmet de sa douleur asctisme, destruction des corps, etc... , fin ensomme de toutes les religions, qui toutes, sans exception aucune

    ne sont bases que sur cet te lut te de lHomme et de la Femme, equi par consquent nont plus de raison dexis ter) . Sur un autr

    registre cette rconciliation veut dire que la machine, femelle, cess

    de crucif ier l homme, que le t ravail va tre au contraire l ibr pa

    la m a chin e ellem m e, ca r les je (fem elles eu x au ssi) cessent dbaser leur existence sur lexploitation et la proprit. Enfin, du poin

    de vue psychologique, devant cet avnement dfinitif , tombe le complexe du retardement, puisque le but es t a t te int .

    La dispari t ion complte du complexe de retardement es t peut

    tre ce qui doit exprimer de la faon la plus saisissante lavnemende lhumain. Nous examinerons plus tard en dtai l comment, dan

    tous les domaines, la rvolution peut tre dfinie comme une luttecontre le re tardement. Nous le verrons dans l ide rvolut ionnair

    de justice, de morale, dducation (ducation sexuelle des enfantsetc...). Nou s le ver r ons d an s sa lut te a ch a r n e qu i pou r ta nt dpersonnes est incomprhensible contre tous ceux qui dune faon

    ou dun e au tr e, ou vert em ent ou secrt emen t, sident ifient au com plexeretardateur de lEternel leurDieu. La rvolut ion ne veut pas qu

    mander des privi lges , e l le insis te pour que ne soi t plus retarde lacon scien ce hum ain e. Tou t, ju squ ce pla n qu inqu en n a l qu i se m odifi

    tous les jours en multipliant par 2, 3,10, ces visions les plus folles dla veil le , ind ique qu e tous ceux qui pou r un e ra ison ou lau tr e veulen

    retarder sa course dans un domaine quel quil soit sont les ennemide la rvolution.

    L e n fa n t e m e n t a -t -i l e u lie u ?

    Nhsitons pas dire que demain, quaujourdhui mme, le

    monde entier devra comprendre qui l es t divis en deux camps qu

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    que les hommes prparent depuis des mi l lna i res se produira peut

    tre dans lavenir, quil convient donc de retarder cet enfantemen

    qui s i l se produisai t aujourdhui serai t un avortement catas trophiqu e; l au tr e affirm e que lhu m ain est d j n et que ceux qu i veu lenlui appl iquer le re ta rdement ds i rent s implement le tuer , pour des

    motifs inavous de terreur individuelle e t dgosme, pour dfendre

    dans tous les domaines leurs je qui ne veulent pas mouri r , pourprotger linconscient mythique.

    Les convulsions de ce monde qui se suicide de peur quon le

    tue sont tonnantes : ce monde qui dtrui t la Vri t prtend lut tepour la dfendre. Nous donnerons un exemple de la faon don

    lin conscient se dfen d en r en versa n t les r les : ain si il a ccu se l

    point de vue communiste de vouloir dtruire le l ibre dveloppemenindividuel, en faisant semblant doublier que la base de lide communiste est de crer une socit qui est une association o le libr

    d veloppem en t de chacun es t la con dit ion du l ibre dvelopp em en

    de tous (1).

    L a r p u b l i q u e d e s a b e i l l e s

    Lordre social issu du matrialisme le plus intgral affirme qunon seulement i l ne plongera pas les individus humains dans lspcialisation des termites et des abeilles, o, daprs le dfenseur d

    lesprit , la matire devrait les plonger, mais quil veut les arracher dces spcialisations, de ces rles que jusquici la lutte de classes leua imposs. Il dclare que loin dassassiner la vie morale de lindividu il ne veut la ret a r der en au cu n e fa on , et qu au lieu dla mutiler par la peur, lenfer, les rcompenses, lide de pch, pa

    la soumission des pontifes, des lois morales, religieuses, fami

    liales, des autorits dites spirituelles, des usurpateurs dun

    pa r ole soidisan t divine, tout le fat ra s des tr a dition s et des pr ju gs

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    l quation mythique dans tous les rapports humains : bien plus , cesrapports nont fa i t que dcouler directement du mythe, avec comme

    rsulta t lada ptation d es individu s leu rs fonction s m yth iqu es. Lasocit ses t admirablement arrange pour donner aux esclaves des

    mes desclaves, aux exploits des mes dexploits, aux suppts du

    Mythe des mes dexploiteurs. A travers les sicles le processus decristallisation sociale a toujours t le mme : les foules humaines,comme un l iquide amorphe dou dun pouvoir de cris ta l l isat ion

    tou jou r s ident iqu e luim m e, ont t ou jou r s ra gi de la m memanire au contact dun mme cris ta l l isateur, le Mythe.

    Chaque individu dans une socit base sur le Mythe fait trsexactement les gestes que lui impose son rle, i l dbite avec prci-

    s ion le s ides , l e s sen t iments , l e s op in ions qu i appar -

    tiennent son rle. Ce rle lhabille : ds quil a un uniforme, cestluniforme qui agit, lui, il nest plus l. Louvrier, le paysan, habillsen dfenseurs de lordre qui les crase, t irent sur leurs frres; lesdom estiqu es en li\ re ont plus de morgu e que leur s m atr es ; des

    esclaves enchans construisaient des pyramides pour Pharaon, desesclaves enchans construisaient le Colise pour lEmpereur, des

    esclaves travaillent la chane aujourdhui pour Ford, Citron, les

    actionnaires, leurs dividendes.

    Les soushommes, dans une socit base sur le Mythe, ont cr

    des types spcialiss, parfaitement mutils en vue de leurs fonctions.Allez parler de rvolte au soushomme abruti par la chane de les -

    clave, mcanis, vid puis vomi par lusine! Ses nerfs sont rduits ltat de ficelle, ils ne ragissent plus. Voil bien la rpublique des

    abeilles. Chaque esclave, mutil, ne sait plus faire que les troisou quatre gestes de sa spcialisation et i l est condamn les faire

    vite, plus vite, encore plus vite, parce que son travail doit rapporter

    plus, encore plus. A qui? pas lui. Aux dfenseurs du Mythe.

    Ayant rduit t rois ou quatre gestes mcaniques lenfer morne

    dune exis tence de soushomme le monstre mythique naurai t plus

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    gestes par des machines. Oui, mais tudier ces dernires machinesles construire , t ransformer de fond en comble le matrie l , cela coterait cher, beaucoup plus cher que ne cote cet esclave. Et toutes

    ces difficults ne sont encore rien : le plus difficile est dadmettreque lesclave puisse produire pour luimme des biens qui l aura

    gratui tem ent . Ce nest pas une difficult matrielle quil sagit dersoudre, mais une difficult mythique : estil encore ncessaire deprouver que toute nouvelle ra t ionalisat ion capita l is te ne fai t quem

    pirer la s i tuat ion de la c lasse ouvrire?

    Librer le travail luimme? Le Mythe ny songe pas. Le Mythe

    trouve au contraire mil le formules retardatr ices pour assassiner . Isagit de bnfices. Sans ces bnfices, nestce pas, qui donc pourrai

    payer les esclaves? Il est donc, ditil, de lintrt des esclaves (ceuxcne sont qu une ma rcha nd ise) que le m ar ch a n d fasse de gros bnfices

    car , dit le ma r ch a n d desclaves, la rich esse ce n est pa s ce qu e pr odu i

    le travail; la richesse cest son bnfice.

    Quand on a beaucoup produit l esclave continue comme par

    le pass : ces normes quantits de vtements, daliments, dautos ne

    sont pa s pou r lui. Le Myth e cepen da n t dclar e qu e lon a tr opproduit. En effet i l ne sagit pas dabsorber il sagit de rabsorbe

    suivant une rgle comptable inexorable e t mythique. Rien ne se

    donne. Qui veut ne pr en dr a pa s la Vie en don. Il devra lachet eou m ou r ir. Il n e sagit pa s de n ou r r ir les homm es, il sagit de bnfices

    donc de prix. I l faut maintenir les prix.Pour mainteni r les pr ix on d t ru i t , oui , on d t ru i t une grande

    part ie de ce qui a t produit , quand des mil l ions dhommes enont un tel besoin. Alor s le Myth e est con ten t : les h om m es son

    deven u s comp lte m en t fou s. En U.R.S.S., dit Sta line, ceu x qu i s

    rendraient coupables de te ls cr imes seraient enferms dans desasiles dalins...

    Mais il sagit bea u cou p m oins pou r n ous dan s ces pages d tu die

  • 7/30/2019 Carnet 8 - Octobre 1931, par Carlo Suars

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    La l ibra t ion du t rava i l ne peut se fa i re que par la l ibra t ionde la conscience. Seules des consciences compltement l ibres

    pourront recrer un ordre humain l ibr de l quat ion mythique .I l faut dtruire le renversement dimages que l inconscient humainproje t te sur le monde lorsque le grand problme humain , le pour -

    quoi ultime non rsolu fait semblant de ltre afin de calmer laterreur de ceux qui sattachent la possession des irralits.

    Un ordre humain compl tement dbarrass des va leurs mythi -ques? Eh, cest bien cela la difficult! Il ne sagit pas simplement

    de faire le procs du capitalisme, ou des religions, ou de tous lesrgimes qui se sont ass is sur la fonction retardatr ice et jus t ic ire

    de lEternel mythique afin de justifier toutes les exploitations, non,

    cest bien le procs de tous les soushommes inconscients quil faut

    faire, de toute cette soushumanit qui travers toute lhistoire, etju squ ce jou r a u su r p le n om de l Hum a in .

    Car pa r un e ad m ira ble r igueu r biologique tous ces je in di -

    viduels, parce quils sont femelles, ont transform les hommes ensoushommes, en insectes. La rpublique des abeilles spcialises

    par muti la t ion est bien ce vers quoi tendent les socits mythiques,et toutes leurs valeurs, sans exception aucune.

    U n r g l e m e n t d e c o m p t e s

    Mais nous avons vu qu travers les sicles le Mythe a volu.Les diffrents personnages ont jou leurs rles jusqu amener le

    drame son dnouement.

    Depu is le minu it de lhu m an it o dip e se fit le com plice

    aveugle de sa mre femelle bien des expriences furent fa i tes . Len-tement la F em m e qui fu t le ma lheur de son pr opr e F i ls fu t cont ra in t e

    de shumilier, de surgir de terre, jusqu devenir des machines, des

    stat is t iques , du pain, jusqu l ibrer les hommes par l humain, jus -qu les obliger de se l ibrer eux mmes Comment? Par un rgle

  • 7/30/2019 Carnet 8 - Octobre 1931, par Carlo Suars

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    qui ne veulent pas porter de fruits, car le bon sol est l, et ils nont

    mme plus lexcuse de ne savoir pas o le trouver.

    La dl ivrance totale es t la porte de tous , malgr la rapacitretardatr ice de tous ceux qui ont peur. Dune part i l es t prouv

    aujourdhui quun ordre social nouveau peut tre tabli e t maintenudautre part i l apparatra que le Mythe est fini, que la Vrit totale

    absolue, est enfin de ce monde, et quelle est la porte de tous.Pour nous, nous essaierons s implement dexprimer la Vri t

    convaincus que cet effort suffit pour que ce qui du vieux Mythe

    homicide sefforce encore de rester debout, scroule tout seul. LeTemples stupides que linconscient a levs la peur empchent lasve de la terre de donner ses fruits. Mais il est inutile de sefforcer

    dabattre les Temples coups de pioche. Il suffit dtre la sve. La

    lutte, malgr lnormit des Temples et la fragili t des premiers brinsdherbe, devient aussitt ingale : dans quelque temps les Templesne seront plus l.

    A m i - c h e m i n d e l i n t e r r o g a t i o n

    Non seulement le mouvement mtaphys ique de rabsorpt ion t de tous temps projet par les hommes sur la scne du monde

    mais les innombrables mouvements humains , psychologiques et sosociaux, ne sont que les remous de cette projection qui est la basde tous les mouvements. Seuls des esprit thoriques, solidement an

    crs dans des donnes mythiques, peuvent croire que la mtaphysique dune part, et dautre part la sociologie sont indpendantes dedonnes psychologiques de linconscient.

    On a toujours divis les reprsentat ions humaines en compart iments . Frazer que nous avons dj c i t comme exemple de cet t

    fau sse cultu re m et sous la r u br ique super stit ions les rep rsen

    tat ions mythiques de lhumanit primit ive tout ent ire , sans jamai

    se poser le problme de la raison dtre de lindividu Frazer. Ainsf l l i l ib i l i

  • 7/30/2019 Carnet 8 - Octobre 1931, par Carlo Suars

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    Nous avons parl tout au dbut de cet expos du substratumincon scient sur lequel sa ppu ie ch a qu e in dividu : cet incon scient

    est lensemble des donnes dont i l na jamais dout. Ne pas douterdune donne quelconque cest ne pas y pntrer, donc ne pas laconnatre . La science dun homme pour qui sa propre exis tence es t

    un problme non rsolu , ou un problme rsolu mythiquement , ou

    encore mieux, qui ne sest pas pos, ne peut plus nous intresserDe mme nous sommes obligs de rejeter tous les commentairesdes gestes authentiques de linconscient humain que nous offrent

    ceux dont langoisse mtaphysique sest repose michemin dela connaissance.

    Si nous revenons cette ncessit de pousser jusquau bout

    l interrogation du monde cest parce que nous voudrions suivre lareprsentat ion mythique dans lhis toire , en res t i tuant aux objets e t

    aux vnements leur ul t ime ral i t mtaphysique.

    E x e m p l e s

    Voici un exemple de cette recherche du rel : nous lisons danslApocalypse de Jean (trad. Couchoud) la phrase suivante : I l m ed it : les E au x qu e tu as vu es, o la Puta in est assise, sont n ations

    et foules, races et langues . Et , cet te phrase le commentateur met

    en n ote : Isae com pa r e des peu ples et des n at ions des m erset des ea u x . Sur ce, le lect eu r est con t ent : il a comp r is.

    Quatil compris? Que le prophte est un pote, et quil a fait unecomparaison. Rien nest plus superficiel. Ni le prophte ni laptrenont jou faire des comparaisons potiques. Ils disent lun etl 'autre, textuellement, que les nations, les foules, les races et leslangues sont des Eaux : elles ne sont pas semblables des Eaux,

    mais e l les sont rel lement des Eaux.Le prophte connat en effet la signification mtaphysique des

    choses. Si lon demandait son commentateur : Questce que cestquune nat ion? i l donnerai t sans doute , dans lespri t du Larousse

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    runion dhommes ayant une or ig ine e t une langue communes.

    Sa dfinition serait meilleure que celleci ou pire, mais elle appar-t iendrai t ce mme ordre dides . Le prophte voit au contraire

    un e na t ion com m e un e project ion sym boliqu e, dan s le rve du m on de,

    dune vrit la fois physique et psychologique. De cette rponse du

    Larousse de poche le prophte mettrai t en doute tous les mots l unap rs l aut re , e t se dema n dera i t que sont les hom m es? pour qu oise r un issent ils d an s cet u n ivers ? p ou r qu oi lun iver s estil l ? Qu elleest la ralit de tout cela?. . . Et chaque nouvelle dfinition ilposera it en cor e, in lassa blem ent , le m m e pou r qu oi jus qu aupourquoi du pourquoi, jusqu labme do surgit la Vri t .

    Les commentateurs expliquent : te l le phrase se rapporte Ba

    bylone, telle autre aux plaies dEgypte, telle pratique religieuse estune dme paye la divinit. Mais questce que cest que Babylone,de quelle ralit furent faits ses lments qui se runirent et sedsagrgrent? Dans lquation Univers uniquement fa i te din-connues, que sont Babylone, les plaies dEgypte, une divinit? Le

    commentateur ne se pose pas cet te quest ion, e t le lecteur non plus :

    Babylone, capita le de lancienne Chalde. I ls rvent . Dans lerve on ne doute pas des objets du rve, on les accepte. Le prophteIsae et laptre Jean sont veills, ils emploient les symboles durve mais aprs les avoir transpercs jusqu leur essence. Ainsi,imaginons quun dormeur puisse ana lyser son propre rve au mo-

    ment mme o i l le fa i t .

    Les explicat ion s nous r ejett en t sur des objets et des faitsque nous croyons comprendre tant que nous sommes pris dans lerve mythique, et comme des enfants nous voici satisfaits. Ainsi lon

    nous dit encore que lvangile dyonisiaque se rapporte au vin etlon nous parle de la culture de la vigne, etc. . . Evidemment tout cela

    est exact , mais que les hommes jouent reprsenter le mystre du

    vin, cela ne suffit pas expliquer ce quest la vigne du point de

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    humain universel, et a dcouvert la signification de ces rameauxspcialiss. Le germe primitif et universel a exprim, avec la terre,

    et la vigne qui pousse dessus, et le soleil qui chauffe la vigne, et lagrappe que dore le soleil , et tous les tourbillons datomes qui com-posent un univers , des choses qui portent des Noms, des Noms hu-

    ma ins , et que les homm es ont d r econn a t r e dan s leur m ar che m ill

    n aire t ra vers le Mythe, com m e Adam , qui selon le rcit au th entiquede linconscient, sest fait prsenter les animaux afin de rvler leurs

    Noms.

    Phi losophies

    Nous nous proposons de montrer plus loin que les philosophies

    dites spiritualistes, bases sur un Dieu, ou sur des Ides, ou sur desPrincipes qui guident le monde, ou sur un Etre suprme, etc. . . sontuniquement des expressions mythiques dont nous ne savons plus

    qu e fa ire. Il est d j assez cla ir qu e tou t ce qu i, selon ces ph ilosoph iesguide le monde et les hommes, tout ce qui plane audessus de nous

    nous lavons depuis longtemps appel linconscient mythique, ce

    inconscient quil est ncessaire de dtruire (et la seule faon de la

    dtruire est de le connatre).

    Nous nous proposons galement de montrer que s i les philoso

    phies matrialistes se sont, selon nous, orientes vers la seule issue

    possible, leur modalit, qui est fminine par dfinition, doit les amen er enfan ter une Conn aissance qui dpa sse et la m at ire et l espri tNous voulons inviter en part icul ier la philosophie social is te du d

    terminisme conomique t rouver dans l tude psychologique del inconsc ient le n ud m me du pr oblme hu m ain , du gra n d pourquoi. La nouvelle dialect ique psychologique dont nous proposon

    ici quelques lments confirme et complte cette philosophie mat

    rialiste en supprimant ses l imites, et du point de vue de lactionelle peut offrir lavantage dacclrer la destruction de lunivers my

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    Elle nest cependant tout entire que lintroduction ltude de laVrit, dune thique qui na jamais encore exist, qui est univer-

    selle et absolue. Nous essaierons dans un prochain expos den tracerles bases , qui rsulteront tout naturel lement de ce qui a dj tindiqu ici.

    Nous accomplirons ainsi le dterminisme luimme, te l que lavu Marx, car si, selon lui, et cela nous semble vident, lhistoire des

    ides a toujours t la consquence de la lutte des classes, les nou-velles ides, maintenant quexistent dj des lments dune socit

    nouveie o les classes sabolissent, ne peuvent surgir que de luni-verse l humain .

    Un conf l i t qu i nous fo rce cho i s i r

    On voudra b ien nous pardonner ce t te rapide incurs ion dans un

    domaine phi losophique que nous ne pourrons explorer que beau-coup plus t ar d : elle n ou s est dicte pa r n otr e sou ci de m a r qu er

    notre position dans un conflit idologique et social dont le moinsque nous puiss ions dire es t qui l tend mettre en cause chaque individu au monde, et le forcer de prendre position. LOccident, dont

    nous avons dit quil ne peut pas, biologiquement, prsenter deux civi-l isations la fois, se trouve de plus en plus divis entre deux forcesqui ne tarderont pas sappeler, sans trop de subtili ts, raction et

    rvolution. Il ne nous apparat pas en effet que son processus biolo

    gique soit transform, ni que notre diagnostic du Mythe soit fauxet que tout dun cou p d eu x form es de civilisat ion puissent exister cte

    cte en Occident, et i l ne nous apparat pas non plus que lU.R.S.Saccepte de faire purement e t s implement part ie de lAsie , bien au

    contraire .Tt ou tard nous verrons la lut te se poursuivre au plus profond

    de notre tre , pour deux donnes fondamentalement opposes , e

    nous devrons constater quelle impliquera dun ct comme de laut re la totalit des valeurs en prsence Les hommes en effet pris

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    nomiques tout ce quils touchent, de sorte que tout ce que nou

    ren cont rons appar t ient u n m on de ou l aut re , ma is ne peut ap pa rtenir a ux deu x. Pou r sort i r de cet te m a ldict ion nous navon s qu unchose faire : rsoudre le conflit en nous. Et nous voudrions quces pages soient un appel pour que chacun accepte de transpose

    ainsi le conflit originel qui se rduit aux deux lments antinomique

    j e et ce l a , en un confli t psych ologiqu e qui , un e fois rsolu

    a bolir ai t t out jam a is les cha m ps de ba ta i lle et les car na ges h um ainsEh quoi! l humain ne trouverat i l pas en lui la puissance d

    faire cette miraculeuse transposition, et atil vraiment encore besoin

    de tant de m assa cres? At il vra imen t en core besoin da ccom plir cha rnellement le sacrifice dAbel? Si lintelligence humaine peut encor

    quelque chose sur les gosmes inexorables, quelle dtruise donlincon scien t m yth ique don t ces gosm es se nour rissen t, qu ellaffame ces gosmes en plaant chaque tre qui pense devan

    leffroyable nudit de son ultime problme intrieur, et en lui mon

    trant quil ne la pas rsolu.

    O d o i t a b o u t i r l a p h i l o s o p h i e

    Cest cela que doit aboutir la philosophie. Quil y ait un conflisoit : la lutte de classes, la guerre, la destruction doivent se poursuivre jusquau bout; mais lhomme dont larme est la pense insistcontre toute vidence pour que cet te guerre soi t dabord une guerre

    d int elligences, et pou r que cette dest ru ction soit d a bord un e dest r u c

    tion de linconscient mythique. Puisque le combat est sans pitiquil se fasse du moins sur tous les plans, et dabord sur celui qui esle plus humain, le moins animal, celui de notre raison. Mais i l es

    moins douloureux pour b ien des hommes de se ba t t re coups demitrai l leuses que de pourchasser dans les recoins de leur tre lepierres branlantes sur lesquelles i ls ont bt i leur prcieuse enti t

    leur moi dsempar, terroris , ignorant , et qui n e veu t pas m ourir

    Ah les beau x su bterfuges, et la douceu r des con sola t ion s clestes !

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    glante confusion des conflits aveugles, nous voudrions que notre

    seule arme soit la Connaissance au contact de laquelle sallument les

    incendies qui dtruisent les i rral i ts . Et notre appel sadresse beau-coup plus aux victimes du Mythe dont le Mythe a si bien faonn

    les m es d esclaves afin qu ils p r enn ent con science su bitem ent nonpas seulement de leur humani t mais dune humanit qui na jamais

    encore t atteinte, quaux suppts sniles du Mythe, dont la fonc-tion est de ne pas vouloir mourir, et qui hlas veulent nous forcer ne r ien at tendre deux.

    Du point de vue des doctrines philosophiques nous avons ditque le Mythe ne pouvait se rsoudre et saccomplir quen passant

    travers une philosophie matrialiste. Celleci est la dernire expres-s ion de la d onn e myth ique pr imord ia le se lon laqu elle Ta Fem m e(ou la matire) devait donner naissance une pense non mythique,

    qui comme toute sve 11e tombe pas du ciel mais surgit de la terre.

    Cette pr em ire pense non m yth iqu e est , donc, lors qu on la t ra ns -

    pose sur le regis tre philosophique, vri tablement enfante par laterre. Linconscient mythique le savait, et cest cela qui est si admi-

    ra ble. L espri t de Dieu se m ouva it au dessus des ea u x. .. eh qu oi!La terre tait cependant vide. Lorsque, dans le l ivre de la Gense

    apparut la duali t , l Eternel Dieu ne f i t toujours pas pleuvoir surla t err e, et >1 n y a vait poin t d h omm es p ou r cult iver le sol, Mais voici

    que de la terre ellemme sleva une vapeur, et elle arrosa toute

    la surface du sol! Ce que lEternel Dieu navait pas pu faire, laterre le fit toute seule!

    L a n a i s s a n c e

    Mais quelles seront les moissons? Prise dans les horribles dou-

    leurs de lenfantement elle na pas encore eu le temps, la pauvre,

    de voir son enfant qui vient de natre. Et ellemme, la nouvelleJrusalem descendue du ciel oui descendue sur le sol elle est noire

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    est? Elle crie matria l isme. . . matria l isme. . . e t ceux qui ont peur

    lvent les bras au ciel et invoquent le nom de lEternel.

    Le matria l isme his torique a dclench la plus grande rvolu-tion de lhistoire. Il ne peut plus sarrter. Ayant bris les mu-

    railles du Mythe il devra dun grand coup dailes briser pour toujoursla dualit espritmatire, et reconnatre en son propre fils celuil

    mme que lon a si longtemps invoqu en se tournant vers le ciel l Hu ma in ternel et pr imordial .

    La philosophie matria l is te rvolut ionnaire ses t arrte mi

    chemin de la Connaissance totale en acceptant, sans les passer aufeu du doute, des donnes inconscientes, en acceptant des explica-

    t ion s secon des, des explica t ion s ph ilosoph iqu es sur le gra n d

    point dinterrogation cosmique. Ces explications nexpliquent rien,

    pas plus que cel les de tous les Frazer dont nous parl ions plus haut ,pas plus que celles de toutes les pliilosophies du monde. Lexplicationdernire ne sera jamais crite, elle sera vcue; soit , mais le but dela philosophie sera dcarter les obstacles de linconscient qui offus-

    quent la Vri t ; l hommeenti t , le moi, ce nud psychologique

    cr par lvolution de la plante, et qui a usurp ltre, apprendraainsi pourquoi et comment il est l, pourquoi et comment il doit

    saccomplir en se dtruisant au sein de la Nature impersonnelle.

    Le Mythe est parvenu au bout de sa course, jou, reprsent par

    ce mme peuple dIsral qui stai t charg un jour de dominer la

    Fem m e. Les J uifs, Marx, au jou r dhu i les psycha na listes, se sont ru nisau mythe germanique dont la forme de cr is ta l l i sa t ion fu t toujours

    le re tour par en -bas, fut un dsir de rsurrect ion par la descenteau sein de la terre, au sein des eaux (lOr arrach, forg par lesespri t sousterra ins), fu t t ou jou rs au sein de lan alyse un e for ce irr sistible, une sve obscure, trouble, trop riche, violente, le sang virgi

    na l que la fem m e cleste vaincue d a m ou r es t enfin venue verser sur

    la terre. (O divine, orgueilleuse, cruelle Hra, jalouse des nymphesde la terre, que vous tes loin). Et cette douloureuse naissance qui en

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    rouge, qui ne pourra tre que rouge, jusqu son accomplissement,la voici t ransporte comme une aurore, comme un forceps, comme

    un abme, en Russie, entre les deux grands Mythes, entre lOrient etl'Occident.

    Gain fils de lEternel, Can le laboureur, la terre luirle en gsine,les soushommes tremblent deffroi. Comment se terminera cette

    Apocalypse? Voici deux mille ans quon lannonait, et les sous

    h om m es ne sont pour ta nt pas encore pr ts t re hu ma inemen theureux.

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    C H R O N I Q U E

    ANDRE BRETON et PAUL ELUARD : L Immacul Conception(Editions surralistes).

    Au moment o ce l i v r e s c r iva i t l e s Su r r a l i s t e s s e r eg roupa ien t , me t t a i enu n p e u d o r d r e d a n s l e u r s r a n g s . E n t r e t e n a n t j a l o u s e m e n t l e u r i s o l e m e n t e

    p a r f a i t e m e n t i n c o m p r i s , t o t a l e m e n t i n c o m p r i s , l e s S u r r a l i s t e s d o i v e n t , d el e u r s p r o p r e s m a i n s e t d a n s l e u r p r o p r e d i f i c e , f a i r e l a p a r t d u f e u , a i d e r l e

    S u r r a l i s m e s o r t i r d e l u i - m m e . E f f o r t s c a b r e u x , m i s e a u p o i n t p e r p t u e l l e

    d o n t u n e d e s f a t a l i t s p a s s e d a n s l e s f r q u e n t s r e m a n i e m e n t s d e l q u i p e es e x p r i m e t r a v e r s d e s c o n s i d r a t i o n s h u m a i n e s , v i d e m m e n t . L a v r i t d u n e

    i d e a s p l umi re t o t a l e dans l a f a i l l i t e de l a p lupa r t de s hommes qu i l onsou leve . E l l e s e man i f e s t e comme ide en l e s dpassan t t ou r t ou r . Un

    m o u v e m e n t p o p u l a i r e q u i s e p l i e r a i t l v o l u t i o n d u n h o m m e s e r a i t p e r d u

    I l e s t a d m i r a b l e q u e B r e t o n e t E l u a r d s o i e n t e n c o r e l e s i n s t r u m e n t s d e l a

    r v l a t i o n q u i s e p o u r s u i t . T e l a u t r e s u r r a l i s t e d o n t l e d m o n i n t r i e u r c o r

    r e s p o n d a i t u n m o m e n t d u s u r r a l i s m e q u i l s o n t d p a s s p e u t s c h a p p e r

    l a t r a l emen t , en ob i s sance l ex igence de sa na tu re pa rce qu i l a t p r i sonn i e r d e l a s p h r e d e s e s c o n s q u e n c e s .

    *

    Pau l E lua rd e t Andr Bre ton on t c r i t une so r t e d Odysse . Leur l i v r ese d iv i se en p lus i eu r s chan t s . I l s l on t compr i s , ma i s n on t pas vou lu se f a i r e

    g l o i r e , c o m m e J a m e s J o y c e , d u n r a p p r o c h e m e n t p o s s i b l e a v e c u n e u v r e

    ju s t e m en t a d m ir e , ce lle d Hom r e .I l n a p p a r t i e n t q u l a c r i t i q u e d e m o n t r e r , a v e c d i s c r t i o n , c o m m e n t

    d a n s u n i n s t a n t n o u v e a u , u n e f o r m e n o u v e l l e s e l v e t r a v e r s l e s r s o n n a n c e

    d u n e f o r m e d c h u e .E l u a r d e t B r e t o n o n t d o n n d e s t i t r e s a u x f r a g m e n t s q u i c o m p o s e n t c e

    l i v r e , e t c e s t i t r e s n e s o n t p a s p r i s d a n s l e m m e n i v e a u m e n t a l q u e l e c o n t e n udes t ex t e s l u i -mme . Appa r t enan t l a sph re de l en t endemen t don t i l e s t dep l u s e n p l u s c l a i r q u e n o s c o n t e m p o r a i n s n e v e u l e n t p a s s o r t i r , i l s m a r q u e n

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    L h o m m e e s t s e u l . T o u t l e s p o i r d a n s l a p l u s g r a n d e m i s r e d u m o n d e . J

    n a l i g n e r a i p a s d e s n o m s p r o p r e s . T o u s l e s h o m m e s r e p r s e n t a t i f s o n t tt r ave r s s de ce t t e v idence , l on t i nca rne de s i n s t an t s d i f f r en t s dud e v e n i r . T o u j o u r s , J u d a s , l e p l u s g r a n d d e s a p t r e s , p l u s g r a n d q u e l

    Chr i s t , pa r ce qu i l t a i t l amour dans son aveug lemen t , e t qu i l n t a i t pai n f r i e u r a u s u p p l i c e q u i l a l l a i t s e c h o i s i r , J u d a s , l e v r a i r d e m p t e u r , p a r c

    qu i l e s t cons id r comme damn e t qu i l a f a i t avec son me e t avec son t e rn i t l e s ac r i f i c e que l e f i l s de l homme n a consomm que dans s a cha i rP l u s p r s d e n o u s , N i e t z s c h e e t s a v r i t b r u m e u s e , r o u e d e m u s i q u e w a g n

    r i e n n e , s o n m a t r i a l i s m e h i s t o r i q u e d o p r e t t e q u i n o u s d o n n a i t d j , i l y

    l ong temps , l e choc du v r a i e t auque l l e s su r r a l i s t e s f a i s a i en t un so r t , auquej im a gin e q u ils fe r a ien t u n s or t en r in t r od u is a n t sa fo l ie da n s l h is t oir e dse s i de s . On ne manque ra pa s d invoque r l e my the de Dyon i sos e t d Apo l lon p r o p o s d e l I m m a c u l e c o n c e p t i o n . E t l e r a p p e l n e s e r a p a s d p l a c ; m a i sr a p p r o c h e m e n t p o u r r a p p r o c h e m e n t , j a i m e m i e u x c i t e r i c i u n o u v r a g e s c i e n

    t i f i q u e q u e B r e t o n e t E l u a r d a v a i e n t d e r r i r e e u x , t a n d i s q u i l s c r i v a i e nl ' immacu le Concep t ion e t que j a i , du mo ins , l a s a t i s f ac t i on de r v l e r c eu

    que l u vre de F r eu d in t r e s se . Ce s t l e T ra um a t i sme de la na i s san ce pa

    le Dr . Ot to Rank .

    La i s sons N ie t z sche , l a i s sons Pasca l , l e s t r e s de s en t imen t qu i n ava i en

    pas de cur e t qu i n on t pa s a im . Les p lu s d t e s t ab l e s de nos ennemis sonc e u x q u i n o u s sont le s m o i n s d i s semblab l e s . I l s nous on t vo l t ou t c e pa

    quo i i l s nous r e s semblen t .

    * **

    Nous ne sommes p lu s dans l e doma ine de l en t endemen t . Que l on m

    p a r d o n n e s i j e t o u c h e , m o n c u r d f e n d a n t d a n s l e l a b y r i n t h e d e c eexp l i ca t i ons qu i l f au t b i en que l un de nous s e r s igne o rdonne r . t r ave r

    c e q u i l a p p e l l e s o n i m a g i n a t i o n , l h o m m e p l o n g d a n s l e t e m p s r o u v r e sc h a i r a u x i m p r e s s i o n s p r n a t a l e s , a u x m o t i o n s m m e d e s a v i e i n t r au t r ine ; e t c es t t r a v e r s e l l e s q u i l v a s e d o n n e r l e c o n t e n u d u m o n d e r ea u s e i n d u q u e l s a v i e s e p o u r s u i t . S e n i a n t l u i m m e d a n s l a n g a t i o n dm o n d e r e l , r e n d a n t s a c h a i r l a c o n s c i e n c e d e l l e m m e , e t l a l u i r e n d a n l a l umi re d une v i e o son e sp r i t n e s t qu e sp r i t , i l donne de s a i l e s so

    imag ina t ion , dcouvre en e l l e l a l umi re mre don t i l e s t l u i mme so r t i , s

    f a i t s o i m m e u n e e x p r e s s i o n d e c e t t e i m a g i n a t i o n c o m m e l e s p a r o l e s m m e

    o el le se rvle .

    Prem ier cercle.

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    l i m a g e d a n s s o n d y n a m i s m e , d a n s s a v r i t e n m o u v e m e n t q u i e s t m y t h e o u

    l g e n d e . Les cha n sons que l e s l avan d i re s s e je t t en t , d une r i ve l au t r e , son t

    tou t ce qu i me t r anspor t e , t ou t ce qu i e s t t r anspor t . . . Vo i l l homme qu i f a i t p r i sonn ie r ce qu i l empr i sonne . I l n y a pas que

    l e f r m i s s e m e n t d e s o n d e s t i n d a n s s a c h a n s o n , m a i s c e q u e c e d e s t i n r e p r

    s en t a i t de p lus hau t e t qu i n t a i t pa s enco re l u i -mme , qu i ava i t be so in dese r a l i s e r t r ave r s l u i .

    E t ma in t enan t l e v i sage de l a f emme appa ra t , l e s eu l ob j e t que l onpeu t vo i r s ans so r t i r de son r ve . Image d un au t r e v i sage qu i e s t en nous e tq u i n o u s r e g a r d e l a i m e r . S e s y e u x r p o n d e n t n o s y e u x q u u n r a y o n t r a v e r s etou t no t r e t r e comme s i nous n t i ons pas au monde . I l n e s t pa s t emps encore

    d e d o n n e r l e s c l e f s d e c e m y s t r e . J e m e c o n t e n t e r a i d e d i r e i c i p o u r q u e l q u e sin i t i s : La vue d un v i sage que n ous a im ons d j ne n ous in t r odu i t pa s d an sun au-de l . Ces t une lumire davant l a v ie qu i l renvoie nos yeux. Nous le

    voyons l eve r en l u i , dans l ha rmon ie de s e s t r a i t s , l e s sou rces de no t r er e g a r d . Q u a n d n ou s l e r eg a r d on s , sa beaut es t en nous e t c es t lu i , no t re

    a m ou r . Cet t e ph ra se - l , j e ne l exp l ique ra i pas ca r e l l e cons t i t ue une exp l i c a t i o n . Me c om p r e n d r o n t le s a m a n t s q u i on t v u , d a n s u n i n s t a n t d e t r a n s p a r e n c eida l e , l a l umi re e l l e -mme ne se r v l e r eux qu t r ave r s t ou t e s l e s t en d r e s s e s d u n v r i t a b l e e m b r a s s e m e n t m a t e r n e l .

    L hom m e n a t , en t r e da ns l e deven i r . I l a pou r so l e i ls l e pas sage del a f l amme l a fume , l a p l a in t e a f fo l e d une b t e t r aque e t l a p r emi re

    gou t t e d eau d un e ave r se . On dcou vre l image d un so le i l cou cha n t dan sl e s eaux d Hrac l i t e .

    J e d i s a i s p l u s h a u t q u t r a v e r s s o n i m a g i n a t i o n , l h o m m e r o u v r a i t s ach a i r au x im pr es s ions p r -na t a l e s . L hom m e es t la fo is , s e lon q u i l s ab an don ne

    s a p e n t e h u m a i n e e t t e m p o r e l l e o u q u i l a i d e l e t e m p s s e c h a n g e r e n

    un vo i l e t r anspa ren t l a l umi re d ou t r e - tombe , l t r e v ivan t e t l t r e d avan ti a v i e au r ega rd duque l t ou t s qu ivau t .

    L h o m m e p o r t e e n l u i , p r o f o n d m e n t i d e n t i f i e s t o u s l e s c h e m i n e m e n t sde son ac t iv i t i n t e l l ec tue l l e l e s pen te s qu i l a dva l es pour ven i r au monde .

    Vo i l qu i me semble , s i impar f a i t emen t que j e l e me t t e en v idence , i naugure ru n e r e n o u v e l l e d a n s l a r e c h e r c h e c o m m e n c e p a r F r e u d , c o n t i n u e p a r O t t oR a n k . P e n s e r , c e s t r e m o n t e r e n e s p r i t a u x s o u r c e s o r g a n i q u e s d e n o t r e r e , yr e n c o n t r e r p a r e x e m p l e s o u s l e s t r a i t s d u n e t r i s t e s s e r o m a n t i q u e c e q u i s u r v i td u n e d o u l o u r e u s e v e n u e a u m o n d e . L a r a l i t d e s s e n s a t i o n s p l u s f o r t e s q u e

    l e t e m p s p a s s e r a d a n s l a v r i t p h n o m n a l e d u m o n d e .

    L h o m m e n a t . L u n i v e r s n o u s a p p a r a t t r a v e r s s a g r a n d e d t r e s s e q u i

    r ve de l a mor t dans l e s yeux des po t e s . Auss i l a r a l i t des choses s e s t - e l l eu n p e u d m e n t i e d j U n r a y o n d e m ie l v ie n t s e c o iffe r d a n s la c h a m b r e

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    l a s o u r c e s e c r t e d e s o n c u r . L e s p u i s s a n c e s d u d s e s p o i r v o n t s e m p a r e rde lu i e t ce nes t qu t ravers la dcouver te de la beaut qu i l devinera qu i l

    e s t t o m b e n i e u r p o u v o i r .Le po te , l homme vivant . S i par fa i tement seu l qu i l s excepte duto t a l . A mid i , que lque fo i s , i l sou r i t douze fo i s . I l sou r i t enco re l a nu i t

    quand i l a peu r . I l pa s se t ou t e s s e s s ensa t ions l e s meno t t e s du sou r i r e .

    D eu x im e cercl e.

    Cet homme v i t , composan t s e lon une vague d i spos i t i on gn ra l e l e s e f f e t sd une fo rce qu i l e t r ave r se e t qu i l e s t peu t - t r e i n t r e s san t de p rendre t e l l equ e l l e s e donne avan t que l e s pu i s sances de l en t endemen t ne l a i en t r ec t i f i e ,

    adap te aux beso ins d une v i e l imi t e . De que l l e s fo rces l homme es t - i l l a p ro i e?

    Forces qu i s a s se rv i s sen t l u i en se Pas se rv i s san t . ( Leur s chansons son tt o u t c e q u i m e t r a n s p o r t e e t q u i e s t p o u r t a n t t r a n s p o r t . )

    Ce t homme don t l e s l avand i re s s e j e t t en t l e nom d une r i ve l au t r e ,c e p e r s o n n a g e f a n t a s t i q u e q u i p a r c o u r t l a t e r r e e n s i m u l a n t l a h a i n e p o u rtout ce qu i l em br asse : Maldor or . P au l Elua r d : (J e n a i j am a is t r ou v ceque j cr i s dans ce que j a ime. ) Cet homme es t l e po te . Les chansons desl a v a n d i r e s s o n t t o u t c e q u i l e t r a n s p o r t e . L eu r s y e u x son t m oin s loin d e lu iq u e l e v a u to u r d e sa p ro i e .

    Retombons , i l l e f au t , un l angage abs t r a i t . Que ces be l l e s f i gu re s d i spa

    r a i ssen t des e ffe t s qu e l les ont p r odu i t s . Que l les se sur v iven t d an s ces p os s e s si on s a u x q u e l le s la m d e c i n e d e v a i t d o n n e r d e s n o m s .

    Avec l essa i de s imula t ion de la dbi l i t menta le , l essa i de s imula t ionde l a man ie a igu , e t c . nous avons p lus i eu r s f i gu re s de l ac t i v i t spon tanee t mach ina l e de l e sp r i t , c e qu i , dans l e co rps a r i en du l angage , cons t i t uel l men t phys ique e t comme ana tomique , une so r t e d a s s i s e s id ra l e , o

    l iv re e l l e -mme , l a pa ro l e s i so l e t o t a l emen t de l huma in .O n c o m p r e n d i c i d e q u e l l e e x t r m e i m p o r t a n c e e s t l a v r a i s e m b l a n c e d e

    c e s t e x t e s . R u s s i s s a n t d u p r e m i e r c o u p d o n n e r l e c h a n g e d e s p s y c h i a t r e s

    i l s ga ran t i s sen t que va l ab l e t a i t l i n tu i t i on des deux po t e s qu i on t t r ouvtous les ta t s de leur fo l ie l or ig ine de leur pense .

    C a r c es t e xt e s s on t p u r s . D a u t a n t p l u s q u u n e x a m e n r a p i d e r v le r a i tq u i l s n e s o n t p a s e n t o u s p o i n t s c o n f o r m e s a u x m o d l e s d o n n s p a r l e sm a n u e l s d e p s y c h i a t r i e , l e s q u e l s e m m a g a s i n e n t l e s exemples e t , de p r f r enceceux qu i s e c l a s sen t s eu l s . L a l i na t ion men ta l e e s t v ivan te dans l e s t ex t e s

    d e 1 Imm acu le conce p t ion , r e p r i s e au cou p d i l g lac du m de c in .I l ne mes t pas poss ib l e de mappesan t i r su r un pa ra l l l e . J e t rouve p lus

    s imple , d a i l l eu r s , de fou rn i r que lques l men t s au l ec t eu r . I l ve r r a o j e

    l e mne . Vo ic i un homme qu i a f a i t un voyage de noces , en I t a l i e , s eu l , avecune va l i s e p l e ine de chausse t t e s b l eues . Ma i s p renons l exemple de l a dmence

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    Laf fa ib li s sem en t de l lan v i ta l e t de l a ffec t iv i t es t l lmen t n cess a i r e e t s u f f i s a n t p o u r c a r a c t r i s e r l a d m e n c e p r c o c e .

    J e n o t e d e s s y m p t m e s : V o t r e m r e v i e n t d e m o u r i r . . .

    Ces t donc qu e l l e a t r ouv une ca se s a d imens ion .

    Dau t r e pa r t , c e que l e s mdec ins appe l l en t a m b i v a l en c e. Ja i peur quonm e tu e , tu ezm oi . (Cec i va t rs lo in ) .

    A ve z v ou s i n j u r i v ot r e p r e ? O u i . Que lu i avez vous d i t ? J e ne l a i pa s i n ju r i .

    Sensa t ion p ro fonde d une a t t e in t e phys ique e t men ta l e d i f f i c i l emen t

    e x p r i m a b l e .

    J a i du n i rvan i s in e , nous pa r lons ensem ble, m a i s c e la m e sem ble ir r e lje su is en d eh or s d e t ou t e p en s e h u m a in e . Ma p en s e est il lu s oir e , e llem

    res t e t r ang re , e l l e e s t f r o ide . . . J e su i s a l i n pa r l a dcadence de l e sp r i t .J e su is c a r i , j a i r ega rd da ns un e g l ace, il ne m e r e s t e p lu s r i en . ..

    S e n s d e s m o t s b e a u c o u p p l u s t e n d u q u e n o r m a l e m e n t . T e r m e s g n r a u xe t a b s t r a i t s e m p l o y s d e p r f r e n c e .

    A u t o m a t i s m e v e r b a l .

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    de son po in t d a r r i ve . E t c e s t en bon d i s c ip l e de Kan t qu i l l ava i t postou t d abo rd .

    Tou t e s t c l a i r dans l exp r i ence su r r a l i s t e . Tou t s y soume t l exe rc i ced u n e r a i s o n p l u s h a u t e e t p l u s n u e q u e c e l l e d e s h o m m e s q u e n o u s r e n c o n t r o n s .L a m o u r , m a i s l ' a m o u r e n d o r m i . T o u t l e m o n d e s e s t r a s s e m b l t r o p t t ,

    r i en n*es t p r t . L homme e t l a f emme qu i s a imen t ne s a imen t pa s a s sez pou rs a s sa s s ine r l a p r e m i re foi s qu i ls s e vo i e n t .

    La t e r r e t ou t en t i r e a ccep t e d t r e l abou r e : e ll e a ccep t e s e s m or t s . Ma is , pa r u ne nu i t pe r p tu e ll e , qu e l e r o s s ign o l s e t a i s e , la fo r t e r e s se

    e s t p r i s e .

    Au commencemen t t a i t l e chan t . Ma i s vo i l l avnemen t de l a nu i t . Led s e s p o i r e n t r e d a n s s a p l n i t u d e .

    Ma i s l e s g r andes fo r ce s de l i nconsc i en t s e souv iennen t du c i e l dans l er e g a r d q u i l e u r o u v r e l e s a i l e s d a n s l a r a l i t v i v a n t e d e s g r a n d s m d i a t e u r s .Ceux dans l t r e de qu i l e verbe es t ac t ion . T r s i m p o r t a n t . C e u x d a n s l t r e

    to t a l emen t vo lu de sque l s i l n y ava i t pa s de p l ace pou r l e dba t p sycho log ique .Les t r e s qu i f o rgea i en t de l eu r s ge s t e s l e de s t i n de ceux qu i l e s r ega rda i en tag i r . Les sa in t s no i r s , jusqu ic i inv is ib les , mais sur l a ra l i t desque ls s en leva i tl a b l ancheu r de s s eu l s que l on a i t cons id r s j u squ i c i , e t en qu i une fo r cede lu m i re s e fa i s a i t r e ine : Sa in t F ra n o is d Ass is e , pa r exem ple .

    E t v o i c i l e s e c r e t : des p a r oles sa n s ch a n son s e m l e n t c e t t e a t m o s p h r ede pira tes . . . . L a p u ret , le s i l en ce d e l a b m e, p er m et t en t au la n ga ge a ssa ssin d e r et ro u v e r sa j eu n es se. .. , l e p o in t d e f o rc e e t d a c t i on o i l es t a b so lu m en t

    l u i -m m e, sa n s q u e r ien n e le n t ra v e ou n e le c o r ro m p e .Je n a i pa s l i n t en t ion de d ve lopp e r c ec i. Que l on l i s e La f em m e

    v is i b l e d e S a l va d or D a l i d u n e p a r t , le m a n i fe s t e i n c or p o r a u p r o g r a m m ede F Age d or d au t r e pa r t .

    J e d i r a i s i m p l em e n t : I l fa u t q u e le m i r o i r n e se c ou v r e p l u s d e b u e . Aum p r i s d e t ou t e g n a l og ie , n o u s s om m e s e n t r s d a n s l a v i e d e l a C o n n a i s s a n c e.

    Ce s t d i r e de l a Cona i s sance . Ce dp lo rab l e j eu de mo t s e s t de Pau l C laude l .I l n e n a pa s m oi n s s a p l a c e ic i. P o u r c e u x q u i t i e n n e n t r e s t e r d a n s l e d o m a i n epu remen t l i t t r a i r e , c e lu i de l exp re s s ion , e t qu i on t pu me su iv r e j u squ i c i ,

    j a jou t e r a i la r em a r q u e ci d e s s ou s q u i a b ien s on d r oit d e cit : A ra gon etB reton son t d e t rs gra n d s p rosa t eu r s . M ais lin v en t eu r d e la p r os e su rra l is t eces t Paul E luard .

    C o n t i n u o n s p o u r c e u x q u i t i e n n e n t t r a n s c e n d e r l e x p r i e n c e l i t t r a i r e .

    M a i s j e n e l e u r c o m m u n i q u e r a i q u e s o u s u n e f o r m e r s u m e l e s r s u l t a t s d e

    m o n e x p r i e n c e .

    Les su r r a l i s t e s , t r ave r s l e s dcouve r t e s s c i en t i f i ques e t b io log iques l e sp l u s r c e n t e s o n t c h a n g l e u r v i s i o n d u m o n d e . D e c h a q u e d c o u v e r t e d m e n t

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    I i s s e son t e f fo r c s de v iv r e s e lon ce t t e v r i t , de l a r e t rouve r sous fo rme

    d e m o b i l e t r a v e r s l e u r p r o p r e a c t i v i t s p o n t a n e . P o u r g a r d e r t o u t e l e u rp u r e t , i l s o n t d d y n a m i t e r l a r e l i g i o n p r o p r e m e n t d i t e . . .

    E t a i t i l nce s sa i r e que ce s ac t i ons r vo lu t ionna i r e s a cce s so i r e s fu s sen te x e r c e s p a r e u x d e p r o p o s d l i b r ? N o n . A t r a v e r s l e u r a c t i v i t s p o n t a n e

    s e f a i s a i t j o u r u n s e n t i m e n t p a n i q u e d e l a v i e q u i n o u s r a m e n a i t a u x j o u r s d el i nnocence an t ique . Tou te fo r ce qu i , pa r l i n t e rmd ia i r e d un in s t i nc t , s exe rcesu r hous , r pond l ex i s t ence d un t r e , v i s ib l e ou i nv i s ib l e , r ep r sen t ou

    ensevel i .

    La d s in t g ra t i on du l angage t a i t l o r ig ine de ce t t e c r i s e de s s en t imen t s

    q u i d e v a i t a b o u t i r l a l i b r a t i o n d e l t r e . L i b r a t i o n q u i e s t o b i s s a n c e a u xd i e u x n o i r s d o n t l e s n o m s s o n t g r a v s d a n s l a c h a i r .

    J e do i s ma r r t e r s ans avo i r f i n i d ana ly se r t ou t e l uvre . J e sp re que l al e c t u r e d e m o n t e x t e m o i p e r m e t t r a que lques hommes d a l l e r j u squ aub o u t d e l i m m a c u l e C o n c e p t i o n . L a p u b l i c a t i o n d e c e l i v r e e s t u n v n e m e n t

    e x c e s s i v e m e n t i m p o r t a n t . E l l e c o n s t i t u e p o u r n o u s t o u s q u i c r i v o n s u n e m i s een demeure l aque l l e nous devons nous e f fo r ce r de r pondre . E l l e e s t , de

    t o u t e s f a o n s , l a p r e m i r e u v r e s u r r a l i s t e e n p r o s e q u i a i t d c o u v e r t l ethme cen t r a l e t l a l o i de l a compos i t i on l aque l l e e l l e deva i t s e p l i e r , e t qu il a i t dcouve r t e dan s les lois m m es de l tre . L e s c h a n t s d e M a l d o r o r r e v i v e n t

    a t r ave r s e l l e , ma i s e l l e nous a r r ache l i n f luence for m el l e qu i l s pouva i en t

    e x e r c e r s u r n o u s .U n m ot e n c or e : on d i r a q u e la d e r n i r e p a r t i e L e ju g e m e n t o r i g in e l

    r p ond de s a ph o r i sm es de Pau l Va l ry . Ce st in exac t . C e s t b i en p lu t t Carac t res dAndr G ide que son con tenu d i a l ec t i que s oppose .

    JOE BOUSQUET.

    Viennent de paratre : J. KRISHNAMURTI : Le Chant de la Vie

    (trad. par C. Suars et Fr. de Miomandre) ; LHomme et le Moi (rd.

    par G. Suars). Aux Editions de lEtoile, 4 Square Rapp, Paris

    iage nts du S tar Publishing T rust).

    Le Grant : Jacques Crespelle.

  • 7/30/2019 Carnet 8 - Octobre 1931, par Carlo Suars

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    L I B R A I R I E

    J O S CORTI6, RUE DE CLICHY - PARIS-IX

    LA REVOLUTION SURREALISTE

    LES CAHIERS DU SUD

    L E G R A N D J E U

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